TITRE II - MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Section 1 - Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances

Article 16 (art. L. 121-14 à L. 121-18 du code de l'action sociale et des familles)
Création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances

Objet : Cet article crée une nouvelle institution, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui devra, pour partie, reprendre les missions et moyens de divers organismes et administrations existants et permettre une clarification institutionnelle dans les domaines de l'intégration, de la politique de la ville et de l'égalité des chances.

I - Le dispositif proposé

L'objectif de la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est, selon l'exposé des motifs du projet de loi, de « répondre à la volonté d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles, aux côtés de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, pour être l'interlocuteur des maires sur les questions relatives aux quartiers sensibles ».

L'idée du Gouvernement est en effet de donner un pendant « humain » à l'Anru qui a pour mission essentielle de travailler sur le « dur », c'est-à-dire les logements, les équipements, les quartiers.

La création de la nouvelle agence est donc en grande partie réalisée sur le modèle de l'Anru, dont les premiers mois de fonctionnement apparaissent largement positifs, tant du point de vue de la mobilisation des acteurs concernés que des résultats déjà obtenus.

C'est pourquoi, la nouvelle agence aura, parmi ses missions, la mise en oeuvre d'actions en faveur des habitants résidant dans les zones urbaines sensibles (Zus), c'est-à-dire en direction des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le deuxième axe d'intervention de l'agence sera orienté autour de l'intégration et de la lutte contre les discriminations et concernera l'ensemble des territoires.

Compte tenu des compétences et de l'expérience accumulée par le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) dans ce domaine, le Gouvernement a décidé d'en faire le socle sur lequel sera créée la nouvelle agence.


Historique du Fasild

1958 - Le FAS algérien

Institué au coeur du conflit algérien par ordonnance du 29 décembre 1958, sous l'intitulé Fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leurs familles , le FAS a alors pour mission « une action sociale familiale en faveur des salariés français musulmans travaillant en France métropolitaine ». Il inscrit son intervention dans le cadre du « Plan de développement économique et social en Algérie » (Plan de Constantine), en la répartissant de part et d'autre de la Méditerranée (1/3 en métropole, 2/3 en Algérie, aux termes d'un arbitrage du Premier ministre de mars 1959).

1964-1983 - Une ère de changements

Au cours de cette période, le FAS change trois fois d'intitulé :

En 1964, le FAS devient le Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers .
La compétence, maintenue au profit des travailleurs devenus algériens, est étendue à « l'ensemble des travailleurs étrangers venant travailler en France à titre permanent ». Sa mission consiste en la mise en oeuvre de « programmes annuels d'action sanitaire et sociale ».

En 1966, le FAS devient le Fonds d'action sociale pour les travailleurs migrants . Sa compétence est doublement étendue. D'une part « aux travailleurs étrangers venant occuper en France un emploi à titre temporaire », d'autre part, à « des groupes sociaux posant des problèmes d'adaptation sociale analogues à ceux des travailleurs étrangers, quel que soit leur statut du point de vue de la nationalité ». La mission porte sur la mise en oeuvre de «  programmes d'action sanitaire et sociale ». Elle ajoute une nouvelle fonction, l'accueil, placée en tête des champs d'intervention.

A partir de 1976, le FAS cesse d'aider à l'investissement en matière de logement qui est transféré aux structures du 1 %. Cette rupture constitue une étape importante permettant au FAS de mettre en oeuvre une politique active à l'égard du domaine « socioculturel ».


1983 - La construction de la catégorie immigrée

À partir de 1983, le FAS devient le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles . Le retour affiché à la dimension familiale des migrations de main d'oeuvre, ainsi que la substitution des termes « immigrés » aux termes « étrangers » puis « migrants » marquent l'intention de prendre en compte l'installation durable en France et introduit une dimension générationnelle à la mission de l'établissement. S'il intervient toujours par la mise en oeuvre de « programmes sociaux », le FAS a désormais pour mission « de concourir à l'insertion sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles ». Le conseil d'administration du FAS intègre des personnalités appartenant aux « communautés immigrées » parmi les plus importantes en France, tandis que sont également mises en place des commissions régionales pour l'insertion des populations immigrées qui sont consultées sur le programme régional d'insertion des populations immigrées.

1986-1990 - L'apparition de la lutte contre les discriminations

Le décret du 1 er décembre 1986 et sa circulaire d'application préconisent « l'insertion sociale et professionnelle des travailleurs étrangers et de leurs familles et le retour volontaire de travailleurs étrangers dans leur pays d'origine », précisant que le FAS « est un outil de la politique d'immigration et qu'il doit être à même d'intervenir dans tous ses aspects - y compris celui de la réinsertion ».

Dans le décret du 14 février 1990, les missions du FAS sont précisées comme suit : « favoriser au niveau national comme au niveau local l'insertion sociale et professionnelle des travailleurs immigrés et de leurs familles par la mise en oeuvre d'une action sociale et familiale », « concourir à des projets de retour volontaire de ces travailleurs dans leur pays d'origine ». L'établissement peut traiter des questions relatives à l'accueil, l'action éducative, la formation et l'emploi, le logement des familles et des personnes isolées, le développement social, les actions d'insertion sociale et la lutte contre toutes les formes de discrimination.

2001 - Le FAS devient le Fasild

Le FAS, conçu pour mettre en oeuvre une action sociale, voit sa mission redéfinie vers le soutien à l'intégration des personnes immigrées ou issues de l'immigration et la lutte contre les discriminations raciales dont elles pourraient être victimes. Les publics ne sont plus limités aux immigrés selon le critère de la nationalité, mais plus généralement aux personnes immigrées ou issues de l'immigration ainsi qu'à la société d'accueil. L'intégration et la lutte contre les discriminations constituent désormais la mission du FAS qui devient le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild). Le financement de l'établissement par le budget de l'État, à compter de 2001, garantit en outre l'existence d'un débat sur la politique d'intégration et la lutte contre les discriminations devant la représentation nationale.

2003 - Les cinquante-cinq mesures pour l'intégration

Le 10 avril 2003, le Comité interministériel à l'intégration (CII) présidé par le Premier ministre, décide cinquante-cinq mesures pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Le Fasild est mobilisé sur quarante-cinq d'entre elles.

2004 - 2005 - La définition des missions du Fasild

Le plan de cohésion sociale présenté par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et la loi de programmation de cohésion sociale du 18 janvier 2005 confirment les missions du Fasild, qui est par ailleurs mobilisé sur l'accueil des personnes primo-arrivantes, notamment en matière d'apprentissage du français, et sur les programmes régionaux d'insertion des populations immigrées (PRIPI).

Ainsi, le présent article remplace les deux articles du code de l'action sociale et des familles relatifs au Fasild par cinq nouveaux articles traitant de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. La nouvelle agence sera donc inscrite dans le code de l'action sociale et des familles , juste après les dispositions relatives à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem).

L'article L. 121-14

Le premier alinéa dispose que l'agence est un établissement public national à caractère administratif et que ses missions sont : la mise en oeuvre d'actions en faveur des habitants des Zus, la contribution à la lutte contre l'illettrisme, la mise en oeuvre d'actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle, un concours à la lutte contre les discriminations, l'intégration des populations immigrées résidant en France.

Le deuxième alinéa prévoit que l'agence peut accorder des concours financiers aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés qui conduisent des opérations concourant à ces objectifs, en passant des conventions pluriannuelles avec les destinataires de ces subventions.

Le troisième alinéa précise que l'agence peut mener directement toute action de nature à favoriser la cohésion sociale et l'égalité des chances.

L'article L. 121-15

Cet article détermine le mode d'administration de l'agence.

Au niveau national, l'agence est administrée par un conseil d'administration et un directeur général nommé par l'Etat. Le conseil d'administration est composé pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié de représentants des partenaires sociaux, des collectivités territoriales, des caisses nationales de sécurité sociale ainsi que de personnalités qualifiées.

Au niveau départemental, les préfets sont les représentants départementaux de l'agence. Ils signent les conventions pour le compte de l'agence et concourent à la mise en oeuvre et au suivi local de ces conventions.

L'article L. 121-16

Comme cela est prévu pour le Fasild aujourd'hui, l'agence pourra recruter, pour l'exercice de ses missions, des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée.

L'article L. 121-17

Cet article définit les ressources dont pourra disposer l'agence : des subventions de l'Etat, des concours des fonds structurels de l'Union européenne, des subventions de la Caisse des dépôts et des consignations, ainsi que, dans le cadre de conventions, des contributions des caisses nationales de sécurité sociale et d'autres établissements publics.

L'article L. 121-18

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les règles d'organisation et de fonctionnement de l'agence.

II - Les modifications considérées comme adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a principalement cherché à clarifier les missions de l'agence.

Ainsi, à l'article L. 121-14, les six missions qui seront assignées à l'agence sont à la fois mieux précisées et hiérarchisées . Elles se rapportent à :

- la contribution, sur le territoire national, à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle ;

- la participation à des opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

- la mise en oeuvre d'actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France ;

- le concours à la lutte contre les discriminations ;

- la contribution à la lutte contre l'illettrisme ;

- la contribution à la mise en oeuvre du service civil volontaire (cette mission n'était pas mentionnée dans le projet initial, alors qu'elle fait l'objet d'une disposition particulière à l'article 28).

De ce fait, les deux orientations stratégiques actuelles du Fasild sont clairement reprises, à savoir le soutien à l'intégration des populations immigrées et la lutte contre les discriminations.

L'Assemblée nationale a également réécrit l'alinéa relatif au mode d'intervention de l'agence, en précisant que ses actions sont soit menées directement, soit sous la forme de subventions aux collectivités territoriales, aux EPCI compétents et aux organismes publics ou privés actifs dans ce domaine. Un amendement extérieur retenu par le Gouvernement dans le texte transmis au Sénat spécifie que les organismes mentionnés comprennent notamment les associations.

Et de fait, le soutien à l'initiative associative, moyen d'action privilégié du Fasild - plus de 85 % des subventions octroyées -, constitue un levier puissant, favorisant la participation des habitants, créant ou maintenant le lien social dans les quartiers : 4.474 associations et organismes ont bénéficié des subventions du Fasild en 2004.

Sur le mode d'administration de l'agence , inscrit à l'article L. 121-15, les modifications de l'Assemblée sont au nombre de trois :

- seul le directeur général sera nommé par l'Etat et non le conseil d'administration dans son ensemble, comme cela était prévu, sans doute par erreur ;

- parmi les membres du conseil d'administration figureront des représentants des organismes régis par le code de la mutualité et des organismes consulaires ;

- le délégué départemental de l'agence sera le représentant de l'Etat dans le département, formule plus précise que la mention du seul préfet ; il se verra assigner, outre la mise en oeuvre et le suivi des conventions passées localement, l'évaluation de celles-ci.

III - La position de votre commission

Face à cette réorganisation institutionnelle des acteurs des politiques d'intégration et de la ville, votre commission souhaite formuler un certain nombre d'observations relatives :

à la clarification opportune des missions de l'agence par l'Assemblée nationale

Votre commission se félicite du travail de rédaction effectué à l'Assemblée nationale qui fournit une meilleure définition des missions de l'agence, organise un ciblage territorial de ses actions, cohérent avec celui de la politique de la ville, et permet même d'anticiper un rôle plus large pour l'agence dans le domaine très vaste de la cohésion sociale.

aux incertitudes quant à l'organisation locale de l'agence

Le texte mentionne uniquement les représentants de l'Etat dans les départements au titre de l'organisation locale de l'agence. Or, le Fasild mène actuellement toute son action locale à travers les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Crild), dont la présidence est assurée par le préfet de région, et ses délégués régionaux. Le Gouvernement semble vouloir maintenir cet échelon régional, mais qu'en sera-t-il réellement ?

Par ailleurs, six préfets délégués à l'égalité des chances ont été récemment nommés dans les départements des Bouches-du-Rhône, de l'Essonne, du Nord, du Rhône, de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise. Quel sera leur rôle à l'égard de l'agence ?

Enfin, ne conviendra-t-il pas d'associer aux actions locales de l'agence les actuels chargés de mission territoriaux de la Délégation interministérielle à la ville (Div) ? Cela se justifierait d'autant plus qu'il semble d'ores et déjà prévu d'inscrire des crédits du Fonds d'intervention pour la ville (Fiv) parmi les ressources de l'agence.

à l'articulation avec l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI)

Si l'avant-projet de loi avait prévu que la nouvelle agence absorbe l'ANLCI, cela ne figure plus dans le texte qui a été soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat. Le Gouvernement semble en effet avoir pris en compte les particularités de cette agence, groupement d'intérêt public interministériel créé en octobre 2000, et la force de son maillage territorial et de sa capacité à travailler en réseau.

Néanmoins, comme la lutte contre l'illettrisme fait partie des missions qui sont assignées à la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, il importera de bien articuler l'action de celle-ci avec l'ANLCI. La signature d'une convention entre les deux agences serait sans doute opportune afin d'éviter les empiètements de compétences et favoriser une meilleure efficacité globale du dispositif destiné à lutter contre l'illettrisme.

à la nécessité d'envisager une poursuite de la fédération des moyens dans le domaine de l'égalité des chances et de l'intégration

La création de l'agence a pour objet de permettre une meilleure coordination de missions qui sont jusqu'à présent dispersées entre divers organismes ou administrations. Construite sur le modèle de l'Anru, elle devrait avoir un effet mobilisateur et fédérateur.

Il parait toutefois légitime de s'interroger sur la nécessité d'un plus vaste regroupement institutionnel. Le lien avec la Div se pose de façon évidente. Il en est de même pour la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact).

Votre commission vous demande d'adopter cet article sous réserve d'un amendement portant sur la structure du code de l'action sociale et des familles, de deux amendements rédactionnels et d'un amendement de précision.

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