Section 3 - Actions en faveur de la cohésion sociale et lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel

Article 23 (articles 3-1, 28, 33-1, 43,11 et 45,2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986)
Actions de cohésion sociale et lutte contre les discriminations à la télévision et à la radio

Objet : Cet article assigne au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) la mission de participer aux actions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations.

I - Le dispositif proposé

A. Le contexte général

La télévision et la radio sont, avec l'école et le monde du travail, au coeur de la vie quotidienne des Français. Il est donc important et normal que s'y traduise aussi la diversité de la société française.

Or, dans ce domaine particulièrement « visible » et sensible, on constate un décalage profond entre la réalité de la société et sa représentation.

Toutefois, depuis quelques années, on assiste à une meilleure prise de conscience de cet état de fait. Des initiatives sont venues tenter de corriger l'insuffisante prise en compte de la diversité de la société française par les médias.

Le CSA s'est saisi de cette question dès l'automne 1999 et a progressivement mis au point un corpus de règles à respecter par les chaînes de télévision et de radio.


Les principales actions du CSA en faveur de la représentation
de la diversité à l'antenne

5 octobre 1999 : le Conseil reçoit en assemblée plénière le Collectif Egalité.

25 octobre 1999 : le Conseil écrit aux chaînes sur ce thème.

4 novembre 1999 : le Conseil écrit à Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, pour demander un aménagement du cahier des missions et des charges des chaînes publiques sur ce sujet.

15 décembre 1999 : avis du CSA sur le projet de décret pour la modification du cahier des missions et des charges des chaînes publiques dans lequel il déplore « qu'aucune référence ne soit faite à la représentation à l'antenne des différentes composantes de la communauté nationale » .

16 mai 2000 : avis du CSA sur le nouveau projet de décret modifiant le cahier des missions et des charges des chaînes publiques qui précise que, pour donner toute son efficacité aux dispositions envisagées, il conviendrait de prévoir « la représentation à l'antenne » des différentes composantes de la communauté nationale.

juin 2000 : publication dans La Lettre du CSA de la première étude quantitative sur le sujet.

2001 : renégociation des conventions de TF1 et de M6, avec intégration de nouvelles stipulations sur la diversité des origines à l'antenne.

25 novembre 2003 : réunion avec le Haut conseil à l'Intégration au cours de laquelle le CSA s'engage sur les quatre points suivants :

- demander un rapport annuel aux chaînes ;

- demander l'alignement des textes applicables aux chaînes publiques sur ceux des chaînes privées ;

- établir des comparaisons avec les pays étrangers ;

- organiser conjointement un colloque.

17 décembre 2003 : lettre du Conseil au ministre de la culture et de la communication, Jean-Jacques Aillagon, demandant l'alignement des dispositions des cahiers des missions et des charges des chaînes publiques sur celles des conventions des chaînes privées.

30 janvier 2004 : le Conseil écrit à l'ensemble des chaînes pour leur demander un bilan sur le sujet.

26 avril 2004 : organisation, en partenariat avec le HCI, du colloque « Ecrans pâles ? Diversité culturelle et culture commune dans l'audiovisuel », à l'Institut du monde arabe à Paris. Discours d'ouverture par le président du CSA.

avril 2004 : publication, dans La Lettre du CSA, d'un dossier sur les dispositions adoptées dans plusieurs pays sur la représentation de la diversité des origines à la télévision.

18 mars 2005 : avis du CSA sur le cahier des missions et des charges de France 4 et nouvelle demande en faveur de l'alignement des cahiers des missions et des charges.

22 novembre 2005 : le président du CSA participe à la réunion organisée par le Président de la République en faveur d'une meilleure représentation de la diversité de la communauté nationale dans les médias.

décembre 2005 : publication, dans La Lettre du CSA, d'un dossier sur la représentation de la diversité des origines à la télévision.

Le dossier récemment publié par le CSA et constitué à partir des rapports d'activité annuels des chaînes montre que toutes les chaînes hertziennes sont aujourd'hui conscientes de la responsabilité qui leur incombe dans le domaine de la cohésion sociale et de la représentation de la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale.

La plupart convient aussi d'une insuffisante diversité sur les antennes. Toutefois, si ces diffuseurs souhaitent mieux refléter la dimension pluriculturelle de la société française, ils refusent le principe de la discrimination positive ou l'instauration de quotas, de même que la création de médias à caractère communautaire.

Pour faire évoluer la situation, les chaînes publiques ont lancé, en janvier 2004, un plan d'action positive pour l'intégration , suivi et coordonné par un délégué à l'intégration et à la diversité, au sein de la holding France Télévisions. Le plan comporte deux volets, l'un consacré aux contenus afin d'offrir une meilleure visibilité de la diversité, l'autre concernant les ressources humaines, afin d'ouvrir davantage aux populations d'origine extra-européenne l'accès aux métiers de la télévision et la promotion des talents.

C'est dans ce contexte que le Président de la République a voulu faire le point avec les responsables des chaînes nationales de télévision sur « la représentation à l'antenne de la diversité de la société française ». A l'issue de la rencontre qui s'est tenue le 22 novembre 2005 au Palais de l'Elysée, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures « en faveur de la cohésion sociale et destinées à lutter contre les discriminations dans le secteur audiovisuel » :

- l'inscription des actions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations dans les objectifs, les missions et les obligations du Conseil supérieur de l'audiovisuel : il s'agit de renforcer l'action entreprise par cette instance de régulation pour donner l'image la plus réaliste possible de la société française dans toute sa diversité en conférant à cette action la base légale qui lui fait aujourd'hui défaut ;

- la modification dans le même sens des cahiers des charges des chaînes publiques afin de renforcer les dispositions en faveur de la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations ;

- la création auprès du Centre national de la cinématographie d'un fonds spécifique doté de 10 millions d'euros pour financer les oeuvres qui contribuent à la cohésion sociale ;

- la diffusion de France Ô (du réseau France-outre-mer RFO) par voie hertzienne terrestre en mode numérique en Ile-de-France ; à cette fin, l'Etat préemptera la fréquence de diffusion nécessaire.

Le présent article introduit dans la loi les modifications appelées par la première de ces mesures.

B. La mesure proposée

Le paragraphe I modifie la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sur trois points :

- le 1° procède à une adaptation des missions du CSA

Il est proposé de compléter l'article 3-1 de la loi, qui définit les missions du CSA, par un nouvel alinéa, précisant que le CSA « contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations » . A cet effet, il doit veiller à ce que les programmes reflètent la diversité de la société française. Il doit aussi rendre compte, dans son rapport annuel, de l'action des chaînes de radio et de télévision dans ce domaine ;

- les 2° et 3° inscrivent les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations parmi les éléments qui doivent figurer dans les conventions que conclut le CSA avec les éditeurs de services privés, conformément aux articles 28 et 33-1 de la loi de 1986.

Le paragraphe II rend les dispositions de l'article applicables aux collectivités françaises d'outre-mer : Mayotte, Wallis et Futuna, Terres australes et antarctiques françaises, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie.

II - Les modifications considérées comme adoptées par l'Assemblée nationale

Le CSA a été saisi pour avis de ces dispositions. Il en a délibéré au cours de son assemblée plénière du 4 janvier 2006 et son avis a été publié au Journal officiel du 17 janvier.

En s'appuyant sur cet avis, les amendements de l'Assemblée nationale retenus par le Gouvernement ont procédé à deux modifications ponctuelles de la nouvelle mission confiée au CSA et introduit deux extensions :

- il est précisé que la contribution du CSA à la politique de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations s'exerce dans le seul domaine de la communication audiovisuelle , de façon à bien inscrire cette nouvelle mission dans le champ de compétences du CSA ;

- pour éviter toute ambiguïté, la formulation selon laquelle « les programmes » doivent refléter la diversité de la société française est légèrement modifiée : il s'agira d'une exigence pour « la programmation » des chaînes « compte tenu de la nature de leurs programmes » ;

- les sociétés nationales de programme et Arte France sont placées à égalité avec les chaînes privées ; il est expressément inscrit à l'article 43-11 de la loi que, parmi les missions de service public de ces chaînes, figurera désormais la mise en oeuvre d'actions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations, ainsi que la proposition d'une programmation reflétant la diversité de la société française ;

- ces mêmes objectifs sont assignés à La Chaîne Parlementaire afin de ne pas la tenir à l'écart de ces enjeux et de la soumettre aux mêmes règles que celles imposées aux éditeurs publics et privés par le projet de loi.

III - La position de votre commission

Votre commission se félicite des modifications judicieuses apportées par l'Assemblée nationale à cet article, en plein accord d'ailleurs avec le CSA.

Il est désormais clairement affirmé dans la loi que tout le secteur audiovisuel - radio comme télévision, éditeurs publics comme éditeurs privés - doit participer à la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations et que le CSA a pour mission d'y veiller.

Il importe maintenant que cette nouvelle priorité ne reste pas à l'état de principe mais qu'elle soit réellement mise en oeuvre par les acteurs concernés.

Votre commission voudrait néanmoins faire deux observations :

- la première porte sur l'application de ces dispositions dans les collectivités françaises d'outre-mer où, la situation étant différente, le CSA devra s'adapter et aura sans doute à apprécier la représentation de la diversité d'une autre manière ;

- la seconde est relative à la lutte contre les discriminations qui ne se limite pas à l'amélioration de la représentation ou de la promotion des personnes d'origine extra-européenne mais également à celles d'autres catégories de la population comme, par exemple, les personnes handicapées .

Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission vous demande d'adopter cet article .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page