F. AUDITION DE MME FRANCINE BLANCHE, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRALE, M. MOHAMMED OUSSEDIKH, MEMBRE DE LA COMMISSION EXÉCUTIVE ET MME FRANÇOISE RIOU, CONSEILLÈRE CONFÉDÉRALE, DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL (CGT)

Mme Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT, a d'abord jugé le projet de loi très insuffisant pour assurer une réelle égalité des chances. Elle a également regretté l'absence de concertation sur ce texte examiné en urgence.

Sur l'apprentissage junior, elle s'est déclarée totalement opposée à la remise en cause de l'âge de la fin de la scolarité obligatoire, un contrat de travail ne devant pas être signé avant l'âge de seize ans. Elle s'est élevée contre les pratiques abusives de l'apprentissage permettant le travail de nuit, le dimanche et les jours fériés, ce qui est inacceptable pour des jeunes de moins de seize ans. Elle a en outre souligné les difficultés actuellement rencontrées pour trouver des stages en entreprise dans le cadre de l'apprentissage. Elle a estimé que l'apprentissage junior revient à renoncer au collègue unique, alors que la CGT y est favorable, car la poursuite du parcours scolaire le plus loin possible est une meilleure garantie pour l'accès au marché du travail. Elle a enfin constaté que ce projet a été rejeté par le Conseil supérieur de l'éducation, qui l'a qualifié de « recul historique ».

Sur les zones franches urbaines (ZFU), elle s'est déclarée opposée aux exonérations de charges, qui n'apportent aucune solution à la pauvreté ni à l'emploi. Elle a estimé qu'on répond à l'exclusion par une nouvelle exclusion. La solution est au contraire de responsabiliser les acteurs, notamment les pouvoirs publics, par un redéploiement des services publics dans ces zones et par la mise en place d'une politique de revitalisation du territoire qui serait à la fois communautaire et solidaire.

Mme Francine Blanche a fait part de son étonnement sur l'intégration du Fasild à la nouvelle Agence de la cohésion sociale et sur la remise en cause de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI). Elle a rappelé que le Fasild avait des missions importantes en matière d'intégration et de lutte contre les discriminations et elle a regretté l'ampleur des incertitudes qui pèsent sur l'organisation administrative et financière et le statut des personnels de la nouvelle agence. Elle a insisté sur la priorité de la promotion de l'accès pour tous aux droits fondamentaux que sont notamment l'emploi et le logement. Le chantier des discriminations dans l'entreprise est important et la mesure proposée de légalisation du testing paraît un peu anecdotique dans ce contexte, de même que la mise en place du CV anonyme.

Elle s'est élevée contre la mesure permettant d'envisager une suspension des allocations familiales en cas d'autorité parentale défaillante. Elle a rappelé que les prestations familiales sont un droit attaché à l'enfant et que l'on ne peut régler le problème de cette façon. En effet, de nombreuses familles sont confrontées à des difficultés complexes de travail et de transports auxquelles il ne serait pas raisonnable d'ajouter des difficultés financières. Il paraîtrait plus judicieux d'accélérer les négociations sur le temps partiel et la pénibilité du travail. Elle a souligné que ce débat a déjà eu lieu en 2002 et qu'une unanimité contre la suppression des allocations familiales était alors apparue. Pour régler les problèmes de l'absentéisme scolaire et des incivilités à l'école, une réelle politique de prévention serait plus utile.

M. Michel Esneu a regretté le rejet en bloc de l'apprentissage à quatorze ans, considérant qu'il ne faut pas raisonner uniquement en termes de grandes entreprises, car les jeunes qui s'intègrent dans les petites entreprises trouvent souvent une bonne solution aux difficultés qu'ils rencontrent dans le cadre scolaire. Il a insisté sur le rôle utile de l'alternance.

M. Jean-Pierre Godefroy a estimé que l'apprentissage à quatorze ans ne peut être une réponse aux nécessités d'avenir. Il s'est interrogé sur l'incompatibilité du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés avec le suivi d'une scolarité et avec le principe de l'égalité des chances. Cette nouvelle formule risque de créer des discriminations scolaires et professionnelles. Il s'est demandé si la rémunération de l'apprentissage ne constitue pas une désincitation à la scolarisation. Il a souligné que l'adaptation à différents métiers et à la technologie nécessite une formation de base solide et qu'un apprentissage trop précoce risque d'enfermer les jeunes dans certains métiers aux perspectives incertaines. Il a souhaité connaître l'avis de la CGT sur la réalité des discriminations ethniques dans l'apprentissage et sa position sur le service civil volontaire.

M. Roland Muzeau a insisté sur l'ampleur des discriminations à l'accès à l'emploi. Il a pris l'exemple de sa commune, où la moitié de la population relève des « minorités visibles » et où l'on constate des obstacles importants à l'embauche y compris pour les personnes qualifiées, voire très qualifiées. Il a souhaité savoir si le projet de loi apporte une réponse à ce problème des discriminations et quelles auraient été les propositions de la CGT si la consultation syndicale avait eu lieu.

M. André Lardeux a émis des réserves sur le collègue unique. Il s'est demandé si le fonctionnement actuel de la carte scolaire ne conduit pas à l'organisation de véritables ghettos scolaires.

M. Bernard Seillier a estimé que l'idée de coordonner les actions en matière d'égalité des chances au sein d'une agence unique est une bonne idée, mais il a reconnu que les responsables et le personnel de la délégation interministérielle à la ville (Div), du Fasild et de l'ANLCI avaient été surpris par l'annonce du Gouvernement.

Mme Francine Blanche a rappelé les nombreux efforts entrepris au cours des dernières années pour décloisonner et revaloriser l'apprentissage, y compris au niveau ingénieur, et que cela allait dans le bon sens. Avec l'apprentissage junior, on recloisonne ce mode de formation et on semble le cibler sur les jeunes des quartiers difficiles. Elle a reconnu que dans les petites entreprises, le tutorat est mieux exercé que dans les grandes entreprises. Elle a ajouté que l'augmentation de la taxe pour les grandes entreprises ne sert à rien, car celles-ci peuvent payer même sans recruter davantage d'apprentis.

Elle est convenue des difficultés actuelles de la carte scolaire, mais elle a insisté sur le fait que les problèmes dans les quartiers sont en grande partie dus aux questions de mixité dans le logement. Dans le domaine de la lutte contre les discriminations, beaucoup de travail reste à faire, en particulier au stade de l'embauche. Une négociation a commencé avec le Medef sur ces questions.

Mme Françoise Riou est intervenue en sa qualité d'administratrice du Fasild. Elle a souligné les inquiétudes soulevées par l'annonce de la mise en place de la nouvelle Agence de la cohésion sociale et les incertitudes qui pèsent sur le traitement des problèmes d'intégration des étrangers et de l'illettrisme.

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