III. RÉDUIRE LA FRACTURE SOCIO-ETHNIQUE

A ces inégalités d'accès à l'emploi dues à l'âge et aux ségrégations territoriales s'ajoute aussi une fracture socio-ethnique.

Cette catégorie d'inégalités est moins facilement mise en exergue que les deux premières, de nombreux tabous devant être levés pour permettre une évocation concrète, précise et dépassionnée de la question.

A. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS : UNE PRIORITÉ

Les auditions menées par votre rapporteur et la lecture de diverses études récentes traitant de cette question montrent que les discriminations sont importantes et réelles dans notre pays. Elles sont toutefois méconnues et peu combattues. Elles atteignent pourtant une ampleur qui rend indispensable que l'on prenne aujourd'hui des mesures fortes à leur endroit.

1. Un phénomène important mais difficile à appréhender

Les discriminations se retrouvent dans tous les secteurs de la vie quotidienne, notamment l'emploi, le logement, les sorties et loisirs (accès aux restaurants, discothèques, clubs de sport, etc.).

L'un des domaines dans lesquels ces discriminations commencent à être précisément mesurées est celui de l'emploi. A cet égard, la dernière étude publiée par l'Observatoire des discriminations est très révélatrice.

En février et mars 2005, l'Observatoire a répondu à 325 offres d'emploi, en envoyant chaque fois six curriculum vitae correspondant aux six profils suivants :

1 Un homme blanc de peau, CV de référence ;

2 Un homme blanc de peau, handicapé ;

3 Un homme de couleur originaire des Antilles ;

4 Un homme obèse ;

5 Une femme d'origine maghrébine, CV amélioré ;

6 Un homme âgé de cinquante ans.

Les deux premiers candidats obtiennent à eux seuls plus de la moitié des réponses positives. Trois candidats obtiennent des scores très significativement inférieurs aux trois autres : le candidat obèse, la candidate d'origine maghrébine et le candidat de cinquante ans.

D'autres expériences ont également été menées. Elles aboutissent toutes à la mise en lumière de très nettes discriminations liées, le plus souvent, à la couleur de la peau, au patronyme, à l'adresse, au lieu de naissance, sans parler naturellement des handicaps, mais sur cet aspect des choses, votre commission a déjà présenté maintes fois sa position.

2. Les solutions du projet de loi

L'exposé des motifs du projet de loi mentionne explicitement ces discriminations. Deux mesures principales viennent y apporter une réponse :

le renforcement des pouvoirs de la Halde

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, créée par la loi du 30 décembre 2004, se voit dotée d'un pouvoir de sanction qu'elle exercera lorsqu'elle constatera des faits constitutifs d'une discrimination directe au sens de l'article premier de la loi, c'est-à-dire en cas de discrimination prohibée par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie. Ces discriminations sont celles fondées sur l'origine, le sexe, le handicap, l'orientation sexuelle ou l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

La sanction intervient à l'issue d'une procédure contradictoire et aux termes d'une décision motivée. Son montant ne peut dépasser 5.000 euros s'il s'agit d'une personne physique et 15.000 euros s'il s'agit d'une personne morale. Elle est prononcée sans préjudice des poursuites pénales susceptibles d'être engagées par le procureur ou la victime. En outre, la Haute Autorité peut accompagner ces sanctions d'une obligation d'affichage ou de diffusion.

Il faut espérer que ce nouveau pouvoir permettra à la Halde de prendre toute la mesure de ses compétences. Sa création a fait naître de très grandes attentes, à la hauteur des discriminations constatées dans notre pays mais encore insuffisamment combattues.

Le contentieux des discriminations est en effet très peu développé : on compte seulement une quarantaine de condamnations pénales par an. Au cours de sa première année de fonctionnement, la Halde a reçu 1.377 réclamations, dont 38 % concernent des discriminations à raison de l'origine nationale, raciale ou ethnique et 45 % sont liées à l'emploi.

La suite qui sera donnée à ces réclamations et l'application, le cas échéant, d'une sanction pécuniaire, assortie ou non d'un affichage, devraient permettre enfin de sanctionner des comportements d'exclusion inacceptables.

la légalisation de la pratique du testing

Cette pratique des vérifications à l'improviste existe depuis de nombreuses années en Angleterre et plus récemment en Allemagne, en Belgique et en Italie.

Dans le domaine du travail, la méthode du testing est très adaptée pour mettre en évidence des phénomènes de discrimination à l'embauche. Elle consiste à répondre à des offres d'emploi en envoyant des candidatures (CV et lettres) qui sont relativement similaires et qui ne diffèrent que par une seule caractéristique : la variable à tester.

Le projet de loi propose de légaliser la pratique du testing comme moyen de preuve au pénal de pratiques discriminantes. Cette disposition, dont les modalités de mise en oeuvre sont bien encadrées, est un élément de plus dans la lutte contre les discriminations mais elle ne fait en réalité que transposer une jurisprudence de la Cour de cassation.

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