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Rapport n° 260 (2005-2006) de M. Louis de BROISSIA , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 15 mars 2006

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N° 260

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mars 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive modifiant la directive visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l' exercice d' activités de radiodiffusion télévisuelle (E 3038),

Par M. Louis de BROISSIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir le numéro :

Sénat : 179 (2005-2006)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors qu'un débat intense a précédé le référendum sur la Constitution européenne, force est de constater que c'est dans un silence assourdissant que s'est déroulé le processus de révision de la directive 89-552 dite « Télévision sans Frontières ».

Ce texte est pourtant d'une importance capitale pour au moins deux raisons : il définit, depuis son adoption en 1989, le socle réglementaire commun aux pays membres de l'Union européenne en matière d'audiovisuel ; il constitue ensuite l'une des principales armes de défense de la « diversité culturelle » pour laquelle la France s'est toujours battue à l'échelle internationale.

Estimant que l'importance des évolutions envisagées par la Commission européenne justifiait une intervention parlementaire, la Délégation pour l'Union européenne a pris l'heureuse initiative de déposer, en application de l'article 73 bis du Règlement du Sénat, une proposition de résolution.

Alors que les enjeux culturels et économiques du développement du secteur audiovisuel croissent parallèlement aux bouleversements des techniques de communication, il appartient à votre commission de participer à ce débat majeur et de définir, entre fermeté et réalisme, les priorités qu'elle souhaite voir prises en compte tant par le Gouvernement que par nos partenaires européens.

I. LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES »

La directive n° 89/552/CEE dite « Télévision sans Frontières » du 3 octobre 1989 établit le cadre réglementaire relatif à l'exercice des activités de radiodiffusion télévisuelle dans l'Union européenne. Elle a été modifiée en 1997 par la directive 97/36/CE, adoptée selon la procédure de co-décision du Conseil et du Parlement européen, avec une majorité qualifiée au Conseil.

Cette directive, fondée sur les articles 47 § 2 et 55 du Traité CE relatif à la libre circulation des services, tend à concilier la notion de diversité culturelle et la mise en oeuvre du marché intérieur.

Votre rapporteur tient à rappeler qu'elle ne s'applique pour l'heure qu'aux « services de radiodiffusion télévisuelle » entendus comme « tout service consistant en l'émission primaire, avec ou sans fil, terrestre ou par satellite, codée ou non, de programmes télévisés, destinés au public » 1 ( * ) . Sont ainsi exclus du champ d'application de la directive tant les services de radio que les « nouveaux services » audiovisuels 2 ( * ) (services en ligne, vidéo à la demande...).

A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES »

La directive « Télévision sans Frontières » opère une harmonisation minimale des législations des États membres en posant huit principes cardinaux.


• Un radiodiffuseur ne relève de la compétence que d'un seul État membre

Le principe du pays d'origine est au coeur de la directive « Télévision sans Frontières ». Ce principe peut être résumé de la manière suivante : tous les radiodiffuseurs sont soumis à la réglementation d'un État membre au moins, mais un État membre seulement. L'application du principe du pays d'origine a toujours été considérée comme une condition nécessaire à la création du marché intérieur des émissions de radiodiffusion télévisuelle et a permis la multiplication des services audiovisuels en Europe.

Les critères d'établissement 3 ( * ) énoncés à l'article 2 de la directive tendent ainsi à permettre de déterminer l'État membre dont relève un radiodiffuseur.

La directive « Télévision sans Frontières » définit en outre des critères subsidiaires permettant de déterminer la juridiction compétente pour les radiodiffuseurs n'étant pas établis dans un des États membres de l'Union européenne.


Les États ne peuvent empêcher la réception sur leur territoire des programmes émis par les diffuseurs relevant de la compétence d'un autre État membre

La directive pose le principe selon lequel les États membres ne peuvent entraver les diffusions effectuées par des radiodiffuseurs placés sous la juridiction d'un autre État membre 4 ( * ) .

Ce principe peut toutefois faire l'objet d'une exception lorsque le programme enfreint d'une manière manifeste, sérieuse et grave les règles relatives à la protection des mineurs et/ou au respect de l'ordre public. En l'état actuel de la législation communautaire, l'État de réception pourra alors suspendre provisoirement la diffusion du programme incriminé sous réserve du respect d'une procédure très encadrée.


Les événements jugés d'importance majeure pour la société doivent être diffusés sur des chaînes en clair gratuites

Le paragraphe 1 er de l'article 3 bis de la directive autorise les États membres à prendre des mesures visant à assurer la diffusion gratuite et en clair des événements considérés comme étant d'importance majeure pour la société.

Pour reprendre l'expression du CSA : « L'article 3 bis de la directive constitue une heureuse initiative en favorisant l'accès du plus grand nombre à des événements fédérateurs. » 5 ( * )


L'existence d'obligations de diffusion pour les oeuvres européennes et indépendantes

Les articles 4 et 5 de la directive chargent les États membres de veiller à ce que les radiodiffuseurs relevant de leur compétence consacrent une proportion majoritaire de leur temps de diffusion à des oeuvres européennes et au moins 10 % de leur temps de diffusion ou 10 % de leur budget de programmation à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants.


La mise en oeuvre de règles relatives à la publicité, au téléachat et au parrainage

La directive soumet la publicité télévisée, le parrainage et le télé-achat à des règles « qualitatives » minimales permettant de garantir le respect d'un certain nombre d'objectifs d'intérêt général.

Ces règles encadrent ainsi les modalités et le temps de diffusion des communications commerciales, la publicité relative à l'alcool et aux médicaments et prohibent toute publicité pour le tabac.


• La définition de mesures de protection envers les mineurs

Aux termes de l'article 22 de la directive, les États membres prennent les mesures appropriées afin que les émissions des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence ne comportent pas de programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite.

Les programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, quant à eux, ne peuvent être diffusés qu'à condition que, par le choix de l'heure ou par toutes mesures techniques, les mineurs se trouvant dans le champ de diffusion ne soient pas en mesure de voir ou d'écouter les émissions concernées.

Votre rapporteur tient à préciser que la directive est complétée depuis 1998 dans ce domaine par la « recommandation concernant le développement de la compétitivité de l'industrie européenne des services audiovisuels et d'information par la promotion de cadres nationaux visant à assurer un niveau comparable et efficace de protection des mineurs et de la dignité humaine » 6 ( * ) du 30 avril 2004 qui couvre tous les services audiovisuels et d'information, y compris les services en ligne.


• Incitation à la haine

En vertu de l'article 22 bis de la directive, les États membres veillent à ce que les émissions télévisées ne contiennent aucune incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité.

C'est par conséquent aux États membres que revient la responsabilité de définir cette notion conformément à leur législation nationale et à leurs valeurs morales.


• L'instauration d'un droit de réponse

En vertu de l'article 23 de l'actuelle directive, toute personne physique ou morale, sans considération de nationalité, dont les droits légitimes ont été lésés à la suite d'une allégation incorrecte faite au cours d'un programme télévisé, doit pouvoir bénéficier d'un droit de réponse ou de mesures équivalentes.

Votre rapporteur tient à rappeler que les règles énoncées ci-dessus ne sont que des minima applicables à l'ensemble des États membres. Les États restent donc libres de prévoir des mesures plus strictes ou plus détaillées. Le droit français comporte pour sa part des dispositions plus contraignantes que la directive dans la majorité des domaines.

B. LES RÉSULTATS

Désormais transposée intégralement dans la totalité des Etats membres, la directive « Télévision sans Frontières » a incontestablement permis le développement du marché de la télévision transfrontière et la mise en place de mesures d'intérêt général à l'échelle de l'Union européenne.

Les résultats obtenus en matière de diversité culturelle demeurent en revanche mitigés : si les objectifs fixés par la directive en matière de diffusion des oeuvres européennes et indépendantes sont globalement respectées, la circulation de ces mêmes oeuvres au sein de l'Union européenne demeure problématique.

1. Le développement du marché de la télévision transfrontière en Europe

Votre rapporteur tient d'abord à souligner le dynamisme de l'offre audiovisuelle européenne. D'après les données fournies par l'Observatoire européen de l'audiovisuel 7 ( * ) , le nombre de chaînes nationales et transnationales concernées par les dispositions de la directive « Télévision sans Frontières », indicateur essentiel de la santé économique du secteur télévisuel comme du choix dont jouissent les consommateurs en terme de contenus, avoisinait les 1 100 au 1 er janvier 2004.

Le nombre de chaînes a par conséquent fortement augmenté 8 ( * ) : il s'élevait à 103 en 1990 ! Sans surprise, ce sont les chaînes thématiques dédiées au cinéma et au sport qui bénéficient sur la période de la plus forte croissance (aucune en 1990, 92 en 2003). Par ailleurs, environ 1900 chaînes régionales et locales, dont presque 70 relayées par satellite, étaient également disponibles.

2. Un impact économique difficilement quantifiable

L'impact économique de la télévision transfrontière sur les marchés nationaux est difficile à évaluer faute de données précises. On peut imaginer la collecte d'informations sur les recettes (générées par la publicité, les abonnements et les droits du câble) des radiodiffuseurs provenant des marchés hors de leur pays d'établissement. Toutefois, votre rapporteur constate que ce type de données n'est pas divulgué par les radiodiffuseurs. Dans la plupart des cas, les radiodiffuseurs transfrontières ne publient pas de comptes de résultat détaillés : ceci est particulièrement vrai avec les radiodiffuseurs établis au Royaume-Uni et aux Pays-Bas et ciblant les marchés continentaux. Quant aux rares radiodiffuseurs transfrontières qui publient leurs comptes, la ventilation de leurs recettes entre le marché national et les autres marchés n'est généralement pas assez détaillée.

Selon l'Observatoire européen de l'audiovisuel : « les experts des marchés européens de la publicité consultés à ce sujet ont confirmé qu'il est pratiquement impossible d'analyser les flux des recettes publicitaires générées dans ces circonstances. »

3. Des obligations de diffusion respectées mais une circulation des oeuvres européennes notoirement insuffisante

Aux termes du considérant 44 de la révision de 1997 : « l'approche adoptée dans la directive 89/552/CEE et la présente directive vise à réaliser l'harmonisation fondamentale nécessaire et suffisante pour assurer la libre circulation des émissions de télévision à l'intérieur de la Communauté [...] ».

Si la circulation des émissions de stock doit être considérée comme l'objectif principal des articles 4 et 5 9 ( * ) de la directive « Télévision sans Frontières », celui-ci demeure loin d'être atteint à l'échelle de l'Union européenne.

a) Des obligations de diffusion globalement respectées

L'application des articles 4 et 5 fait l'objet tous les deux ans d'une communication de la part de la Commission européenne. Aux termes de la sixième et dernière communication consacrée au sujet 10 ( * ) , la Commission européenne s'est déclarée globalement satisfaite de l'application de ces articles par les États membres. Votre rapporteur se propose de vous communiquer les principaux éléments de cette étude.

(1) La diffusion des oeuvres européennes (article 4)

Le temps moyen de diffusion réservé aux oeuvres européennes par les chaînes réalisant les plus fortes audiences s'est établi à près de 66,1 % en 2002, soit une augmentation de 5,4 points par rapport à 1999 (60,7 %). Selon l'État membre concerné, le temps moyen de diffusion consacré aux oeuvres européennes varie entre 48,7 % (Irlande) et 80 % (Luxembourg).

Dans sa sixième communication au Conseil et au Parlement européen relative à l'application des articles 4 et 5, la Commission européenne peut ainsi conclure que « les chiffres relatifs au temps moyen de diffusion montrent que, pour la première fois, aucun progrès n'a été accompli à l'échelon communautaire dans la programmation des oeuvres européennes (article 4). Toutefois, nonobstant un léger recul (- 0,85 point) pendant la période de référence 2001-2002, on observe une progression plus notable de 5,4 points sur quatre années (1999-2002), qui démontre une stabilisation de la programmation des oeuvres européennes à près de 2/3 du temps total de diffusion pris en compte. En conséquence, dans une perspective à moyen terme, l'application de l'article 4 de la directive « Télévision sans Frontières » a été globalement satisfaisante. »

(2) La diffusion des oeuvres indépendantes (article 5)

La proportion moyenne d'oeuvres de producteurs indépendants diffusées par toutes les chaînes européennes, tous États membres confondus, était de 34 % en 2002, soit une baisse de 6,5 points par rapport à 1999. La proportion moyenne réservée à ce type d'oeuvres variait, selon l'État membre concerné, entre 19 % (Italie) et 61 % (Autriche) en 2002.

La deuxième constatation concerne le nombre total de chaînes atteignant ou dépassant la proportion minimale de 10 % d'oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants : le taux moyen de conformité des chaînes, tous États membres confondus, s'est établi à 89 % en 2002, soit une progression de 4 points comparée à 1999 (85 %).

Le troisième résultat a trait à la part moyenne allouée à l'échelon communautaire aux oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants, c'est-à-dire les oeuvres diffusées dans les cinq ans qui suivent leur production : la part moyenne, pour les chaînes de tous les États membres, allouée aux oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants était de 62 % en 2002 ; ces chiffres sont exprimés en pourcentage de toutes les oeuvres européennes (récentes ou non) émanant de producteurs européens.

Par rapport à 1999 (53,8 %), on observe donc une progression de 8,2 points sur quatre années. La part moyenne allouée à ce type d'oeuvres variait, selon les États membres, entre 23,75 % (Espagne) et 99 % (Irlande) en 2002. En proportion du temps total de diffusion pris en compte, les oeuvres récentes de producteurs indépendants ont dépassé en permanence les 20 %.

Dans le document précité, la Commission européenne reconnaissait donc que « s'agissant de l'application de l'article 5, la tendance est moins positive. Pour la première fois, on constate un recul, tant à l'intérieur de la période de référence actuelle (- 3,70 points) qu'en comparaison de la période de référence précédente (- 3,46 points). Cependant, les chiffres moyens de l'UE en matière de diffusion des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants se sont situés en permanence à des niveaux bien supérieurs à la proportion minimale de 10 % prévue par la directive.

En outre, les niveaux de diffusion des oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants ont été relativement élevés. Dans cette perspective, l'évolution positive constatée pendant la période de référence a prolongé la tendance positive de la période de référence précédente (1999-2001). »

b) L'inquiétante faiblesse de la circulation des oeuvres européennes non nationales

Votre rapporteur constate que si l'article 4 de la directive a permis de consolider les objectifs nationaux de protection et de promotion du marché national du contenu, il n'a en revanche ni favorisé l'émergence d'un marché véritablement européen de la programmation, ni encouragé l'échange et la circulation de programmes de télévision européens au sein de l'Union européenne.

Les dispositions nationales relatives aux productions dans les langues du pays ont sans doute à cet égard entravé les échanges intracommunautaires. La part moyenne d'oeuvres européennes non nationales diffusées a en effet stagné à un niveau relativement bas - 11,9 % en 2002 sur les chaînes principales - bien qu'un effort particulier ait toutefois été réalisé par les chaînes publiques en ce domaine.

Alors que le volume global des oeuvres européennes a augmenté de manière significative sur la période 1993-2002, le nombre d'heures consacrées aux oeuvres européennes non nationales a augmenté plus lentement, ce qui signifie que les chaînes utilisent dans une proportion relativement moindre les programmes conçus dans un autre État membre. De plus, les petits pays qui partagent la langue d'un État membre voisin de plus grande taille tendent à diffuser une plus forte proportion de programmes de ce type, alors que ceux-ci sont presque totalement absents dans les plus grands États membres.

II. LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE

La proposition de révision adoptée par la Commission européenne le 13 décembre 2005 est le fruit d'une procédure de consultation qui s'est étalée sur près de trois ans. Il s'agit donc d'un texte de compromis fortement influencé par les récentes évolutions du contexte technologique, juridique et diplomatique.

A. LE CONTEXTE

Les dispositions de la proposition de révision doivent être examinées à l'aune du développement de la technologie numérique, des modifications récentes de la réglementation communautaire et de l'adoption d'un instrument international pour la promotion de la diversité culturelle.

1. Le contexte technologique

La société de l'information se trouve à un tournant : les récents progrès technologiques ont été fulgurants et les technologies de l'information entrent dans une phase de déploiement massif susceptible de changer fondamentalement notre façon de travailler, de vivre et d'interagir.

Les contenus multimédia deviennent en effet disponibles dans des formats nouveaux et diversifiés, peuvent être délivrés indépendamment de l'endroit et du moment et adaptés aux préférences et aux attentes du citoyen. En termes techniques, les réseaux de communication, les médias, les contenus, les services et les équipements sont en pleine convergence numérique. L'amélioration des réseaux, associée aux nouvelles techniques de compression, offre des canaux de distribution nouveaux et plus rapides et donne naissance à de nouveaux formats de contenus et à des nouveaux services (voix sur IP, Web TV...).

Dans ces conditions, la Commission européenne a estimé que « si l'Europe veut tirer pleinement parti de son potentiel économique, il faut une approche politique proactive pour stimuler favorablement le développement des marchés et la promotion de la société de la connaissance à la fois saine et sûre, et la protection du consommateur ». Cette approche passait par la modification de la directive « Télévision sans Frontières ».

2. Le contexte juridique

La convergence numérique nécessite un régime cohérent de règles pour le secteur de la société de l'information et des médias. Dans ce domaine, le marché intérieur est régi par un large éventail de règles concernant, par exemple, les médias audiovisuels, la télévision numérique, les transactions en ligne, les droits de propriété intellectuelle et les mesures de soutien à la création et la diffusion des contenus européens. Si certains textes réglementaires tiennent d'ores et déjà compte de la convergence numérique d'autres, à l'image de la directive « Télévision sans Frontières », ne le font pas encore.

En 1999, la Commission européenne a ainsi procédé à un important réexamen de la législation communautaire existante en matière de télécommunications, ce qui a entraîné l'adoption d'un nouveau cadre réglementaire pour les communications électroniques en vigueur depuis juillet 2003. Celui-ci s'applique à toutes les infrastructures de transmission, la réglementation du contenu des émissions transmises par les réseaux de communications électroniques restant toutefois en dehors de son champ d'application. L'objectif du réexamen en question était de créer une série de règles de déréglementation simples, neutres sur le plan technologique et suffisamment souples pour s'adapter à des marchés en mutation rapide dans le secteur des télécommunications électroniques.

Dans le même esprit, la directive sur le commerce électronique fournit un cadre juridique peu contraignant pour le commerce électronique et ne prend en compte que les éléments qui sont strictement nécessaires pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur du commerce électronique. Elle a été rédigée d'une manière neutre sur le plan technologique afin d'éviter de devoir constamment adapter le cadre juridique aux nouveaux développements. Elle couvre une grande variété de services fournis en ligne (les « services de la société de l'information »), depuis les journaux et services de nouvelles spécialisées en ligne (comme les informations commerciales ou financières) et la vente à distance de divers produits (livres, matériels et logiciels informatiques, produits pharmaceutiques ...) à la prestation en ligne de services financiers (services bancaires en ligne, investissements en ligne).

3. Le contexte diplomatique

En ce qui concerne les services audiovisuels, l'Union européenne tente de préserver des marges de manoeuvre garantissant la possibilité non seulement de maintenir les mesures nationales et communautaires existantes applicables à ce secteur mais également de développer les politiques et instruments nationaux et communautaires en réponse aux développements intervenant dans le secteur.

Elle a surtout encouragé, à l'initiative de la France, l'adoption d'une « convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques » au cours de la 33 e session de l'UNESCO en octobre 2005.

Ce texte représente une avancée historique dans le cadre juridique international tout en donnant une nouvelle légitimité aux prétentions françaises en matière de quotas à l'échelle de l'Union européenne. Il reprend en effet les principaux objectifs que la France s'est toujours fixés :

- la reconnaissance de la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens (art. 1 § g) ;

- la réaffirmation du droit souverain des États de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu'ils jugent appropriées en vue de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire (art. 1 § h) ;

- le renforcement de la coopération et de la solidarité internationales dans un esprit de partenariat afin, notamment, d'accroître les capacités des pays en développement de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles (art. 1 § j).

L'article 20 concernant l'articulation avec les autres traités internationaux, qui a fait l'objet des plus vives discussions et était à l'origine des principales objections à la convention, est satisfaisant. Tout en reconnaissant les obligations antérieures, il ne subordonne pas la convention aux autres traités et demande aux parties de prendre en compte les dispositions de ladite convention lorsqu'elles souscrivent à d'autres obligations internationales.

B. LA MÉTHODE

La proposition de révision est le fruit d'une intense collaboration entre la Commission européenne d'une part, et l'ensemble des opérateurs du secteur de l'audiovisuel, d'autre part.

1. Le réexamen de 2003

Conformément au choix des ministres de la culture et de la communication réunis au sein du Conseil, le 23 mai 2002, en faveur d'une approche progressive pour le réexamen de la directive « Télévision sans Frontières », la Commission européenne a annoncé en janvier 2003 un programme de travail en vue d'une modification ultérieure de la directive.

Son programme de travail s'organisait autour de cinq thèmes fédérateurs (le droit à l'information, les quotas, la publicité, la protection des mineurs et la question de la mise en oeuvre de la directive), qui ont fait l'objet d'une vaste consultation au cours du premier semestre 2003.

A l'issue de cette vaste consultation, à laquelle ont participé l'ensemble des acteurs concernés (professionnels, États membres, autorités de régulation), la Commission européenne a publié le 15 décembre 2003 une communication intitulée « L'avenir de la politique de réglementation européenne dans le domaine de l'audiovisuel », dans laquelle elle dresse un bilan des contributions au réexamen de la directive « Télévision sans Frontières » et trace un plan d'action.

La Commission européenne constate que la plupart des contributions reconnaissent que la directive « Télévision sans Frontières » a fourni un cadre flexible et adéquat, qui justifie le statu quo sur un certain nombre de thèmes (les quotas, la protection des mineurs, l'accès aux événements d'importance majeure, le droit de réponse). Pour d'autres thèmes, elle souhaite qu'une réflexion approfondie soit menée (champ d'application de la directive, règles sur l'insertion et la durée des spots publicitaires, courts extraits, recours à la corégulation et à l'autorégulation).

C'est pourquoi la Commission européenne a décidé de réunir trois groupes d'experts afin d'approfondir les discussions sur les thèmes suivants : le contenu de la réglementation (champ d'application de la directive « Télévision sans Frontières » et principe de l'État membre compétent), la publicité et le droit à l'information, à travers notamment la question des courts extraits. Ces groupes se sont réunis entre octobre 2004 et février 2005. Un quatrième groupe d'experts a été réuni par la Commission européenne le 26 mai dernier pour approfondir le thème de la diversité culturelle et discuter des résultats d'une étude sur l'impact des quotas, réalisée à la demande de la Commission européenne par un cabinet indépendant (David Graham et associés).

Parallèlement aux travaux de ces groupes d'experts professionnels, les discussions sur la révision de la directive se sont également poursuivies, d'une part, entre les représentants des États membres au sein du Comité de contact institué par la directive et, d'autre part, entre les représentants des autorités nationales de régulation dans le groupe informel des régulateurs.

2. La consultation publique

A l'issue de l'ensemble de ces débats, la Commission européenne a publié le 12 juillet 2005 six documents de synthèse sur la révision de la directive, qui ont fait l'objet d'une consultation ouverte à l'ensemble des acteurs intéressés (États membres, régulateurs, professionnels) et qui s'est achevée le 5 septembre dernier.

Les grandes lignes de ces documents de réflexion, qui portent sur le champ d'application de la directive et la compétence territoriale, le droit à l'information et le droit aux courts extraits, la diversité culturelle et la promotion des productions audiovisuelles européennes et indépendantes, les communications commerciales, la protection des mineurs et de la dignité humaine et le droit de réponse, ainsi que le pluralisme des médias, ont directement inspiré la proposition législative visant à réviser la directive, présentée le 13 décembre 2005 par le Collège des Commissaires et destinée à être adoptée par le Parlement européen et le Conseil suivant la procédure de codécision.

C. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Sans bouleverser l'équilibre fondamental de la directive « Télévision sans Frontières », la Commission européenne propose de modifier l'économie générale du texte dans le sens d'une extension de son champ d'application et d'un assouplissement des règles les plus contraignantes.

1. Étendre le champ d'application de la directive à l'ensemble des services audiovisuels

Si la Commission européenne était en 2003 11 ( * ) relativement prudente quant à la nécessité d'étendre le champ d'application de la directive « Télévision sans Frontières » aux services de la société de l'information - du moins à la composante audiovisuelle de ces services - force est de constater qu'elle a depuis lors changé d'avis.

Dans sa communication « i 2010 - Une société de l'information européenne pour la croissance et les emplois » adoptée le 1 er juin 2005, la Commission européenne reconnaissait d'ailleurs la nécessité de promouvoir « une approche intégrée des politiques de la société de l'information et des médias audiovisuels dans l'Union européenne » puisque « les réseaux de communications, les médias, les contenus, les services et les appareils subissent la convergence numérique » .

La proposition de directive entérine cette position et propose d'instituer un cadre juridique technologiquement neutre et cohérent s'appliquant à l'ensemble des services audiovisuels quelles que soient leurs caractéristiques (linéaires ou non-linéaires) et leurs supports de diffusion.

Si le champ d'application de la directive est désormais étendu à toute forme de fourniture électronique de contenu audiovisuel, c'est-à-dire aux services délivrant au grand public des images en mouvement et des sons via des moyens de communication audiovisuelle, il continue toutefois d'exclure tant les services de radio que toute forme de communication individuelle.

Votre rapporteur tient par ailleurs à rappeler que la législation communautaire établissait jusqu'alors une distinction entre les « services de radiodiffusion télévisuelle » relevant du champ d'application de la directive « Télévision sans frontières » et les « services de la société de l'information » relevant du champ d'application de la directive sur le commerce électronique.

Cette summa divisio laissait subsister une incertitude sur la portée de la notion de service de télévision et sur le régime juridique applicable à ces services sur l'ensemble des modes de diffusion. Ces incertitudes étaient non seulement préjudiciables à la cohérence de la régulation des services de télévision, mais également susceptibles de provoquer de graves distorsions de concurrence pouvant conduire, à terme, au démantèlement de la réglementation consacrée spécifiquement à la télévision.

L'extension du champ d'application de la directive aux services de télévision traditionnels et assimilés diffusés sur Internet permet d'éviter ces écueils et de soumettre toute forme d'offre de contenu audiovisuel au respect de dispositions minimales essentielles concernant la protection des mineurs, la dignité humaine (en particulier, l'interdiction de l'incitation à la haine) et le droit de réponse.

2. Adapter la réglementation à la nature des services audiovisuels

a) La distinction services linéaires/services non linéaires

La proposition de directive établit une distinction fondamentale au sein des services audiovisuels entre services linéaires et services non linéaires.

La notion de service audiovisuel linéaire couvre uniquement les services programmés, c'est-à-dire ceux qui comportent une succession de programmes organisés sur l'ensemble de la journée par l'éditeur responsable et sur lesquels le téléspectateur n'exerce aucun contrôle sur le temps de transmission. Ces services incluent l'ensemble des services de télévision indépendamment de leur plateforme de diffusion (voie hertzienne terrestre, câble, satellite, réseau ADSL, Internet) ainsi que les services de quasi-vidéo à la demande 12 ( * ) .

Les services audiovisuels non linéaires couvrent quant à eux l'ensemble des services « à la demande », dont les téléspectateurs sont en mesure de choisir le contenu qu'ils souhaitent à tout moment. On peut ainsi citer à titre d'exemple, indépendamment de la plateforme utilisée pour la fourniture du service, la vidéo à la demande ou les services d'information basés sur Internet.

b) Des règles différentes en fonction de la nature du service

Dans sa proposition de directive, la Commission européenne propose de distinguer les règles applicables à l'ensemble des services de celles réservées aux services non linéaires.

Le premier niveau de réglementation, applicable à l'ensemble des services audiovisuels (linéaires et non linéaires) consiste en un cadre commun de principes généraux, tels que ceux relatifs à la protection des mineurs et à la dignité humaine, à l'identification des communications commerciales, au droit de réponse et à l'identification du fournisseur de contenu.

Le second niveau de réglementation, applicable aux seuls services audiovisuels linéaires, reprend pour l'essentiel les règles de la directive actuelle, sous réserve de plusieurs assouplissements dans le domaine de la publicité : allègement des règles quantitatives, simplification des règles d'insertions publicitaires, autorisation, moyennant encadrement, du placement de produit.

3. Clarifier les compétences territoriales des États membres

a) Clarifier les règles relatives aux délocalisations abusives

Le risque de délocalisation de services de télévision vers les États membres pratiquant un véritable « dumping culturel » reste une préoccupation majeure des pays disposant d'une réglementation contraignante, au premier rang desquels la France. Comme le soulignait très justement le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa « contribution au réexamen de la directive Télévision sans frontières » datée du 18 juin 2003, « face aux exigences inégales que manifeste la transposition nationale des articles 4 et 5 de la directive « Télévision sans Frontières » , relatifs à la promotion de la distribution et de la production des oeuvres européennes, l'objectif de diversité culturelle exige que les États membres désireux d'encourager le développement de l'industrie nationale et européenne des programmes aient la possibilité de se prémunir efficacement contre un détournement de la notion de liberté d'établissement. »

Cette préoccupation partagée par votre rapporteur est partiellement prise en compte par la proposition de directive. Celle-ci conforte en effet la possibilité reconnue aux États membres d'agir contre le risque de délocalisation abusive des fournisseurs de service de média.

La Commission européenne propose ainsi de codifier dans le corps même de la directive (article 2 paragraphe 7) une solution jurisprudentielle 13 ( * ) déjà rappelée dans le considérant 14 du préambule de la directive 97/36/CE du 30 juin 1997 14 ( * ) : « considérant que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de justice, un État membre conserve le droit de prendre des mesures à l'encontre d'un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans un autre État membre, mais dont l'activité est entièrement ou principalement tournée vers le territoire du premier État membre, lorsque cet établissement a eu lieu en vue de se soustraire aux règles qui seraient applicables à cet organisme s'il était établi sur le territoire du premier État membre ».

Si votre rapporteur se félicite du fait que les autorités nationales soient désormais explicitement autorisées à prendre « les mesures appropriées » à l'encontre des fournisseurs de service établis dans un autre État membre dans le seul but de contourner la législation nationale du pays de réception, il s'interroge toutefois sur la portée de cette disposition. L'excès de formalisme caractérisant les paragraphes 8 et suivants 16 ( * ) du projet de directive risque en effet de dissuader toute action préventive.

b) Faciliter « le partage du fardeau » en matière de chaînes extracommunautaires

À la lumière d'affaires récentes concernant des incitations à la haine dans des émissions provenant de l'extérieur de l'Union européenne, et plus précisément des affaires « Al Manar » et « Sahar 110 », la proposition de directive cherche à répartir équitablement la responsabilité entre les opérateurs concernés et, par conséquent, entre les États membres.

Elle propose pour ce faire d'inverser l'ordre existant des critères techniques prévus à l'article 2, paragraphe 4, de la directive TVSF permettant de déterminer la compétence nationale sur les services non établis dans l'Union européenne mais diffusés sur son territoire par des satellites, et de placer par conséquent l'utilisation d'une liaison montante avant l'utilisation d'une capacité satellitaire.

Votre rapporteur tient à cet égard à préciser que depuis l'interprétation donnée par la Commission européenne du critère relatif à « l'utilisation d'une capacité satellitaire relevant d'un État membre » (article 2, paragraphe 4 de la directive) dans une lettre de la DG EAC transmise aux autorités françaises le 20 juin 2002, la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel français s'étendait à de nombreux services extra-communautaires dont la situation juridique était jusqu'alors imprécise.

Cette interprétation définissait en effet la « notion de capacité satellitaire relevant d'un État membre » au regard de la propriété et de l'immatriculation des satellites fournissant cette capacité. Elle aboutissait à faire passer de jure sous compétence française l'ensemble des services diffusés par les satellites de la société Eutelsat 17 ( * ) , sauf dans l'hypothèse où un critère de rang supérieur permet de rattacher un service à un autre État membre. La plupart des programmes des pays tiers diffusés sur le territoire de l'Union européenne utilisant des capacités satellitaires fournies soit par Eutelsat, soit par Astra, un grand nombre de chaînes extracommunautaires était ainsi placé sous compétence française.

Votre rapporteur considère à cet égard que, en fonction de motifs tenant à la préservation de l'ordre public et à la prévention des délocalisations de services en dehors du territoire européen, les autorités communautaires ont pu valablement faire le choix de soumettre au droit communautaire l'ensemble des services reçus sur le territoire de l'Union européenne. Rien ne justifiait en revanche que la charge de l'application de la directive aux services non établis dans l'Union européenne ne repose que sur la France et le Luxembourg.

4. Inciter les éditeurs de services non linéaires à promouvoir les oeuvres européennes

Alors que l'Union européenne promeut activement la diversité culturelle au plan international, la révision de la directive pouvait représenter une occasion de réaffirmer ce principe à l'échelle communautaire.

Votre rapporteur constate toutefois que le texte présenté par la Commission européenne ne propose ni de renforcer les obligations imposées aux services linéaires ni de prendre des mesures concrètes de soutien à la production audiovisuelle européenne ou indépendante à l'égard des services non linéaires.

a) Le maintien en l'état des dispositions relatives aux services linéaires

Concernant les obligations de diffusion imposées aux services linéaires, la Commission européenne a pris le parti de ne pas modifier les articles 4 et 5 de la directive « Télévision sans Frontières ».

En dépit des lacunes de ce dispositif au demeurant essentiel, elle a en effet conclu « qu'il n'existe pas, actuellement, de nécessité de modifier sur le fond les articles 4 et 5 18 ( * ) . Les données montrent que la diffusion des oeuvres européennes a constamment augmenté. Il a également été constaté dans l'étude d'impact que, outre leur incidence sur la programmation d'oeuvres européennes, les articles 4 et 5 ont permis l'accomplissement d'objectifs culturels. Des éléments montrent par ailleurs que les articles 4 et 5 ont contribué en général à un renforcement de l'industrie audiovisuelle européenne. Il semble que les proportions indiquées dans les articles 4 et 5 restent valables pour l'essentiel, puisqu'il s'est avéré que ces dispositions formaient un cadre efficace et stable pour la promotion des oeuvres européennes et des productions indépendantes. »

Ce statu quo permet au moins d'éviter, pour le moment, de remettre à l'ordre du jour communautaire des dispositions fortement contestées par certains de nos partenaires.

b) Un dispositif faiblement incitatif à destination des services non linéaires

La proposition de directive n'étend pas les obligations de diffusion imposées aux services linéaires par les articles 4 et 5 de la directive aux services non linéaires. Alors que les services non linéaires offrent pourtant de plus en plus de contenus audiovisuels, la Commission européenne a sans doute considéré qu'il était prématuré de prendre des mesures contraignantes risquant de pénaliser leur développement.

Elle se contente par conséquent de proposer l'adoption d'un article incitatif (article 3 septiès nouveau) aux termes duquel : « les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence facilitent, lorsque cela est réalisable, et par des moyens appropriés, la production des oeuvres européennes au sens de l'article 6 ainsi que l'accès à ces dernières ».

5. Harmoniser les règles concernant l'accès à l'information

La Commission européenne propose d'introduire dans la directive des règles minimales afin de garantir l'exercice du droit fondamental à l'information.

Le premier alinéa de l'article 3 ter (nouveau) impose ainsi aux États membres de s'assurer que les radiodiffuseurs relevant de leur compétence accordent aux radiodiffuseurs des autres États membres, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, un accès aux « évènements d'un grand intérêt pour le public » qu'ils retransmettent afin de permettre leur utilisation pour la réalisation de brefs reportages d'actualité.

Le second alinéa de l'article 3 ter (nouveau) autorise quant à lui les organismes de radiodiffusion télévisuelle à extraire librement leurs brefs reportages d'actualité moyennant l'indication de leur source.

Conformément aux demandes formulées par certaines chaînes publiques, cet article garantit par conséquent aux radiodiffuseurs exclus de la retransmission d'un événement de pouvoir accéder librement aux images diffusées par le titulaire des droits de retransmission et d'en diffuser de brefs extraits librement choisis dans le cadre d'émissions d'information (journaux télévisés ou magazines d'information) régulièrement programmées.

6. Faciliter l'identification des fournisseurs de services de médias

Aux termes de l'article 3 quater (nouveau), les fournisseurs de services de médias audiovisuels sont tenus de communiquer des informations sur leur identité qui soient aisément, directement et en permanence accessibles, de façon à ce que les parties puissent exercer leurs droits.

Votre rapporteur tient à souligner l'utilité de cette disposition tant pour les services non linéaires que pour les services « traditionnels ».

7. Assouplir le régime des communications commerciales

a) L'adoption d'une nouvelle définition pour les « communications commerciales audiovisuelles »

La directive propose en premier lieu l'adoption d'une nouvelle définition pour les « communications commerciales audiovisuelles ». Cette notion couvre désormais toutes les communications commerciales audiovisuelles - messages publicitaires classiques, slogans promotionnels de parrains, télé-achat, écrans fractionnés, publicité interactive, placement de produit ...- qui seraient soumises à un socle commun de règles « qualitatives » : principe d'identification, respect de la dignité humaine, absence de discrimination, protection des mineurs et règles de santé publique.

b) Des règles « qualitatives » différenciées

La directive propose la mise en place d'un socle commun de règles qualitatives applicables à toutes les communications commerciales audiovisuelles, mais dont les modalités d'exercice seraient à la mesure de chaque catégorie de service de contenu audiovisuel.

(1) Les règles relatives à la dignité humaine et à la protection des mineurs

Votre rapporteur note avec satisfaction que la proposition de directive étend considérablement le champ d'application des règles relatives à la dignité humaine et à la protection des mineurs.

Alors que seuls la publicité et le télé-achat sont soumis dans l'actuelle directive à des règles sur la dignité humaine (article 12) et la protection des mineurs (article 16), la proposition tend à étendre ce régime à toutes les communications commerciales audiovisuelles quelle que soit la nature du service (linéaire ou non linéaire) de diffusion.

Votre rapporteur estime que cette proposition permet d'assurer un juste équilibre entre le principe de libre circulation des communications commerciales audiovisuelles dans le marché intérieur et celui de protection de principes fondamentaux.

Ainsi, concernant les règles relatives à la dignité humaine, l'article 3 sexies (nouveau) dispose que : « les États membres veillent, par des mesures appropriées, à ce que les services de médias audiovisuels et les communications commerciales audiovisuelles fournis par les fournisseurs relevant de leur compétence ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».

Votre rapporteur souligne que cette nouvelle rédaction, plus complète que celle de l'article 22 bis actuel 19 ( * ) , s'inspire de celle établie par la « proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil sur la protection des mineurs et de la dignité humaine, et le droit de réponse en lien avec la compétitivité de l'industrie européenne des services audiovisuels et d'information » 20 ( * ) du 30 avril 2004.

Concernant la protection des mineurs, le (f) de l'article 3 octies (nouveau) précise quant à lui que « les communications commerciales ne doivent pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs ».

(2) Les règles relatives à des considérations de santé publique

La directive comporte actuellement des interdictions ou des restrictions à la publicité qui tiennent à des considérations de santé publique. Ainsi, l'article 13 interdit toute forme de publicité télévisée et de télé-achat pour les produits du tabac, l'article 14 prohibe toute publicité pour les médicaments et traitements médicaux disponibles sur ordonnance et l'article 15 encadre fermement les annonces et le télé-achat pour les boissons alcoolisées.

Considérant comme justifiées les règles actuelles sur les produits du tabac et l'alcool, la Commission européenne propose d'en étendre leur application à tout service audiovisuel, linéaire ou non.

S'agissant des communications relatives aux produits pharmaceutiques fournis sur ordonnance, votre rapporteur remarque que le cadre réglementaire applicable au téléachat - tel que réglementé à l'article 14 (2) - et au parrainage - tel que réglementé à l'article 17 (3) - est reconduit. Il regrette toutefois qu'aucune disposition de la proposition de directive ne vienne réglementer le placement de produit de ce type de médicaments.

(3) L'encadrement juridique de la technique du placement de produit

Une des innovations principales de cette proposition de directive en matière de communications commerciales réside dans l'autorisation, sous conditions, de la pratique du placement de produit définie à l'article premier du présent texte comme « toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure ou à faire référence à un produit, un service ou leur marque, en l'insérant dans un service de média audiovisuel, normalement paiement ou contrepartie. »

Votre rapporteur tient à cet égard à rappeler que si le cadre juridique actuel, et plus précisément la double exigence d'identification et de séparation du contenu publicitaire du reste du programme, a pour effet implicite de ne pas autoriser le recours au placement de produit dans les programmes produits par des radiodiffuseurs visés par la directive, cette pratique n'est pas pour autant bannie des écrans européens, bien au contraire. En effet, certains programmes (films, fictions...) sur lesquels les radiodiffuseurs sous juridiction communautaire n'exercent aucune responsabilité de production ont fréquemment recours à cette technique sans que puisse par conséquent leur être appliquée ex ante la réglementation européenne.

Afin de s'adapter à cette réalité, la directive propose de définir à l'article 3 nonies (nouveau) des règles communes à la technique du placement de produit et à celle du parrainage :

« 1. Les services de média audiovisuel qui sont parrainés ou comportent du placement de produit répondent aux exigences suivantes :

(a) le contenu et, le cas échéant, la programmation de tels services de média audiovisuel ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale du fournisseur de service de média ;

(b) ils ne doivent pas inciter directement à l'achat ou à la location de biens ou de services, notamment en faisant des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ;

(c) les utilisateurs doivent être clairement informés de l'existence d'un accord de parrainage et/ou de l'existence d'un placement de produit. Les émissions parrainées doivent être clairement identifiées en tant que telles par le nom, le logo et/ou un autre symbole du parrain, par exemple au moyen d'une référence à ses produits ou services ou d'un signe distinctif, au début/à la fin de l'émission et/ou pendant l'émission. Les émissions comportant du placement de produit doivent être identifiées de manière appropriée au début de leur diffusion, afin d'éviter toute confusion de la part de l'utilisateur. »

Cet article dispose, par ailleurs, que « Les journaux télévisés et les émissions d'information politique ne doivent pas être parrainés et ne doivent pas comporter de placement de produit. Les services de média audiovisuel pour enfants et les documentaires ne doivent pas comporter de placement de produit. »

Au total, le principe de séparation entre le contenu publicitaire et le reste du programme cesse d'être un critère indispensable et devient simplement l'un des moyens permettant aux utilisateurs d'identifier le contenu commercial et de le distinguer du contenu éditorial. En effet, si la directive continue à requérir de la publicité et du télé-achat qu'ils puissent être « nettement distingués du reste des programmes » (article 10 tel que modifié par la présente proposition), elle n'impose pour le parrainage et le placement de produit que l'obligation d'une « identification claire » au début du programme concerné.

Votre rapporteur estime qu'il s'agit là d'un dispositif acceptable permettant de sortir d'une certaine hypocrisie en encadrant juridiquement une technique de plus en plus prisée tant par les annonceurs que par les producteurs d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.

c) Des règles « quantitatives » assouplies pour les services linéaires

En vue de « maintenir un équilibre entre les besoins de recettes publicitaires de certains organismes de radiodiffusion, d'une part, et la nécessité de maintenir l'intégrité et la qualité des programmes, d'autre part, » l'actuelle directive TVSF (article 18) encadre le temps de transmission qui peut être consacré au télé-achat et à la publicité.

Sans pour autant bouleverser les règles actuelles, la proposition de directive tend à les assouplir afin d'adapter cette réglementation aux progrès technologiques et à la diversification de l'offre, qui semblent conférer plus d'autonomie à l'utilisateur.

(1) L'exemption des services linéaires de toute limite quantitative

Bien que la directive couvre désormais les services non linéaires de médias audiovisuels, la Commission européenne a estimé qu'il n'y avait pas lieu de soumettre ces derniers à des limites quantitatives.

Les experts consultés pour la rédaction du texte ont souligné que, pour des services « à la demande », de telles limites quantitatives faisaient peu de sens.

(2) La suppression de la limite quotidienne de publicité

Si elle maintient la limite horaire de 20 %, la directive propose de supprimer la limite quotidienne de publicité posée par l'article 18 paragraphe 1 de la directive.

A la différence des représentants des consommateurs, des téléspectateurs et de la presse écrite, les organisations d'annonceurs et agences de publicité ainsi que les radiodiffuseurs de service public, la Commission européenne a estimé que cette limite extrêmement haute 21 ( * ) n'apportait aucune valeur ajoutée au cadre réglementaire en vigueur.

(3) La redéfinition du cadre réglementaire applicable au télé-achat

Concernant les chaînes non exclusivement consacrées au télé-achat, la proposition de directive remet en question les règles particulières applicables à cette catégorie de programmes définies à l'article 18 bis de la directive. L'évolution des technologies et le développement des nouveaux services interactifs offerts aux utilisateurs rendent en effet caduques ces règles réservées aux services linéaires.

Le nouveau cadre réglementaire applicable aux chaînes exclusivement consacrées au télé-achat exonère quant à lui ces dernières de l'application des règles prévues par les articles 18 et 18 bis de l'actuelle directive mais maintient les restrictions « qualitatives ».

(4) La simplification des règles d'insertion publicitaire

L'article 11 de la directive en vigueur pose le principe selon lequel la publicité et les écrans de télé-achat doivent être insérés entre les émissions. Toutefois, sous réserve des conditions fixées aux paragraphes 2 à  5 22 ( * ) , ils peuvent être également insérés pendant les émissions de façon à ne pas porter atteinte à certains intérêts spécifiques (intégrité et valeur des émissions, prise en compte des interruptions naturelles du programme, durée et nature du programme...).

Répondant favorablement aux demandes des radiodiffuseurs, la Commission européenne propose l'adoption d'un cadre législatif offrant à ces derniers une réelle flexibilité pour insérer de la publicité pendant les émissions. L'assouplissement des règles d'insertion revient en effet à faire disparaître les dispositions suivantes : l'obligation d'insérer la publicité entre les émissions (paragraphe 1 de l'article 11 actuel), le critère des parties autonomes et celui des interruptions permettant l'insertion de publicité (paragraphes 1 et 2 du même article) et la règle des 20 minutes (paragraphe 4 du même article).

Au total, seules les interruptions pendant les services religieux sont désormais totalement interdites tandis que le nombre des interruptions à des fins de communication commerciale pendant les émissions protégées, à savoir les oeuvres cinématographiques, les journaux d'information et les émissions pour enfants, est limité à une fois par tranche de 30 minutes.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Avant de faire part de ses commentaires, de ses interrogations, de ses inquiétudes et d'énumérer à cette occasion ses propositions de modification, votre rapporteur tient à résumer les points qu'il considère comme réellement positifs dans la proposition de directive établie par la Commission européenne.

1. Les points positifs de la proposition de directive

Comme il a déjà eu l'occasion de le souligner dans sa proposition de résolution présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement du Sénat , il approuve :

- l'extension du champ d'application de la directive à l'ensemble des services audiovisuels quels que soient leur nature (linéaire et non-linéaire) et leur support de diffusion (hertzien, câble, satellite, ADSL...) ;

- la codification dans le corps même de la directive de la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes relative aux délocalisations abusives ;

- l'introduction d'une disposition visant à faciliter l'identification des fournisseurs de services de médias ;

- l'encadrement juridique de la pratique du placement de produit ;

- le maintien d'un socle commun de règles « qualitatives »  applicable à l'ensemble des communications commerciales ;

- le maintien des obligations de diffusion relatives aux oeuvres européennes et indépendantes imposées aux services linéaires ;

- le maintien de la possibilité, pour les États membres, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive pour les radiodiffuseurs relevant de leur compétence.

2. Les remarques et propositions de votre commission

S'il comporte quelques points positifs, le texte proposé par la Commission européenne n'est toutefois pas exempt de certaines lacunes que votre rapporteur entend ici souligner.

a) Affermir les dispositions de la directive relatives à la promotion de la production audiovisuelle européenne et indépendante

Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de souligner que l'application des articles 4 et 5 de la directive relatifs à la promotion de l'industrie européenne de programmes n'avaient pas permis de mettre en place un véritable espace audiovisuel européen.

Bien que l'exclusion de ces articles des dispositions actuellement en négociation puisse être considérée comme une première victoire pour les tenants de la diversité culturelle au sein de l'Union européenne, cette nouvelle révision de la directive représente par conséquent pour votre commission l'occasion de réaffirmer la nécessité de perfectionner les mécanismes communautaires relatifs à la diffusion des oeuvres européennes et aux obligations de financement ou de diffusion des oeuvres émanant de producteurs indépendants.

Comme le soulignait déjà notre collègue M. Adrien Gouteyron en 1995 dans sa proposition de résolution portant sur la première modification de la directive « Télévision sans Frontières » 23 ( * ) , il s'agit par ce biais « de partager avec nos voisins les avantages culturels et économiques d'une industrie de programmes prospère et de créer avec eux des courants d'échanges commerciaux significatifs mais aussi de créer autour de quelques réglementations fortes un marché régional susceptible d'accompagner en bon ordre l'internationalisation croissante de la communication audiovisuelle ainsi que la concurrence entre diffuseurs » .

Sans revenir sur le caractère insuffisamment normatif de ces dispositions 24 ( * ) , quatre pistes de réflexion méritent ainsi d'être explorées.

La première est relative à la définition de l'oeuvre . L'article 4 de la directive inclut en effet dans la base de calcul du temps de diffusion d'oeuvres européennes les émissions majoritairement réalisées en plateau (variétés, « talk show »...). Si cette définition permet aux diffuseurs de se libérer à bon compte de leurs obligations en matière de quotas de diffusion, elle handicape lourdement le développement d'une véritable industrie européenne de programmes susceptible d'irriguer l'espace audiovisuel de l'Union européenne.

Votre rapporteur estime par conséquent qu'il convient de revenir sur cette définition afin de ne considérer comme de véritables oeuvres que les oeuvres cinématographiques, les fictions télévisuelles, les documentaires et les films d'animation.

La deuxième concerne l'absence de mécanisme de contrôle permettant d'assurer le respect des dispositions de la directive relatives à la promotion de l'industrie européenne de programmes . La directive ne prévoit en effet aucun mécanisme de cette nature. Le paragraphe 2 de l'article 3 dispose simplement que « les États membres veillent, par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, au respect par des organismes de radiodiffusion télévisuelle de leur compétence, des dispositions de la présente directive ». Traduisant ce principe, le troisième paragraphe de l'article 4 précise quant à lui que les États membres communiquent tous les deux ans à la Commission européenne un rapport sur l'application des dispositions relatives à la promotion de l'industrie européenne des programmes (articles 4 et 5).

S'agissant du respect d'un principe fondamental - la promotion de la diversité culturelle au sein de l'Union européenne - votre rapporteur appelle de ses voeux la définition d'un mécanisme de contrôle et d'une procédure de sanction dans le corps même de la directive.

La troisième touche à la faible circulation des oeuvres européennes non nationales . Alors que le taux de diffusion de ces oeuvres reste relativement bas au sein de l'Union européenne - 12 % en moyenne -, votre rapporteur propose d'instaurer au sein de l'article 4 de la directive une obligation spécifique pour les oeuvres européennes non nationales.

La quatrième et dernière porte sur l'absence de mesures concrètes de soutien à la production audiovisuelle européenne ou indépendante pour les services audiovisuels non linéaires. Le nouvel article 3 septies , tout en garantissant aux États membres les marges de manoeuvre déjà rencontrées aux articles 4 et 5 ne fixe en effet aucun objectif aux éditeurs de services non linéaires en ce domaine. Qualifié de simple « signal politique » par la Commission européenne, il dispose que « les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence facilitent, lorsque cela est réalisable, et par des moyens appropriés, la production des oeuvres européennes ».

Votre rapporteur suggère par conséquent que des mesures concrètes de soutien à la production pour les services non linéaires telles que le respect de proportions minimales de productions européennes et indépendantes au sein des catalogues de vidéo à la demande soient fixées par la directive. Il ne s'agit pas, par ce biais, de « tuer dans l'oeuf » des industries naissantes mais bien d'éviter que d'éventuelles divergences entre les États membres concernant l'interprétation du « signal politique » envisagé par la Commission européenne ne provoquent des distorsions de concurrence et la délocalisation des opérateurs vers les pays dont les législations seraient les moins contraignantes.

b) Lutter efficacement contre les délocalisations abusives

Si votre rapporteur a déjà eu l'occasion de se féliciter de l'introduction dans la directive d'une disposition autorisant les autorités nationales à prendre « les mesures appropriées » à l'encontre des fournisseurs de services audiovisuels établis dans un autre État membre dans le seul but de contourner la législation nationale du pays de réception, il s'interroge toutefois sur l'efficacité de ce dispositif.

Force est d'abord de constater que la procédure permettant à un État membre de prévenir l'abus ou le comportement frauduleux demeure particulièrement lourde. Voulant garantir l'application du principe du pays d'origine, la Commission européenne propose de créer un mécanisme exagérément formel qui, comme le précédent, est susceptible de décourager toute action préventive.

Ce dispositif se heurte ensuite à la barrière de la langue. S'il est relativement facile de présumer qu'une chaîne utilise le principe de liberté d'établissement pour contourner une réglementation nationale trop contraignante lorsqu'elle n'émet pas dans la langue de son pays d'établissement et lorsque les dirigeants en charge des programmes et de la régie publicitaire sont établis dans un pays voisin dont la langue est justement celle de la chaîne, il n'en va pas de même lorsque le pays d'établissement et le pays de réception partagent la même langue 25 ( * ) .

RTL9 illustre à merveille cette situation : son statut luxembourgeois -un cadre réglementaire qui lui permet par exemple de diffuser deux fois plus de films dans l'année qu'une chaîne française- représente une « distorsion de concurrence » qui l'aide à défendre sa position de leader en audience des chaînes thématiques françaises.

Alors que s'apprêtent à déferler sur les écrans français de nouvelles chaînes dites à « statut déclaratif » avec, sous couvert d'un passeport anglais, un fort accent américain 26 ( * ) , votre rapporteur propose d'adopter des dispositions qui, sans résoudre complètement un problème directement lié au maintien du principe du pays d'origine, permettraient de lutter plus efficacement contre les délocalisations abusives.

Reprenant à son compte la proposition du Conseil supérieur de l'audiovisuel, il suggère ainsi de faire de la notion de « partie importante des effectifs » le premier critère énoncé au paragraphe 3 de l'article 2 de la directive. La combinaison « lieu du siège social effectif de l'organisme de radiodiffusion/lieu où sont prises les décisions éditoriales » qui figure actuellement au premier rang de la cascade des critères subsidiaires de l'établissement est d'une utilisation de plus en plus malaisée compte tenu de l'internationalisation croissante des entreprises audiovisuelles alors que la notion de « lieu d'emploi d'une partie importante des effectifs », est en revanche vérifiable de manière objective.

Votre rapporteur propose par ailleurs d'interpréter le critère de « décision éditoriale » comme « le lieu ou la gestion au jour le jour de l'organisme est assuré » et d'envisager l'introduction d'un critère relatif à l'origine territoriale des ressources publicitaires ou d'abonnement.

c) Instaurer un principe de reconnaissance mutuelle des décisions d'interdiction prononcées à l'encontre des chaînes extra-communautaires

Si, en application des principes du pays d'établissement et de liberté de réception, une chaîne autorisée par un État membre doit être reçue librement sur le territoire des autres États membres, l'inverse n'est pas vrai. En effet, en l'état actuel de la réglementation communautaire, une chaîne interdite par l'État dont elle relève peut continuer à diffuser ses programmes sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne en se plaçant sous la compétence d'un autre État membre.

Cette situation est particulièrement choquante lorsque les programmes stigmatisés incitent à la haine ou attentent à la dignité humaine. Dans ce cas précis, votre rapporteur est favorable à l'instauration d'un principe de reconnaissance mutuelle des décisions d'interdiction prononcées par un État membre à l'encontre d'une chaîne extra-communautaire pour un des motifs visés à l'article 3 sexies (nouveau) 27 ( * ) de la directive.

A défaut, il conviendrait de déterminer dans la directive un mécanisme de concertation permettant à chaque État membre de tirer, le cas échéant, les conséquences d'une telle interdiction. Comme le rappelait le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa lettre d'octobre 2004 28 ( * ) « aucune décision ne sera efficace si elle n'est mise en oeuvre également par nos partenaires. C'est ensemble, et seulement ensemble, que nous veillerons à ce qu'aucun programme incitant à la haine ne puisse être diffusé à la télévision ».

d) Évaluer précisément l'impact des modifications du cadre réglementaire relatif aux communications commerciales

En matière de réglementation des communications commerciales à l'échelle européenne, deux principes fondamentaux garantissant à la fois la protection des consommateurs, le respect des téléspectateurs et la liberté de création doivent être préservés : l'absence d'influence du contenu commercial sur le contenu éditorial, d'une part, et la séparation très claire des deux types de contenu, d'autre part.

La technique du placement de produit est certes théoriquement susceptible de contribuer à brouiller la frontière entre le contenu éditorial et le contenu commercial. Votre rapporteur estime toutefois que les exigences strictes auxquelles sera soumis l'exercice du placement de produit en vertu de l'article 3 noniès 29 ( * ) (nouveau) du projet de directive devraient permettre d'écarter efficacement ce risque.

Compte tenu de l'autorisation explicite du placement de produit, votre rapporteur s'interroge toutefois sur l'avenir du critère de « proéminence indue » 30 ( * ) . Si celui-ci devait garder sa pertinence, il estime qu'une nouvelle communication interprétative de la Commission européenne permettrait d'aider les instances de régulation nationales à distinguer ce qui relève de la technique du placement de produit de ce qui relève de la publicité clandestine.

L'assouplissement des règles d'insertion de la publicité dans les programmes pose quant à lui le problème du transfert des ressources publicitaires. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a ainsi souligné que « les conséquences de ces modifications importantes sur l'équilibre de la communication doivent être soigneusement examinées :

- l'importance du décalage existant entre le régime publicitaire applicable aux programmes « protégés » et celui applicable aux autres programmes risque de décourager les diffuseurs d'investir dans ce type d'émissions, pourtant de forte valeur ajoutée en termes culturels et de formation ;

- du point de vue de l'équilibre économique du secteur, de telles mesures auraient des effets importants en termes de transferts de ressources publicitaires entre les différents médias (radio, presse, télévision) d'une part, et à l'intérieur du secteur audiovisuel d'autre part (risque de renforcement des acteurs les plus forts, dont les écrans arrivent à saturation, au détriment des acteurs les plus faibles ou des nouveaux entrants) ;

- la disproportion des ressources entre secteur privé et secteur public pourrait s'amplifier, compte tenu des obligations plus strictes qui devraient continuer à être imposées aux diffuseurs de secteur public en matière de publicité. »

Alors qu'aucune étude d'impact permettant d'évaluer les conséquences de ce projet d'assouplissement sur le marché publicitaire n'est à l'heure actuelle disponible, votre rapporteur en appelle au maintien de la règlementation existante en ce domaine.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur vous propose de modifier la rédaction de la proposition de résolution transmise par de la Délégation à l'Union européenne. Il s'agit par ce biais moins de remettre en cause les conclusions de la Délégation que d'en préciser les contours afin d'affermir la position du Sénat et, le cas échéant, du Gouvernement français, dans le cadre des prochaines négociations européennes.

La commission a par conséquent adopté le texte ainsi modifié et figurant ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive modifiant la directive visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (texte E 3038 - COM (2005) 646 final),

Considérant l'importance des questions traitées par la présente directive pour la qualité de vie des Européens ;

Considérant l'adoption de la Convention sur la diversité culturelle dans le cadre de l'UNESCO ;

Considérant le manque d'études d'impact relatives à l'assouplissement des règles applicables à l'insertion des messages publicitaires ;

Considérant la nécessité d'affermir un socle réglementaire assurant un environnement favorable au développement des industries de l'image en Europe ;

Considérant l'urgence d'adapter les dispositions de la directive 89-552 à l'évolution du contexte économique et technique du secteur des médias ;

1. Estime que la proposition de directive présentée par la Commission de l'Union européenne comporte des éléments positifs au regard des objectifs précités, en particulier :

- l'extension du champ d'application de la directive à l'ensemble des services audiovisuels quels que soient leur nature et leur support de diffusion ;

- la codification dans le corps même de la directive de la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes relative aux délocalisations abusives ;

- l'introduction d'une disposition visant à faciliter l'identification des fournisseurs de services de médias ;

- l'encadrement juridique de la pratique du placement de produit ;

- le maintien d'un socle commun de règles « qualitatives »  applicable à l'ensemble des communications commerciales ;

- le maintien des obligations de diffusion relatives aux oeuvres européennes et indépendantes imposées aux services linéaires ;

- le maintien de la possibilité, pour les États membres, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive pour les radiodiffuseurs relevant de leur compétence.

2. Estime que des ajouts et des corrections pourraient être apportées au texte présenté par la Commission européenne :

Concernant la promotion de la production audiovisuelle européenne et indépendante

- il conviendrait d'insérer des dispositions juridiquement contraignantes garantissant que l'ensemble des services audiovisuels contribuent à l'objectif de promotion de la diversité culturelle ainsi qu'à la production et à la circulation des oeuvres audiovisuelles européennes ;

- afin d'encourager la circulation des oeuvres européennes non nationales, il paraît indispensable d'instaurer une obligation spécifique pour cette catégorie d'oeuvres ;

- il serait judicieux de supprimer l'assimilation des émissions réalisées majoritairement en plateau à des oeuvres européennes, cette dernière qualité devant être réservée aux oeuvres de stock (films, fictions audiovisuelles, oeuvres cinématographiques, documentaires, films d'animation) ;

- il serait souhaitable de définir un mécanisme de contrôle voire une procédure de sanctions permettant de garantir à l'échelle de l'Union l'application par les États membres des dispositions de la directive relatives la promotion de la production audiovisuelle européenne et indépendante

Concernant les délocalisations abusives

- il apparaît nécessaire d'assouplir la procédure définie au paragraphe 7 de l'article 2 et encadrant les modalités de réaction d'un État membre à l'encontre d'un fournisseur de service de média établi dans un autre État membre mais dont l'activité est orientée en totalité ou en quasi-totalité vers son territoire ;

- il serait opportun de faire de la notion de « partie importante des effectifs » le premier critère énoncé au paragraphe 3 de l'article 2 de la directive. Si la combinaison « lieu du siège social effectif de l'organisme de radiodiffusion/lieu où sont prises les décisions éditoriales » qui figure actuellement au premier rang de la cascade des critères subsidiaires de l'établissement est d'une utilisation de plus en plus malaisée, compte tenu de l'internationalisation croissante des entreprises audiovisuelles, la notion de « lieu d'emploi d'une partie importante des effectifs » est en revanche vérifiable de manière objective ;

- il paraît également envisageable d'introduire un critère relatif à l'origine territoriale des ressources publicitaires ou d'abonnement parmi les critères subsidiaires permettant de déterminer le lieu d'établissement des services.

Concernant les chaînes extra-communautaires

- il conviendrait d'envisager l'instauration d'un principe de reconnaissance mutuelle des décisions d'interdiction prononcées par un État membre à l'encontre des chaînes extra-communautaires véhiculant dans leurs programmes des incitations à la haine fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ;

- à défaut, il serait souhaitable de déterminer un mécanisme de concertation permettant à chaque État membre de tirer, le cas échéant, les conséquences d'une telle interdiction.

Concernant enfin les communications commerciales

- il apparaît souhaitable de maintenir en l'état la règlementation relative à l'insertion des messages publicitaires afin d'éviter toute remise en cause des grands équilibres existant en ce domaine.

AMENDEMENTS DÉPOSÉS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

AMENDEMENT N° 2

MM. Serge Lagauche, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yves Dauge, Mme Catherine Tasca, M. Jean-Marc Todeschini
et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Terminer le deuxième alinéa de la proposition de résolution par les mots suivants :

, notamment en interdisant la possibilité de placement de produits dans les oeuvres audiovisuelles.

OBJET

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ne traite pas du placement de produit. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel assimile cette pratique à de la publicité clandestine et a, de façon constante, adressé des mises en demeure aux éditeurs de service ayant diffusé des oeuvres audiovisuelles comportant de tels messages.

Autoriser le placement de produit induirait une libéralisation du marché publicitaire alors même que celui-ci n'est pas extensible infiniment.

Il convient donc de veiller à ce que la révision de la directive interdise la possibilité de « placer des produits » dans les oeuvres audiovisuelles.

AMENDEMENT N° 3

MM. Serge Lagauche, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yves Dauge, Mme Catherine Tasca, M. Jean-Marc Todeschini
et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Terminer le dernier alinéa de la proposition de résolution par les mots suivants :

, notamment par un encadrement strict des conditions d'insertion des messages publicitaires dans les programmes.

OBJET

La révision de la directive « Télévision sans frontière » risque d'avoir pour conséquence de libéraliser le secteur audiovisuel européen en assouplissant de façon conséquente les règles applicables à la diffusion de messages publicitaires. Il convient donc de veiller à ne pas déséquilibrer le marché publicitaire, source première de financement de l'industrie de programmes. Un encadrement strict des conditions d'insertion de messages publicitaires constitue une garantie quant à la diversité de l'offre de programmes.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 15 mars 2006 sous la présidence de M. Jacques Valade, président, la commission a examiné le rapport de M. Louis de Broissia sur la proposition de résolution n° 179 (2005-2006) présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Louis de Broissia au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive modifiant la directive visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle .

A titre liminaire, M. Jacques Valade, président , s'est félicité de l'initiative prise par la délégation pour l'Union européenne, d'une proposition de résolution sur un sujet qui est au coeur des préoccupations de la commission.

Un débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président, a fait part de ses doutes concernant la possibilité de contrôler la diffusion des chaînes extra-communautaires. Il s'est également interrogé sur la nature des sanctions visant à punir le non-respect des obligations de promotion de la production audiovisuelle européenne et indépendante.

M. Louis de Broissia, rapporteur, a souligné que l'affaire « Al Manar » avait récemment démontré qu'il était tout à fait possible de prendre des sanctions efficaces à l'encontre des chaînes extra-communautaires. Il a regretté, toutefois, que la France soit aujourd'hui le seul pays à tenter d'endiguer la diffusion de services diffusant des images à caractère raciste ou antisémite. Quant à la nature des sanctions, il a affirmé que la mise en place de sanctions administratives ou financières était envisageable.

Après avoir souligné la qualité et l'intérêt du rapport, M. Serge Lagauche a fait part de son opposition à l'autorisation du placement de produit au sein des programmes télévisés. Il a souligné que cette position était incompatible avec la jurisprudence constante du Conseil supérieur de l'audiovisuel : ce dernier assimile en effet cette technique à de la publicité clandestine et a déjà eu l'occasion de sanctionner à maintes reprises les diffuseurs qui l'utilisaient lors de la diffusion d'oeuvres audiovisuelles.

Il a rappelé, à cet égard, que, dans son avis de septembre 2005 sur la révision de la directive, l'autorité de régulation avait estimé que l'autorisation du placement de produit, sous réserve d'une information préalable du téléspectateur, était une proposition nouvelle susceptible d'avoir des conséquences non négligeables sur le respect du principe de séparation du contenu éditorial et du contenu commercial des programmes et donc de la protection du consommateur et devait, par conséquent, faire l'objet d'une réflexion approfondie sur ses incidences comme sur ses éventuelles modalités d'encadrement.

Il a souhaité, par conséquent, que le Gouvernement français, lors des prochaines négociations, suive la position du Conseil supérieur de l'audiovisuel et pèse dans la négociation afin que le placement de produit soit interdit au niveau communautaire comme il l'est aujourd'hui dans la réglementation française.

Par ailleurs, il a fait part de ses préoccupations concernant l'assouplissement proposé par la Commission européenne du régime juridique des insertions publicitaires pendant les programmes.

M. Louis de Broissia a précisé qu'il ne fallait pas confondre le droit français avec le droit communautaire. La directive ne fixe que des règles minimales et les Etats membres peuvent, le cas échéant, conserver une réglementation plus contraignante.

Il a insisté sur le fait que le placement de produit était encadré de manière très stricte par la proposition de directive. Il a souligné, notamment, que cette technique demeurait interdite pendant les journaux télévisés, les émissions d'information politique, les services pour enfants et les documentaires. Par conséquent, il a réaffirmé qu'il s'agissait en l'Etat d'un dispositif acceptable permettant d'encadrer une technique déjà existante et non de libéraliser scandaleusement une pratique nouvelle.

S'agissant du régime juridique des insertions publicitaires, il a déclaré partager les préoccupations exprimées par M. Serge Lagauche.

M. David Assouline a souligné, quant à lui, que l'on ne pouvait se satisfaire, comme le rapporteur, d'un simple encadrement juridique du placement de produit. Cette technique de communication pose de véritables problèmes que seule une interdiction explicite permettrait de régler.

M. Jack Ralite a partagé la position de ses collègues socialistes sur la technique du placement de produit. Il a estimé, toutefois, qu'il s'agissait d'un problème plus complexe qu'il n'y paraissait compte tenu de l'omniprésence des marques dans la vie quotidienne.

Après avoir rappelé que la notion d'exception culturelle avait été forgée à l'occasion des batailles juridiques précédant l'adoption de la directive « Télévision sans frontière », il a regretté la relative discrétion entourant cette nouvelle révision d'un texte pourtant fondamental. Compte tenu du rapport de force défavorable à la France en matière de défense de la promotion des oeuvres européennes, il a estimé qu'il convenait de ne pas se satisfaire du texte proposé par la Commission européenne et de définir, dès à présent, une position extrêmement ferme à ce sujet. Il a proposé, notamment, de remettre en cause l'expression « chaque fois que cela est réalisable » dans les articles 4 et 5 du texte.

M. Louis de Broissia, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution qu'il proposait d'adopter était beaucoup plus contraignante que la proposition de directive en matière de promotion des oeuvres européennes sur l'ensemble des services audiovisuels. A cet égard, il s'est félicité du soutien apporté par la Hongrie et la Pologne à la position française en ce domaine.

Il a estimé toutefois que les positions françaises devaient tout de même demeurer mesurées et réalistes, afin d'être soutenables vis-à-vis de nos partenaires européens.

La commission a ensuite procédé à l'examen des trois amendements déposés sur la proposition de résolution n° 179 sur la proposition de directive modifiant la directive visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle.

Elle a adopté l'amendement n° 1 proposé par M. Louis de Broissia, rapporteur, tendant à proposer une nouvelle rédaction de cette proposition de résolution.

Elle a rejeté l'amendement n° 2 présenté par M. Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à interdire la technique du placement de produit.

Elle a adopté l'amendement n° 3 présenté par M. Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à encadrer strictement les conditions d'insertion des messages publicitaires dans les programmes, qui a été intégré dans la rédaction proposée par le rapporteur.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée .

* 1 CJCE, Mediakabel BV contre Commissariaat voor de Media (C-89/04) du 2 juin 2005, cons. 18.

* 2 Lors de la révision de 1997, il avait été question d'y intégrer les « nouveaux services » (services en ligne, vidéo à la demande, etc.), mais cette proposition a finalement été rejetée.

* 3 Ces critères sont la localisation du siège social effectif, le lieu où sont prises les décisions en matière de programmation, le lieu d'activité d'une partie importante des effectifs employés.

* 4 Ils sont toutefois libres de prendre des mesures plus strictes que celles prévues par la directive à l'égard des radiodiffuseurs relevant de leur juridiction.

* 5 La France a définit sa liste d'événements majeurs par le décret du 22 décembre 2004. Cette liste comporte en tout et pour tout 21 événements sportifs.

* 6 COM (2004) 341 final - Non publié au Journal officiel.

* 7 La télévision transfrontière dans l'Union européenne, Document de travail rédigé par l'Observatoire européen de l'audiovisuel à l'occasion de la conférence ministérielle sur la radiodiffusion organisée par la Présidence irlandaise de l'Union européenne, Dublin et Drogheda, 1 - 3 mars 2004.

* 8 De l'aveu de l'Observatoire : « L'effet combiné de la déréglementation, de l'essor de la technologie numérique et de la surcapacité des systèmes satellitaires européens a conduit à une multiplication du nombre de services de télévision proposés, dans une mesure telle que le simple décompte des chaînes est devenu un problème complexe. »

* 9 L'article 4 de la directive exige que les Etats membres veillent, « chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés », à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des oeuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat.

L'article 5 prévoit quant à lui que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants une proportion minimale (au moins 10 %) de leur temps de diffusion, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat. Les Etats membres peuvent sinon exiger des radiodiffuseurs qu'ils allouent 10 % au moins de leur budget de programmation à des productions indépendantes. Une proportion adéquate d'oeuvres de producteurs indépendants doit être constituée d'oeuvres récentes, c'est-à-dire ayant été produites moins de cinq ans auparavant.

* 10 Sixième communication de la Commission relative à l'application des articles 4 et 5 de la directive 89/552/CEE « Télévision sans Frontières » modifiée, pour la période 2001-2002, du 28 juillet 2004.

* 11 Com (2003) 784 - Communication de la commission au Conseil, au Parlement européen, au comité économique et social européen et au comité des régions concernant l'avenir de la politique de réglementation européenne dans le domaine de l'audiovisuel : « Pour l'heure, aucun service de la société de l'information n'a encore une importance et un impact similaires à ceux des services de la radiodiffusion télévisuelle. La pénétration des services à large bande a été plus lente qu'initialement prévu et il semblerait que les développements soient difficiles à anticiper dans un environnement économique radicalement modifié. »

* 12 Sur la distinction entre service de quasi-vidéo à la demande et service de vidéo à la demande, voir l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes (troisième chambre) Mediakabel BV contre Commissariaat voor de Media (C-89/04) du 2 juin 2005. Les considérants 38 et 39 de cet arrêt précisent ainsi :

38. « [...] La liste des films proposée dans le cadre d'un service tel que le service « Filmtime » est établie par le prestataire du service. Cette sélection de films est proposée à tous les abonnés dans les mêmes conditions, soit au moyen de journaux, soit au moyen d'information diffusées sur l'écran télévisé, et lesdits films sont accessibles aux horaires de diffusion fixés par le prestataire. 39. [...] Un tel service n'est donc pas commandé individuellement par un destinataire isolé qui aurait le libre choix de ses programmes dans un cadre interactif. Il doit être regardé comme un service de quasi vidéo à la demande, fourni sur une base « point à multipoint » et non « à la demande individuelle d'un destinataire de services ».

* 13 Considérant 26 de l'Affaire C-23/93, TV10 SA.

* 14 Directive 97/36/CE du 30 juin 1997 15 modifiant la directive TVSF 89/552/CEE du 3 octobre 1989.

* 16 8. Les États membres ne peuvent prendre des mesures en application du paragraphe 7 que si toutes les conditions suivantes sont remplies :

(a) l'État membre de réception demande à l'État membre dans lequel le fournisseur de service de média est établi de prendre des mesures ;

(b) ce dernier État membre s'abstient de prendre de telles mesures ;

(c) le premier État membre notifie à la Commission et à l'État membre dans lequel le fournisseur de service de média est établi son intention de prendre de telles mesures ;

(d) la Commission décide que lesdites mesures sont compatibles avec le droit communautaire.

9. Toute mesure prise en application du paragraphe 7 doit être objectivement nécessaire, être appliquée de manière non discriminatoire, être propre à réaliser les objectifs poursuivis et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

10. La Commission statue sur les mesures envisagées dans les trois mois qui suivent la notification visée au paragraphe 8. Si la Commission décide qu'elles sont incompatibles avec le droit communautaire, l'État membre concerné s'abstient de prendre les mesures envisagées.»

* 17 Et l'ensemble des services diffusés par les satellites de la société Astra sous la compétence du Luxembourg.

* 18 Commission européenne, Document de réflexion pour la conférence de Liverpool sur l'audiovisuel.

* 19 « Les États membres veillent à ce que les émissions ne contiennent aucune incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité. »

* 20 COM (2004) 341 final - Non publié au Journal officiel :

(3) « encourageant l'industrie à éviter toute discrimination basée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle dans tous les médias, et à combattre toute discrimination de ce type. ».

* 21 « Article 18 :

1. Le pourcentage de temps de transmission consacré aux spots de téléachat, aux spots publicitaires et aux autres formes de publicité, à l'exclusion des fenêtres d'exploitation consacrées au télé-achat au sens de l'article 18 bis, ne doit pas dépasser 20 % du temps de transmission quotidien. Le temps de transmission des messages publicitaires ».

* 22 « Article 11 :

2. Dans les émissions composées de parties autonomes ou dans les émissions sportives et les événements et spectacles de structure similaire comprenant des interruptions, la publicité et les spots de télé-achat ne peuvent être insérés qu'entre les parties autonomes ou au cours des interruptions.

3. La transmission d'oeuvres audiovisuelles, telles que longs métrages et films conçus pour la télévision (à l'exclusion des séries, feuilletons, émissions de divertissement et documentaires), pour autant que leur durée programmée soit supérieure à quarante-cinq minutes, peut être interrompue une fois par tranche de quarante-cinq minutes.

Une autre interruption est autorisée si leur durée programmée est supérieure d'au moins vingt minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de quarante-cinq minutes.

4. Lorsque des émissions autres que celles visées au paragraphe 2 sont interrompues par la publicité ou par des spots de télé-achat, une période d'au moins vingt minutes devrait s'écouler entre les interruptions successives à l'intérieur des émissions.

5. La publicité et le télé-achat ne peuvent être insérés dans les diffusions de services religieux. Les journaux télévisés, les émissions d'information politique, les documentaires, les émissions religieuses et les émissions pour enfants, dont la durée programmée est inférieure à trente minutes, ne peuvent être interrompus par la publicité ou le télé-achat. Lorsqu'ils ont une durée programmée égale ou supérieure à trente minutes, les paragraphes précédents s'appliquent. »

* 23 Rapport n°43 (session ordinaire de 1995-1996) fait au nom de la commission des Affaires culturelles sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Adrien Gouteyron sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice de radiodiffusion télévisuelle (n°E 419)

* 24 Ce caractère insuffisamment normatif caractérisé par les expressions « chaque fois que cela est réalisable » et « par les moyens appropriés » conditionne en effet, dans une certaine mesure, l'acceptation de ces mesures par les États membres souhaitant éviter d'imposer aux éditeurs de services des contraintes réglementaires pesant sur leur stratégie commerciale.

* 25 Par delà le cas de RTL9 établie au Luxembourg et ciblant la France et la Suisse, on citera à titre d'exemples : RTL-4 et RTL-5 (établies au Luxembourg et ciblant les Pays-Bas) ; TMC établie à Monaco et ciblant la France ; TV3 et 3+ (établies au Royaume-Uni et ciblant les pays scandinaves) ; Kanal 5 établie au Royaume-Uni et ciblant la Suède.

* 26 On citera notamment Fox Life (groupe Murdoch), Discovery Real Time (Liberty Media) ou Sci Fi (NBC Universal).

* 27 « Les États membres veillent, par des mesures appropriées, à ce que les services de médias audiovisuels et les communications commerciales audiovisuelles fournis par les fournisseurs relevant de leur compétence ne contiennent aucune incitation à la haine fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. »

* 28 La lettre du CSA, octobre 2004, n° 177.

* 29 (a) le contenu et, le cas échéant, la programmation de services de média audiovisuel [comportant du placement de produit] ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale du fournisseur de service de média ;

(b) ils ne doivent pas inciter directement à l'achat ou à la location de biens ou de services, notamment en faisant des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ;

(c) les utilisateurs doivent être clairement informés de l'existence d'un accord de parrainage et/ou de l'existence d'un placement de produit. [...] Les émissions comportant du placement de produit doivent être identifiées de manière appropriée au début de leur diffusion, afin d'éviter toute confusion de la part de l'utilisateur.

* 30 Critère établi dans la communication interprétative de la Commission relative à certains aspects de la directive « Télévision sans Frontières » concernant la publicité télévisée (2004/C 102/02) :

« 33. [...] La Commission estime approprié d'appliquer le critère de « la proéminence indue » du produit, service, marque ou nom d'entreprise : un tel caractère indu peut notamment résulter de la présence récurrente de la marque ou du produit ou service concerné ou de la façon dont ces derniers éléments sont présentés et mis en évidence. À cette fin, il convient de tenir compte du contenu éditorial des émissions dans lesquelles s'insèrent ces éléments (émissions d'information, longs métrages, etc.).

34. Le fait, par exemple, qu'un produit est présenté de façon proéminente constitue un indice de publicité clandestine lorsqu'une telle présentation ne se justifie pas au regard des besoins éditoriaux de l'émission, est le résultat d'une influence, à des fins commerciales, sur le contenu éditorial ou risque d'induire le public en erreur sur la nature d'une telle présentation. »

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