II. LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2001/29 DANS QUELQUES UNS DES PRINCIPAUX PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE

A. ALLEMAGNE

L'Allemagne a fait le choix d'une procédure en deux temps :

- une première loi votée le 10 septembre 2003 a transposé les éléments obligatoires de la directive 29 ( * ) ;

- un second projet, encore en cours, devrait comporter toutes les autres modifications législatives nécessaires à la société de l'information qui ne résultent pas de dispositions obligatoires de la directive européenne 30 ( * ) .

1. Loi du 10 septembre 2003 sur la réglementation du droit d'auteur dans la société de l'information


Retouches apportées à la définition des droits

Les définitions que le droit allemand donne au « droit de reproduction » , au droit de distribution et au droit de communication au public étaient largement conformes aux principes posés par la directive et n'appelaient tout au plus que des retouches minimes.

Cependant, plutôt que de considérer que le droit de mise à disposition du public , prévu par l'article 3-2 de la directive, était déjà inclus dans le droit de communication au public, le législateur allemand a préféré l'inclure explicitement dans la loi, en reprenant la définition qu'en donne la directive.


Les exceptions et limitations aux droits

Le dispositif de la directive relatif à l'exception technique obligatoire a été reproduit quasiment littéralement dans la loi allemande (article 44 a nouveau).

Le législateur a en outre complété la liste des exceptions au droit d'auteur et aux droits voisins par deux exceptions supplémentaires tirées de la liste des exceptions facultatives de la directive :

- une exception en faveur des personnes handicapées (article 45 a nouveau), dans des conditions bien encadrées, et compensée par un droit à rémunération par l'intermédiaire de sociétés de gestion collective ;

- une exception à des fins d'enseignement et de recherche (article 52 a) assez strictement délimitée. Elle porte sur la mise à disposition de courts fragments d'une oeuvre publiée, de petites oeuvres publiées ou d'articles isolés, et d'oeuvres audiovisuelles exploitées depuis plus de deux ans. Elle ne peut porter sur des oeuvres conçues pour être utilisées dans les écoles à des fins pédagogiques.

Cette mise à disposition est subordonnée à des fins d'illustration de l'enseignement ou de la recherche dans les écoles et les universités, et d'une façon générale, dans des établissements d'enseignement non commerciaux. Elle doit rester limitée à un cercle limité d'étudiants ou de chercheurs et est assortie en contrepartie d'un droit à rémunération.

La loi a également retouché à la marge le périmètre de certaines exceptions existantes (par exemple, extension d'une exception à la communication publique d'une oeuvre à des fins de présentation ou de réparation dans les magasins commercialisant des appareils de télévision ou de radio ou des magnétoscopes).

Trois autres dispositions méritent en outre d'être relevées.

Le droit allemand institue, comme le droit français, une licence obligatoire dans le domaine de la reproduction mécanique . Toutefois, comme cette licence obligatoire ne figure pas dans la liste des exceptions autorisées par l'article 5 de la directive, la loi de 2003 a transféré le dispositif qui l'institue du chapitre relatif aux limitations apportées au droit d'auteur vers le chapitre relatif aux transactions. Ce transfert avait pour but de signifier que ce régime de licence légale devait dorénavant être considéré comme une modalité d'exercice des droits d'auteur, et non plus comme une exception aux droits exclusifs.

Comme le droit français, le droit allemand reconnaît une exception pour copie privée qu'il compense par un droit à une rémunération équitable, due au titre des copies analogiques et des copies numériques. Le législateur allemand a maintenu le principe d'une rémunération équitable pour la copie numérique, mais a précisé que ses tarifs devraient tenir compte de l'application ou non de mesures techniques de protection.

Le Conseil fédéral a introduit une nouvelle disposition précisant que la reproduction privée était permise à moins d'avoir été réalisée grâce à une copie manifestement illicite .

Enfin, le législateur allemand n'a pas jugé utile de transposer explicitement en droit interne le test en trois étapes décrit à l'article 5-51 de la directive, estimant que celui-ci constituait un rappel adressé au législateur qui doit le prendre en compte dans la délimitation des exceptions aux droits qui relève de sa seule compétence.


L'information sur le régime du droit et les mesures techniques de protection

Le législateur allemand a repris fidèlement des dispositions de l'article 7 de la directive relatif à l'information sur le régime des droits, et celles de l'article 8 sur le régime juridique des mesures techniques de protection.

Il a prévu de sanctionner la neutralisation ou le contournement de celles-ci par des sanctions pénales comportant des peines d'amende et une peine d'emprisonnement maximale d'un an , mais susceptible d'être portée à trois ans lorsque les actes sont commis à des fins commerciales .

L'article 6-4 de la directive a laissé une certaine latitude aux Etats sur la recherche d'un équilibre entre mesures techniques de protection et exercice effectif des exceptions et notamment de l'exception pour copie privée. La loi allemande impose aux titulaires de droits l'obligation de mettre à la disposition des bénéficiaires d'exceptions les moyens d'en bénéficier effectivement, sans donner plus de précisions sur ces moyens, sinon qu'ils peuvent être considérés comme suffisants s'ils font l'objet d'un accord conclu entre associations de titulaires de droits et associations de bénéficiaires de l'exception concernée.

Ces contentieux peuvent faire l'objet de recours collectifs par les associations de consommateurs. Les ayants droit qui n'auraient pas garanti aux usagers des moyens suffisants sont passibles d'une amende maximale de 50 000 euros.

Le législateur allemand a en outre adopté une disposition, non prévue par la directive, pour rendre obligatoire sur les oeuvres protégées par une mesure technique, la présence d'un avertissement clair indiquant les caractéristiques techniques de cette dernière, ainsi que la mention de sa dénomination sociale et de son adresse sous peine d'une amende de 10 000 euros.

2. Un nouveau projet de loi à l'étude

Un nouveau projet de loi est en cours d'élaboration selon les informations communiquées à votre rapporteur. Ce texte :

- n'a finalement pas retenu, semble-t-il, l'hypothèse d'une suppression progressive de la redevance pour copie privée, considérant que la protection offerte par les mesures techniques n'est pas absolue, et que de toute façon, la diffusion par la radio et la télévision laissera un espace pour ces pratiques ;

- refuserait d'investir le consommateur d'un droit subjectif de réaliser des copies privées ;

- retoucherait le dispositif de calcul de la rémunération pour copie privée dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'utilisation effective des appareils et des supports à des fins de copie privée, et d'une proportion économique avec le niveau de prix de l'appareil ou du support ;

- refuserait de faire bénéficier les échanges de fichiers culturels en ligne d'une large exception aux droits des auteurs, même assortie d'un droit à rémunération, considérant qu'elle serait contraire au droit européen et au test en trois étapes ;

- préciserait que la reproduction privée n'est pas autorisée lorsque la copie à partir de laquelle est effectué le téléchargement a été mise à la disposition du public d'une manière manifestement illicite ;

- comporterait deux nouvelles exceptions aux fins de recherche ou d'études privées : une exception permettant la consultation sur place dans les bibliothèques accessibles au public, au moyen de terminaux électroniques, dans la limite d'un nombre maximal d'exemplaires ; une autre exception permettant la reproduction et l'envoi à la demande par des bibliothèques publiques, par courrier ou par fax, d'articles isolés ; ces deux exceptions seraient assorties d'une rémunération équitable.

* 29 Source : « The implementation of the information society directive into german law », Dr Silke von Lewinski, chef de division à l'Institut Max-Planck du droit de la propriété intellectuelle, du droit de la concurrence et du droit fisca l- Revue internationale du droit d'auteur n° 202 - Octobre 2004 p. 11 à 42

* 30 Source : « Developments in Germany from mid-1997 to spring 2005 » part I par Dr Silke von Lewinski, RIDA n° 205 - juillet 2005 - p. 210 à 297.

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