II. UNE CONVENTION AUX DISPOSITIONS ÉQUILIBRÉES

Si l'importance de la notion de patrimoine immatériel est maintenant reconnue, il importe que sa définition soit strictement établie pour en garantir la légitimité. La France s'est activement impliquée dans la négociation de la présente convention, au nom de la rationalité et de la précision reconnue à sa langue, et grâce aux atouts que lui confère la vitalité de son école ethnographique.

A. UNE NÉGOCIATION RAPIDE

C'est lors de la 31 e session de la Conférence générale de l'UNESCO (octobre/novembre 2001) qu'a été entreprise l'élaboration du présent texte, avec la mission confiée au Directeur général, M. Matsuura, de présenter à la 32 e session, soit à l'automne 2003, un avant-projet.

Pour mener à bien cette tâche, le Directeur général a chargé un groupe d'experts de rédiger un projet, qui a ensuite fait l'objet d'une négociation intergouvernementale, de septembre 2002 à juillet 2003. C'est lors de cette négociation que notre pays s'est efforcé de faire prévaloir quelques lignes directrices visant à renforcer le caractère opérationnel du projet. Ce dernier a été adopté en séance plénière le 17 octobre 2003, par 120 voix pour, aucune contre, et huit abstentions (Australie, Canada, Danemark, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Nouvelle -Zélande, Russie, Suisse).

Pour Augusto Arantes, ancien président de l'Institut brésilien du patrimoine national, « la rapidité des processus de ratification a été une véritable surprise. Mais elle prouve que les gouvernements se font l'écho d'une revendication ancienne, tout au moins dans mon pays». La rapidité de l'élaboration de cette convention traduit, en effet, un large accord, basé sur des réflexions menées, non seulement au sein de l'UNESCO, mais également dans les cercles de réflexion de nombreux pays du « Sud », et de certains du « Nord ».

B. UN TEXTE QUI ORGANISE UNE PROTECTION EFFECTIVE DANS DES CONDITIONS PRÉCISÉMENT DÉTERMINÉES

Le patrimoine culturel immatériel est défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire -ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés- que les communautés, les groupes et les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales (y compris la langue en tant qu'elle constitue un vecteur du patrimoine culturel immatériel), aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'Univers, ainsi qu'aux savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, qui sont autant de formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.

La convention prévoit que les Etats parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger et, sur une base non contraignante, proposent une palette d'instruments propres à mettre en valeur et à sauvegarder le patrimoine culturel immatériel comme à en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés intéressées.

La France a particulièrement veillé à ce que ce patrimoine intègre des traditions toujours vivantes, écartant ainsi le risque qu'y soit amalgamé des pratiques folkloriques qui seraient réactivées pour l'occasion.

Ainsi, la distinction accordée à la place Jemaa-el-Fna, située à Marrakech, repose sur le caractère continu d'une tradition marchande toujours vivante. De même, les danses du ballet royal du Cambodge ont été reconstituées, après l'éviction des Khmers rouges du pouvoir, à partir des témoignages d'anciennes danseuses qui les avaient pratiquées avant cette terrible période.

La France dispose d'un savoir-faire reconnu en matière d'inventaire patrimonial, et a d'ailleurs conclu, en 1997, une convention bilatérale avec l'UNESCO pour mettre à la disposition de cette institution ses compétences.

La convention institue des contributions, à titre volontaire, des Etats membres. Pour contourner la vive pression exercée par certains pays en faveur de contributions obligatoires, que de nombreux Etats ne considéraient pas comme adapté au champ d'application de ce texte, le texte pose le principe de contributions obligatoires, mais prévoit la possibilité d'y déroger par une déclaration lors du dépôt des instruments de ratification (art. 26).

Les organes de la convention sont mis en place : tout d'abord, l'Assemblée générale des Etats parties, qui se réunit dès l'entrée en vigueur de la convention ; l'Assemblée générale élit un Comité intergouvernemental constitué de représentants de 18 Etats. Ce chiffre est porté à 24 à copter de 50 ratifications (art. 5).

L'application du texte est devenue effective trois mois après le dépôt de la trentième ratification, effectuée par la Roumanie, en janvier 2006, soit le 20 avril suivant.

Le comité a, notamment, la charge d'établir, de tenir à jour et de publier la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. L'inscription sur la liste doit être demandée par l'Etat intéressé, et approuvée par l'assemblée générale des Etats-parties.

Le Comité définit alors les mesures de sauvegarde appropriées (art. 17).

Le Comité est également chargé de sélectionner, à partir des propositions formulées par les Etats membres, les propositions, programmes, projets et activités de sauvegarde du patrimoine. Il appuie la mise en oeuvre de ces mesures par une diffusion des meilleures pratiques de sauvegarde (art. 18).

Le comité est donc chargé de l'établissement, à partir des propositions qui lui sont faites, de deux listes : l'une répertoriant les éléments constitutifs du patrimoine immatériel de l'humanité, l'autre recensant les expressions culturelles dont la sauvegarde est particulièrement urgente (art. 12).

Les 90 chefs d'oeuvre déjà répertoriés par les trois proclamations de 2001, 2003 et 2005 pourront, naturellement, être intégrés à ces listes, à condition qu'ils se situent dans des Etats ayant ratifié la convention.

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