Article 5
(Livre VII - art. L. 546 à L. 554
nouveaux du code électoral)
Consultations locales en application des
articles 72-4
et 73 de la Constitution
Le présent article modifie le code électoral (I) et le code de justice administrative (II) pour préciser les règles encadrant l'organisation des consultations locales prévues aux articles 72-4 et 73 de la Constitution.
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a inséré un article 72-4 dans la Constitution afin de prévoir une consultation des électeurs des collectivités concernées en cas de changement statutaire outre-mer .
Auparavant, certaines consultations locales ont pu être organisées pour confirmer de tels changements (l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 relatif à la Nouvelle-Calédonie et l'accord de Paris du 27 janvier 2000 relatif à l'avenir de Mayotte ont ainsi fait l'objet d'une publication au Journal officiel et d'une consultation de la population), sans pour autant être systématiques.
Comme le rappelait notre collègue René Garrec, alors président et rapporteur de votre commission, lors de l'examen en première lecture de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 précitée 283 ( * ) , « la réelle innovation (du dispositif) réside (...) dans l'exigence du consentement des électeurs de la collectivité concernée.
« Il s'agit en effet d'éviter que se reproduise la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est devenu un département d'outre-mer sans l'accord de sa population en 1976 (alors même qu'on refusait ce statut à Mayotte dont la population le réclamait) pour devenir en 1985 une « collectivité territoriale », toujours sans consultation ».
Or, depuis la révision constitutionnelle de 2003 :
- aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 72-3 (départements ou collectivités d'outre-mer), de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues ci-dessous.
Par ailleurs, chaque changement de statut est décidé par une loi organique ;
- le Président de la République , sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut aussi décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif . Lorsque la consultation porte sur un changement statutaire et est organisée sur proposition du gouvernement, celui-ci fait devant chaque assemblée une déclaration qui est suivie d'un débat (article 72-4) ;
- le dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution précise en outre que la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues à l'article 72-4 précité, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités.
Le Président de la République a décidé d'organiser, le 7 décembre 2003, une consultation des populations de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sur l'évolution institutionnelle et statutaire de leurs collectivités respectives .
Au préalable, le 7 novembre 2003, une déclaration du Gouvernement et un débat sans vote avaient permis aux représentants des différents partis politiques au Sénat et à l'Assemblée nationale de s'exprimer sur le projet. Tous les orateurs avaient approuvé le principe de la consultation locale.
Celle-ci, marquée par des taux de participation significatifs 284 ( * ) , a souligné le refus de toute évolution statutaire en Guadeloupe et en Martinique (respectivement à 72,98 % et à 50,48 %) et a permis l'approbation de l'évolution statutaire envisagée pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin (respectivement à 95,5 % et à 76,17 %).
Pour encadrer ces consultations inédites, quatre décrets 285 ( * ) (un par collectivité) avaient été publiés au Journal officiel, organisant :
- la mise en place d'une commission de contrôle de la consultation, chargée de « veiller à la liberté et à la sincérité de la consultation » ;
- les modalités pratiques de la campagne électorale (ouverture et clôture ; définition des partis et groupements politiques habilités à demander à participer à la campagne ; moyens de propagande autorisés), du scrutin, du recensement général des votes (confié à la commission précitée), de la proclamation des résultats et du contentieux.
Le présent article pose un « socle » de règles permanentes pour les consultations organisées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à la Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en application des articles 72-4 et 73 de la Constitution dans un livre VII nouveau du code électoral (article L. 546). Dans ce cadre, les décrets fixant l'organisation de chaque consultation pourront prendre en considération les spécificités des collectivités concernées.
Les modalités de vote
En premier lieu, ce nouveau livre du code électoral définit les modalités de participation des citoyens des collectivités concernées à la consultation locale :
- seuls sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur les listes électorales de la collectivité intéressée (article L. 547) ;
L'inscription sur les listes électorales L'inscription sur les listes électorales est obligatoire. En principe, sont inscrits sur leur demande : - tous les électeurs (soit les Français 286 ( * ) âgés de dix-huit ans révolus jouissant de leurs droits civils et politiques et qui n'ont pas été privés de leur droit de vote et d'élection par une décision judiciaire) qui ont leur domicile dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; - ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux ainsi que leur conjoint (art. L. 11 du code électoral). En outre, les personnes remplissant la condition d'âge avant la date de clôture définitive des listes électorales et même avant la date du scrutin (art. L. 11-1 et L. 11-2 du code électoral) sont inscrites d'office sur les listes. Enfin, des règles spécifiques tendent à faciliter l'inscription de certaines catégories d'électeurs (Français établis hors de France ; mariniers...) |
- les électeurs répondent à la question dont le texte est déterminé par le décret du Président de la République et se prononcent à la majorité des suffrages exprimés (article L. 548) ;
- concernant les règles en vigueur pour ces consultations locales, le présent article (art. L. 549) rend applicables la majorité des livres Ier -chapitres Ier, II, V, VI et VII-, II et III du code électoral, ainsi que les articles L. 451, L. 478, L. 498 et L. 519 de son nouveau livre VI.
Quelques articles appartenant au titre Ier du livre Ier seraient cependant exclus pour l'organisation des consultations locales :
- l'article L. 52-3 (emblème sur les bulletins de vote) ;
- les articles L. 56, L. 57, L. 57-1, L. 58 et L. 65 relatifs aux opérations de vote (vote le dimanche au deuxième tour ; machines à voter ; modalités de dépôt de bulletins dans les bureaux de vote ; dépouillement...) ;
- l'article L. 85-1, relatif aux commissions de contrôle des opérations de vote ;
- les articles L. 88-1, L. 95 et L. 113-1-I (1° à 5°), II et III, relatifs aux sanctions pénales de certaines infractions (candidatures sous de faux noms ; dépassement du plafond des dépenses électorales ; non respect des formalités d'établissement des comptes de campagne ; don effectué en violation des dispositions légales ; dépense électorale effectuée pour le compte d'un candidat sans avoir recueilli son accord...), mal adaptés à une campagne électorale qui est, par nature, dépourvue de candidats .
Enfin, l'article L. 549 prévoit les adaptations rédactionnelles nécessaires à l'application des dispositions précitées du code électoral aux consultations locales (les termes « parti ou groupement habilité à participer à la campagne » remplaçant ceux de « candidats » et de « listes de candidats ».
La commission de contrôle de la consultation (articles L. 550 à L. 552 nouveaux)
Le présent article prévoit l'institution, à l'occasion de chaque consultation, d'une commission de contrôle spécifique (art. L. 550).
A l'heure actuelle, dans les communes de plus de 20.000 habitants, des commissions de contrôle des opérations de vote sont « chargées de vérifier la régularité de la composition des bureaux de vote ainsi que celle des opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de dénombrement des suffrages, et de garantir aux électeurs ainsi qu'aux candidats ou listes en présence le libre exercice de leurs droits ».
Mais ce dispositif doit être adapté au déroulement des consultations locales, peu fréquentes et parfois organisées rapidement, qui nécessitent une organisation souple et spécifique.
C'est pourquoi les décrets relatifs aux consultations locales du 7 décembre 2003 avaient prévu dans chacune des quatre collectivités concernées une commission de contrôle de la consultation ayant pour « mission de veiller à la liberté et à la sincérité » de cette dernière.
A cet effet, ces commissions étaient chargées :
- de dresser la liste des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne ;
- de contrôler la régularité du scrutin ;
- de procéder au recensement général des votes et à la proclamation des résultats.
Aux termes de l'article L. 551 nouveau, la commission de contrôle de la consultation prévue à l'article L. 550 nouveau obtient les mêmes compétences.
La liste des partis et groupements habilités à participer à la campagne est dressée par la commission « en raison de leur représentation parmi les parlementaires et membres des assemblées délibérantes intéressées ».
La commission est aussi chargée de « trancher les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins de vote et de procéder aux rectifications nécessaires ».
Comme l'article L. 85-1 précité le reconnaît aux commissions de droit commun pour contrôler la consultation, le président et les membres de la commission de contrôle de la consultation peuvent procéder à tous contrôles et vérifications utiles, ayant accès à tout moment aux bureaux de vote et pouvant exiger l'inscription de leurs observations au procès-verbal.
Les autorités qualifiées pour établir les procurations de vote , les maires et les présidents des bureaux de vote doivent leur fournir tous les renseignements et documents qu'ils demandent.
Enfin, la composition de ces commissions n'est pas précisée dans la loi, qui indique seulement qu'elle « peut comprendre des magistrats de l'ordre administratif et des magistrats de l'ordre judiciaire en activité ou honoraires ».
Par comparaison, les commissions prévues à l'article L. 85-1 précité sont toujours présidées par un magistrat de l'ordre judiciaire. Leur composition est précisée par décret en Conseil d'Etat.
Les commissions prévues pour la consultation du 7 décembre 2003 comprenaient un conseiller d'Etat, président, et deux autres membres du Conseil d'Etat désignés par le vice-président du Conseil d'Etat, ainsi que deux magistrats de l'ordre judiciaire désignés par le premier président de la cour de cassation.
Conformément à la volonté du constituant de laisser la souplesse la plus grande au pouvoir réglementaire dans l'organisation de ces consultations au regard des circonstances locales, votre commission vous propose de préciser que les commissions de contrôle sont présidées, le cas échéant, par un magistrat de l'ordre judiciaire ou administratif et de confier la définition de leur composition aux décrets portant organisation de la consultation.
Les règles applicables à la campagne électorale
L'article L. 552 nouveau du code électoral tend à :
- accorder aux groupements participant à la campagne une durée d'émission télévisée et radiodiffusée mise à disposition par la société nationale chargée du service public de la communication outre-mer. Cette durée doit être répartie entre eux par la commission de contrôle en fonction de leur représentativité, chaque parti étant toutefois assuré de bénéficier d'une durée minimale d'émission (premier alinéa) ;
- rendre applicable aux consultations locales les dispositions de l'article 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (qui permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel de fixer les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives aux campagnes électorales que la société nationale de diffusion des programmes est tenue de diffuser). Le CSA peut aussi adresser des recommandations aux exploitants des services de communication audiovisuelle pendant la durée de la campagne électorale et celles de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 précitée (voir commentaire de l'article 4).
Votre commission vous propose deux amendements rédactionnels à l'article L. 552 du code électoral.
Le contentieux de la consultation (art L. 553 nouveau du code électoral et article L. 311-3 du code de justice administrative)
Si les tribunaux administratifs sont en principe juges du contentieux administratif en premier ressort , le Conseil d'Etat est, selon l'article L. 311-3 du code de justice administrative, compétent en premier et dernier ressort pour connaître des protestations dirigées contre la désignation ou l'élection des membres de certains organismes : représentants au Parlement européen ; conseillers régionaux et conseillers à l'assemblée de Corse ; élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie et celle des membres du gouvernement ainsi que recours contre leur démission d'office ; élection de l'assemblée et du président de la Polynésie française et recours contre la démission d'office des membres du gouvernement et des représentants à l'assemblée ; élections territoriales de Wallis-et-Futuna ; élection de l'Assemblée des Français de l'étranger.
En outre, plusieurs amendements de votre commission tendent à lui confier le contentieux de l'élection des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans cette logique, le présent texte tend à compléter l'article L. 311-3 précité pour confier au Conseil d'Etat la compétence en premier et dernier ressort sur le contentieux des consultations organisées en application des articles 72-4 et 73 de la Constitution (II).
En pratique, tout électeur admis à participer au scrutin et le représentant de l'Etat peuvent contester le résultat devant le Conseil d'Etat, la contestation devant être formée dans les dix jours suivant la proclamation des résultats (art. L. 553 nouveau du code électoral).
Votre commission vous propose de préciser, comme de coutume, que le recours du représentant de l'Etat est motivé par l'absence de respect des conditions et formes légalement prescrites.
Par ailleurs, dans un souci de clarté, votre commission vous propose un amendement de suppression du II modifiant l'article L. 311-3 du code de justice administrative, afin de rassembler l'ensemble des modifications de ce code qu'elle envisage dans un article additionnel après le présent texte.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .
* 283 Rapport n° 27 (2002-2003).
* 284 78,7 % à Saint-Barthélemy ; 50,34 % en Guadeloupe ; 44,18 % à Saint-Martin et 43,94 % en Martinique.
* 285 Décrets n° 2003-1049 (Guadeloupe), 2003-1050 (Martinique), 2003-1051 (Saint-Martin) et 2003-10-52 (Saint-Barthélemy).
* 286 Par dérogation à ce principe, les ressortissants communautaires résidant en France peuvent voter pour les élections municipales et européennes.