C. SÉCURISER LE PROCESSUS DE GÉNÉRALISATION DES ADOSSEMENTS DE RÉGIMES SPÉCIAUX

1. Le précédent des industries électriques et gazières

Les nouvelles normes comptables internationales

Le règlement CE 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002, publié au Journal officiel des communautés européennes le 11 septembre 2002, prévoit dans son article 4 que « les sociétés régies par le droit national d'un Etat membre sont tenues de préparer leurs comptes consolidés conformément aux normes comptables internationales ».

En effet, dans le cas d'un régime de retraite d'entreprise, le risque de fermeture brutale ne peut être écarté, par exemple en cas de faillite, comme en attestent divers exemples de fonds de pension d'entreprise étrangers (Maxwell, Enron). Par ailleurs, même si ce risque était exclu, il semble naturel de retrancher la masse de ces droits acquis de la valeur comptable de l'entreprise : un repreneur reprend en effet non seulement les actifs et les dettes explicites de l'entreprise, mais aussi les engagements de retraite vis-à-vis des employés ou anciens employés de la firme et l'équivalent actuariel de ces engagements doit être pris en compte dans le prix de rachat de l'entreprise. Cette comptabilisation est donc prévue par la norme comptable internationale IAS 19 mise au point par l'International Accounting Standard Board (IASB). Cette norme a été définie en 1998, puis adoptée en 2003 par la commission européenne.

Cette nouvelle norme comptable internationale oblige aussi à comptabiliser en provisions au bilan l'intégralité des engagements de retraites. L'objectif est de présenter tous les avantages servis au personnel, c'est-à-dire toutes les formes de contreparties versées par une entreprise en échange des services rendus par ses employés : mutuelle, retraite complémentaire, avantages divers.

Cette présentation comptable a retenu l'option suivant laquelle le coût des avantages versés au personnel doit être comptabilisé au cours de l'exercice pendant lequel l'employé acquiert l'avantage plutôt que lorsqu'il est payé ou en cours de paiement, par exemple lors de la retraite du salarié. Il s'agit d'un changement majeur et lourd de conséquences pour les grandes entreprises publiques à régime de retraite spécial, dans la mesure où elles n'ont jamais eu à provisionner, jusqu'à présent, leurs engagements de retraite et où elles ne disposent pas des fonds propres nécessaires pour y faire face.

L'adossement : une opération complexe

L'adossement sur les régimes de retraite du secteur privé (Cnav et retraites complémentaires Agirc-Arrco) est une technique financière permettant d'élargir le mode de financement et de garantir le paiement des retraites des régimes spéciaux. Elle a été conçue pour les industries électriques et gazières (IEG) et organisée par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Ce schéma jusqu'alors inédit a fondamentalement différé de celui des précédentes intégrations de régimes reposant sur une mise en extinction progressive. Ce type d'opération avait été effectué plusieurs fois au cours des dernières années, essentiellement par les régimes complémentaires Agirc-Arrco, au profit notamment du personnel au sol d'Air France en 1993, des organismes de sécurité sociale en 1994 ou des caisses d'épargne en 1996. Plus encore, l'adossement des IEG n'a pas suivi le modèle appliqué, de manière satisfaisante, à France Télécom en 1996, qui avait reposé sur une prise en charge par l'Etat du coût des retraites des agents publics.

L'adossement est une réforme limitée aux conditions de financement. Le but recherché est en effet de sortir les engagements de retraite du bilan des entreprises publiques concernées, la Cnav, l'Agirc et l'Arrco assurant alors le service des prestations de base et complémentaires, en contrepartie de cotisations employeur et salariée de droit commun et de l'acquittement de droits d'entrée (soulte). L'opération ne doit naturellement pas provoquer la dégradation de la situation financière du régime d'accueil. Le Sénat a d'ailleurs veillé à inscrire, d'abord dans la loi du 9 août 2004, ensuite dans le code de la sécurité sociale, les principes de transparence et de stricte neutralité pour les assurés sociaux des régimes de droit commun .

Dans le cas des IEG, le régime spécial proprement dit (« régime chapeau ») a donc été maintenu : il est financé par une contribution tarifaire sur les activités régulées et, pour le solde, par les entreprises. Toutefois, dans la mesure où le niveau des prestations des assurés sociaux est demeuré inchangé, y compris pour les nouveaux entrants, le coût du régime spécial reste, quoi qu'il en soit, très élevé pour l'entreprise.

Les engagements de retraite des IEG

Au 31 décembre 2005, les engagements au titre du régime spécial de retraite des IEG étaient estimés, avec un taux d'actualisation de 4,25 %, à 95,2 milliards d'euros, contre 88,9 milliards d'euros un an plus tôt.

Ce montant correspond à hauteur de 41 % aux avantages du « régime chapeau » appelés droits spécifiques (39,1 milliards d'euros) et à 59 % aux droits de base (56 milliards d'euros) équivalents aux prestations des régimes de retraite du secteur privé Cnav et Agirc-Arrco.

Les spécificités du régime spécial des IEG en termes de précocité de l'âge de cessation d'activité et de mode de calcul favorable des pensions présentent un « surcoût » par rapport aux régimes de droit commun que la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) évalue à 19 % de la masse des retraites de l'année 2005, soit plus de 600 millions d'euros par an. Votre commission ne dispose toutefois pas des moyens lui permettant d'évaluer elle-même ces chiffres qui diffèrent sensiblement de la répartition des engagements de retraite entre les droits de base et les droits spécifiques.

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