ANNEXE 1 : L'IMPACT DE LA DEMANDE INTÉRIEURE SUR LES IMPORTATIONS

La présente annexe synthétise les réflexions de votre commission des finances, évoquées ci-avant, au sujet de l'évolution du lien entre demande intérieure et importations.

I. UNE CROISSANCE DÉCEVANTE EN 2005, À CAUSE D'EXPORTATIONS NETTEMENT MOINDRES QUE PRÉVUES

La croissance de l'économie française a été en 2005 de 1,5 %, contre une prévision, à l'automne 2004, de 2,3 % selon le consensus des conjoncturistes, et 2,5 % selon le gouvernement.

Cette croissance décevante s'explique par une contribution des exportations à la croissance du PIB deux fois plus faible que prévu, comme l'indique le tableau ci-après.

Contributions à la croissance du PIB : prévision du gouvernement et exécution

(en points de PIB)

Prévision

Exécution

Ecart

Dépenses de consommation des ménages

1,3

1,2

-0,1

Dépenses de consommation des APU

0,5

0,3

-0,2

Formation brute de capital fixe totale

0,6

0,7

0,1

Variations de stocks et objets de valeur

0,1

-0,1

-0,2

Commerce extérieur

0,0

-0,8

-0,8

dont : Exportations

1,6

0,8

-0,8

Importations

-1,7

-1,5

0,2

PIB

2,5

1,2

-1,3

Sources : projet de loi de finances pour 2005, Insee

Si le projet de loi de finances prévoyait une contribution des exportations à la croissance du PIB de + 1,6 %, celle-ci a en réalité été de seulement + 0,8 %.

Ainsi, alors que le projet de loi de finances pour 2005 prévoyait que la contribution à la croissance du commerce extérieur serait nulle, celle-ci a été de - 0,8 %.

II. DES EXPORTATIONS NETTEMENT MOINDRES QUE CE QU'AURAIENT IMPLIQUÉ LEURS DÉTERMINANTS HABITUELS

Les économistes considèrent donc que si les importations ont globalement obéi à leurs déterminants habituels ces dernières années, les exportations ont été significativement inférieures en 2005 à ce qu'elles auraient dû être .

Ce « décrochage » doit cependant être relativisé. Le seul grand Etat de l'Union européenne dont les exportations ont évolué de manière nettement différente de celle de ses partenaires est l'Allemagne , dont les exportations ont augmenté de manière continue depuis 1993, comme l'indique le graphique ci-après.

Les exportations des principaux Etats de l'Union européenne

(en points de PIB)

Sources nationales

Les causes de ce « décrochage » en 2005 des exportations françaises sont de divers ordres, mais tiennent aux difficultés rencontrées par les entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes. L'appréciation de l'euro et la politique de désinflation compétitive de l'Allemagne ont bien entendu joué un rôle essentiel. Certains économistes 42 ( * ) considèrent, en outre, que cette dégradation du solde extérieur traduit une baisse de la compétitivité hors prix (positionnement, différenciation, qualité des produits...).

En conséquence du « décrochage » des exportations, la balance commerciale de la France a été en 2005 de - 1 point de PIB.

La balance commerciale de la France

(en points de PIB)

Source : Insee

III. UN ÉLÉMENT STRUCTUREL À NE PAS NÉGLIGER, SELON VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL : UN PLUS GRAND « CONTENU EN IMPORTATIONS » DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES

Votre rapporteur général considère que le rôle essentiel joué par les exportations dans le déficit commercial de la France en 2005 ne doit pas dissimuler le fait que, selon lui, la consommation des ménages est peut-être en train de devenir excessivement « riche en importations ».

Les développements ci-après s'appuient, notamment, sur une note rédigée par l'Insee, en réponse à une demande de votre rapporteur général. Les analyses qui suivent sont bien entendu celles de votre rapporteur général.

Si cette évolution se confirmait, cela serait d'autant plus inquiétant que la croissance du PIB a été particulièrement « tirée » par la consommation des ménages ces dernières années. Ainsi, la contribution des dépenses de consommation finale des ménages à la croissance du PIB a été de 1,2 point en moyenne de 2001 à 2005, ce qui, compte tenu de la croissance du PIB sur cette période - 1,5 % en moyenne - était particulièrement élevé, comme l'indique le graphique ci-après.

Consommation des ménages et croissance du PIB (1993-2005)

(en points de PIB et en %)

Source : Insee

En effet, compte tenu de la part de la consommation des ménages dans le PIB (environ 55 %), une contribution à la croissance du PIB de la consommation finale des ménages de 1,2 point exige normalement pour être atteinte une croissance du PIB supérieure à 2 %.

A. UNE PREMIÈRE ANALYSE POURRAIT LAISSER CROIRE QU'IL NE SE PASSE RIEN D'INQUIÉTANT

1. L'ouverture croissante des économies rend naturellement la consommation plus « riche en importations »

Certes, il est normal que la consommation des ménages soit de plus en plus « riche en importations », si l'on prend en compte le fait que, les économies des pays développés étant de plus en plus ouvertes, la part des importations dans leur PIB tend naturellement à s'accroître, comme l'indique le graphique ci-après.

Les importations des principaux Etats de l'Union européenne

(en points de PIB)

Sources nationales

2. Les fluctuations de la compétitivité prix interne dépendent essentiellement de celles de l'euro

Par ailleurs, si la France a vu sa compétitivité prix interne 43 ( * ) baisser entre 2001 et 2003, c'est, en 2002 et en 2003, exclusivement du fait de l'appréciation de l'euro. La seule année récente de dégradation de la compétitivité prix interne, hors appréciation de l'euro, est donc l'année 2001, comme l'indique le graphique ci-après.

Décomposition de la compétitivité prix à l'importation entre effet
du change et autres effets (tous secteurs)

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

L'évolution de la compétitivité prix interne dans différents secteurs, avec et sans les fluctuations de l'euro

Si l'on prend en compte le seul secteur manufacturier , c'est seulement dans le cas des biens d'équipement et, dans une moindre mesure, des biens de consommation, que l'on observe des pertes de compétitivité prix interne .

Décomposition de la compétitivité prix à l'importation par grands secteurs manufacturiers

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Si on neutralise l'effet des fluctuations de l'euro , les pertes de compétitivité prix interne des biens d'équipement et des biens de consommation sont considérablement atténuées , et disparaissent pour les autres produits, comme l'indique le graphique ci-après. L'augmentation de la compétitivité prix interne de l'automobile dans les années 1990 est en revanche particulièrement frappante.

Compétitivité prix à l'importation hors effet change, par grands secteurs manufacturiers

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

De même, entre 2002 et 2005, l'intégralité des variations de compétitivité prix interne vis-à-vis des partenaires hors zone euro est expliquée par les fluctuations de l'euro. C'est seulement en 2001 que la dégradation de compétitivité prix interne vis-à-vis de ces pays est due à d'autres facteurs.

Compétitivité prix interne vis-à-vis des partenaires hors zone euro

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

3. Une croissance reposant sur la consommation des ménages pourrait légèrement moins dégrader le solde extérieur qu'une croissance reposant sur l'investissement

L'Insee a fourni à votre rapporteur général des simulations, réalisées à l'aide de son modèle économétrique Mésange. Il en ressort que si, au bout de quatre trimestres, un renforcement temporaire de 1 % des dépenses de consommation finale des ménages accroîtrait le PIB de 0,2 % et le déficit extérieur de 0,11 point de PIB, un choc temporaire de 1 % sur l'investissement n'accroîtrait le PIB que de 0,09 %, alors que le déficit extérieur ne serait pas significativement accru 44 ( * ) .

Effet d'une hausse temporaire de 1% de la consommation

Déviations de la simulation par rapport au compte central en niveau

(en % sur les volumes)

2005T1

2005T2

2005T3

2005T4

déviation de la consommation

1,0

0,5

0,6

0,5

déviation du PIB

0,5

0,3

0,3

0,2

Niveaux de la balance commerciale en valeur

(en point de PIB)

2005T1

2005T2

2005T3

2005T4

Solde extérieur original

-0,69

-0,96

-1,26

-1,56

Solde extérieur variante

-0,90

-1,08

-1,43

-1,67

Ecart

-0,21

-0,12

-0,17

-0,11

Effet d'une hausse temporaire de 1% de l'investissement

Déviations de la simulation par rapport au compte central en niveau

(en % sur les volumes)

2005T1

2005T2

2005T3

2005T4

déviation de l'investissement

1,00

1,25

1,29

1,25

déviation du PIB

0,07

0,09

0,09

0,09

Niveaux de la balance commerciale en valeur

(en point de PIB)

2005T1

2005T2

2005T3

2005T4

Solde extérieur original

-0,69

-0,96

-1,26

-1,56

Solde extérieur variante

-0,73

-1,02

-1,33

-1,62

Ecart

-0,04

-0,06

-0,07

-0,06

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Bien que l'Insee ne le dise pas explicitement, il semble que l'on puisse tirer de ces simulations les enseignements suivants. Si l'on suppose que l'impact d'une augmentation de l'investissement évolue de manière linéaire, pour augmenter à court terme le PIB de 0,2 point, on a le choix entre deux « stratégies » :

- augmenter la consommation finale des ménages de 1 %, et aggraver le déficit extérieur de 0,1 point de PIB ;

- augmenter l'investissement de 2,2 %, et aggraver le déficit extérieur de, là encore, 0,1 point de PIB.

Pour une augmentation du PIB identique, une augmentation de l'investissement ne dégraderait donc pas davantage le solde extérieur qu'une augmentation de la consommation des ménages.

B. L'EXISTENCE DE CERTAINS FACTEURS D'INQUIÉTUDE

Cependant, votre rapporteur général considère qu'il existe certains facteurs d'inquiétude, en ce qui concerne l'évolution récente du lien entre demande intérieure et importations.

1. Une accélération fin 2005 du contenu en importations de la demande finale en importations manufacturées

Tout d'abord, si au cours des dix dernières années, le contenu de la demande finale en importations manufacturées a régulièrement augmenté, passant pour l'ensemble de la demande finale de 11 % à 15 %, ce phénomène s'est accéléré fin 2005 , comme l'indique le graphique ci-après.

Le contenu en importations manufacturées de la demande finale par type d'agent (France)

(en %)

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

95T4

97T4

99T4

01T4

03T4

05T4

Demande APU

Demande Ménages

Demande Entreprises

Exports

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Selon l'Insee, « l'accélération de la fin 2005 n'est pas significative 45 ( * ) au regard de l'historique de la série ». Il n'en demeure pas moins que cette accélération suscite certaines interrogations.

2. Des évolutions préoccupantes de la compétitivité prix interne ?

Ensuite, la compétitivité prix interne de la France s'est davantage dégradée entre 2001 et 2003 que celle de ses principaux partenaires de la zone euro, comme l'indique le graphique ci-après.

Compétitivité prix à l'importation de la France comparée à celle de ses principaux partenaires de la zone euro

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Certes, le léger redressement de 2004 et 2005 a permis à la France de rejoindre le groupe formé par l'Allemagne, l'Espagne et le Portugal. Cependant, on peut s'inquiéter sur les causes de la lenteur de cette réactivité.

Par ailleurs, sur le marché interne les produits français apparaissent de moins en moins compétitifs vis-à-vis des produits allemands depuis une dizaine d'années, comme l'indique le graphique ci-après.

Compétitivité prix interne de la France vis-à-vis des partenaires
de la zone euro

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Certes, il existe un phénomène symétrique : sur le marché allemand, la compétitivité prix des produits domestiques vis-à-vis des produits français diminue depuis 1998 46 ( * ) . Cependant, la compétitivité prix interne de l'Allemagne s'améliore plus rapidement vis-à-vis de la France que vis-à-vis de la zone euro dans son ensemble , comme l'indique le graphique ci-après.

Compétitivité prix interne de l'Allemagne vis-à-vis des partenaires de la zone euro

Source : note rédigée par l'Insee, à la demande de votre rapporteur général

Il convient donc de rester prudent, et d'examiner avec vigilance, au cours des prochaines années, l'évolution du lien entre la demande intérieure - en particulier la consommation des ménages - et les importations.

* 42 Telle est en particulier la thèse défendue par MM. Patrick Artus et Lionel Fontagné.

* 43 La compétitivité prix interne ou compétitivité prix à l'importation d'un pays dans un secteur donné évalue la manière dont évoluent les prix des produits importés relativement aux prix des producteurs domestiques sur le marché du pays considéré dans ce secteur.

* 44 Bien entendu, ces résultats s'expliquent largement par la part de la consommation finale des ménages et de l'investissement dans le PIB, en moyenne de respectivement 55 % et 19 % depuis 10 ans.

* 45 En considérant le résidu de la régression de la série sur une tendance linéaire.

* 46 Comme le souligne l'Insee, calculer la compétitivité prix des produits français vis-à-vis des produits allemands en France revient en effet à confronter le prix de production français au prix d'exportation allemand ; or en France comme en Allemagne, le prix de production augmente plus rapidement que le prix d'exportation. En effet, contrairement au prix d'exportation, le prix de production domestique rend compte des prix des biens et services abrités de la concurrence étrangère, et des entreprises non exportatrices.

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