2. L'effort de recapitalisation des industries de défense françaises

Le ministère de la défense s'est engagé, au début des années 1990, dans un mouvement de profonde modernisation, transformant ses groupements d'industries de défense en société anonyme. Tel fut le cas pour GIAT-Industries-SA (devenue la société Nexter en septembre 2006) et DCN-SA.

La recapitalisation de ces industries a lourdement pesé sur les finances de l'Etat et sur le budget du ministère de la défense.

Pour DCN-SA, le coût direct pour la défense de la situation nette s'est élevé à :

- 84 millions d'euros d'abandon de créance de la délégation générale pour l'armement (DGA) et du service de soutien de la flotte (SSF) ;

- 340 millions d'euros d'encours non contractualisés. Le paiement a été étalé sur 3 ans (2004, 2005 et 2006).

La capitalisation initiale de la société est de 563 millions d'euros. Cette charge a été supportée par le compte d'affectation spéciale du service des participations de la direction générale du Trésor et de la politique économique (devenu depuis l'Agence des participations de l'Etat).

Vos rapporteurs spéciaux notent que ces efforts financiers exceptionnels sont complétés par les mesures structurantes :

- celle du Fonds d'adaptation industriel qui finance les mesures sociales de restructuration de DCN mises en oeuvre depuis 1996, soit 96,4 millions d'euros en 2007 ;

- et celle de la délégation interministérielle aux restructurations de défense (DIRD) qui soutient les mutations industrielles et sociales de DCN et Nexter, la dynamisation de bassins économiques (région Centre, région Midi-Pyrénées), ou le développement durable (dépollution du site GIAT-Industries de Salbris). La DIRD dispose d'un fonds pour les restructurations de défense, doté d'environ 200 millions d'euros et destiné à apporter un soutien financier aux projets pour la création d'emplois notamment.

3. L'exemple du domaine de la défense navale

Dans le domaine des industries de défense navale, la prééminence américaine est très importante et se traduit de deux façons :

- des partenariats avec, ou des prises de contrôle de chantiers européens afin d'avoir accès à des technologies de « milieu de gamme » pour se renforcer à l'export et placer des équipements électroniques américains. Ainsi les frégates F310, construites par Izar pour la Norvège, ont un système de combat américain, et la maîtrise d'oeuvre d'ensemble est sans doute partagée (General Dynamics, Lookeed Martin, Izar). L'achat d'HDW (Howaldtswerke-Deutsche Werft) par le fonds américain OEP en 2002, qui s'est soldée par un échec, pouvait s'expliquer par la volonté de l'industrie américaine d'accéder à la technologie des sous-marins classiques (absente aux Etats-Unis) en vue d'un gros contrat avec Taïwan ;

- la fédération des efforts de recherche et développement européens autour du programme LCS (Littoral Combat Ship) . Sans que le programme LCS représente le même niveau de menace que le programme américain pour les avions de combat, force est de constater que plusieurs industriels européens sont parties prenantes du projet (Italie, Suède, Espagne) et que pour la première fois les Etats-Unis comptent s'équiper de navires exportables (250 millions de dollars l'unité).

Les deux dernières années ont été marquées par des mouvements de consolidation des industries navales européennes.

La plus importante d'entre elles est la consolidation allemande. En effet, Thyssen Krupp a annoncé la fusion de sa division navale avec le chantier HDW détenu par le fonds de pension américain OEP, pour former une entreprise unique (75 % Thyssen Krupp, 25 % OEP). Le chiffre d'affaires de cette future entité qui a vu le jour le 7 octobre 2004, devrait s'élever à 2,2 millions d'euros pour un effectif de 9.300 employés sur 3 sites de construction. Le nouvel ensemble est principalement centré sur la construction navale militaire (85 %).

En Espagne , le gouvernement a annoncé préparer la séparation des activités militaires des activités civiles du chantier espagnol Izar au sein de deux entités distinctes . La partie militaire du groupe semble performante et rentable avec un bon carnet de commande (des frégates, des sous-marins et un porte-aéronefs). La partie civile, dans une situation critique (pas de commande en 2003), devrait être restructurée, et cédée pour la part restante.

En France , Thalès et DCN ont annoncé, dès 2004, travailler à la poursuite de leur rapprochement. La proximité entre DCN et Thalès est forte et ancienne et a été consacrée par la mise en place de la société Armaris en 2002. La poursuite du rapprochement entre les deux acteurs est conforme à la stratégie décrite dans le contrat d'entreprise de DCN-SA. Elle vise à renforcer les deux acteurs dans le métier porteur de maître d'oeuvre du navire armé et de systèmes navals de défense et à permettre et favoriser la participation des acteurs industriels français, ainsi unifiés, à la consolidation européenne qui s'esquisse . La démarche est en cours d'instruction entre les deux acteurs industriels et devrait se concrétiser par la création d'une société commune regroupant les activités de « construction neuve » et de réalisation, le maintien en condition opérationnelle et les services faisant, à ce stade, l'objet d'un partenariat. Par ailleurs, un groupement d'entreprises dénommé MOPA2 et constitué de DCN (65%) et Thales Naval France (35 %) préfigure la future « joint venture » destinée à assurer la maîtrise d'oeuvre du porte-avions n° 2.

On assiste en Italie à des mouvements potentiellement importants dans le secteur de la défense marqué par la restructuration industrielle du groupe Finmeccanica vers la maîtrise d'oeuvre d'ensemble de projets de défense . Jusqu'ici Finmeccanica était plus une holding qu'un opérateur industriel.

La situation britannique est plus contrastée . Il est difficile de prédire la stratégie du principal constructeur naval militaire britannique Bae Systems qui a annoncé, dans un premier temps, vouloir vendre son activité navale, avant d'afficher son intention de fédérer l'industrie navale britannique. Par ailleurs, le ministère de la défense britannique a lancé une étude fin 2004 afin de rationaliser ses acquisitions dans le domaine naval, et de lisser la charge de travail induite par ses commandes. Cette initiative est de nature à constituer un catalyseur de l'industrie navale britannique .

Ces mouvements s'effectuent à ce stade chacun dans une sphère nationale ; il faut espérer qu'ils ne constituent qu'une étape préliminaire à la nécessaire consolidation européenne.

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