Rapport n° 137 (2006-2007) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 20 décembre 2006

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N° 137

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d' entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco ,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 53 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2005, le Sénat a approuvé le traité adaptant et confirmant les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco.

En complément de ce traité, notre pays et Monaco ont signé, lors de la première visite officielle en France d'Albert II de Monaco (8 novembre 2005), une convention destinée à approfondir leur coopération administrative et une convention d'entraide judiciaire en matière pénale. Cette dernière est aujourd'hui soumise à l'approbation de notre Assemblée.

L'entraide judiciaire pénale franco-monégasque reposait jusqu'à présent sur la convention sur l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949. Depuis 2001, les deux Etats ont mené des négociations afin de moderniser leur coopération judiciaire en matière pénale et de la rendre conforme aux normes les plus récentes en vigueur au sein de l'Union européenne et par la plupart des Etats membres du Conseil de l'Europe (dont Monaco fait partie depuis le 5 octobre 2004). La conclusion d'un accord en ce domaine était l'une des contreparties, demandées par la France, du renforcement de la reconnaissance du statut international de la souveraineté monégasque.

La convention d'entraide judiciaire pénale qui est présentée au Sénat est le fruit de la volonté de la France et de Monaco d'améliorer leur coopération dans ce domaine, dans le cadre de leur « communauté de destin », affirmée dans le préambule du nouveau Traité d'amitié franco-monégasque.

I. CHAMP ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA CONVENTION

A. LE CHAMP D'APPLICATION

Les deux Parties s'accordent l'entraide mutuelle la plus large possible dans toute procédure pénale menée par une autorité judiciaire et relative à des infractions pénales. Y sont inclues les procédures qui pourraient mettre en oeuvre la responsabilité d'une personne morale . Cette entraide est également accordée pour les procédures d'indemnisation (en cas de poursuites ou condamnations injustifiées) et de grâce, pour la notification de communications judiciaires (relatives à des exécutions de peines ou mesures de sûreté, à la perception d'amende...) et pour des mesures liées au prononcé, à l'exécution d'une peine ainsi qu'à son ajournement ou son interruption.

L'article premier, dans son troisième paragraphe, prévoit que l'entraide judiciaire s'applique de façon générale pour toute assistance compatible avec le droit interne de la Partie requise . Il énumère à titre indicatif seulement et non exhaustif les principales formes que peut revêtir une coopération judiciaire en matière pénale traditionnelle : identification et localisation de personnes ; recueil de témoignages et dépositions ; perquisitions, gels et saisies ; examens d'objets et visites des lieux ; communication des informations, pièces à conviction et estimations d'experts ; aide à la comparution volontaire de personnes ; identification et localisation des produits du crime et des éléments de preuve .

Il précise également que la coopération inclut le recueil d'informations en matière bancaire : l'entraide judiciaire est ainsi accordée pour « obtenir, pour la période déterminée dans la demande, des actes, dossiers et documents administratifs, bancaires, financiers ou commerciaux et des documents de sociétés, afférents à la personne physique ou morale objet de la demande, y compris la liste des comptes bancaires de toute nature qu'elle contrôle ou détient dans une banque située sur le territoire de la Partie requise, et celle des opérations bancaires réalisées sur les comptes spécifiés dans la demande, ainsi que leurs comptes émetteurs ou récepteurs . Ces informations sont fournies à la Partie requérante même s'il s'agit de comptes détenus par une entité agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation . »

En revanche, l'article premier indique que l'entraide ne s'applique pas à l'exécution des décisions d'arrestation provisoire, d'extradition ou de condamnation.

B. LE REFUS D'ENTRAIDE

Il est prévu par la convention (article 3) pour des cas précis, notamment :

- si la demande se rapporte à des infractions politiques ou connexes à ce type d'infraction ;

- si la demande se rapporte à des infractions militaires (hors droit commun) ;

- si l'exécution de la demande est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, la sécurité, l'ordre public ou autre intérêt essentiel de l'Etat ;

- si la demande se rapporte à une infraction pour laquelle la personne poursuivie a été définitivement jugée dans la Partie requise ;

- si l'exécution de la demande est susceptible d'entraver une enquête ou des poursuites en cours (entraide différée).

Le refus d'entraide est également prévu lorsque la demande se rapporte à des infractions considérées par la Partie requise comme des infractions fiscales . La convention précise cependant deux exceptions qui limitent considérablement la possibilité de recourir à ce motif de refus ; elles concernent les cas où les demandes portent sur des faits qui constituent également une infraction pénale de droit commun selon le droit de la Partie requise ou sur des faits relatifs à des impôts et taxes mentionnés dans les conventions fiscales franco-monégasques.

Enfin, le secret bancaire ne peut être invoqué pour refuser l'entraide .

Tout refus d'entraide doit, bien entendu, être motivé .

C. LES TRANSMISSIONS DE DEMANDE D'ENTRAIDE

La convention franco-monégasque, comme la convention d'entraide pénale des Etats membres de l'Union européenne, prévoit que les demandes d'entraide sont transmises directement entre les autorités judiciaires compétentes .

Toutefois, ces échanges directs, souvent privilégiés pour des raisons d'efficacité ne font pas obstacle à la possibilité de recourir, dans certains cas, à une transmission par le ministère de la justice pour la France ou la direction des services judiciaires pour la Principauté .

La transmission par l'intermédiaire des autorités centrales ne constitue pas une possibilité mais une obligation pour les demandes concernant certaines formes spécifiques de coopération : livraisons surveillées, équipes communes d'enquête ou enquêtes discrètes, transfèrement de personnes détenues aux fins d'entraide, transmission spontanée d'informations.

D. L'UTILISATION DES ÉLÉMENTS COMMUNIQUÉS

Afin de ne pas nuire aux investigations, la Partie requise s'engage à respecter le caractère confidentiel de la demande qui lui est transmise et la Partie requérante à respecter celui des informations communiquées.

Par ailleurs, ces éléments ne peuvent être utilisés par la Partie requérante qu'aux fins suivantes : procédures visées par la convention (et procédures liées) ou prévention d'un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique. Pour toute autre fin, ces informations ne sont utilisables qu'avec le consentement de la Partie requise.

II. DES FORMES DE COOPÉRATION INNOVANTES

La convention prévoit, bien évidemment, les dispositions classiques en matière d'entraide judiciaire Elle intègre également des formules plus innovantes.

A. LES AUDITIONS PAR VIDÉOCONFÉRENCE

Si une personne qui se trouve sur le territoire de la Partie requise doit être entendue comme témoin ou expert par les autorités judiciaires de la Partie requérante et que ces autorités estiment inopportune ou impossible une telle audition sur leur territoire, celle-ci peut, avec l'accord de la Partie requise, avoir lieu par vidéoconférence sur le territoire de cette dernière.

Cette solution innovante est soumise à des dispositions précises (article 15) :

- l'audition a lieu en présence d'une autorité judiciaire de la Partie requise, assistée au besoin d'un interprète. L'autorité judiciaire de la Partie requise veille à ce que les principes fondamentaux du droit de cette Partie soient respectés au cours de l'audition. Elle prend immédiatement les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'audition se poursuive conformément auxdits principes ;

- les autorités compétentes des deux Parties conviennent, le cas échéant, des mesures relatives à la protection de la personne à entendre ;

- l'audition est effectuée directement par l'autorité judiciaire de la Partie requérante, ou sous sa direction, conformément à son droit interne ;

- à la demande de la Partie requérante ou de la personne à entendre, la Partie requise veille à ce que celle-ci soit, au besoin, assistée d'un interprète ;

- la personne à entendre peut invoquer le droit de ne pas témoigner qui lui serait reconnu par la loi soit de la Partie requise, soit de la Partie requérante.

B. LES LIVRAISONS SURVEILLÉES

La convention permet, par ailleurs, de doter d'un cadre juridique la coopération bilatérale pour le recours aux « livraisons surveillées » effectuées dans le cadre d'une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition. La méthode des opérations surveillées recouvre des opérations au cours desquelles les administrations douanières des deux parties, en conformité avec leur droit national, surveillent en permettant le passage de produits ou substances illicites en vue de constater les infractions douanières liées à l'importation, à l'exportation ou à la détention de ces produits et d'identifier les personnes impliquées dans la commission de ces effractions : les expéditions illicites, dont il est convenu de surveiller la livraison, peuvent, d'un commun accord, être interceptées et autorisées à poursuivre leur cheminement, soit telles qu'elles, soit après que les produits illicites en aient été soustraits ou aient été remplacés par d'autres produits.

C. LES « ÉQUIPES COMMUNES D'ENQUÊTE »

Elles peuvent être créées lorsque, dans le cadre d'une procédure d'enquête menée par une des Parties, il est nécessaire d'effectuer des recherches difficiles et mobilisant d'importants moyens ou lorsque les deux Parties effectuent des enquêtes concernant des infractions qui exigent une action coordonnée et concertée. Leur création résulte d'un accord écrit entre les autorités compétentes des parties qui en déterminent la composition, l'objectif et la durée.

Les « équipes communes d'enquête » (article 18) obéissent aux règles suivantes : l'équipe mène ses opérations conformément au droit de la Partie sur le territoire de laquelle elle intervient et sous l'autorité d'un responsable représentant l'autorité compétente (participant aux enquêtes pénales) de cette Partie. Les membres provenant de l'autre Partie sont a priori habilités à être présents, lorsque des mesures d'enquête sont prises, dans la Partie où a lieu l'intervention.

Les informations obtenues par un membre de l'équipe commune d'enquête peuvent être utilisées :

- aux fins pour lesquelles l'équipe a été créée ;

- pour enquêter sur et poursuivre d'autres infractions pénales sous réserve du consentement préalable de la Partie où l'information a été obtenue. Le consentement ne peut être refusé que dans les cas où une telle utilisation représenterait un danger pour les enquêtes pénales menées dans la Partie concernée ou pour lesquels cette Partie pourrait refuser l'entraide ;

- pour prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique.

D. LES « ENQUÊTES DISCRÈTES »

Il s'agit des enquêtes menées par des agents relevant de l'autorité judiciaire et intervenant en secret ou sous identité fictive.

Les deux Parties (article 19) peuvent convenir de s'entraider pour la réalisation de telles enquêtes. Elles conviennent alors, dans le respect de leurs lois et de leurs procédures nationales de la durée de l'enquête discrète, de ses modalités précises et du statut juridique des agents concernés.

Elles coopèrent pour assurer la sécurité des agents intervenant en secret ou sous une identité fictive.

CONCLUSION

Lors de son entretien avec notre Président de la République, en novembre 2005, le Prince Albert de Monaco a présenté « ses projets pour développer la place financière de Monaco en insistant sur la transparence et la lutte contre le blanchiment ».

De nombreux éléments de l'accord franco-monégasque d'entraide judiciaire en matière pénale, notamment en ce qui concerne les informations en matière bancaire et fiscale, vont dans ce sens.

Cet accord prévoit en outre des dispositions innovantes qui rendront plus efficaces les actions menées, parallèlement ou conjointement, mais dans un esprit de coopération, par les autorités judiciaires de nos deux Etats.

En conséquence, votre Commission vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 20 décembre 2006.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, signée à Paris le 8 novembre 2005, dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE - ETUDE D'IMPACT2 ( * )

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco

L'approbation de la convention n'entraînera pas de modification du droit existant. Le cadre juridique nécessaire à la mise en oeuvre des équipes communes d'enquête a été introduit dans le droit positif par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation des moyens de la justice à l'évolution de la criminalité.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 53 (2006-2007)

* 2 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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