ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Le régime de la responsabilité disciplinaire des juges professionnels est principalement défini par les lois relatives aux différentes juridictions. Il diffère selon qu'il s'agit de juges des cours « inférieures » ou de juges des cours « supérieures » ( 233 ( * ) ) . Les premiers peuvent, aux termes de la loi de 1971 sur les cours de justice et celle de 1984 sur les county courts , être révoqués pour incapacité ou mauvaise conduite. D'après la loi de 1981 sur la Cour suprême, les seconds ne peuvent être révoqués que pour mauvaise conduite et sur demande conjointe des deux chambres du Parlement. Le Lord Chancelier , qui est à la fois le plus haut représentant de l'ordre judiciaire, le Speaker de la Chambre des Lords et l'un des membres du gouvernement, est seul compétent en matière disciplinaire . En juin 2000, il a publié un guide sur les activités annexes des juges (document n° 2). Ce document précise les devoirs et obligations des magistrats. Le protocole sur le traitement des plaintes relatives au comportement des membres de l'ordre judiciaire, conclu en avril 2003 (document n° 3) entre le Lord Chancelier et les représentants de la profession, décrit la procédure disciplinaire. La suppression envisagée du poste de Lord Chancelier devrait entraîner des modifications de cette procédure. |
A. 1) LES DEVOIRS ET OBLIGATIONS DES MAGISTRATS
1. a) Les sources
Les devoirs et les obligations des magistrats sont énoncés dans plusieurs textes, parmi lesquels les lois relatives aux juridictions, le guide sur les activités annexes des juges, publié par le Lord Chancelier en juin 2000, et le protocole sur le traitement des plaintes, conclu en avril 2003 entre le Lord Chancelier et les représentants de l'ordre judiciaire.
Les lois relatives aux juridictions
Tous les magistrats ont une obligation de bonne conduite . En outre, les lois qui régissent les juridictions « inférieures » mentionnent le devoir de compétence des juges qui y siègent.
Le guide relatif aux activités annexes des juges
Ce document publié, en juin 2000 par le Lord Chancelier et présenté comme non exhaustif, fournit aux juges des règles de conduite dans certaines circonstances .
Il pose en préalable les principes généraux suivants : « Les juges doivent veiller à se comporter d'une manière compatible avec l'autorité et la position d'un juge. Ils ne doivent pas s'engager, à quelque titre que ce soit, dans une activité qui pourrait porter atteinte à leur indépendance ou à leur impartialité, ou qui pourrait être raisonnablement perçue comme telle. [...] Quelles que soient les circonstances, les juges ne peuvent pas exercer un autre emploi rémunéré, ni recevoir ou conserver des honoraires ou des émoluments, sauf lorsqu'il s'agit de droits d'auteur. Ils ne sont pas autorisés à entreprendre une mission ou une activité susceptible de les empêcher de remplir pleinement leurs fonctions. Dans leurs affaires privées, ils doivent se comporter de manière à réduire les risques de conflit ou de confusion. »
En cas de doute sur la conduite à tenir, les juges sont invités à prendre conseil auprès de leur supérieur, direct ou non, voire du Lord Chancelier.
Le guide relatif aux activités annexes des juges énumère ensuite plusieurs situations susceptibles de soulever des problèmes d'ordre moral (détention de capitaux dans une société, activités associatives, activités politiques, diffusion de documents...) et indique la conduite à tenir dans chaque cas.
Le protocole sur le traitement des plaintes
Ce protocole, qui décrit la procédure de traitement des plaintes relatives au « comportement personnel du juge », a été conclu en avril 2003 entre le Lord Chancelier et les représentants de l'ordre judiciaire.
En tant que plus haut représentant de l'ordre judiciaire, le Lord Chancelier insiste sur son souci de voir les magistrats agir en toutes circonstances conformément au degré de courtoisie et de considération que les justiciables et le public sont en droit d'attendre d'eux. Il précise également que les plaintes relatives aux décisions des juges ne relèvent pas de sa compétence.
C'est pourquoi le document traite seulement du comportement personnel des magistrats, c'est-à-dire du comportement adopté dans l'enceinte du tribunal à l'occasion d'une affaire déterminée. Ainsi, les faits suivants peuvent légitimement susciter une plainte :
- des remarques inappropriées faites par un juge lors du déroulement d'un procès ;
- une conduite grossière ou agressive d'un juge à l'égard d'un justiciable ;
- un jugement rendu dans un délai inacceptable, c'est à dire dépassant trois mois, sans motif fondé.
Le comportement en dehors du tribunal ne relève de la procédure de traitement des plaintes que s'il risque de porter atteinte à la réputation de l'ordre judiciaire ou de constituer une violation des fonctions de juge.
En revanche, les conflits d'intérêts entre les juges et les justiciables n'appartiennent pas au domaine disciplinaire, mais peuvent motiver un appel.
En outre, même si cela ne figure pas expressément dans le protocole, le Lord Chancelier a fait savoir que toutes les formes de discrimination, notamment raciales, religieuses et sexuelles, constituaient des comportements répréhensibles.
Les recommandations du Lord Chancelier
En 1994, le Lord Chancelier a demandé aux juges accusés d'avoir commis une infraction de l'en avertir immédiatement et de l'informer des suites données à l'affaire. Cette obligation ne concerne toutefois pas les infractions de stationnement et d'excès de vitesse lorsqu'elles sont commises sans circonstance aggravante.
L'appartenance des magistrats à la franc-maçonnerie a suscité un débat public à la fin des années 90 et a fait l'objet d'un rapport parlementaire en 1997. Intitulé « La franc-maçonnerie dans la police et le système judiciaire », ce document proposait :
- que les nouveaux juges mentionnent, lors de leur recrutement, leur appartenance à franc-maçonnerie ou s'engagent à indiquer leur adhésion ultérieure ;
- que les juges en fonction déclarent leur appartenance à la franc-maçonnerie ;
- qu'un registre des francs-maçons dans le système judiciaire soit constitué.
En février 1998, le gouvernement a accepté ces propositions. Par conséquent, les juges en fonction ont été invités au cours de l'année 1999 par le Lord Chancelier à déclarer volontairement leur appartenance à la franc-maçonnerie (96 % des juges ont répondu et, parmi eux, 5 % ont dit être francs-maçons).
* (228) Cette voie d'accès était traditionnellement réservée aux personnes de moins de trente ans, mais la condition d'âge a été supprimée en 2000.