Accéder au dossier législatif

Rapport n° 216 (2006-2007) de Mme Janine ROZIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 février 2007

Disponible au format Acrobat (370 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (26 Koctets)

N° 216

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires »,

Par Mme Janine ROZIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mme Catherine Procaccia, M. Thierry Repentin, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3482 , 3587 et T.A. 660

Sénat : 184 (2006-2007)

Mutuelles.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Déposée par notre collègue député, Charles Cova, cette proposition de loi vise à assurer le maintien des activités de solidarité de la Société nationale « Les Médaillés Militaires », en lui permettant d'abandonner le statut de mutuelle pour celui d'association.

Il s'agit essentiellement de faire perdurer un vaste réseau de camaraderie et de solidarité qui contribue à développer dans notre pays le culte du souvenir et à entretenir le devoir de mémoire que nous devons à tous ceux qui se sont engagés pour la France.

Nous ne devons en effet jamais oublier que, pour obtenir cette récompense, les médaillés militaires ont risqué leur vie, comme en témoignent d'ailleurs les anciens combattants qui, à chaque commémoration devant les monuments aux morts, arborent avec fierté cette décoration.

Cette proposition de loi doit donc nous permettre de rendre l'hommage qu'ils méritent à ces concitoyens que la Médaille militaire a honorés.

I. UNE RÉCOMPENSE ORIGINALE ET PRESTIGIEUSE : LA MÉDAILLE MILITAIRE

Créée il y a plus de cent cinquante ans, la Médaille militaire est une décoration originale en ce qu'elle récompense à la fois la base de la hiérarchie - le personnel non officier - et son sommet - les officiers généraux. Parfois baptisée « médaille de la bravoure », cette décoration était surnommée, sous le Second Empire « le bijou de l'armée ».

A. UNE DISTINCTION GAGNÉE « AU FEU »

La Médaille militaire a été instituée par décret du 22 janvier 1852, signé de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, pour lequel la récompense du personnel non-officier était une priorité, comme il l'a clairement proclamé lors de la première remise de la Médaille militaire devant la troupe le 21 mars 1852 :

« Combien de fois ai-je regretté de voir des soldats et des sous-officiers rentrer dans leurs foyers sans récompense, quoique, par la durée de leurs services, par des blessures, par des actions dignes d'éloges, ils eussent mérité un témoignage de satisfaction de la patrie !

C'est pour le leur accorder que j'ai institué cette médaille.

(...) le ruban que vous porterez sur la poitrine (...) dira à vos camarades, à vos familles, à vos concitoyens que celui qui la porte est un brave. »

La République a conservé cette décoration, en maintenant notamment sa devise « Valeur et discipline », pour continuer à honorer la bravoure militaire.

Le code de la légion d'honneur et de la médaille militaire détermine les conditions dans lesquelles elle est accordée.


Bénéficiaires de la médaille militaire

(extraits du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire)

Article R. 136

La médaille militaire, destinée à récompenser les militaires et assimilés non officiers, peut être attribuée :

1° A ceux qui comptent huit années de services militaires ;

2° A ceux qui ont été cités à l'ordre de l'armée, quelle que soit leur ancienneté de service ;

3° A ceux qui ont reçu une ou plusieurs blessures en combattant devant l'ennemi ou en service commandé ;

4° A ceux qui se sont signalés par un acte de courage ou de dévouement méritant récompense.

Article R. 140

La médaille militaire peut être exceptionnellement concédée par décret pris en conseil des ministres aux maréchaux de France et aux officiers généraux, grand'croix de la Légion d'honneur, qui, en temps de guerre, ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou qui ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale.

Depuis sa création, la Médaille militaire a été attribuée à environ un million de personnes, dont 156 généraux et maréchaux. Actuellement, ce sont près de 3 500 récompenses qui sont concédées annuellement.

Cette décoration, dépourvue de grades, contrairement à la Légion d'honneur, est, dès l'origine, prestigieuse et reste très estimée au sein des armées. Son histoire, émaillée d'épisodes symboliques, a contribué à développer la fierté légitime de ses titulaires.


Quelques pages de l'histoire de la Médaille militaire

- Dès 1859, trois femmes en sont décorées : Perrine Cros, cantinière aux chasseurs à pieds de la Garde et blessée à Solférino, Jeanne Marie Rossini, née Barbe, cantinière aux zouaves de la Garde, Madeleine Trimoreau, née Dagobert, cantinière au 2 ème zouaves.

- Le général Lyautey choisit de se faire remettre la Médaille militaire au Maroc par un sous-officier, l'adjudant Caviglioli, lui-même médaillé.

- En décorant un caporal-chef, le maréchal Canrobert déclare : « Et maintenant tu es autant que moi, nous sommes égaux ».

- Quelques très rares personnalités étrangères en ont été bénéficiaires, mais leurs noms témoignent de la valeur de la reconnaissance conférée par cette médaille : Winston Churchill, le général Eisenhower, à titre posthume le président Franklin Roosevelt.

B. UN RÉSEAU DE SOLIDARITÉ

On compte actuellement près de 200 000 titulaires vivants de la Médaille militaire. Comme leurs prédécesseurs, ces médaillés forment une communauté vivante et solidaire, organisée autour de deux pôles :

- la Société nationale « Les Médaillés Militaires »

Cette société de secours mutuel, créée en 1904 et reconnue d'utilité publique en 1931, a pour vocation d'apporter un soutien matériel et financier aux médaillés et à leurs familles tout en cultivant une fraternité entre les médaillés.

Elle compte aujourd'hui plus de 70 000 adhérents, répartis dans le monde entier ;

- l'Association de l'orphelinat et des oeuvres des médaillés militaires

Egalement chargée d'apporter une aide aux médaillés militaires, cette association, créée au cours de la Grande Guerre pour accentuer l'effort social de la Société, dispose de ressources moindres du fait d'un nombre d'adhérents plus faible, environ 14 000.

II. L'ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DU STATUT DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES MÉDAILLÉS MILITAIRES

Créée à une époque où les assurances sociales n'existaient pas, la Société nationale « Les Médaillés Militaires » a longtemps rempli un rôle irremplaçable auprès des médaillés et de leurs familles, en particulier pendant toutes les années où les conséquences des conflits majeurs qui se sont succédé ont nécessité aide, assistance et solidarité.

L'avènement de la sécurité sociale en 1945 a sensiblement modifié les missions de la Société nationale qui n'apporte désormais plus qu'une aide ponctuelle aux médaillés dans le besoin.

En outre, depuis 1972, elle gère un établissement d'accueil des médaillés militaires âgés, implanté à Hyères.

A. D'UNE MUTUELLE DE PROTECTION SOCIALE

La Société nationale a été créée sous la forme d'une société mutualiste, les valeurs mutualistes et les principes de la « charte de la mutualité » de 1898 répondant particulièrement bien aux objectifs poursuivis par ses fondateurs.

Or, depuis quelques années, le secteur mutualiste a été profondément restructuré et modifié, principalement sous l'effet de la transposition en droit national des directives européennes « assurances » de 1992. Cette transposition a notamment eu pour effet de séparer les mutuelles pratiquant des opérations d'assurance, soumises au livre II du code de la mutualité, de celles qui assurent la gestion de réalisations sanitaires et sociales, relevant du livre III.

Dans ce nouveau contexte, la Société nationale a été contrainte de revoir ses statuts et son règlement intérieur. Ayant pour objet d'assurer la gestion de la maison de retraite de Hyères, elle relève désormais des dispositions du livre III du code de la mutualité.

Or, les exigences du code de la mutualité s'avèrent particulièrement lourdes pour un organisme qui ne gère qu'une seule oeuvre sociale. Ainsi, parmi les contraintes constatées par la Société nationale, figurent :

- les règles de fixation des cotisations qui sont désormais strictement encadrées ;

- les prestations qui ne peuvent être modulées qu'en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille, ce qui empêche l'attribution de secours exceptionnels pour faire face à des besoins urgents que pourraient connaître certains membres ;

- le rôle en principe primordial de l'assemblée générale qui s'accommode mal de l'organisation ancienne et très décentralisée de la Société nationale avec son millier de sections locales ;

- la difficulté de concilier les dispositions du code avec certains des buts poursuivis par la Société nationale, comme le resserrement des liens de solidarité et de camaraderie entre les médaillés militaires, la défense des droits d'anciens combattants de ses membres ou la promotion et la transmission aux nouvelles générations du devoir de mémoire.

Aussi, le statut mutualiste apparaît mal adapté aux activités actuelles de la Société nationale, pour laquelle une formule associative semble plus appropriée.

B. À UNE ASSOCIATION D'ENTRAIDE

Après réflexion et concertation, la Société nationale a décidé de changer de statut, en abandonnant le statut mutualiste pour celui d'une association de la loi de 1901 reconnue d'utilité publique.

Cette transformation est d'autant plus aisée que la Société peut se dissoudre au profit de l'Association de l'orphelinat et des oeuvres qu'elle a elle-même créées et dont les statuts ont d'ailleurs été récemment modifiés pour préparer cette évolution.

Toutefois, pour que cette transformation soit effective, il convient de lever un verrou législatif, celui de l'article L. 113-4 du code de la mutualité qui rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au fonds national de garantie des mutuelles.

Article L. 113-4 du code de la mutualité

La dissolution d'une mutuelle, union ou fédération est prononcée par l'assemblée générale dans les conditions prévues au I de l'article L. 114-12.

L'excédent de l'actif net sur le passif est dévolu, par décision de l'assemblée générale statuant dans les conditions prévues au I de l'article L. 114-12 à d'autres mutuelles, unions ou fédérations ou au fonds de solidarité et d'action mutualistes mentionné à l'article L. 421-1 ou au fonds de garantie mentionné à l'article L. 431-1. A défaut de dévolution, par l'assemblée générale ayant prononcé la dissolution, de l'excédent de l'actif net sur le passif, celui-ci est affecté au fonds de garantie mentionné à l'article L. 431-1.

A défaut de réunion de l'assemblée générale durant deux années civiles consécutives, la dissolution peut être prononcée par l'Autorité de contrôle mentionnée à l'article L. 510-1, qui nomme un liquidateur. L'excédent de l'actif net sur le passif est dévolu au fonds de garantie mentionné à l'article L. 431-1.

A défaut de décision de l'assemblée générale dans les cas de dissolution visés à l'article L. 212-16, l'excédent de l'actif net sur le passif est affecté au fonds de garantie mentionné à l'article L. 431-1.

Aussi, par dérogation à cette disposition, la présente proposition de loi prévoit que l'actif de la Société nationale des Médaillés militaires sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir ses missions.

La mesure, très attendue par les médaillés militaires, ne remettra pas en cause le fait que les biens de la Société, à savoir son siège à Paris et la maison de retraite de Hyères, seront toujours utilisés dans un but non lucratif.

Elle paraît donc légitime et de nature à permettre à la communauté des médaillés militaires de poursuivre dans de bonnes conditions l'ensemble de ses activités, en particulier ses actions de solidarité.

*

En conséquence, votre commission vous demande d'adopter cette proposition de loi sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 7 février 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Janine Rozier sur la proposition de loi n° 184 (2006-2007), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires » .

Mme Janine Rozier, rapporteur , a indiqué que la proposition de loi comporte un seul article destiné à permettre la transformation de la Société nationale « Les Médaillés Militaires », qui a aujourd'hui le statut de mutuelle, en association.

La médaille militaire a été instituée par un décret du 22 janvier 1852. Cette décoration est, depuis l'origine, réservée aux soldats et aux sous-officiers, ainsi qu'à titre exceptionnel, aux maréchaux de France et aux officiers généraux qui ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale. Il s'agit donc d'une distinction gagnée « au feu » attribuée, depuis sa création, à environ un million d'hommes de troupes et sous officiers et à cent cinquante-six généraux et maréchaux, parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, de Lattre et Leclerc. On compte actuellement environ 200 000 titulaires vivants. Chaque année, près de trois mille cinq cents nouvelles médailles servent à honorer les militaires qui ont servi au moins huit ans dans l'armée et ont rendu des services exceptionnels.

Depuis sa création, la gestion administrative de la médaille militaire est assurée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Parallèlement, une société de secours mutuel a été créée en 1904 par les médaillés militaires, pour soutenir les titulaires et leurs familles et cultiver une fraternité et une solidarité entre ses membres. Actuellement, cette société nationale dénommée « Les Médaillés Militaires » compte plus de 70 000 adhérents répartis dans le monde entier. Outre le maintien d'une communauté solidaire et vivante entre les médaillés, elle assure la gestion d'une maison de retraite implantée à Hyères. Cette société est régie par le code de la mutualité. Or, les dispositions de ce code, issues des règles ayant transposé les directives européennes, s'avèrent particulièrement lourdes et inadaptées aux activités actuelles de la société nationale qui considère aujourd'hui qu'un statut associatif serait plus approprié. La formule associative a d'ailleurs été choisie par la société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et l'association des membres de l'Ordre national du mérite.

La société des médaillés qui prévoit de se dissoudre au profit de l'association de l'orphelinat et des oeuvres, créée en son sein il y a déjà de nombreuses années, a entrepris les démarches nécessaires à ce changement de statut. Toutefois, pour que cette transformation soit effective, il reste à lever le verrou législatif de l'article L. 113-4 du code de la mutualité qui rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au fonds national de garantie des mutuelles. La présente proposition de loi prévoit donc, par dérogation à cette disposition, que l'actif de la Société nationale « Les Médaillés Militaires » sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir ses missions. Si cette mesure constitue bien une dérogation au code de la mutualité, elle n'en est pas moins de faible ampleur et d'une nature exceptionnelle. Elle est, en tout état de cause, très attendue par les intéressés et constitue un geste normal à l'égard des médaillés militaires. Il convient donc d'accepter cette proposition de loi afin d'affirmer un devoir de solidarité et de mémoire à l'égard des nombreux compatriotes médaillés qui ont risqué leur vie pour notre pays.

M. Nicolas About, président , s'est associé à l'hommage rendu par Mme Janine Rozier aux médaillés militaires.

Mme Claire-Lise Campion a indiqué que les sénateurs socialistes s'abstiendront lors du vote de la proposition de loi.

La commission a adopté le rapport qui lui était présenté et le texte de la proposition de loi sans modification .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page