N° 231

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l' approfondissement de la coopération transfrontalière , notamment en vue de lutter contre le terrorisme , la criminalité transfrontalière et la migration illégale ,

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 150 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames Messieurs,

Depuis la conclusion de l'accord de Schengen, en 1985, et l'élaboration de sa convention d'application, en 1990, les Etats membres de l'Union européenne s'attachent à renforcer les légitimes exigences des citoyens européens en matière de conciliation de la liberté et de la sécurité.

A cet effet, l'article 39 de la convention d'application de 1990 organise les modalités d'élaboration d'accords bilatéraux entre pays frontaliers portant sur une coopération policière renforcée. Le traité conclu le 27 mai à Prüm, petite ville du Land de Rhénanie-Palatinat, s'inspire des dispositions de cet article 39 pour renforcer la coopération intergouvernementale en matière policière transfrontalière . Il instaure également des procédures d'échanges de données, nominatives ou non, entre Etats partenaires pour renforcer les capacités de répression des nouvelles formes de criminalité, qui se jouent des frontières nationales.

Aux sept Etats signataires de 2005, que sont l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, se sont joints six autres pays qui ont exprimé leur volonté de s'y associer. Ce sont la Finlande, l'Italie, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Suède.

Ces ralliements démontrent le caractère opérationnel des outils fournis par le présent texte.

I. UN TEXTE FOURNISSANT DES PROCÉDURES DE NATURE À COMBATTRE, PAR DES MOYENS MODERNES, LES DÉFIS PRINCIPAUX À LA SÉCURITÉ

Le Traité de Prüm constitue un texte-cadre qui respecte les législations nationales des Etats signataires.

Il retient comme axes de travail et de coopération les principaux défis actuels à la sécurité que constituent, chacun dans leur domaine, le terrorisme, la criminalité organisée et les migrations illégales. C'est dans cette perspective qu'il renforce la coopération policière et l'échange de données entre les Etats signataires pour en améliorer l'efficacité.

Ce texte comporte donc deux volets principaux : il instaure une coopération policière renforcée contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme et l'immigration clandestine par l'organisation d'échanges d'informations en matière d'empreintes ADN, d'empreintes digitales, ainsi que de numéros de plaques d'immatriculation des véhicules . Ces échanges s'effectuent soit dans un cadre répressif appuyés sur une enquête judiciaire, soit dans un cadre préventif.

Il organise également la coopération policière transfrontalière , en autorisant, dans des cas précis, les forces de police d'un Etat à agir dans un autre Etat.

Il s'agit là de deux domaines sensibles, en matière tant de protection de la personne que de souveraineté nationale. Les rédacteurs du Traité se sont donc employés à concilier le renforcement de la coopération policière avec la nécessaire préservation de ces domaines.

A. UNE EXTENSION DES ÉCHANGES DE DONNÉES ENTRE ETATS

La répression efficace d'une criminalité en expansion nécessite le recours aux atouts nouveaux offerts à la police scientifique.

C'est le cas des empreintes ADN, qui s'ajoutent aux empreintes digitales pour permettre d'identifier un suspect . Ces deux types de données, considérées par la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) comme des données personnelles, ne peuvent être échangées entre Etats que selon un protocole précis, qui diffère selon que l'on se trouve dans un cadre répressif ou préventif. Cette interconnexion entre bases de données est donc ainsi strictement encadrée : chaque pays désigne un point de contact unique, seul habilité à procéder à l'interrogation des bases des pays partenaires. Pour la France, il s'agit du service chargé de la gestion du fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui relève de la Direction générale de la police nationale.

Les articles 2 à 11 du projet de loi organisent les modalités des échanges d'informations entre les bases de données des Etats Parties. Tous les pays signataires, à l'exception du Luxembourg, qui devrait en constituer d'ici fin 2008, possèdent des fichiers d'empreintes ADN. L'Espagne, pour sa part, ne dispose que d'une base de données limitées aux seules traces non identifiées. Ces fichiers sont compatibles et donc interconnectables ; ils ne diffèrent que par leur richesse en données. Leur interconnexion est strictement encadrée.

Cette consultation, réalisée pour résoudre une affaire précise et portant sur des traces ADN dont l'Etat où l'enquête se déroule ne possède pas de données, s'opère en deux temps et au moyen de deux fichiers. Le premier fichier contient des données ADN provenant de traces biologiques trouvées sur un lieu de crime, mais déconnectées des éléments d'identification nominale. Les données identifiantes sont contenues dans un fichier annexé, et ne sont communiquées à l'Etat requérant que si ce dernier a interrogé l'Etat requis, dans le cadre d'une investigation judiciaire. Ces consultations au « cas par cas » sont soumises au droit du pays requérant.

Des dispositions identiques s'appliquent aux fichiers d'empreintes digitales, qui doivent être scindées entre un fichier d'empreintes rendues anonymes, et un fichier annexé permettant leur identification nominative.

L'article 12 permet la consultation automatisée des données récapitulées dans les registres d'immatriculation de véhicule. Elle est également confiée à un point de contact unique dans chaque Etat, mais s'opère par consultation d'un fichier unique, puisqu'il ne s'agit plus là d'une donnée personnelle.

Au total, le traité ne prévoit donc pas la création de bases de données spécifiques en matière d'empreintes digitales, génétiques ou d'immatriculation des véhicules, mais s'appuie sur celles déjà existantes dans chaque Etat. Des liens informatiques, destinés à permettre à chaque Etat signataire de faire des consultations dans la base de données identique de ses homologues étrangers, seront mis en place, ce qui créera un réseau de communication spécifique.

L'architecture d'échange retenue par le traité vise à restreindre les coûts de réalisation, qui devraient se limiter à l'interconnexion au réseau de communication choisi pour Prüm, réseau déjà existant dénommé TESTA II de l'Union européenne, et à des adaptations techniques des trois fichiers français. Ces coûts ne sont pas chiffrés à ce jour.

Les échanges de données peuvent également se faire dans un cadre préventif ; ainsi les articles 13 à 15 portent sur l'échange de données visant à prévoir les risques inhérents à des « manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière ». Il peut s'agir de manifestations politiques organisées à l'occasion de sommets européens ou internationaux, ou de manifestations sportives.

Dans ces cas, les Etats partenaires doivent transmettre, de leur propre initiative ou à la requête de l'Etat organisateur, toutes les données pertinentes de nature à aider les autorités compétentes. Ces données sont également communiquées par un point unique de contact national, et peuvent être de caractère ou non personnel. Les données personnelles ne peuvent être relatives qu'à des personnes ayant été déjà condamnées. Ces condamnations peuvent être de caractère pénal ou administratif : il peut ainsi s'agir d'interdictions judiciaire ou administrative de stade.

L'article 16 dispose que ces échanges de données peuvent également viser la prévention d'infractions terroristes, en cas de présomption conduisant à penser que des personnes vont commettre des actes de cette nature. La notion de « présomption » est définie par les législateurs et les jurisprudences nationales. L'autorité transmettant ces données le fait dans le cadre de sa législation nationale, et peut fixer des conditions à leur utilisation par l'autorité destinataire, qui est liée par elles.

B. LES MESURES VISANT À RENFORCER LES INFRACTIONS TERRORISTES ET CELLES RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES IMMIGRATIONS ILLÉGALES

Outre l'article 16 organisant des échanges d'informations, les articles 17 à 19 prévoient l'éventuelle intervention de gardes armés à bord des aéronefs, décision qui relève, là encore, de chaque Etat en fonction de sa politique de sûreté aérienne. Leur mission peut relever de la prévention ou de l'accompagnement de personnes présentant un caractère de dangerosité. La France n'autorise la présence éventuelle, à bord des aéronefs, que de seuls policiers ou gendarmes.

La présence de ces gardes armés doit être notifiée au moins trois jours à l'avance, au bureau national de coordination compétent dans l'Etat destinataire du vol.

Les articles 20 à 23 instaurent des mesures de lutte contre la migration illégale. Il organise ainsi l'envoi de conseillers en faux documents, issus du réseau d'officiers de liaison « Immigration », créé par le règlement du Conseil de l'Union européenne du 19 février 2004, auprès des pays considérés comme pays d'origine ou de transit pour l'immigration illégale.

Les Etats signataires se « soutiennent mutuellement lors de mesures d'éloignement » d'immigrants illégaux, notamment par l'organisation de vols communs.

Cette dernière mesure est déjà mise en oeuvre, dans le cadre communautaire, depuis la création, par décision du Conseil européen du 26 octobre 2004, de l'Agence européen pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne, dite « FRONTEX ».

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