II. LE PROJET DE LOI : UN PREMIER PAS VERS LA MISE EN PLACE D'UN SUIVI PARLEMENTAIRE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

A. UN DÉBAT RELANCÉ LORS DE L'EXAMEN DE LA LOI SUR LE TERRORISME

1. Des initiatives antérieures

Deux propositions de loi tendant à la création d'une délégation parlementaire spécialisée avaient été déposées en 1999 :

- l'une au Sénat 13 ( * ) , par notre collègue Nicolas About, « portant création d'une délégation parlementaire du renseignement », composée de quatre sénateurs et quatre députés, et chargée d'évaluer « la politique nationale du renseignement » ;

- l'autre à l'Assemblée nationale 14 ( * ) , par M. Paul Quilès et plusieurs de ses collègues « tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement ». Cette proposition visait à créer, dans chaque assemblée, une délégation qui suivrait les activités des services de renseignement « en examinant leur organisation et leurs missions générales, leurs compétences et leurs moyens ».

Cette dernière proposition de loi fut examinée par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale le 23 novembre 1999 15 ( * ) , mais elle ne fut pas inscrite à l'ordre du jour. Comme l'a indiqué M. Paul Quilès lors de son audition par votre rapporteur, la situation politique de cette époque ainsi que l'hostilité très forte de nombreux professionnels du renseignement avaient eu raison de ces propositions de réforme.

Les arguments utilisés alors en faveur de la création d'une délégation parlementaire pour le renseignement sont assez proches de ceux d'aujourd'hui : l'évolution des menaces, la profonde transformation de nos services de renseignements, le retard du Parlement français par rapport à ses homologues étrangers. Ce retard du Parlement devenait d'autant plus marqué que tendaient à se développer de nouvelles formes de contrôle des services de renseignement par le biais d'autorités administratives indépendantes telles que la commission consultative du secret de la défense nationale ou la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Pourquoi le Parlement resterait-il la seule institution incapable d'avoir un droit de regard sur l'activité des services de renseignement ?

2. Le renforcement du contrôle des services de renseignement corollaire indispensable de l'accroissement de leurs moyens juridiques et technologiques

La loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a rouvert un débat refermé depuis 1999.

En effet, cette loi dont le principal objectif était de renforcer l'action préventive dans la lutte contre le terrorisme a placé au premier rang l'action de nos services de renseignement. Rares sont les textes qui visent directement ces services et réglementent spécifiquement leur action. L'article 9 de la loi dispose ainsi expressément que « les agents des services de renseignement du ministère de la défense » sont habilités à consulter un certain nombre de fichiers de police administrative.

Dans ce contexte, et au moment où la frontière entre l'action intérieure et extérieure des services de renseignement s'estompe à l'épreuve de la lutte anti-terroriste, la création d'une délégation parlementaire de contrôle des services de renseignement est apparue inévitable.

En première lecture à l'Assemblée nationale, trois amendements ont été présentés respectivement par les membres du groupe socialiste, M. Pierre Lellouche et le rapporteur de la commission des lois M. Alain Marsaud ( voir annexe 2 ). Ils avaient pour objet, sous des formes différentes, de créer un organe de contrôle des services de renseignement composé de parlementaires.

Les trois amendements proposaient des solutions assez différentes : soit une délégation parlementaire commune aux deux assemblées, soit une commission de contrôle composée en partie de parlementaires nommés par chaque assemblée, soit une commission de contrôle composée exclusivement de parlementaires nommés par le premier ministre.

Face à ces propositions, M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait donné au nom du Gouvernement un accord de principe sur la création d'un organe de contrôle. Toutefois, ne s'estimant pas capable de départager entre ces solutions, il avait souhaité ne pas prendre une décision hâtive afin de mettre au point la rédaction qui combine au mieux discrétion, transparence et démocratie.

Il proposa la création d'un groupe de travail réunissant les représentants des groupes parlementaires des deux assemblées et les fonctionnaires au plus haut niveau des services de renseignement. Les conclusions de ce groupe de travail devaient être rendues avant le 15 février 2006, afin qu'une proposition ou un projet de loi puisse être rapidement déposé. Les auteurs des amendements avaient accepté de retirer leurs amendements.

Lors de l'examen du projet de loi devant le Sénat 16 ( * ) , le ministre de l'intérieur avait renouvelé sa promesse de présenter rapidement un texte au Parlement. Votre commission s'était félicitée que ce débat nécessaire soit enfin engagé et que le Sénat prenne toute sa part aux réflexions du groupe de travail.

3. Un projet de loi issu des travaux du groupe de travail

Il semblait préférable en effet qu'une réflexion approfondie précède la création d'un tel organe. S'il devait être mal conçu dès sa naissance, il ne servirait à rien et il faudrait probablement attendre longtemps avant que les services de renseignement acceptent de jouer le jeu d'une certaine transparence.

Tenant ses engagements, le Gouvernement déposa le 8 mars 2006 sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement.

C'est ce même projet de loi qui est aujourd'hui redéposé sur le bureau de notre assemblée sans que la douzième législature de l'Assemblée nationale ait pu l'examiner faute d'inscription à l'ordre du jour.

* 13 Proposition de loi n° 492 (1998-1999) devenue caduque. Voir annexe 2.

* 14 Proposition de loi n° 1497 (XIème législature). Voir annexe 2.

* 15 Rapport n°1951 (onzième législature) de M. Arthur Paecht.

* 16 Notre collègue Jean-Claude Peyronnet et les membres du groupe socialiste avaient également déposé un amendement tendant à créer une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignements (voir annexe 2).

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