D. SÉCURISER LES RÈGLES RELATIVES AU COURS DE LA PRESCRIPTION

1. Consacrer dans la loi la jurisprudence relative au point de départ de la prescription extinctive

Votre commission vous propose en premier lieu de consacrer dans la loi la jurisprudence relative au point de départ de la prescription extinctive , en vertu de laquelle le délai court à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Cette solution présente le double intérêt d'édicter une règle de droit commun en la matière et de rapprocher notre législation de celle de nos voisins, notamment l'Allemagne, et des principes énoncés en 2004 par l'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit), organisation intergouvernementale à laquelle la France est partie. Votre rapporteur rappelle à cet égard que ces principes n'ont vocation à s'appliquer qu'à des relations contractuelles et n'ont pas de force juridique contraignante, aucun instrument de droit international n'étant venu, à ce jour, en reprendre les dispositions.

2. Instaurer un délai butoir en matière de prescription extinctive

En deuxième lieu, votre commission vous propose d' instaurer un délai butoir en matière de prescription extinctive , en prévoyant que le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit .

Toutefois, plusieurs dérogations sont prévues. Ainsi, le délai butoir ne s'appliquera ni en cas d'interruption de la prescription à la suite d'une demande en justice portée devant une juridiction compétente ou d'un acte d'exécution forcée, ni aux actions en responsabilité civile tendant à la réparation d'un dommage corporel ou d'un préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, ni aux actions réelles immobilières, qui se prescrivent par trente ans, ni aux actions relatives à l'état des personnes, ni aux créances périodiques. En seront également exonérées les actions en responsabilité contre les professionnels de santé du secteur public ou privé et l'exécution des titres exécutoires. Bien évidemment d'autres dérogations peuvent être prévues par la loi.

La mission d'information sur le régime des prescriptions civiles et pénales s'était longuement interrogée sur l'opportunité d'introduire de manière générale un tel butoir.

Reconnaissant l'intérêt d'une telle disposition, préconisée par l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, déjà introduite en Allemagne ou en Belgique et envisagée au Royaume-Uni, elle soulignait la nécessité de veiller à ce que le titulaire d'un droit ne se retrouve pas forclos sans avoir jamais été en mesure d'agir .

L'encadrement prévu dans le texte qui vous est soumis semble de nature à apaiser cette crainte, tandis que l'introduction d'un délai butoir présente le double intérêt d'assurer l'effectivité et la prévisibilité de la prescription, donc de renforcer la sécurité juridique, et apparaît comme le corollaire utile d'un assouplissement des règles relatives au point départ et aux causes de suspension.

3. Préciser les conditions dans lesquelles la prescription est suspendue en cas de négociations entre les parties ou de recours à une mesure d'instruction par le juge

En troisième lieu, votre commission vous propose de préciser les conditions dans lesquelles la prescription est suspendue en cas de négociations entre les parties ou de recours à une mesure d'instruction par le juge .

Pour prévenir le contentieux auquel la notion de « négociations de bonne foi » entre les parties pourrait donner lieu, elle juge préférable de ne conférer un effet suspensif qu' aux procédures formalisées de résolution amiable des conflits , notamment la médiation .

De surcroît, pour laisser aux créanciers le temps d'agir en justice en cas d'échec de l'une ou l'autre de ces deux procédures, le texte qu'elle vous soumet prévoit que le délai restant à courir dans cette hypothèse ne peut être inférieur à six mois .

Rien n'empêchera les parties à un contrat, dans le cadre du pouvoir qui leur est reconnu de convenir d'autres causes d'interruption ou de suspension de la prescription en sus de celles prévues par la loi, de stipuler qu'en cas de litige, une négociation non formalisée mais de bonne foi suspend le cours de la prescription.

Enfin, le texte adopté par votre commission prévoit, d'une part, que toute mesure d'instruction décidée par le juge avant un procès, et pas seulement la désignation d'un expert, a pour effet de suspendre la prescription , d'autre part, que le délai restant à courir à l'issue de cette mesure ne peut être inférieur à six mois.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile dans le texte figurant à la fin de ce rapport.

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