II. LE COMPTE SPÉCIAL « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ETAT »

A. UNE ORGANISATION RÉNOVÉE EN 2007

1. Création, nature et fonction du compte

a) Une création prévue par la LOLF

Le compte spécial « Participations financières de l'Etat », situé en dehors du budget général, a été institué par l' article 48 de la LFI pour 2006 .

Ce compte était expressément prévu par la LOLF. L'enjeu spécifique de la gestion du patrimoine financier de l'Etat, en effet, a justifié la mention expresse, dans la LOLF, de l'existence d'un compte spécial dédié. Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 21 de la loi organique, « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat , à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale ».

Ce compte a pris la suite du compte n° 902-24, « Compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés », abrogé.

b) Un compte d'affectation spéciale au régime particulier

Le compte « Participations financières de l'Etat » constitue un compte d'affectation spéciale au sens de l'article 21 de la LOLF : il retrace « des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Sans résumer la gestion patrimoniale financière de l'Etat, ce compte en représente un instrument particulièrement important, en tant que support des opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire .

Conformément à l'organisation qui en a été décidée par LFI pour 2006, il retrace :

en recettes :

a) tout produit des cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;

b) les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'Etat qui lui sont reversés ;

c) les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;

d) les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;

e) les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'Etat ;

f) des versements du budget général ;

en dépenses :

a) les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'Etat (la formule est destinée à couvrir, notamment, les versements à la CADES, et permet d'y associer les apports aux établissements publics qui ne reflètent pas un placement de nature patrimoniale lesquels, au sens de la comptabilité européenne, désignent désormais les seuls investissements assortis d'une réelle perspective de rentabilité) ;

b) les dotations au Fonds de réserve pour les retraites 28 ( * ) ;

c) les augmentations de capital , les avances d'actionnaire et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'Etat ;

d) les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de société ;

e) Les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations de cessions par l'Etat de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient, ainsi qu'aux deux dernières séries d'opérations mentionnées (2°, c et d).

Par ailleurs, il convient de rappeler que la limitation des versements du budget général aux recettes des comptes d'affectation spéciale ne concerne pas le compte « Participations financières de l'Etat » . En effet, selon le premier alinéa du I de l'article 21, précité, de la LOLF, les recettes des comptes d'affectation spéciale, en principe, peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte. Les comptes d'affectation spéciale, de fait notamment le compte « Participations financières de l'Etat » prévoient une ligne, en recettes, destinée à retracer d'éventuels versements du budget général.

Cependant, le deuxième alinéa de la même disposition lève expressément cette limitation des versements du budget général au profit du compte retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat. Le législateur organique a ainsi tenu compte de la nécessité d'assurer en toutes circonstances, en vue de dotations aux entreprises publiques, un niveau de recettes suffisant sur le compte qui constitue l'unique support de ces dotations 29 ( * ) .

L'hypothèse d'un complément en provenance du budget général, toutefois, dans l'esprit des textes comme pour votre commission des finances, doit évidemment rester exceptionnelle , qu'il s'agisse d'un versement dans la limite de 10 % des crédits initiaux, suivant le droit commun des comptes d'affectation spéciale, ou a fortiori qu'il s'agisse d'un versement qui, au bénéfice des recettes du compte « Participations financières de l'Etat », excèderait cette proportion.

c) Le « tableau de bord » des seules opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire

Configuré comme il vient d'être rappelé, le compte « Participations financières de l'Etat », à l'instar du compte n° 902-24 auquel il a succédé, ne retrace pas directement la politique menée par le gouvernement en direction des entreprises qu'il contrôle . Cette politique fait l'objet du Rapport relatif à l'Etat actionnaire , « jaune » budgétaire annexé aux PLF depuis 2001 (en application de l'article 142 modifié de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques).

Le compte présente seulement les opérations en capital relatives aux établissements et entreprises dans lesquels l'Etat détient des participations. Ce faisant, il constitue en quelque sorte le « tableau de bord » des opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire .

En particulier, dans la mesure où il ne concerne pas, conformément aux dispositions précitées de l'article 21 de la LOLF, la gestion courante, ce compte ne fait pas apparaître, normalement, les recettes de dividendes . Celles-ci figurent au titre des recettes non fiscales dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » jointe aux PLF (lignes 2110 et 2116, respectivement « Produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières » dont la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations constitue l'essentiel et « Produits des participations de l'Etat dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers »).

Le patrimoine de l'Etat actionnaire

Le répertoire établi annuellement par l'INSEE, sur la base d'une enquête annuelle de mise à jour, révèle que l'Etat, au 31 décembre 2005 (plus récentes statistiques définitives disponibles), contrôlait majoritairement, directement ou indirectement, quelques 1.144 entreprises (contre 1.307 au 31 décembre 2004), dont 96 sociétés de premier rang. Au 31 décembre 2006, selon les données provisoires de l'INSEE, l'Etat aurait contrôlé 845 entreprises, dont 90 de premier rang .

La valeur moyenne du portefeuille des participations cotées de l'Etat, en novembre 2007, était estimée à environ 195 milliards d'euros (contre environ 135 milliards d'euros en novembre 2006), et représentait environ 18 % du capital du CAC 40 .

Le produit des participations financières de l'Etat dans des entreprises non financières (dividendes perçus au titre de l'exercice 2006) est en hausse en 2007 , même si, estimé par la LFI pour 2007 à près de 5,12 d'euros, il fait l'objet d'une « évaluation révisée pour 2007 », dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » du présent PLF, à hauteur de près de 4,84 milliards d'euros. En effet, le Rapport relatif à l'Etat actionnaire annexé au présent PLF mentionne un montant de 3,9 milliards d'euros sans préciser que ce chiffre correspond aux dividendes « économiques », déduction faite des versements de la SOVAFIM, au titre de la cession d'actifs de RFF (20 millions d'euros attendus), et de l'établissement Autoroutes de France, pour les sociétés autoroutières privatisées (environ 900 millions d'euros attendus), qui résultent de cessions d'immobilisation. Sur ce total, 1,8 milliards d'euros devraient être versés par EDF, 863 millions d'euros par Gaz de France, 568 millions d'euros par France Télécom hors dividende perçu via l'ERAP. Au titre de l'année 2004, ce produit (recette du budget 2005) s'était établi à 1,4 milliard d'euros ; au titre de 2005 (recette du budget 2006), à 2,98 milliards d'euros hors versement de la SOVAFIM (220 millions d'euros).

Une recette de 4,42 milliards d'euros est inscrite, à ce titre, dans le présent PLF.

Le portefeuille des participations cotées de l'Etat

(cours à la clôture du 9 novembre 2007)

(en millions d'euros)

Entreprises

Part de l'Etat

dans l'entreprise

Valorisation de la participation de l'Etat

Aéroports de Paris

68,38 %

5.224

Air France KLM

18,57 %

1.128

CNP Assurances

1,17 %

134

EADS

15,04 %

2.734

EDF

87,32 %

132.457

France Télécom

32,45 %

17.733

Gaz de France

79,78 %

29.891

Renault

15,01 %

4.169

Safran

30,85 %

2.047

Thalès

27,30 %

2.176

Participations ultra minoritaires

< 2 %

55 (total)

Valeur totale du portefeuille

197.750.320

Source : APE

2. L'architecture de la mission correspondante

Conformément à l'article 20 de la LOLF, un compte spécial constitue une mission au sens des articles 7 et 47 de ce texte. Dans la LFI pour 2006, la mission correspondant au compte « Participations financières de l'Etat » ne comportait qu'un programme unique, homonyme (le programme 731). La LFI pour 2007 a modifiée cette situation : afin de respecter les prescriptions organiques que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler 30 ( * ) , la mission est désormais constituée de deux programmes .

Le programme unique de la mission correspondant au compte « Participations financières de l'Etat », dans la LFI pour 2006, comportait une action relative au désendettement public. Afin de transformer cette mission, à partir de 2007, en mission « bi-programmes », l'action précitée a été érigée en programme distinct. Dans cette nouvelle configuration, la mission correspondant au compte « Participations financières de l'Etat » se compose ainsi des deux programmes suivants :

- le programme 731, « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'Etat » , héritier du programme de même numéro tel qu'il figurait dans la LFI pour 2006, mais auquel a été soustrait son action 2 relative au désendettement public. Ce programme est lui-même constituée de quatre actions , reprises de la nomenclature préexistante ;

- le programme 732, « Désendettement de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat » , qui correspond à l'action 2, précitée, du programme 731 dans sa configuration de la LFI pour 2006. De façon logique, le nouveau programme, comme son action unique , reprend l'intitulé même de l'ancienne action.

La responsabilité de chacun de ces programmes relève du directeur général de l'Agence des participations de l'Etat (APE 31 ( * ) ), actuellement M. Bruno Bezard 32 ( * ) .

En marge de « l'affaire EADS » :

les pactes d'actionnaires associés aux participations financières de l'Etat

Le présent rapport spécial n'est pas le lieu de revenir sur les conditions de l'évolution de l'actionnariat du groupe EADS en 2006, qui ont fait l'objet d'une série d'auditions organisées par votre commission des finances, ouvertes à l'ensemble de nos collègues et à la presse, dans le cours du mois d'octobre 2007 33 ( * ) . Il appartient désormais aux autorités administratives compétentes, et d'abord à l'AMF, ainsi le cas échéant qu'à l'autorité judiciaire, pour ce qui les concerne respectivement, de donner au dossier les suites qu'il justifie.

Cependant, cette « affaire » a mis en relief l' importance du rôle du pacte conclu entre les actionnaires d'EADS , dont l'Etat. En l'occurrence, ce pacte instaure un mécanisme complexe de gouvernance, dans lequel l'Etat ne constitue qu'un actionnaire indirect, qui agi à travers la holding SOGEADE, ses prérogatives étant limitées à la sauvegarde de sa participation patrimoniale.

Cette situation singulière a amené votre rapporteur spécial à demander à l'APE la recension des pactes d'actionnaires pratique au demeurant courante de la vie des affaires

associés aux autres participations financières détenues par l'Etat. Il en ressort qu' actuellement, sans compter le pacte d'actionnaires se rapportant à EADS, l'Etat se trouve lié par cinq pactes ou réseaux de pactes d'actionnaires . Les stipulations de ces accords, toutefois, s'avèrent d'une facture plus « classique » que celles du pacte d'EADS : elles organisent les rapports entre les actionnaires, notamment en termes de concertation relative à la gouvernance et/ou au capital, sans jamais tendre à écarter l'Etat du contrôle ou de la gestion des sociétés en cause et en préservant au besoin ses intérêts stratégiques .

Il convient de remarquer que les pactes engageant l'Etat actionnaire, dans l'organisation actuelle, sont en pratique négociés par l'APE. La responsabilité de leur conclusion incombe au ministre chargé de l'économie .

Dans le détail, les pactes existant, hors EADS, concernent :

- CNP Assurances (pacte liant l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations, la Banque postale, les Caisses d'épargne et Sopassure) ;

- DCNS (pacte liant l'Etat et Thalès) ;

- Thalès (pacte liant TSA et Alcatel Lucent et, parallèlement, accords entre l'Etat avec chacun de ces deux actionnaires : ces deux accords visent à garantir la protection des intérêts stratégiques de l'Etat) ;

- les sociétés aéroportuaires de Lyon et de Toulouse (pactes, similaires, liant l'Etat aux chambres de commerce et d'industrie concernées ; ces pactes font notamment référence à l'engagement de l'Etat de maintenir une majorité publique au capital jusqu'au 31 décembre 2013). Un pacte est par ailleurs en cours de négociation avec la société aéroportuaire de Bordeaux.

* 28 La mention expresse du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) dans la nomenclature du compte résulte d'un amendement au PLF pour 2006 adopté par l'Assemblée nationale, sur l'initiative conjointe de sa commission des finances et de plusieurs de nos collègues députés.

Il convient de rappeler que le FRR, institué en 2001, constitue un établissement public de l'Etat à caractère administratif ayant pour mission, aux termes de la loi, de « gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite » (article L. 135-6 du code de la sécurité sociale). Les ressources du Fonds sont composées des excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), de tout ou partie des excédents du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de 65 % de la contribution de 2 % sur les revenus de placements et de patrimoine, de ressources exceptionnelles telles que les recettes de privatisation qui lui sont affectées, et du produit des placement effectués pour son compte. Ces ressources sont mises en réserve jusqu'en 2020, au profit des régimes obligatoires d'assurance vieillesse. Grâce aux résultats de capitalisation, l'actif du fond s'élève actuellement à environ 30 milliards d'euros. Pour mémoire, l'objectif de réserves fixé, pour 2020, lors de la création de l'établissement, était de 1.000 milliards de francs, soit environ 160 milliards d'euros en valeur 2003.

* 29 Hors le compte retraçant les opérations patrimoniales de l'Etat actionnaire, la LOLF n'a aménagé une telle dérogation au principe de limitation des versements du budget général aux comptes d'affectation spéciale qu'en faveur du compte retraçant les opérations relatives aux pensions , explicitement prévu, lui aussi, par le législateur organique.

* 30 Dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 ( Loi de finances pour 2006 ), le Conseil constitutionnel a rappelé qu'une mission et, partant, un compte spécial ne pouvait comporter un programme unique, selon les prescriptions de la LOLF, au-delà de la première année de mise en oeuvre de cette dernière. Ce rappel, de portée générale, a été formulé, au cas particulier, en ce qui concernait le compte « Participations financières de l'Etat ».

* 31 L'APE, incarnation de l'Etat actionnaire, héritière du service des participations de la direction du Trésor, a été créée par décret en 2004.

* 32 Dans le cadre de l'examen du présent PLF, votre rapporteur spécial a auditionné M. Bruno Bezard, le 25 octobre 2007.

* 33 Pour mémoire, sur ce sujet, votre commission des finances a auditionné :

- le 5 octobre 2007, MM. Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie , Luc Remont, ancien directeur-adjoint du cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Denis Samuel-Lajeunesse, ancien directeur général de l'APE, Bruno Bézard, précité, et Jean-Yves Leclercq, sous-directeur à l'APE .

- le 10 octobre 2007, lors d'une première réunion, MM. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, Augustin de Romanet, directeur général, et Dominique Marcel, directeur financier de la Caisse des dépôts et consignations, puis, lors d'une seconde réunion, M. Philippe Pontet, président de la Société de gestion de l'aéronautique de la défense et de l'espace (SOGEADE) et de la Société de gestion de participations aéronautiques (SOGEPA) ;

- le 11 octobre 2007, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, et M. Bertrand Schneiter, inspecteur général des finances ;

- enfin, le 30 octobre 2007, MM. Dominique de Villepin, ancien Premier ministre, Pierre Mongin, ancien directeur du cabinet, et Alain Quinet, ancien directeur adjoint du cabinet du Premier ministre.

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