3. Une représentation française encore insuffisante dans les institutions financières internationales

Votre rapporteur spécial se montre traditionnellement vigilant sur la présence et l'influence françaises dans les institutions financières internationales (IFIs). Pour 14.751 cadres recensés fin 2006 dans les IFIs (hors BCE), 813 sont de nationalité française, soit un taux a priori relativement satisfaisant de 5,5 % . Le bilan par institution est néanmoins plus contrasté . En outre, une présidence française n'est pas une garantie de meilleure représentation au sein de l'institution, voire peut servir à justifier une faible représentation.

Plus que jamais, la France est très visible au sommet des grandes institutions puisqu'elle « détient » la direction générale de la BCE, de la BERD, du FMI et de l'OMC, ce qui constitue un indéniable vecteur d'influence sur leur stratégie. Mais cette influence passe aussi par une présence affirmée au sein de l'encadrement, qui relaie et traduit concrètement sur le terrain les orientations fixées par les organes de direction. Les nominations de MM. Pascal Lamy et Dominique Strauss-Kahn, dont on ne peut que se féliciter, ne doivent cependant pas constituer « l'arbre qui cache la forêt » , d'autant que la présence des ressortissants occidentaux est appelée à décroître à moyen terme, avec la meilleure prise en compte des pays émergents, en particulier au FMI.

La présence de nos ressortissants au sein de la Banque mondiale régresse légèrement et demeure nettement inférieure à la quote-part française dans le capital du groupe , avec respectivement 2,9 % (3,02 % fin 2003) et 4,41 % fin 2006, et géographiquement concentrée en Afrique (ce qui reste cohérent avec les priorités françaises), alors que la Banque consacre des financements importants à l'Asie. Le départ des deux vice-présidents français (dont l'économiste en chef, M. François Bourguignon) a été partiellement compensé par deux promotions à des postes de vice-président 30 ( * ) et de directeur 31 ( * ) .

La situation est plus satisfaisante mais tend à se dégrader au FMI , avec une présence française mieux assurée (3,9 % des effectifs - mais 4,02 % en 2001 - pour une quote-part de 4,9 %) et qui se diversifie géographiquement (diminution au sein du département Afrique, hausse dans les départements financiers et au département Amériques). Notre absence au plus haut niveau (grade B 32 ( * ) ), quelques départs à venir, le rythme trop lent et l'insuffisance des promotions pour compenser ce vide continuent cependant à caractériser la situation actuelle. La France est au cinquième rang en valeur absolue avec 105 ressortissants en 2006, derrière les Etats-Unis (656), le Royaume-Uni (155), l'Inde (120) et l'Allemagne 33 ( * ) (110). L'Inde est le pays sans doute le plus sur-représenté dans les niveaux élevés de la hiérarchie du FMI comme de la Banque mondiale.

Le constat de sous-représentation française demeure à la Banque interaméricaine de développement (malgré une amélioration depuis 2005), à la Banque asiatique de développement et à la Banque européenne de reconstruction et de développement (mais les Français restent bien présents aux postes de direction). La France est, en revanche, sur-représentée dans les IFIs « francophones », tels que la BAD, le FIDA, la BEI et la Banque de développement du Conseil de l'Europe. Les problèmes identifiés n'ont pas changé : déficit de reconnaissance de la valeur des diplômes et cursus français (en particulier face aux PhD américains), maîtrise linguistique, localisation et modes de recrutement inspirés des critères anglo-saxons.

Présence française et détention du capital dans les institutions financières internationales fin 2006

Institutions financières

Nombre total d'agents

Nombre de cadres français

Part des cadres français

Part des agents français

Part du capital détenue par la France

Nationalité du président

Groupe de la Banque mondiale (BIRD)

10.910

272

3,6 %

2,9 %

4,41 %

Américain

FMI

2.690

90

4,4 %

3,9 %

4,9 %

Français

Banque africaine de développement

987

44

6,7 %

5,3 %

3,75 %

Rwandais

Banque interaméricaine de dvpt

1.966

23

1,5 %

1,2 %

1,9 %

Colombien

Banque asiatique de dvpt

2.400

23

2,6 %

0,9 %

2,37 %

Japonais

Banque euro. de reconstruction et de dvpt

1.018

43

6,2 %

5,5 %

8,52 %

Français

Fonds international de dvpt agricole

469

14

6,1 %

6,2 %

4,81 %

Suédois

Banque européenne d'investissement

1.324

129

14,6 %

17,6 %

16,8 %

Belge

Banque de dvpt du Conseil de l'Europe

139

17

22,6 %

45,3 %

16,92 %

Français

Banque centrale européenne

1.314

107

N.D.

9,3 %

14,9 %

Français

Banque des règlements Internationaux

556

51

14 %

12,8 %

N.D.

Canadien

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'emploi

Il importe donc de soutenir la candidature de cadres issus du secteur privé (et non pas des seuls hauts fonctionnaires...) et de renforcer les instruments déjà mis en place : programmes de mise à disposition (« secondment ») de fonctionnaires français à la Banque mondiale et à la Banque interaméricaine de développement, alerte précoce sur les postes vacants, journées « portes ouvertes », veille active sur les demandes formulées par les institutions, constitution d'associations d'agents français dans les institutions multilatérales, politique de stages ( via les grandes écoles en particulier), accords d'échange avec l'AFD depuis 2004... Ces outils existent depuis longtemps mais ne sont peut-être pas suffisamment connus ni promus.

Etat des lieux sur la recherche de nouvelles ressources pour le FMI

Le FMI est soumis à des difficultés financières qui résultent pour l'essentiel de la forte diminution de son activité de prêts. L'encours de crédit à la fin juin 2007 s'élevait ainsi à 11 milliards de DTS, soit son niveau le plus bas depuis 30 ans. Compte tenu des modalités de financement du Fonds, qui couvre ses charges de fonctionnement par la marge d'intermédiation qu'il réalise sur les prêts qu'il octroie, cette évolution s'est traduite par l'apparition d'un besoin de financement élevé, de 70 millions de DTS en 2007 et estimé à environ 265 millions de DTS à l'horizon 2010. Le montant actuel des réserves du FMI atteint 5,9 milliards de DTS.

Ce besoin de financement ne place pas le Fonds dans une situation de risque à brève échéance, compte tenu de l'ampleur de ses réserves. Il exige toutefois la mise en place de mesures correctrices importantes , face à la difficulté d'escompter une reprise suffisante des activités de prêts. Des mesures correctrices provisoires ont été mises en oeuvre en avril 2006 (création d'un compte d'investissement pour placer les réserves) et en avril 2007 (adoption d'un budget triennal prévoyant une diminution de 2 % par an en termes réels des dépenses administratives), mais celles-ci ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Dans ce contexte, la directeur général du FMI a demandé à un comité externe présidé par Sir Andrew Crockett , ancien directeur général de la Banque des règlements internationaux, de formuler des propositions pour rénover le modèle de financement du Fonds et dégager une « source de revenu de long terme plus stable », susceptible de couvrir les besoins opérationnels du Fonds, y compris dans des périodes durables de faible activité de crédit. Il s'agissait donc de savoir si le modèle de financement du Fond ne devait pas être remplacé par un modèle dans lequel les activités récurrentes se rapportant à la production de biens publics (principalement la surveillance) recevraient un financement déconnecté de l'activité de prêt et fondé sur des ressources nouvelles plus stables.

Le rapport, remis fin janvier 2007, propose plusieurs solutions novatrices mais le débat a peu progressé depuis le début de l'année . Il identifie deux sources principales de financement additionnelles :

- un revenu stable tiré des bénéfices de la vente d'une fraction du stock d'or du FMI (qui rapporterait 130 millions de DTS par an),

- le placement au compte d'investissement d'une partie des quotes-parts (qui rapporterait 100 à 200 millions de DTS par an, en fonction de la politique de placement).

D'autres solutions sont également examinées :

- la dynamisation de la politique de placement des réserves, avec les risques financiers que cela comporte ;

- la facturation de l'assistance technique (avec des exceptions pour les pays pauvres) tout en reconnaissant que cette ressource ne peut être que marginale ;

- enfin le remboursement au compte de ressources générales (CRG) des frais de fonctionnement de la FRPC (instrument de prêt concessionnel du FMI) actuellement supportés par le compte.

Le rapport propose également que le Fonds verse un dividende à ses actionnaires quand il dégage un profit sur son activité de prêt. En revanche, il écarte l'introduction d'une contribution annuelle provenant du budget des Etats membres , ainsi que la baisse du taux de rémunération ou l'augmentation du taux de charge.

Bien que les propositions constituent un « paquet » destiné à être appréhendé dans son ensemble, certaines d'entre elles (activation de la politique de placement, mobilisation et investissement d'une partie des quotes-parts) soulèvent des questions juridiques délicates et nécessiteraient une révision préalable des statuts , et par voie de conséquence un vote du Parlement dans plusieurs pays membres. D'autres, comme le remboursement des frais de fonctionnement de la FRPC au CRG, sont plus simples à mettre en oeuvre mais risqueraient de remettre en cause l'action du Fonds dans les pays pauvres. Enfin, concernant la vente d'une partie du stock d'or, un vote du Congrès américain serait nécessaire.

Le rapport Crockett a été accueilli dans l'ensemble favorablement. Cette appréciation ne doit toutefois pas masquer les divergences d'approche entre pays membres, qui se cristallisent sur les ventes d'or et le remboursement des frais administratifs de la FRPC. Par ailleurs, plusieurs pays souhaitent que la question des dépenses soit simultanément abordée avec des efforts conséquents pour en réduire le montant et garantir que les nouvelles ressources n'exonéreront pas le FMI des efforts appropriés pour maîtriser ses coûts.

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'emploi

* 30 En charge des financements concessionnels et des partenariats, notamment de l'AID.

* 31 Dans une fonction considérée comme sensible, celle liée aux politiques de passation des marchés.

* 32 La France compte 15 administrateurs de grade B, soit sensiblement autant que l'Italie (14) mais moins que l'Allemagne (20) et surtout que l'Angleterre (43) et les Etats-Unis (90).

* 33 Les Allemands, dont la quote-part et les droits de vote sont respectivement de 6,09 % et 5,99 %, sont très bien représentés et parviennent à poursuivre leur progression. Cela est le résultat d'une politique systématique menée par le directeur général Horst Köhler de 2000 à 2004. A l'opposé, l'Italie doit se contenter de 61 nationaux.

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