2. L'assimilation de la reprise de dette à une opération de trésorerie : un traitement contestable en terme comptable

Le gouvernement indique que la reprise de la dette du FFIPSA accroît le besoin de financement de l'Etat, financé par une augmentation de l'encours bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF).  De ce fait, elle suscite une charge budgétaire - les intérêts précomptés - de 10 millions d'euros au moment de l'émission des BTF.

Mais, en tant que tel, les deux reprises de dette prévues dans le présent projet de loi de finances rectificative ne sont pas traitées comme des opérations budgétaires : elles sont considérées comme des opérations de trésorerie, en application de l'article 25 de la LOLF qui range au nombre des opérations de trésorerie l'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et des autres dettes de l'Etat.

La Cour des comptes, à laquelle il pourrait être souhaitable de confier une mission de certification de la comptabilité budgétaire , a critiqué à plusieurs reprises l'interprétation « opportuniste » du partage entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie et considéré que la reprise de dette d'un organisme tiers par l'Etat devait être comptabilisée comme une charge budgétaire.

3. Une jurisprudence du Conseil constitutionnel favorable à une conception extensive des opérations de trésorerie

Dans sa décision 7 ( * ) relative à la loi de finances pour 1994, le Conseil constitutionnel avait déjà considéré comme une opération de trésorerie et non comme une dépense budgétaire l'opération prévue à l'article 105 de la loi de finances pour 1994 qui disposait que : « la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations constatée au 31 décembre 1993 est transférée à l'Etat, dans la limite de 110 milliards de francs, à compter du 1 er janvier 1994 ».

Malgré l'intervention de la LOLF, le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence sur la loi de règlement pour 2005 8 ( * ) en considérant que « la qualification d'opération de trésorerie et non de dépense budgétaire donnée par la loi déférée à la reprise par l'Etat de la dette contractée pour le compte du Fonds de financement de la protection sociale agricole est conforme à l'article 25 de la loi organique du 1 er août 2001 », en faisant valoir qu'aux « termes de l'article 25 de la loi organique du 1 er août 2001, rendu applicable à compter du 1 er janvier 2002 par l'article 65 de la même loi : « Les ressources et les charges de trésorerie de l'Etat résultent des opérations suivantes... - 4° L'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et autres dettes de l'Etat... » ; et qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que les reprises par l'Etat de dettes d'organismes publics ou privés constituent des opérations de trésorerie ». Les travaux préparatoires visés par le Conseil constitutionnel sont issus du rapport de notre collègue député Didier Migaud, alors rapporteur de la proposition de loi organique, qui indiquait à propos de la disposition qui allait devenir l'article 25 de la LOLF : « ce faisant, le texte proposé entérine la conception «  extensive «  des opérations de trésorerie faite par le décret de 1962. Il s'éloigne donc des recommandations présentées à de nombreuses reprises par la Cour des comptes ».

Pour des raisons juridiques, et non comptables, sauf revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel, la reprise de dette ne pourra revêtir la qualification d'opération budgétaire que si l'article 25 de la LOLF se trouvait modifié.

* 7 Décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993.

* 8 Décision n° 2006-538 DC du 13 juillet 2006.

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