B. LES NOUVELLES RÈGLES D'ÉTABLISSEMENT NON CONTENTIEUX DU LIEN DE FILIATION

Le chapitre 2 du titre VII du livre premier du code civil, relatif à l'établissement non contentieux de la filiation, comprend trois sections distinguant les cas où elle se trouve établie par l'effet de la loi ( articles 311-25 et 312 à 315 ), par la reconnaissance ( article 316 ) ou par la possession d'état ( article 317 ).

1. L'établissement de la filiation par l'effet de la loi : l'unification des conditions d'établissement de la filiation maternelle et le maintien de la présomption de paternité du mari

a) L'unification des conditions d'établissement de la filiation maternelle

L' article 311-25 du code civil unifie les conditions d'établissement de la filiation maternelle en prévoyant, conformément à l'adage « mater semper certa est », que l'indication du nom de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant établit la filiation à son égard 35 ( * ) .

Le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République souligne qu'« il s'agit d'une mesure importante de simplification qui, en supprimant une formalité mal comprise, évitera qu'une proportion non négligeable d'enfants n'ait pas de filiation maternelle établie avec certitude, par simple méconnaissance de la loi 36 ( * ) . »

La nouvelle règle emporte deux conséquences :

- la mère de l'enfant né hors mariage dont le nom est indiqué dans l'acte de naissance bénéficie de plein droit de l'autorité parentale dès le jour de l'établissement de l'acte et en bénéficie seule tant que le père n'a pas reconnu l'enfant. Pour que l'autorité parentale soit exercée en commun, la reconnaissance paternelle doit intervenir dans l'année qui suit la naissance de l'enfant ; à défaut, une déclaration conjointe des parents ou une décision de justice sont nécessaires ;

- l'enfant né hors mariage portera le nom de la mère , sauf en cas de reconnaissance prénatale ou de déclaration de naissance du père. Dans ces hypothèses, l'enfant prendra le nom choisi par les parents ou, à défaut de choix, celui du père en cas de reconnaissance paternelle prénatale et celui de la mère en cas de déclaration de naissance du père. En cas de reconnaissance paternelle postnatale, une déclaration de changement de nom pourra être faite.

La mère conserve la possibilité de s'opposer à l'indication de son nom dans l'acte de naissance, afin de conserver le secret de son identité lors de l'accouchement 37 ( * ) ( articles 57 et 326 du code civil ). En outre, l'établissement du lien de filiation ne l'oblige pas à élever son enfant et l' article 350 du code civil permet de rendre adoptables les enfants dont la mère se désintéresse, même si elle ne consent pas à leur adoption.

b) Le maintien de la présomption de paternité du mari

L'ordonnance du 4 juillet 2005 maintient des modes d'établissement de la paternité différents selon que l'enfant est né en ou hors mariage.

Conservant la présomption « pater is est quem nuptiae demonstrant », retenue dans toutes les législations européennes comme Mme Frédérique Granet-Lambrechts, professeur à l'université Robert Schuman de Strasbourg, l'a indiqué à votre rapporteur, l' article 312 du code civil dispose que l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari 38 ( * ) .

La présomption de paternité du mari repose sur l'obligation de fidélité entre époux et traduit l'engagement pris par le mari, lors de la célébration du mariage, d'élever les enfants du couple. Le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République souligne à juste titre qu'« elle constitue, selon l'expression du doyen Carbonnier, le « coeur du mariage », et ne saurait être remise en cause sans faire perdre à cette institution son sens et sa valeur ».

Le mariage emporte en principe établissement de la filiation indivisiblement à l'égard des deux époux par l'effet conjugué de l'acte de naissance désignant la mère et de la présomption « pater is est », tandis que le lien de filiation établi hors mariage est divisible.

L'ordonnance du 4 juillet 2005 reprend également, avec quelques modifications, les deux cas dans lesquels , selon la loi du 3 janvier 1972, la présomption de paternité se trouve écartée.

Le premier de ces cas, visé à l' article 313 du code civil , est celui où l'enfant a été conçu en période de séparation légale des époux , ces derniers étant en instance de divorce ou de séparation de corps 39 ( * ) .

Outre des modifications formelles rendues nécessaires par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, l'ordonnance prévoit, pour éviter les conflits de filiation, que la présomption de paternité ne peut être rétablie de plein droit si, entre-temps, la filiation de l'enfant a été établie à l'égard d'un tiers. Une action en justice est alors nécessaire pour contester ce lien de filiation puis faire établir la paternité du mari.

Si aucun lien de filiation paternelle n'a été établi, la présomption de paternité du mari est rétablie de plein droit dès lors que l'enfant a la possession d'état à l'égard de chacun des époux. Concrètement, les époux devront d'abord s'adresser au juge des tutelles pour qu'il constate cette possession d'état par un acte de notoriété puis, selon la circulaire du 30 juin 2006, demander la rectification de l'acte de naissance de l'enfant.

La présomption de paternité se trouve également écartée en cas de séparation de fait entre les époux . L' article 314 du code civil exige la réunion de deux conditions cumulatives : d'une part, l'acte de naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en qualité de père, la formulation retenue consacrant les précisions apportées par la jurisprudence de la Cour de cassation 40 ( * ) , d'autre part, l'enfant n'a pas de possession d'état à son égard.

Il s'ensuite que le mari, en produisant un acte de notoriété établissant la possession d'état de l'enfant à son égard, pourra demander la rectification de l'acte de naissance.

Si le texte de l' article 314 ne le prévoit pas explicitement, il résulte de l' article 320 que la présomption de paternité restera écartée si l'enfant a une filiation paternelle déjà établie à l'égard d'un tiers ( circulaire du 30 juin 2006 ). Votre commission vous proposera de le préciser.

L' article 315 du code civil énonce, dans son principe, la possibilité de faire rétablir en justice les effets de la présomption de paternité.

La circulaire du 30 juin 2006 lui accorde également la possibilité de reconnaître l'enfant, lorsque sa présomption de paternité a été écartée, ce que la lettre de l'ordonnance ne permet pas d'établir avec certitude comme l'ont montré les avis partagés des personnes entendues par votre rapporteur. Une clarification législative s'impose.

* 35 Comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, cette évolution avait été anticipée par la Cour de cassation dans un arrêt de sa première chambre civile du 14 février 2006.

* 36 Journal officiel du 6 juillet 2005.

* 37 Environ 400 accouchements sous X sont recensés chaque année.

* 38 L'ajout des mots « ou né » simplifie le droit antérieur en rassemblant à l'article 312 les dispositions qui figuraient à l'ancien article 314, selon lesquelles la présomption s'étend à l'enfant conçu avant le mariage et né dans les 180 premiers jours de celui-ci.

* 39 Quel que soit le cas de divorce invoqué, en cas de rejet définitif de la demande ou en cas de réconciliation des époux, la présomption n'est écartée que pendant les 180 jours suivant la date du rejet. La présomption de paternité s'applique donc à l'enfant né après cette date.

* 40 Première chambre civile de la Cour de cassation, 3 juin 1980.

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