C. ÉVOQUER QUELQUES PISTES DE RÉFLEXION POUR L'AVENIR
Les réformes opérées par l'ordonnance du 4 juillet 2005 n'épuisent pas la réflexion sur le droit de la filiation. Votre rapporteur souhaite à cet égard évoquer quelques pistes qui ne pouvaient être explorées dans le cadre de la ratification d'un texte présenté comme technique. Ces pistes concernent l'accouchement sous X, la prohibition de la maternité pour autrui, le régime des expertises biologiques ou encore la révision des procès civils.
1. Le régime de l'accouchement sous X
La suppression de la fin de non-recevoir de l'action en recherche de maternité tirée de la décision de la mère de demander la préservation du secret de son admission à la maternité et de son identité a pour objet d'éviter une condamnation de la France pour violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Pour autant, elle laisse inchangées les règles issues de la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat qui, si elles ont été jugées conformes à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 58 ( * ) , n'en demeurent pas moins contestées au nom du droit de l'enfant à connaître ses origines personnelles , proclamé par l'article 7-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Dans la mesure où la Cour de cassation a reconnu, à juste titre, l'efficacité d'une reconnaissance paternelle prénatale d'un enfant né sous X dans un arrêt récent du 7 avril 2006, on peut d'ailleurs se demander ce qui empêchera le père de révéler à cet enfant le nom de sa mère et de rendre ainsi inopérant l' article 326 du code civil.
Enfin, les dispositions du code de l'action sociale et des familles et du code civil mériteraient d'être harmonisées , notamment celles relatives aux délais dans lesquels l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat puis son placement en vue de l'adoption peuvent être prononcés mais également contestés.
Ces questions extrêmement sensibles et douloureuses méritent une réflexion spécifique dépassant le cadre de ce rapport.
2. L'interdiction de la maternité pour autrui
Le 25 octobre dernier, la cour d'appel de Paris a autorisé la transcription sur les registres de l'état civil français des actes de naissance de deux jumelles nées aux États-Unis établissant leur lien de filiation avec un couple français ayant eu recours à une convention de maternité pour autrui.
La maternité pour autrui ayant été prohibée en France par la jurisprudence de la Cour de cassation puis par les lois bioéthiques de 1994 et 2004 ( article 16-7 du code civil ) et cette prohibition étant d'ordre public ( article 16-9 du code civil ), le ministère public a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Toutefois, la décision de la cour d'appel de Paris, fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant, et l'analyse du droit comparé, qui montre que la maternité pour autrui est autorisée aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Grèce, invitent à s'interroger sur les perspectives d'évolution de la législation française .
Dans la mesure où la révision des lois bioéthiques ne devrait sans doute pas intervenir en 2009, comme cela était initialement prévu, votre commission des lois et votre commission des affaires sociales du Sénat ont constitué un groupe de travail commun sur la maternité pour autrui , afin que le législateur puisse se prononcer sur cette question qui préoccupe un grand nombre de familles : en effet, entre 200 et 300 couples français se rendraient chaque année à l'étranger pour y recourir aux services d'une « mère porteuse », si l'on en croit les informations diffusées dans la presse écrite.
* 58 Cour européenne des droits de l'homme, arrêt Odièvre contre France, 13 février 2003.