3. Le régime des expertises biologiques

Le régime des expertises biologiques mériterait également d'être revu, au terme d'une réflexion globale dont la nécessité a été mise en exergue lors des débats consacrés à la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

On peut tout d'abord s'interroger sur l'opportunité de soumettre aux mêmes règles l'examen comparatif des sangs et l'analyse des empreintes génétiques des individus , ce qui avait été envisagé par le gouvernement en 2004. Le ministère de la justice a toutefois fait valoir à votre rapporteur que : « la méthode de l'examen comparatif des sangs présente aujourd'hui de nombreux aspects obsolètes, qui font qu'elle est très rarement utilisée. En effet, cette technique peut seulement permettre d'exclure dans certains cas un lien de filiation. En outre, la conservation de l'échantillon biologique que constitue le prélèvement sanguin pose des difficultés techniques . »

Votre rapporteur observe ensuite que la Cour européenne des droits de l'homme a récemment condamné 59 ( * ) , pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un refus des autorités helvétiques d'autoriser une expertise génétique de paternité post mortem . Or les expertises génétiques post mortem sont également prohibées en France depuis la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant » ( article 16-11 du code civil ).

La Cour de Strasbourg a estimé devoir rechercher si, dans le cas d'espèce, un juste équilibre avait été ménagé entre les intérêts concurrents que constituent, d'une part, le droit du requérant à connaître sa filiation et, d'autre part, le droit au respect des morts, le droit des tiers à l'intangibilité du corps du défunt et la protection de la sécurité juridique.

Sans doute faut-il tenir compte des circonstances de l'espèce et est-il difficile d'y voir un arrêt de principe condamnant l'interdiction des expertises post mortem . Toutefois, si d'autres arrêts venaient à être rendus dans le même sens et si l'exigence d'un accord exprès du défunt manifesté de son vivant devait être sanctionnée, une nouvelle modification de l' article 16-11 du code civil devrait être envisagée.

4. La révision des procès civils

Enfin, votre rapporteur observe que la Cour européenne des droits de l'homme a récemment condamné la Slovaquie pour avoir refusé le droit de contester une paternité attribuée par une décision de justice devenue définitive 60 ( * ) .

La paternité du requérant avait été déclarée en justice en 1970. Sollicité par sa fille qui désirait obtenir un soutien financier à l'occasion de son mariage, il fit réaliser, avec l'accord de cette dernière, une expertise génétique dont les résultats infirmèrent sa paternité. Sa tentative pour obtenir la révision du jugement de 1970 se vit opposer l'autorité de chose jugée.

La Cour de Strasbourg a conclu à la violation des stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'il n'existait pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre le but poursuivi -sécurité juridique et protection des droits des tiers, en l'occurrence ceux de sa fille- et les moyens employés -aucune possibilité de contester la paternité établie par une décision devenue définitive. En conséquence, la Slovaquie a été condamnée à verser au requérant 5.000 euros pour préjudice moral et 1.800 euros pour frais et dépens.

Sans doute est-il difficile et serait-il aventureux de déduire une règle générale de cet arrêt fondé sur les particularités de l'espèce : devenue majeure et indépendante, la fille du requérant n'était pas opposée à ce que son père désavouât sa paternité et n'aurait pas subi de préjudice en cas de remise en cause de sa filiation.

On peut toutefois se demander, à l'instar de Mme Françoise Dekeuwer-Défossez, doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l'université de Lille 2, si cet arrêt ne va pas ouvrir la porte à un certain nombre de demandes de révision de décisions rendues en l'absence d'expertise génétique et s'interroger sur l'extension à la matière civile du recours en révision des jugements pénaux fondé sur la découverte d'un fait nouveau ou d'un élément inconnu de la juridiction au jour du procès ( article 622 du code de procédure pénale ).

Les cas permettant la révision d'une décision de justice rendue en matière civile sont actuellement limités (fraude, production de faux documents...) dans un but de sécurité juridique ( articles 593 et suivants du nouveau code de procédure civile ).

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi.

* 59 Arrêt Jäggi c/ Suisse du 13 juillet 2006.

* 60 Arrêt Paulik c/ Slovaquie du 10 octobre 2006.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page