EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner, en première lecture, le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, en séance publique, le 16 janvier 2008.

La révision de notre Constitution est un préalable indispensable à la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé par les chefs d'Etat et de Gouvernement des vingt-sept Etats membres le 13 décembre 2007. Dans sa décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a en effet estimé que ce traité comportait des stipulations qui ne permettaient pas à la France de le ratifier dans l'état actuel de la Constitution du 4 octobre 1958.

Sans doute ce nouveau traité présente-t-il de nombreuses dispositions similaires, voire identiques, à celles du traité établissant une Constitution pour l'Europe, rejeté par nos concitoyens par référendum le 29 mai 2005. Pour autant, le traité établissant une Constitution pour l'Europe et le traité de Lisbonne présentent une différence de nature : si le premier traduisait une démarche de nature constitutionnelle, avec le remplacement des traités européens existants et l'octroi à l'Union européenne des attributs de la souveraineté que sont le drapeau et l'hymne, le second apparaît inscrit dans une démarche classique du droit international public : il modifie les engagements conventionnels préexistants de la France pour leur donner plus d'efficacité mais aussi pour en renforcer la légitimité démocratique.

Prenant en compte cette nature différente, le Conseil constitutionnel a estimé que la révision constitutionnelle opérée par la loi n° 2005-204 du 1 er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution ne permettait pas d'assurer l'application dans l'ordre constitutionnel français de l'ensemble des stipulations approuvées par les chefs d'Etat et de Gouvernement à Lisbonne.

Tirant également les conséquences de cette différence de nature, le président de la République a, comme l'y autorise l'article 89 de la Constitution, choisi de soumettre la révision constitutionnelle à la procédure parlementaire. En conséquence, le présent projet de loi constitutionnelle devra, après avoir été adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, être soumis au vote du Congrès pour y être adopté à la majorité des trois cinquième des suffrages exprimés.

Une fois la révision intervenue, la ratification du traité deviendra possible. Elle devra être autorisée par le Parlement, en application de l'article 53 de la Constitution, sur la base d'un projet de loi qui devrait lui être soumis dans les jours suivant l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.

I. LA RATIFICATION ET LA MISE EN oeUVRE DU TRAITÉ DE LISBONNE NÉCESSITENT UNE RÉVISION PRÉALABLE DE LA CONSTITUTION

Saisi par le président de la République en application de l'article 54 de la Constitution 1 ( * ) , le Conseil constitutionnel a constaté, dans sa décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, que le traité de Lisbonne contenait des stipulations nécessitant, préalablement à sa ratification, une révision de la Constitution.

A. UN TRAITÉ DONT CERTAINES STIPULATIONS SONT DE NATURE À PORTER ATTEINTE AUX CONDITIONS ESSENTIELLES D'EXERCICE DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ET OCTROYANT DE NOUVELLES PRÉROGATIVES AUX PARLEMENTS NATIONAUX

Conformément à sa mission constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a examiné si les engagements souscrits par le pouvoir exécutif dans le cadre du traité de Lisbonne comportaient des clauses contraires à la Constitution, remettaient en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Il a conclu que certaines stipulations du traité, pour la plupart similaires à celles figurant dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe 2 ( * ) , portaient atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale ou comportaient des prérogatives nouvelles pour le Parlement qui ne pouvaient être exercées dans le cadre constitutionnel actuel.

1. Des stipulations de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale

Le Conseil constitutionnel a jugé que les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale étaient mises en cause par trois catégories de stipulations du traité de Lisbonne.

(1) Des transferts de compétences dans des matières nouvelles

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a estimé que mettaient en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale les stipulations du traité ayant pour objet de transférer à l'Union européenne, en les faisant relever de la « procédure législative ordinaire », des compétences inhérentes à l'exercice de cette souveraineté .

La procédure législative ordinaire prévue par le traité de Lisbonne (article 294 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne)

La procédure législative ordinaire suivie dans le cadre de l'Union européenne s'engage par la présentation par la Commission européenne d'une proposition d'acte législatif au Parlement européen et au Conseil.

Première lecture

Le Parlement européen arrête sa position en première lecture et la transmet au Conseil.

Si le Conseil approuve la position du Parlement européen, l'acte concerné est adopté dans la formulation qui correspond à la position du Parlement européen.

Si le Conseil n'approuve pas la position du Parlement européen, il adopte sa position en première lecture et la transmet au Parlement européen.

Le Conseil informe pleinement le Parlement européen des raisons qui l'ont conduit à adopter sa position en première lecture. La Commission informe pleinement le Parlement européen de sa position.

Deuxième lecture

Si, dans un délai de trois mois après cette transmission, le Parlement européen :

- approuve la position du Conseil en première lecture ou ne s'est pas prononcé, l'acte concerné est réputé adopté dans la formulation qui correspond à la position du Conseil ;

- rejette, à la majorité des membres qui le composent, la position du Conseil en première lecture, l'acte proposé est réputé non adopté ;

- propose, à la majorité des membres qui le composent, des amendements à la position du Conseil en première lecture, le texte ainsi amendé est transmis au Conseil et à la Commission, qui émet un avis sur ces amendements.

Si, dans un délai de trois mois après réception des amendements du Parlement européen, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée :

- approuve tous ces amendements, l'acte concerné est réputé adopté ;

- n'approuve pas tous les amendements, le président du Conseil, en accord avec le président du Parlement européen, convoque le comité de conciliation dans un délai de six semaines.

Le Conseil statue à l'unanimité sur les amendements ayant fait l'objet d'un avis négatif de la Commission.

Conciliation

Le comité de conciliation, qui réunit les membres du Conseil ou leurs représentants et autant de membres représentant le Parlement européen, a pour mission d'aboutir à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée des membres du Conseil ou de leurs représentants et à la majorité des membres représentant le Parlement européen dans un délai de six semaines à partir de sa convocation, sur la base des positions du Parlement européen et du Conseil en deuxième lecture.

La Commission participe aux travaux du comité de conciliation et prend toute initiative nécessaire en vue de promouvoir un rapprochement des positions du Parlement européen et du Conseil.

Si, dans un délai de six semaines après sa convocation, le comité de conciliation n'approuve pas de projet commun, l'acte proposé est réputé non adopté.

Troisième lecture

Si, dans ce délai, le comité de conciliation approuve un projet commun, le Parlement européen et le Conseil disposent chacun d'un délai de six semaines à compter de cette approbation pour adopter l'acte concerné conformément à ce projet, le Parlement européen statuant à la majorité des suffrages exprimés et le Conseil à la majorité qualifiée. À défaut, l'acte proposé est réputé non adopté.

Les délais de trois mois et de six semaines visés au présent article sont prolongés respectivement d'un mois et de deux semaines au maximum à l'initiative du Parlement européen ou du Conseil.

Le Conseil constitutionnel a en conséquence jugé que ne pouvaient être mises en oeuvre dans les conditions actuelles de la Constitution les dispositions :

- de l'article 75 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoyant, en ce qui concerne la prévention du terrorisme et des activités connexes, que le Parlement européen et le Conseil peuvent définir un cadre de mesures administratives concernant les mouvements de capitaux et les paiements, telles que le gel des fonds, des avoirs financiers ou des bénéfices économiques qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, à des groupes ou à des entités non étatiques, sont en leur possession ou sont détenus par eux ;

- de l'article 77 du même traité, permettant, dans le cadre du contrôle des frontières extérieures , l'adoption par le Parlement européen et le Conseil de mesures relatives à la délivrance de visas, aux contrôles des personnes franchissant les frontières extérieures, à l'établissement d'un système intégré de gestion des frontières extérieures, à la libre circulation des personnes lorsqu'elles ont franchi les frontières intérieures de l'Union ;

- du d) du paragraphe 2 de son article 79, autorisant le Parlement européen et le Conseil à prendre des mesures pour lutter contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants ;

- de son article 81, permettant au Parlement européen et au Conseil 3 ( * ) d'adopter des mesures visant à assurer notamment la reconnaissance mutuelle entre les États membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires, et leur exécution, la signification et la notification transfrontières des actes judiciaires et extrajudiciaires, la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflit de lois et de compétence, la coopération en matière d'obtention des preuves, l'élimination des obstacles au bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les États membres, le développement de méthodes alternatives de résolution des litiges, un soutien à la formation des magistrats et des personnels de justice ;

- de ses articles 82 et 83, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale , pour celles des compétences mentionnées auxdits articles qui n'entrent dans les prévisions ni des stipulations du traité sur l'Union européenne 4 ( * ) et du traité instituant la Communauté européenne 5 ( * ) qui confèrent déjà des compétences aux institutions de l'Union européenne en cette matière.

Il a également relevé que portaient atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale les dispositions de l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoyant que le Conseil peut, à l'unanimité, instituer un Parquet européen , habilité à poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à exercer devant les juridictions françaises l'action publique relative à ces infractions, et organisant les modalités selon lesquelles, à défaut d'unanimité, une telle création peut avoir lieu.

(2) La modification des conditions d'exercice de compétences déjà transférées à l'Union européenne par les précédents traités

Le Conseil constitutionnel a également jugé que la modification, par le traité de Lisbonne, des conditions d'exercice de compétences déjà transférées à l'Union européenne par les précédents traités ne permettait pas à la France de ratifier le traité sans révision de la Constitution .

Il a établi une distinction entre les modifications de ces conditions d'exercice destinées à prendre effet dès l'entrée en vigueur du traité et celles nécessitant pour ce faire l'adoption d'actes spécifiques par les institutions de l'Union européenne.

? S'agissant des modifications devant prendre effet dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne , le Conseil constitutionnel a estimé que la Constitution n'autorisait pas , dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté :

- la substitution de la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil , ce qui a pour effet de priver ainsi la France de tout pouvoir d'opposition ;

- l'octroi d'un pouvoir de décision au Parlement européen , lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale ;

- la privation, pour la France, de tout pouvoir propre d'initiative dans le processus d'adoption d'actes de l'Union européenne.

La majorité qualifiée au Conseil

Aux termes du 3 de l'article 16 du traité sur l'Union européenne, le mode normal de décision au Conseil est le vote à la majorité qualifiée. Dans des cas spécifiques, les traités prévoient néanmoins que certaines décisions du Conseil doivent être adoptées à l'unanimité ou à la majorité simple.

La définition de la majorité qualifiée au Conseil fait l'objet d'une réglementation complexe -dans la mesure où elle résulte de la lecture combinée des articles 16 du traité sur l'Union européenne et 238 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que de l'article 3 du protocole sur les dispositions transitoires, annexé au traité de Lisbonne- et évolutive.

Jusqu'au 31 octobre 2014 :

Jusqu'au 31 octobre 2014, pour les délibérations du Conseil qui requièrent une majorité qualifiée, les voix des membres sont affectées de la pondération suivante :

Belgique 12

Bulgarie 10

République tchèque 12

Danemark 7

Allemagne 29

Estonie 4

Irlande 7

Grèce 12

Espagne 27

France 29

Italie 29

Chypre 4

Lettonie 4

Lituanie 7

Luxembourg 4

Hongrie 12

Malte 3

Pays-Bas 13

Autriche 10

Pologne 27

Portugal 12

Roumanie 14

Slovénie 4

Slovaquie 7

Finlande 7

Suède 10

Royaume-Uni 29

Les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins 255 voix (sur un total de 345 voix) exprimant le vote favorable de la majorité des membres, lorsque, en vertu des traités, elles doivent être prises sur proposition de la Commission. Dans les autres cas, les délibérations sont acquises si elles ont recueilli au moins 255 voix exprimant le vote favorable d'au moins deux tiers des membres.

Un membre du Conseil peut demander que, lorsqu'un acte est adopté par le Conseil à la majorité qualifiée, il soit vérifié que les États membres constituant cette majorité qualifiée représentent au moins 62 % de la population totale de l'Union. S'il s'avère que cette condition n'est pas remplie, l'acte en cause n'est pas adopté.

Dans les cas où, en application des traités, tous les membres du Conseil ne prennent pas part au vote, la majorité qualifiée se définit comme étant la même proportion des voix pondérées et la même proportion du nombre des membres du Conseil, ainsi que, le cas échéant, le même pourcentage de la population des États membres concernés que ceux fixés dans les paragraphes qui précèdent.

Après le 1 er novembre 2014 :

À partir du 1 er novembre 2014, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union.

Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise.

Toutefois :

- lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 72 % des membres du Conseil, représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union ;

- lorsque, en application des traités, tous les membres du Conseil ne prennent pas part au vote, la majorité qualifiée se définit comme suit (paragraphe 3 de l'article 238 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) :

a) la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil représentant les États membres participants, réunissant au moins 65 % de la population de ces États. Une minorité de blocage doit alors inclure au moins le nombre minimum de membres du Conseil représentant plus de 35 % de la population des États membres participants, plus un membre, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise.

b) par dérogation au point a), lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 72 % des membres du Conseil représentant les États membres participants, réunissant au moins 65 % de la population de ces États.

En outre, à titre transitoire, entre le 1 er novembre 2014 et le 31 mars 2017, lorsqu'une délibération doit être prise à la majorité qualifiée, un membre du Conseil peut demander que cette délibération soit prise à la majorité qualifiée telle qu'elle était définie jusqu'au 31 octobre 2014 6 ( * ) . .

Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il déclaré que n'étaient pas conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

- le 2 de l'article 31 du traité sur l'Union européenne, qui permet au Conseil, de manière dérogatoire, d'adopter à la majorité qualifiée, dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune , des décisions définissant une action ou une position de l'Union européenne ou des décisions mettant en oeuvre de telles décisions ;

- l'article 76 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, prévoyant que les actes relevant de la coopération judiciaire en matière pénale ou de la coopération policière ne peuvent être adoptés que sur proposition de la Commission européenne ou à l'initiative d'un quart des Etats membres ;

- l'article 82 du même traité, qui permet au Parlement européen et au Conseil, selon la procédure législative ordinaire, de prendre des mesures relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale ainsi que des règles minimales en matière de procédure pénale ;

- l'article 83 du même traité, autorisant le Parlement européen et le Conseil à établir, selon la procédure législative ordinaire, des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions pénales ;

- l'article 85 du même traité, permettant au Parlement européen et au Conseil, selon la procédure législative ordinaire, de déterminer les tâches, la structure et le fonctionnement d' Eurojust ;

- les articles 87 à 89 du même traité, soumettant l'adoption de mesures dans le domaine de la coopération policière à la procédure législative ordinaire ;

- l'article 133 de ce traité, conférant au Parlement européen et au Conseil, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, le pouvoir de décider des mesures nécessaires à l'usage de l' euro en tant que monnaie unique ;

- le v) du a) du 6 de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, étendant le domaine des accords internationaux dont le Conseil ne peut approuver la conclusion qu'après l'approbation du Parlement européen ;

- l'article 329 du même traité, qui soumet la mise en place d'une coopération renforcée entre Etats membres de l'Union à une autorisation du Conseil statuant à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen.

? S'agissant des dispositions permettant, en vertu d'une décision européenne postérieure à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée au sein du Conseil , le Conseil constitutionnel a relevé que certaines d'entre elles « ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution » 7 ( * ) .

Il a considéré, de ce fait, que les dispositions suivantes appelaient une révision de la Constitution :

- le 3 de l'article 31 du traité sur l'Union européenne, donnant au Conseil la possibilité d'étendre, par une décision prise à l'unanimité, le nombre d'hypothèses dans lesquelles il peut, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune , adopter des décisions à la majorité qualifiée ;

- le 3 de l'article 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui permet au Conseil, par une décision prise à l'unanimité et sauf opposition d'un parlement national, de soumettre certains aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière à la procédure législative ordinaire ;

- le d) du 2 de l'article 82 du même traité, autorisant le Conseil à prévoir, à l'unanimité de ses membres et avec l'approbation du Parlement européen, que des règles minimales de procédure pénale peuvent être adoptées selon la procédure législative ordinaire dans des cas autres que ceux mentionnés dans cet article ;

- le 3 ème alinéa du 1 de l'article 83 du même traité, qui donne compétence au Conseil pour adopter, à l'unanimité et avec l'approbation du Parlement européen, une décision étendant la liste des domaines de criminalité dans lesquels le Parlement européen et le Conseil, statuant selon la procédure législative ordinaire, peuvent définir des infractions et des sanctions pénales.

(3) La révision simplifiée des traités européens

Dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a enfin jugé que la ratification du traité de Lisbonne ne pouvait intervenir sans modification préalable de la Constitution, dès lors qu'il comportait des procédures de révision des traités européens n'impliquant pas la mise en oeuvre d'une « procédure nationale de ratification de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité . »

C'est la raison pour laquelle il a estimé que les dispositions du 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne rendaient nécessaire une révision de la Constitution. Celles-ci prévoient en effet que le Conseil européen peut prendre une décision tendant :

- soit à ce que le Conseil statue à la majorité qualifiée pour l'adoption d'un acte pour laquelle le traité requiert en principe l'unanimité ;

- soit à ce qu'un acte soit adopté selon la procédure législative ordinaire lorsque le traité impose le recours à une procédure législative spéciale.

Contrairement à la procédure de révision « ordinaire » prévue par le 2 du même article ou à la procédure de révision « simplifiée » organisée par le 6 de ce même article, la modification ainsi réalisée ne nécessite pas, pour produire ses effets, une « approbation par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». Cette absence est de nature à empêcher le Conseil constitutionnel d'exercer son office conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution.

* 1 Article 54 de la Constitution : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

* 2 De ce fait, la décision du 20 décembre 2007 procède à plusieurs reprises par référence à la décision n° 2004-505 du 19 novembre 2004.

* 3 Selon la procédure législative ordinaire, à l'exception des mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière pour lesquelles le Conseil statue en principe à l'unanimité après consultation du Parlement européen.

* 4 Voir les articles 31 et 34 du traité sur l'Union européenne, dans leur version antérieure au traité de Lisbonne.

* 5 Voir les articles 62 et 65 du traité instituant la Communauté européenne, dans leur version antérieure au traité de Lisbonne.

* 6 Par ailleurs, la déclaration n° 4 annexée traité de Lisbonne prévoit l'adoption par le Conseil, lors de l'entrée en vigueur du traité, d'une décision réactivant le « compromis de Ionanina » afin d'atténuer l'effet couperet de la règle de la double majorité. Ce compromis implique que, lorsque lors de votes au Conseil, une minorité de blocage tend à se dégager, ses membres cherchent à obtenir, « dans un délai raisonnable », une majorité qualifiée supérieure à celle en principe nécessaire pour adopter une décision.

* 7 Premier et deuxième alinéas de l'article 61 de la Constitution : « Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

« Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs ».

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