B. UNE RÉVISION NÉCESSAIRE DU TITRE XV DE LA CONSTITUTION

1. La révision constitutionnelle, préalable à la ratification et à la mise en application d'un traité contraire à la Constitution

Comme l'a réaffirmé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe et n° 2007-560 du 20 décembre 2007 sur le traité de Lisbonne, la Constitution française est au sommet de l'ordre juridique interne.

Si ce principe n'empêche pas la reconnaissance de l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international, le Conseil constitutionnel ayant d'ailleurs admis que l'article 88-1 de la Constitution conférait un fondement constitutionnel au principe de primauté du droit communautaire 10 ( * ) , il n'en reste pas moins que la ratification de traités européens suppose encore et toujours leur conformité à la Constitution.

Ce principe est si fortement établi que les commentaires aux Cahiers du Conseil constitutionnel 11 ( * ) consécutifs à la décision du 19 novembre 2004 précitée précisent que « la révision de la Constitution française ne pourrait à elle seule parvenir à conférer valeur supra-constitutionnelle à la « Constitution pour l'Europe » établie par le traité, car le constituant national ne peut hisser aucun droit au-dessus de celui qu'il proclame ».

En cas de non-conformité, la révision constitutionnelle permet de conserver à la Constitution sa place au sommet de l'ordre juridique interne.

La ratification d'un engagement international nécessite une révision préalable de la Constitution lorsqu'il comporte des clauses qui sont contraires à la loi fondamentale, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale 12 ( * ) . Encore faut-il qu'il soit soumis au Conseil constitutionnel, soit directement au titre de l'article 54, soit à l'occasion de l'examen de la loi autorisant sa ratification ou son approbation en application de l'article 61.

Le Conseil examine alors chacune des stipulations du traité. Il ne s'estime tenu de motiver que les déclarations de contrariété à la Constitution. Les réserves d'interprétation sont exclues dans la mesure où un engagement international doit faire l'objet d'une application uniforme par les parties. A cet égard, comme votre rapporteur l'a souligné lors de l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, il est regrettable que le Conseil constitutionnel motive aussi succinctement ses décisions, procédant le plus souvent à des affirmations plutôt qu'à des démonstrations.

Pour des raisons de sécurité juridique et en application de la règle pacta sunt servanda consacrée par le préambule de la Constitution de 1946, la constitutionnalité des stipulations d'un traité ratifié ne peut plus être mise en cause.

Pour autant, le principe d'immunité constitutionnelle des traités ratifiés n'interdit pas l'examen de la constitutionnalité d'un traité modificatif. Dans le cas des traités européens, il n'interdit pas non plus l'examen de la constitutionnalité des mesures de transposition du droit communautaire dérivé dans le cas où ces mesures mettraient en cause des règles ou principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France ou des dispositions expresses et spécifiques de notre Constitution 13 ( * ) .

La Constitution française a ainsi déjà été révisée à cinq reprises :

- le 25 juin 1992 pour permettre la ratification du traité de Maastricht et notamment la participation à l'Union économique et monétaire 14 ( * ) ;

- le 25 novembre 1993 pour la mise en oeuvre des accords de Schengen en matière d'asile 15 ( * ) ;

- le 25 janvier 1999 pour permettre la ratification du traité d'Amsterdam 16 ( * ) ;

- le 25 mars 2003 pour lever les obstacles constitutionnels supposés à la participation de la France au mécanisme du mandat d'arrêt européen, en application de la décision-cadre du 13 juin 2002 17 ( * ) ;

- le 1 er mars 2005 pour permettre la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe 18 ( * ) .

* 10 Voir en particulier les décisions n° s 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1 er juillet 2004 et 2004-498 DC du 29 juillet 2004.

* 11 n° 18.

* 12 Décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, considérant n° 9.

* 13 Voir les décisions n° s 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1 er juillet 2004 et 2004-498 DC du 29 juillet 2004 ainsi que la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006.

* 14 Décisions n° s 92-308 DC du 9 avril 1992 et n° 92-312 du 2 septembre 1992 et loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992.

* 15 Décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 et loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993.

* 16 Décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997 et loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999.

* 17 Avis du Conseil d'Etat rendu le 26 septembre 2002 sur saisine du Premier ministre en application de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003. Voir également le commentaire de l'article 2 du projet de loi.

* 18 Décision° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 et loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1 er mars 2005.

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