II. LA SOLUTION PROPOSÉE : PROMOUVOIR DAVANTAGE DE SOUPLESSE, DANS LA CONTINUITE DES AJUSTEMENTS DÉJÀ INTERVENUS DANS LE SECTEUR PUBLIC

A. LES ASSOUPLISSEMENTS INTRODUITS EN 2005

1. Une première année d'application chaotique

La première journée de solidarité, qui était encore centrée sur la date du lundi de Pentecôte, mérite rétrospectivement d'être qualifiée d'échec pédagogique. En effet, le 16 mai 2005 a été caractérisé non seulement par d'importants mouvements sociaux dans les services publics, mais également par de grandes disparités dans le secteur marchand.

Loin de la lisibilité et de l'uniformité de la réforme allemande de 1994, l'opinion publique française a eu l'impression d'assister au mieux à une certaine « pagaille », au pire à une multiplication d'égoïsmes catégoriels. Son soutien à la réforme, dont les grandes lignes avaient été annoncées à l'occasion du bilan de la canicule du mois d'août 2003, semble s'être retourné à ce moment là.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a alors décidé de constituer un comité de suivi et d'évaluation dont la présidence a été confiée au député Jean Leonetti. Ce comité a remis son rapport à Dominique de Villepin, son successeur, le 19 juillet 2005. Il a recommandé en particulier de promouvoir davantage de souplesse, en encourageant la fixation de la journée de solidarité un autre jour de l'année.

2. Les mesures d'ajustement retenues par le Gouvernement en 2005

Suivant ces recommandations, le gouvernement a assoupli, par voie réglementaire, les modalités d'exercice de la journée de solidarité dans le secteur public. Il s'est agi de permettre aux différentes administrations de déterminer les conditions dans lesquelles elles doivent effectuer ces sept heures de travail supplémentaires, le cas échéant en les répartissant dans l'année. La référence au lundi de Pentecôte a ainsi été de facto abandonnée.

Pour l'éducation nationale, l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 4 novembre 2005 a prévu que le travail des enseignants au titre de la journée de solidarité ne concernera plus l'accueil des élèves, mais la préparation en dehors du temps scolaire du projet pédagogique d'établissement, dans le cadre d'une ou de deux demi-journées annuelles.

B. TROIS HYPOTHÈSES D'ÉVOLUTION POSSIBLES

Loin de se limiter à une analyse rétrospective des problèmes de mise en oeuvre de la journée de solidarité, le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques présente le mérite d'étudier en détail trois pistes de réflexion pour sortir des difficultés actuelles. Il s'agit donc d'une réflexion opérationnelle, dont les conclusions ont directement inspiré la présente proposition de loi.

1. Premier scénario : le retour à une application uniforme fixée au lundi de Pentecôte ou un autre jour férié

Le rapport analyse aussi les avantages et les inconvénients d'une journée de solidarité obligatoirement et uniformément travaillée le lundi de Pentecôte, ou un autre jour férié remplaçant celui-ci, avant d'écarter cette solution :

« Cette uniformité qui aurait le mérite de la cohérence et donnerait à la journée de solidarité son relief symbolique le plus grand, avait été à l'origine voulue par les promoteurs de cette journée. Mais l'introduction dans la loi du 30 juin 2004 d'éléments de " souplesse " ayant abouti à 1a situation actuelle où 52 % des salariés français ne travaillent pas le lundi de Pentecôte, où l'école est fermée aux élèves et ou la très grande majorité des services publics ne fonctionne pas, rend aujourd'hui un tel retour en arrière difficilement envisageable et susceptible de recréer des conflits.»

2. Deuxième scénario : l'abandon de la référence au lundi de Pentecôte, accompagné du renvoi des modalités pratiques de la journée de solidarité aux entreprises

Une deuxième piste consiste à réaffirmer l'exigence de la journée de solidarité pour tous les salariés. On peut alors renoncer à faire du lundi de Pentecôte la date privilégiée de cette obligation et accorder aux entreprises et leurs salariés la liberté de choisir par la négociation, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité. Ce scénario permet même le fractionnement des sept heures de travail annuelles supplémentaires.

Le rapport privilégie nettement cette solution.

« Le premier avantage d'un tel scénario réside dans sa lisibilité sur le caractère férié du lundi de Pentecôte, généralement associé à un jour chômé ; il répond à la demande de souplesse maximale et de liberté d'organisation du travail exprimée très largement par les employeurs. »

3. Troisième scénario : faciliter le travail du lundi de Pentecôte pour les salariés et leurs familles

Le rapport étudie en dernier lieu comment enraciner davantage le travail du lundi de Pentecôte dans la vie économique et sociale, ce qui suppose de mettre fin aux principaux goulets d'étrangement dont se plaignent les salariés et leurs familles : l'accueil des enfants et la situation dans le secteur des transports, notamment. Il s'agit en quelque sorte de conserver l'acquis de la loi du 30 juin 2004, tout en dégageant des solutions pragmatiques pour rendre compatibles les temps passés en famille et au travail.

Le secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques n'envisage toutefois ces pistes d'amélioration de la situation actuelle que dans le cas où le second scénario ne serait pas retenu par les pouvoirs publics :

« Il conviendrait de définir les efforts nouveaux à demander au service public afin de mieux assurer la garde des enfants lors du lundi de Pentecôte. Il est légitime, a minima, de demander aux autorités publiques locales, sous l'autorité des préfets, de diffuser une information coordonnée sur les services de garde ouverts, de façon que les parents soient en mesure d'anticiper le lundi de Pentecôte. Quant au transport routier, toute décision doit être fondée sur l'impératif de sécurité sur les routes tout en veillant au respect des contraintes économiques. »

En définitive, sur la base de ces réflexions et avec l'accord du Gouvernement, la proposition de loi déposée par Jean Leonetti propose de mettre en oeuvre la seconde solution envisagée.

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