III. LE COMPTE SPÉCIAL « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

Rappels sur le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui n'avait pas d'équivalent sous le régime de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 et dont la LOLF n'avait pas prévu l'existence, constitue une innovation de la loi de finances rectificative pour 2005 (qui a institué ce compte a posteriori pour l'exercice 2005) et de la LFI pour 2006. Le législateur, par cette création réalisée sous l'impulsion des travaux du Parlement 139 ( * ) , a entendu doter d'un outil de pilotage la politique de valorisation et de mobilisation du patrimoine immobilier de l'État menée par le gouvernement depuis 2003, et conçue comme un élément important de la réforme de l'État lui-même.

Ce compte, dont la nomenclature a été enrichie par la LFI pour 2007 140 ( * ) , fait apparaître :

- en recettes , le produit des cessions des biens immeubles de l'État et les fonds de concours ;

- en dépenses , celles requises en termes d' investissement et de fonctionnement à la suite d'opérations de cession, d'acquisition ou de construction d'immeubles réalisées par l'État , ainsi que les dépenses de même nature réalisées par des établissements publics sur des immeubles relevant du domaine de l'État.

Le compte a également vocation à retracer, en recettes comme en dépenses, des transferts avec le budget général de l'État, qu'il s'agisse, en pratique, de versements dans le cadre d'opérations immobilières (avances, par exemple) ou de restitutions d'une partie du produit des cessions immobilières, afin de contribuer au désendettement.

Désormais, avec notamment la réforme du service des domaines, les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) des ministères et l'introduction de loyers « budgétaires » 141 ( * ) , le compte « Gestion immobilière de l'État » peut être considéré comme l'un des piliers de la politique de rationalisation du patrimoine immobilier de l'État. Il constitue en effet un « tableau de suivi » des opérations de cessions .

La mission correspondant à ce compte est pilotée par le service France Domaine. « Mono-programme » en 2006, elle a été scindée en deux programmes par la LFI pour 2007, eu égard aux exigences de la LOLF rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2005 relative à la LFI pour 2006 142 ( * ) . Le premier programme (721) retrace la contribution au désendettement de l'État des produits de cessions immobilières ; le second (722) retrace le niveau de l'affectation de ces produits à des dépenses immobilières .

A. L'EXÉCUTION : 820 MILLIONS D'EUROS DE RECETTES

1. Un nouveau « record » de produits de cessions immobilières

a) Des produits de cessions exceptionnels

En 2007, les cessions immobilières de l'État ont rapporté 820 millions d'euros, niveau de produits sans précédent, contre 500 millions d'euros inscrits en LFI , soit un niveau de recettes du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » supérieur de 64 % aux prévisions. En 2006 déjà, ce compte avait bénéficié de recettes supérieures de 66 % aux prévisions, atteignant 798 millions d'euros contre 479 millions d'euros inscrits en LFI. Si l'on tient compte des produits réalisés en 2005 (634 millions d'euros), en trois ans, les recettes des cessions immobilières de l'État ont dépassé 2 milliards d'euros .

Ces résultats exceptionnels doivent être comparés aux exécutions antérieures, que retrace le tableau ci-après.

Produits des cessions immobilières de l'État

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Réalisations (loi de règlement)

90

110

90

107

173

634

798

820

Prévisions (LFI)

600

439

500

600

Source : RAP de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » annexé au présent projet de loi de règlement

Toutefois, comme en 2006 143 ( * ) , le niveau atteint par ces produits de cession résulte, pour une large part, de circonstances tout particulières . En effet :

- d'une part, à elle seule, la cession du centre de conférences internationales situé avenue Kléber, à Paris, conclue pour 404 millions d'euros en avril 2007, a contribué à près de la moitié des produits de cessions enregistrés sur l'exercice 144 ( * ) ;

- d'autre part, si l'on ajoute à cette opération la cession de l'hôtel de Montesquiou-Fézensac (ancien siège du ministère de la coopération), rue Monsieur à Paris, conclue pour 142 millions d'euros en novembre 2007, il s'avère que deux ventes, réalisées à des niveaux de prix exceptionnels, ont représenté les deux tiers des produits réalisés sur l'année.

Il convient également de noter que 62 millions d'euros des produits de cession encaissés en 2007, soit 7,5 % du total, résultent d'opérations conclues antérieurement.

Si l'on exclut la vente précitée du centre « Kléber », et donc sur un produit global ramené à la hauteur de 416 millions d'euros, 60 % (253 millions d'euros) correspondent à des cessions d'un montant individuel supérieur à deux millions d'euros, et les deux tiers (277 millions d'euros) à des cessions d'un montant individuel supérieur à un million d'euros. Au total, 1.759 cessions ont été réalisées, dont 90 % pour des montants inférieurs à 0,5 million d'euros . Une part prépondérante des produits a résulté des ventes parisiennes (69 % du total) et des ventes d'immeubles dont l'affectataire était le ministère des affaires étrangères (75 % du total) ; en revanche, sur le plan du nombre de cessions, le premier « contributeur » a été le ministère de l'équipement (près de 54 % de l'ensemble) 145 ( * ) .

b) Une « performance » qui ne doit pas masquer les exigences fondamentales de la gestion immobilière de l'État

Comme l'a souligné votre rapporteur spécial dans le cadre de la discussion du PLF pour 2008 146 ( * ) , l'État doit aujourd'hui poursuivre l'objectif d'élaborer une politique immobilière d'ensemble . C'est le sens des différents travaux menés, ces derniers mois, tant au sein du Parlement 147 ( * ) que par le Conseil de l'immobilier de l'État (CIE) 148 ( * ) .

En tout état de cause, cette politique ne saurait ni se résumer à des opérations de cession lesquelles ne peuvent pas constituer un objectif « final », mais seulement l'un des vecteurs d'une gestion cohérente , ni se cantonner, comme c'est encore souvent le cas, à une logique essentiellement ministérielle. En d'autres termes, si l'on peut se féliciter des « records » atteints par les ventes réalisées en 2006 puis en 2007, cet aspect ne doit pas focaliser l'attention .

D'autres chantiers doivent être ouverts ou approfondis. On citera par exemple l'amélioration de l'identification et de la « gouvernance » de la fonction de « propriétaire » de l'État, où le rôle du CIE reste à consacrer ; la consolidation des outils stratégiques en ce domaine, notamment à travers la révision, actuellement en cours, des SPSI des ministères ; l'exhaustivité du recensement du parc immobilier de l'État et sa correcte valorisation, suivant les recommandations de la Cour des comptes 149 ( * ) ; l' évolution du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » . Ce dernier point, en particulier, devrait faire apparaître dans la mission correspondante les crédits afférents aux travaux d'aménagement ou de rénovation nécessitées par les immeubles de l'État 150 ( * ) ; il devrait également permettre une plus forte contribution des produits de cessions au désendettement de l'État.

* 139 Pour le rappel de ces travaux, voir le rapport spécial précité n° 78, tome III, annexe 12 (2006-2007), p. 34.

* 140 Cf. le rapport spécial précité n° 78, tome III, annexe 12 (2006-2007), p. 42.

* 141 Une présentation synthétique des « nouveaux instruments de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » a été faite dans le rapport spécial précité n° 91, tome III, annexe 12 (2007-2008), p. 46.

* 142 Décision n° 2005-530 DC précitée.

* 143 Cf. la contribution de votre rapporteur spécial au rapport précité n° 393 (2006-2007), tome II, p. 198.

* 144 Cette vente a permis de « compenser », en termes arithmétiques, le déséquilibre des opérations de cession puis rachat, par l'Etat, de l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale à Paris. Cf. le rapport d'information n° 37 (2007-2008) de votre rapporteur spécial et de nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils et Adrien Gouteyron.

* 145 Votre rapporteur spécial, d'une façon générale, tient à souligner l'amélioration de la qualité et de la précision des informations présentées dans le RAP de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » annexé au présent projet de loi de règlement, par rapport au RAP annexé au projet de loi de règlement pour 2006. Il n'en estime pas moins pertinentes les préconisations formulées par la Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat en 2007, tendant à enrichir le contenu de ce document.

* 146 Cf. le rapport spécial précité n° 91, tome III, annexe 12 (2007-2008), p. 50.

* 147 Cf. le rapport d'information précité n° 37 (2007-2008) de votre rapporteur spécial et de nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils et Adrien Gouteyron ; et le rapport d'information n° 923 (A.N., XIII e législature) de nos collègues députés Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont, rapporteurs, et Georges Tron et David Habib, présidents, juin 2008.

* 148 Cf. le « Schéma global de l'Etat propriétaire », élaboré par le CIE et remis, le 12 juin 2008, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

* 149 La Cour des comptes, dans le cadre de la certification des comptes de l'Etat pour 2007, a maintenu sa réserve , formulée lors de sa certification pour l'exercice 2006, relative au parc immobilier de l'Etat. En dépit des progrès engagés, elle estime qu'une « interprétation inappropriée du référentiel comptable et l'insuffisante qualité des outils et des procédures d'inventaire continuent de faire peser une incertitude substantielle sur la valorisation et l'exhaustivité du parc immobilier inscrit au bilan de l'Etat ».

* 150 Sur ce sujet, votre rapporteur spécial a présenté, dans le cadre de la discussion du PLF pour 2007 puis lors de l'examen du PLF pour 2008, un amendement « d'appel » cf. le rapport spécial précité n° 91, tome III, annexe 12 (2007-2008), p. 58. Il espère que la réflexion à laquelle cette initiative a donné lieu portera ses fruits dans le PLF pour 2009 .

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