Rapport n° 463 (2007-2008) de M. Jean-Jacques HYEST , fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 juillet 2008

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N° 463

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, de modernisation des institutions de la V e République ,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily , vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour , secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Éliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. François Pillet, Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de  Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 820 , 892 , 881, 883 , 890 et T.A. 150

Deuxième lecture : 993 , 1009 et T.A. 172

Première lecture : 365 , 387 , 388 et T.A. 116 (2007-2008)

Deuxième lecture : 459 (2007-2008)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le jeudi 10 juillet 2008 sous la présidence de M. René Garrec a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi constitutionnelle n° 365 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la V e République .

La commission a constaté que l'Assemblée nationale avait, en deuxième lecture, tenu compte, dans une grande mesure, des apports du Sénat. Les députés ont en effet repris le texte issu des travaux de notre assemblée sur trois sujets importants :

- les dispositions relatives au Sénat (art. 9 et 10 du projet de loi constitutionnelle) ;

- l'organisation du Conseil supérieur de la magistrature (art. 28 du projet de loi constitutionnelle) ;

- l'institution du Défenseur des droits (art. 31 du projet de loi constitutionnelle).

Par ailleurs, lorsque des divergences sont apparues en première lecture entre les deux assemblées, les députés n'ont que rarement rétabli, sans le modifier, le texte qu'ils avaient adopté en première lecture.

Ainsi, les députés se sont efforcés de trouver des formules équilibrées pour conforter les droits du Parlement, en intégrant les préoccupations exprimées par le Sénat : avis du Parlement sur les nominations effectuées par le Chef de l'Etat (art. 4), possibilité de voter des résolutions (art. 12), délais entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique (art. 16). Il en a été de même pour le droit de grâce (art. 6).

Votre commission estime par conséquent que le projet de révision comporte des avancées très substantielles, en particulier pour le Parlement : affirmation des fonctions de contrôle et d'évaluation, avis sur les nominations effectuées par le chef de l'État, examen en séance publique sur la base du texte de la commission, reconnaissance de droits spécifiques pour les groupes d'opposition ou minoritaires (avec, notamment, la garantie d'une séance mensuelle réservée à leurs seules initiatives). L'exception d'inconstitutionnalité, l'ouverture de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature aux justiciables et l'institution du Défenseur des droits confortent par ailleurs notre démocratie.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi constitutionnelle examiné en deuxième lecture par l'Assemblée nationale les 8 et 9 juillet derniers.

Le projet de loi constitutionnelle a fait l'objet de débats riches et approfondis en première lecture 1 ( * ) , au cours desquels chacune des deux assemblées a contribué à compléter et améliorer le texte proposé par le Gouvernement.

L'Assemblée nationale a adopté cent sept amendements (sur six cent sept examinés) ; elle a supprimé trois des trente-cinq articles que comportait initialement le projet de loi constitutionnelle et inséré onze articles additionnels.

Le Sénat s'est pour sa part efforcé de conduire un travail équilibré. Il a d'abord pour une large part approuvé le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale (huit articles et deux suppressions votés conformes). Par ailleurs, fidèle à l'esprit qui anime la révision, il a cherché à conforter les droits du Parlement dans le respect des principes du bicamérisme et à renforcer la garantie des droits et libertés. Il a ainsi adopté quatre vingt quatorze amendements (sur quatre cent quatre vingt douze examinés) : il est revenu sur certains points à une rédaction plus proche du texte initial du projet de révision (ainsi, parmi les sept articles supprimés, cinq sont des articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale) et, pour l'essentiel, il a complété ou modifié les articles du projet de loi constitutionnelle, n'introduisant que peu de dispositions nouvelles 2 ( * ) .

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a tenu compte, dans une grande mesure, des apports du Sénat 3 ( * ) . Elle a en effet repris le texte issu des travaux de notre assemblée sur trois sujets importants :

- les dispositions relatives au Sénat (art. 9 et 10 du projet de loi constitutionnelle) ;

- l'organisation du Conseil supérieur de la magistrature (art. 28 du projet de loi constitutionnelle) ;

- l'institution du Défenseur des droits (art. 31 du projet de loi constitutionnelle).

Par ailleurs, lorsque des divergences sont apparues en première lecture entre les deux assemblées, les députés sont rarement revenus, sans le modifier, au texte qu'ils avaient adopté en première lecture.

Ainsi, les députés se sont efforcés de trouver des formules équilibrées pour conforter les droits du Parlement, en intégrant les préoccupations exprimées par le Sénat : avis du Parlement sur les nominations effectuées par le Chef de l'Etat (art. 4), possibilité de voter des résolutions (art. 12), délais entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique (art. 16). Il en a été de même pour le droit de grâce (art. 6).

Votre commission estime que le Sénat a ainsi eu satisfaction sur les sujets auxquels il attachait une particulière importance. Elle vous invite en conséquence à adopter le texte voté par l'Assemblée nationale sans modification.

*

* *

I. LES POINTS D'ACCORD ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES

A. LES DISPOSITIONS APPROUVÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE DANS LES MÊMES TERMES QUE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, le Sénat a approuvé :

- la suppression de l'article 3 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoyait initialement que le nombre maximum de ministres et des autres membres du Gouvernement serait fixé par une loi organique (article 8 de la Constitution) ;

- sous réserve d'une modification rédactionnelle, le principe selon lequel le Président de la République ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs (art. 4 du projet de loi constitutionnelle - art. 6 de la Constitution).

- le contrôle de la durée des pleins pouvoirs dévolus au Président de la République en vertu de l'article 16 de la Constitution en cas de crise d'une extrême gravité (article 5 du projet de loi constitutionnelle - article 16 de la Constitution) ;

- la faculté pour le Président de la République de prendre la parole devant le Congrès (article 7 du projet de loi constitutionnelle - article 18 de la Constitution) ;

- la suppression , par les députés, de l'article 8 du projet de loi constitutionnelle qui tendait à limiter le rôle du Premier ministre en matière de défense nationale à la mise en oeuvre des décisions prises par le Président de la République (article 21 de la Constitution).

- les dispositions imposant une ratification expresse des ordonnances (article 13 bis du projet de loi constitutionnelle - article 38 de la Constitution) ;

- sous réserve d'une modification rédactionnelle, la substitution de la procédure accélérée à la déclaration d'urgence (article 16 et 19 du projet de loi constitutionnelle) ;

- la possibilité pour la Conférence des présidents des deux assemblées de s'opposer conjointement à la déclaration d'urgence (article 19 du projet de loi constitutionnelle - article 45 de la Constitution) ;

- les dispositions précisant les missions de la Cour des comptes : assistance au Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement ; assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que pour l'évaluation des politiques publiques ; contribution de la Cour des comptes à l'information des citoyens par ces rapports publiés (article 21 du projet de loi constitutionnelle - article 47-2 de la Constitution) ;

- les conditions dans lesquelles la commission compétente de chaque assemblée donne son avis sur les nominations du président de l'Assemblée nationale ou du président du Sénat au Conseil constitutionnel (article 25 du projet de loi constitutionnelle - article 56 de la Constitution) ;

- sous réserve d'une modification rédactionnelle, l'institution d'une exception d'inconstitutionnalité sous la forme d'une motion préjudicielle renvoyée au Conseil constitutionnel (article 26 du projet de loi constitutionnelle - article 61-1 de la Constitution) et les dispositions relatives aux effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité d'une mesure législative en vigueur (article 27 du projet de loi constitutionnelle - article 62 de la Constitution).

- les dispositions visant à donner au Conseil économique et social la dénomination de Conseil économique, social et environnemental (CESE), afin de marquer la place des questions relatives à l'environnement dans les travaux de cette assemblée consultative (article 28 bis , 29 et 30 bis du projet de loi constitutionnelle - intitulé du titre XI, articles 69 et 71 de la Constitution) ;

- l'ouverture de la saisine du Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition , dans les conditions fixées par une loi organique (article 29 du projet de loi constitutionnelle - article 69 de la Constitution) ;

- la limitation à deux cent trente-trois du nombre des membres du Conseil économique, social et environnemental (article 30 ter du projet de loi constitutionnelle - article 71 de la Constitution).

B. LES DISPOSITIONS MODIFIÉES PAR LE SÉNAT ET ADOPTÉES SANS MODIFICATION DE FOND PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Les modalités du référendum d'initiative parlementaire précisées

L'article 3 bis (proposition de loi soutenue par un dixième des électeurs) a été inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, afin de prévoir à l'article 11 de la Constitution qu'un référendum législatif relatif à l'une des matières visées au premier alinéa de cet article peut être demandé par un cinquième des membres du Parlement soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.

En pratique, l'initiative prendrait la forme d'une proposition de loi. Elle ne pourrait pas abroger une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Dans l'hypothèse où les deux assemblées n'auraient pas examiné la proposition de loi dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République devrait la soumettre à référendum.

Tout en regroupant l'ensemble des modifications apportées à l'article 11 de la Constitution au sein de l'article 3 bis du présent texte, le Sénat a complété ce dispositif en première lecture pour mieux l'encadrer : conditions de présentation des initiatives référendaires par une loi organique ; contrôle de constitutionnalité des propositions de loi référendaires, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, avant que celles-ci soient soumises au référendum (article 25 bis nouveau) ; adoption d'une proposition de loi par référendum subordonnée à un seuil de participation fixé par la loi organique et interdiction, lorsqu'une proposition de loi n'a pas été adoptée par voie référendaire, de présenter une initiative référendaire sur le même sujet dans les deux ans suivant la date du scrutin.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a souscrit à ces apports sous réserve de la disposition relative au seuil de participation minimal. Nos collègues députés ont en particulier estimé que la fixation d'un tel seuil pour les propositions de loi référendaires de l'article 11 de la Constitution pourrait engendrer une « dissymétrie » peu satisfaisante avec les référendums initiés par le Président de la République pour lesquels aucun seuil de participation n'est exigé.

2. Les fondements du bicamérisme préservés

* A l'article 9 du projet de loi constitutionnelle (missions et mode d'élection du Parlement - art.  24 de la Constitution), les députés ont complété, en première lecture, l'énoncé des missions du Parlement en indiquant que ce dernier « concourt à l'évaluation des politiques publiques » et fixé à 577 le nombre maximal des députés.

Le Sénat a opéré plusieurs modifications.

Il a d'abord affirmé d'une part que le Parlement mesure les effets des lois qu'il vote et, d'autre part, qu'il évalue les politiques publiques.

Ensuite, il a fixé à 348 le nombre maximal des sénateurs, par cohérence avec la solution retenue par l'Assemblée nationale pour le nombre de députés. Enfin le Sénat a préféré conserver la rédaction actuelle de l'article 24 de la Constitution selon laquelle il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » ce qui n'interdit pas la modification éventuelle de son mode de scrutin.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a validé l'ensemble de ces dispositions à l'exception de la précision selon laquelle le Parlement mesure les effets des lois qu'il vote.

Elle a en effet estimé que cette mission était comprise dans celle d'évaluation des politiques publiques.

* A l'article 10 (retour des anciens ministres au Parlement et sincérité des découpages électoraux - article 25 de la Constitution), les députés ont accepté, en deuxième lecture, d'exclure les projets de texte et les propositions de loi délimitant les circonscriptions sénatoriales de la compétence consultative de la commission indépendante, comme l'avait proposé le Sénat en première lecture, les sénateurs étant élus dans le cadre du département.

3. Un travail parlementaire approfondi et valorisé

* Les députés ont maintenu la suppression par les sénateurs de l'article 10 bis (article 33 de la Constitution) -qu'ils avaient introduit en première lecture- posant le principe de la publicité des auditions organisées par les commissions parlementaires . Comme tel est le cas aujourd'hui, les règlements des assemblées permettront d'assurer de manière souple et adaptée la publicité des travaux des commissions.

* De même, ils ont adopté l'article 12 du projet de loi constitutionnelle (article 24-1 nouveau de la Constitution) rétabli par le Sénat permettant aux assemblées de voter des résolutions . Les sénateurs avaient modifié le texte initial du projet de révision sur deux points en prévoyant que les conditions d'exercice de ce nouveau droit serait fixé par une loi organique (et non par le règlement des assemblées) et que seraient irrecevables les propositions de résolutions mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement. Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement précisant cette dernière condition : le Gouvernement pourrait s'opposer à l'inscription à l'ordre du jour des propositions de résolution dont il estime « que leur adoption ou leur sujet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard ». En cas de divergence d'appréciation entre les auteurs de la résolution et le Gouvernement sur le risque de mise en cause de la responsabilité de celui-ci, la difficulté pourrait être levée, selon l'objet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, par le dépôt d'une motion de censure dans les formes prévues par l'article 49 de la Constitution.

* L'Assemblée nationale a approuvé la rédaction proposée par le Sénat au terme de laquelle la présentation du projet de loi -et non, comme l'avait d'abord proposé les députés, le mode d'élaboration des projets de loi- déposé devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique ainsi que la faculté donnée à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie de s'opposer à l'inscription à l'ordre du jour d'un texte dont elle constaterait qu'il ne satisferait pas aux exigences mentionnées par la loi organique -la version d'abord votée par les députés impliquait l'intervention conjointe des Conférences des présidents des deux assemblées. Elle a toutefois opportunément prévu, en cas de désaccord, la possibilité pour le président de l'assemblée intéressée ou pour le Premier ministre, de saisir le Conseil constitutionnel appelé à statuer dans les huit jours (article 14 du projet de loi constitutionnelle - article 39 de la Constitution).

* Sous réserve d'une modification rédactionnelle, les députés ont adopté l'article 17 du projet de loi constitutionnelle (article 43 de la Constitution) dans la rédaction retenue par le Sénat qui fait du renvoi à une commission permanente d'un projet ou d'une proposition de loi la règle et de la constitution d'une commission spéciale d'exception. Le Sénat avait par ailleurs approuvé, à l'instar de l'Assemblée nationale, le relèvement de six à huit du nombre maximal de commissions permanentes.

* L'Assemblée nationale avait introduit, en première lecture, la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire pour une proposition de loi à l'initiative du président de l'assemblée dont elle émane. Le Sénat avait estimé préférable de réserver une telle prérogative à l'initiative conjointe des présidents des deux assemblées. L'Assemblée nationale s'est ralliée à cette position en deuxième lecture (article 19 du projet de loi constitutionnelle - article 45 de la Constitution).

* La possibilité pour le Parlement de consulter le Conseil économique, social et environnemental (article 30 du projet de loi constitutionnelle - article 70 de la Constitution).

En première lecture, le Sénat a souhaité permettre au Parlement de consulter le Conseil économique, social et environnemental sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Il a par ailleurs étendu la consultation facultative du CESE par le Gouvernement aux projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques et la consultation obligatoire du Conseil aux projets de loi de programmation à caractère environnemental. Les députés ont approuvé ces dispositions.

* Sous réserve d'une modification rédactionnelle l'Assemblée nationale a adopté l' application des délais minimaux d'examen par chaque assemblée prévus par l'article 16 du projet de loi constitutionnelle aux projets ou propositions de révision de la Constitution (article 33 bis du projet de loi constitutionnelle - article 89 de la Constitution) ;

* Les députés ont, sous réserve de différentes coordinations, adopté les dispositions transitoires portant du 1 er janvier 2009 au 1 er mars de la même année, l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi constitutionnelle concernant la procédure parlementaire (article 34 du projet de loi constitutionnelle).

4. Les droits des groupes parlementaires reconnus et précisés

L'article 24 du projet de loi constitutionnelle tend à insérer dans la Constitution un nouvel article 51-1, relatif aux droits des groupes parlementaires.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif garantissant, d'une part, que le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein et, d'autre part, que le règlement reconnaît des droits spécifiques aux groupes qui n'ont pas déclaré participer de la majorité de l'assemblée concernée.

Le Sénat a précisé cette rédaction en première lecture, afin que les groupes minoritaires, même s'ils n'appartiennent pas à l'opposition de l'assemblée concernée, bénéficient également de droits spécifiques.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification en deuxième lecture le dispositif prévoyant que le règlement de chaque assemblée reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires.

5. L'actualisation du droit applicable outre-mer

* Le Sénat a complété en première lecture l'article 30 quater du projet de loi constitutionnelle, qui tend à mentionner les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin à l'article 72-3 de la Constitution, afin de préciser, au dernier alinéa du même article, que la loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière de Clipperton. L'Assemblée nationale a adopté cet article avec une modification rédactionnelle.

* L'Assemblée nationale a adopté, avec quelques ajustements rédactionnels, l'article 30 quinquies qu'avait introduit le Sénat en première lecture, pour améliorer le dispositif de l'article 73 de la Constitution.

En effet, l'article 73 permet aux départements et régions d'outre-mer d'être habilités à adapter les lois et règlements qui leur sont applicables à leurs caractéristiques et contraintes particulières, dans les matières relevant de leurs compétences. Cette habilitation relève de la loi, qu'il s'agisse d'adapter des dispositions législatives ou réglementaires.

Afin de simplifier la procédure et de confier au pouvoir législatif et au pouvoir réglementaire les habilitations relevant de leurs compétences respectives , l'article 30 quinquies vise à prévoir que les habilitations de l'article 73 sont accordées par le règlement lorsqu'elles portent sur des dispositions réglementaires.

Cet article tend par ailleurs à préciser que les départements et les régions d'outre-mer peuvent être habilités à fixer les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières, afin de tenir compte de leurs spécificités, non seulement dans le domaine de la loi, comme le permet déjà l'article 73, troisième alinéa, de la Constitution, mais aussi du règlement. Cette habilitation procèderait alors d'un décret.

* L'Assemblée nationale a approuvé, sous réserve de modifications de cohérence, la nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 74-1 de la Constitution adoptée par le Sénat, afin de permettre au Gouvernement de procéder, par ordonnances , dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, à l'adaptation des dispositions législatives en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité intéressée (article 30 sexies du projet de loi constitutionnelle).

L'article 74-1 permettait déjà au Gouvernement de réaliser par ordonnances l'extension, aux collectivités d'outre-mer, de dispositions législatives en vigueur en métropole avec les adaptations nécessaires.

Le Gouvernement ne pourrait mettre en oeuvre le droit d'extension ou d'adaptation par ordonnances que si la loi ne l'a pas expressément exclu pour les dispositions en cause.

6. Un meilleur équilibre au sein du Conseil supérieur de la magistrature

Le Sénat a sensiblement modifié en première lecture les dispositions de l'article 28 du projet de loi constitutionnelle, relatives au Conseil supérieur de la magistrature (CSM, article 65 de la Constitution).

En effet, s'il a maintenu une présence minoritaire des magistrats au sein des deux formations spécialisées lorsqu'elles procèdent à des nominations, il a donné une composition paritaire à ces formations lorsqu'elles exercent des compétences disciplinaires . Il a en outre supprimé la désignation obligatoire, parmi les personnalités n'appartenant pas à la magistrature, d'un professeur des universités, ainsi que la désignation de deux personnalités qualifiées par le Défenseur des droits et le Président du Conseil économique et social.

Ainsi, les formations du Conseil supérieur de la magistrature respectivement compétentes à l'égard des magistrats du siège et à l'égard des magistrats du parquet seraient composées de la façon suivante lorsqu'elles exercent des compétences en matière de nomination :

Composition des deux formations spécialisées du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'elles exercent des compétences de nomination

Formation du siège

Formation du parquet

- premier président de la Cour de cassation, président ;

- procureur général près la Cour de cassation, président ;

- cinq magistrats du siège ;

- cinq magistrats du parquet ;

- un magistrat du parquet ;

- un magistrat du siège ;

- un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat ;

- un avocat ;

- six personnalités qualifiées n'appartenant ni au Parlement,
ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif.
Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale
et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités

Pour que chaque formation, lorsqu'elle exerce des compétences disciplinaires , comporte un nombre égal de magistrats et de non magistrats, la formation du siège serait rejointe par le magistrat du siège membre de la formation du parquet, et la formation du parquet par le magistrat du parquet membre de la formation du siège.

Le Sénat n'a pas modifié la composition de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature définie par les députés en première lecture.

Il a également approuvé l'inscription dans la Constitution d'une possibilité de saisine du Conseil supérieur de la Magistrature par les justiciables, dans les conditions définies par la loi organique.

Il a en revanche précisé que le ministre de la justice pourrait participer, et non assister, aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature, sauf en matière disciplinaire.

L'Assemblée nationale a adopté avec une modification rédactionnelle l'article 28 du projet de loi constitutionnelle issu de la première lecture au Sénat.

7. Des droits plus étendus et mieux protégés

* L'Assemblée nationale a adopté sans modification en deuxième lecture le regroupement, au sein d'un nouvel alinéa complétant l'article 1 er de la Constitution, des dispositions visant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales (article 1 er B du projet de loi constitutionnelle).

* Les députés ont approuvé le contrôle de constitutionnalité de la proposition de loi avant l'organisation d'un référendum (article 25 ter du projet de loi constitutionnel - article 61 de la Constitution).

* L'Assemblée nationale a adopté sans modification en deuxième lecture la nouvelle rédaction de l'article 31 du projet de loi constitutionnelle votée par le Sénat, afin de préciser le champ d'intervention et l'organisation du Défenseur des droits (article 71-1 de la Constitution).

Le Sénat avait tout d'abord préféré cette dénomination à celle de Défenseur des droits des citoyens, qui laissait suggérer que cette autorité ne pourrait être saisie par les personnes mineures, par les ressortissants étrangers ou par les personnes morales. Ensuite, afin de permettre le regroupement, au sein du Défenseur des droits, d'autorités administratives indépendantes compétentes à l'égard des services publics et d'organismes de droit privé tels que les entreprises, le Sénat avait précisé que cette nouvelle autorité :

- veillerait au respect des droits et libertés par les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ;

- pourrait être saisie par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.

La rédaction adoptée par le Sénat précise enfin que le Défenseur pourrait se saisir d'office et être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions. Il devrait en outre rendre compte de son activité au Président de la République et au Parlement.

II. LES QUESTIONS ENCORE EN DISCUSSION À L'ISSUE DE LA DEUXIÈME LECTURE DEVANT L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. L'affirmation de nouveaux principes constitutionnels

* Le pluralisme et la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation (article 1 er du projet de loi constitutionnelle).

En première lecture, le Sénat a précisé, au sein d'un nouvel alinéa complétant l'article 4 de la Constitution, que la loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation, dans le respect du pluralisme.

L'Assemblée nationale a conforté cette rédaction en deuxième lecture, en soulignant que la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

* La place des langues régionales dans le patrimoine de la France (article 75-1 de la Constitution).

Le Sénat avait supprimé en première lecture, contre l'avis de votre commission, l'article 1 er A qu'avait adopté l'Assemblée nationale pour reconnaître, à l'article premier de la Constitution, la place des langues régionales dans le patrimoine de la France. Il avait en particulier considéré qu'une telle disposition s'intégrait mal au sein d'un article énonçant plusieurs grands principes de notre République.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel tendant à insérer dans la Constitution un nouvel article 75-1, aux termes duquel les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Ce nouvel article se situerait par conséquent à la fin du titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales. Il apporte une reconnaissance à l'exceptionnelle richesse du patrimoine linguistique de la France, sans remettre en cause la place du français, langue de la République (article 2 de la Constitution).

Cette disposition laisse intacts les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français.

* La participation de la France au développement de la francophonie

Le Sénat a adopté en première lecture un article additionnel insérant dans la Constitution un nouvel article 87, visant à affirmer la participation de la France à la construction d'un espace francophone, au service de la diversité culturelle et linguistique, de la paix, de la démocratie et du développement (article 31 bis du projet de loi constitutionnelle). Ce nouvel article prendrait place au sein du titre XIV de la Constitution, consacré aux accords d'association et dont l'intitulé deviendrait : « de la francophonie et des accords d'association ».

Les députés ont allégé en deuxième lecture la rédaction du nouvel article 87, qui reconnaîtrait par conséquent la participation de la République au développement de la solidarité et de la coopération entre les Etats et les peuples ayant le français en partage.

2. La limitation du droit de grâce aux mesures individuelles

Le Sénat a supprimé en première lecture l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, tendant à encadrer l'exercice du droit de grâce par le Président de la République (article 17 de la Constitution). Votre commission avait toutefois approuvé l'interdiction des mesures de grâce collectives.

L'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture un amendement reprenant la limitation du droit de grâce présidentiel aux mesures individuelles.

La procédure d'instruction des demandes de grâce, très approfondie, rend en revanche inutile la création d'une commission ad hoc exerçant un rôle consultatif, qu'avait prévu le texte initial. L'Assemblée nationale y a renoncé en deuxième lecture.

3. L'extension du domaine de la loi

Le Sénat a supprimé en première lecture plusieurs modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article 11 du projet de loi constitutionnelle, qui visaient à intégrer au sein du domaine de la loi (article 34 de la Constitution) :

- le principe de non rétroactivité de la loi, qui aurait été assorti d'une exception ;

- la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l'article 66 de la Constitution ;

- la référence à l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. Le Sénat a en effet déplacé cette disposition à l'article 1 er de la Constitution.

Le Sénat a en revanche adopté un ensemble de dispositions tendant à :

- étendre le domaine de la loi à la définition des règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ;

- prévoir que la loi fixe également les règles concernant le régime électoral des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France , ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;

- inscrire dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux de la recherche ;

- soumettre l'entrée en vigueur de toute disposition fiscale à une validation par une loi de finances et l'entrée en vigueur des exonérations de cotisations ou de contributions concourant au financement de la protection sociale à une validation par une loi de financement de la sécurité sociale.

L'Assemblée nationale a supprimé en deuxième lecture l'extension du domaine de la loi aux principes fondamentaux de la recherche, qui n'apparaissait pas indispensable. En effet, le législateur est compétent pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et pour déterminer les principes fondamentaux de l'enseignement, ce qui lui permet déjà de déterminer les principes fondamentaux de la recherche.

Les députés ont par ailleurs supprimé les dispositions relatives à la validation des mesures fiscales et des exonérations et réductions de cotisations ou contributions sociales, estimant qu'elles pouvaient faire obstacle à l'intervention rapide du législateur en matière fiscale.

4. Les pouvoirs et l'organisation des travaux du Parlement

* L' avis sur les nominations effectuées par le Président de la République (article 4 du projet de loi constitutionnelle - article 13 de la Constitution).

Dans sa version initiale, le texte proposé par le Gouvernement prévoyait de soumettre les nominations concernant les emplois intéressant la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation à l'avis d'une commission unique constituée de membres de deux assemblées dont la loi organique aurait déterminé la composition et les modalités d'intervention.

L'Assemblée nationale a modifié ce dispositif afin :

- d'une part, de confier le soin de formuler l'avis sur ces nominations à la réunion des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée ;

- d'autre part, d'interdire la nomination dans le cas où la réunion des commissions permanentes compétentes a émis un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

- enfin de renvoyer à la loi simple la détermination des commissions permanentes compétentes selon les emplois concernés ainsi que les modalités selon lesquelles les avis sont rendus.

Tout en marquant son hostilité au principe d'une commission unique commune aux deux assemblées dont la seule vocation aurait été de rendre un avis sur les désignations, le Sénat n'a cependant pas retenu le système proposé par l'Assemblée nationale qui, compte tenu des déséquilibres des effectifs entre les commissions des deux assemblées affaiblirait la représentation des sénateurs et leur influence dans la procédure. Il a donc adopté un dispositif inspiré de l'article 45 de la Constitution : une commission mixte paritaire issue des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée aurait rendu un avis sur les désignations sur lesquelles le Parlement est consulté -avis qui vaudrait véto lorsqu'une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés s'opposerait à la désignation.

En outre, le Sénat n'avait pas jugé nécessaire un renvoi à la loi organique ou à la loi simple dans la mesure où les règlements des assemblées constituent la base juridique adaptée pour fixer les conditions de mise en oeuvre de ces dispositions.

Les députés, en deuxième lecture, ont prévu que les nominations visées par l'article 4 du projet de loi constitutionnelle seraient effectuées après consultation de la commission permanente compétente de chaque assemblée -le chef de l'Etat ne pouvant procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Selon votre commission, ce dispositif constitue un compromis satisfaisant entre les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale. Il répond aux préoccupations des sénateurs en permettant par deux avis séparés à chaque assemblée de faire entendre sa voix. Au reste, ce système, déjà appliqué pour la désignation du contrôleur général des lieux de privation de liberté, initialement proposé par votre commission des lois, présente également le mérite de la souplesse et de la simplicité.

Il impliquera un décompte des voix afin de vérifier si le nombre d'avis négatifs représente les trois cinquièmes des suffrages.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli le renvoi à une loi simple pour déterminer les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. En revanche, comme l'avait souhaité le Sénat, il appartiendra aux règlements de chaque assemblée de fixer les conditions dans lesquelles les avis seront rendus.

* Information et autorisation du Parlement relatives aux interventions des forces armées à l'étranger (article 13 du projet de loi constitutionnelle - article 35 de la Constitution).

Le Sénat avait modifié le texte issu de l'Assemblée nationale sur deux points :

- en précisant le point de départ du délai de trois jours, introduit par les députés, dans lequel le Gouvernement doit, au plus tard, informer le Parlement d'une intervention militaire : ce délai court à compter du début de l'intervention ;

- en indiquant par souci d'homogénéiser cette procédure avec celle prévue par l'article 53 de la Constitution pour la ratification des accords internationaux, comme le proposait le « Comité Balladur », que l'autorisation de prolongation de l'intervention est donnée en vertu d'une loi.

Si l'Assemblée nationale a retenu la première de ces modifications, elle est revenue, sur le second point, au texte initial du Gouvernement. En effet, elle a jugé la procédure législative trop lourde : consultation du Conseil d'Etat sur le projet de loi, passage en Conseil des ministres, renvoi à une commission, convocation d'une CMP dans l'hypothèse où la procédure accélérée a été décidée et que les deux assemblées ne peuvent s'accorder, possibilité de saisine du Conseil constitutionnel.

Elle est donc revenue à une autorisation simple, indépendante d'une loi.

Elle prévoit, ce que le Sénat n'a jamais contesté, que le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort sans reprendre la formule, maladroite, du texte initial qui ouvrait, de manière explicite, cette faculté, « en cas de refus du Sénat ».

Votre commission estime ce dispositif équilibré.

* Saisine du Conseil d'Etat sur une proposition de loi (art. 14 du projet de loi constitutionnelle - article 39 de la Constitution)

L'Assemblée nationale a rétabli la possibilité, supprimée par le Sénat en première lecture, pour le président d'une assemblée de soumettre pour avis au Conseil d'Etat, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée. Elle a néanmoins adopté un sous-amendement, à l'initiative du groupe socialiste, permettant à l'auteur de la proposition de loi de refuser que celle-ci soit soumise à l'avis du Conseil d'Etat.

Cette disposition est une simple faculté que la précision introduite en deuxième lecture par les députés a, en outre encadrée. Par ailleurs, les observations du Conseil d'Etat peuvent être utiles. Votre commission était favorable en première lecture à cette disposition.

* Possibilité pour les présidents des assemblées d'opposer l'irrecevabilité fondée sur une méconnaissance du domaine de la loi (article 15 du projet de loi constitutionnelle - article 41 de la Constitution)

Le Sénat avait supprimé, en première lecture, la faculté -actuellement réservée au Gouvernement- donnée au président d'une assemblée d'opposer l'irrecevabilité lorsqu'une proposition de loi ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38. Il avait notamment souligné qu'il était malaisé, en pratique, de faire une séparation stricte entre les domaines de la loi et du règlement, et, sur le fond, qu'il appartenait, au premier chef, au Gouvernement, d'assurer le respect de sa compétence réglementaire.

L'Assemblée nationale a jugé utile de rétablir cette disposition. L'irrecevabilité de l'article 41 étant, contrairement à l'irrecevabilité, absolue, de l'article 40, une simple faculté , votre commission estime qu'il appartiendra à chaque assemblée de définir elle-même les modalités de mise en oeuvre de cette disposition et de ménager ainsi la souplesse nécessaire à son application.

* Discussion en séance publique sur le texte de la commission et délais entre le dépôt de la transmission d'un texte et son examen en séance publique (art. 16 du projet de loi constitutionnelle - article 42 de la Constitution)

Le Sénat avait considéré, en première lecture, que la discussion en séance publique sur le texte de la commission rendait d'autant plus nécessaire des délais minimaux entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance plénière. Elle avait ainsi modifié le dispositif issu de la première lecture à l'Assemblée nationale sur trois points :

- l' allongement des délais portés de six à huit semaines entre le dépôt d'un texte et son examen devant la première assemblée saisie et de trois à cinq semaines entre la transmission et l'examen devant la seconde assemblée saisie ;

- la garantie de ces délais pour les textes pour lesquels la procédure accélérée a été décidée (nouvelle désignation proposée en première lecture par les députés pour les déclarations d'urgence) dans la mesure où ils font l'objet d'une seule lecture devant chaque assemblée ;

- en contrepartie, la levée de ces délais , après consultation de la Conférence des présidents de l'assemblée concernée, pour les textes qui répondent à une situation urgente .

L'Assemblée nationale a souhaité exclure l'application des délais pour les textes faisant l'objet d'une procédure accélérée et supprimé en conséquence la « soupape de sécurité » instituée par le Sénat avec la référence à une situation urgente.

Tout en réintroduisant le délai de six semaines entre le dépôt d'un texte et son examen devant la première assemblée saisie, elle a, en revanche, retenu un délai de quatre semaines entre la transmission d'un texte et son examen devant la seconde assemblée saisie, durée plus proche de celle souhaitée par le Sénat en première lecture.

Sans doute le dispositif proposé ne présente-t-il pas les mêmes garanties que celles retenues par le Sénat, en première lecture.

Cependant, ces délais sont des garanties minimales. Selon la taille et la nature des textes, ils pourront être prolongés dans le cadre du dialogue entre le Gouvernement et les assemblées lors de l'établissement de l'ordre du jour. On constate en effet qu'un délai adapté de préparation de l'examen des textes facilite leur examen serein et complet. Votre commission forme en outre le voeu que l'exécutif fasse un usage mesuré des prérogatives lui permettant de réduire ces délais pour certaines catégories de textes s'agissant, en particulier, de ceux qui font l'objet d'une procédure accélérée. En effet, comme l'avait déjà souligné votre rapporteur, lors des débats en première lecture, la limitation à une lecture d'un texte devant chaque assemblée impose, dans l'intérêt d'une bonne législation, un examen d'autant plus attentif.

Par cohérence, les députés ont également rétabli le dispositif relatif aux lois organiques (article 20 du projet de loi constitutionnelle - article 46 de la Constitution) : le délai minimal de quinze jours avant l'examen des textes soumis à la première assemblée saisie serait applicable lorsque la procédure accélérée a été décidée et non, comme l'avait prévu le sénat en cas de « situation urgente ».

* L' exercice du droit d'amendement (articles 18 et 19 du projet de loi constitutionnelle - articles 44 et 45 de la Constitution)

Le projet de loi constitutionnelle précisait, dans sa version initiale, que le droit d'amendement s'exerce en séance ou en commission « selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ».

Le Sénat avait supprimé, d'une part, la mention aux « limites » incluses, à son sens, dans celle de conditions, d'autre part, la référence à la loi organique qui lui paraissait restreindre la compétence de principe reconnue en cette matière aux règlements des assemblées. Par ailleurs, la rédaction proposée par le Sénat permettait aussi de marquer que les dispositions adoptées par les assemblées ne pouvaient concerner l'exercice, par le Gouvernement, de son droit d'amendement.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté une formule de compromis maintenant la suppression de « limites » mais revenant au renvoi à la loi organique afin de fixer un cadre commun aux conditions d'exercice du droit d'amendement par le Gouvernement et les parlementaires.

En outre, les députés ont souhaité rétablir la disposition introduite en première lecture par l'Assemblée nationale et supprimée par le Sénat, selon laquelle « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Il n'est pas certain que cette formule soit plus favorable que la jurisprudence du Conseil constitutionnel exigeant que les amendements ne soient « pas dépourvus de tout lien » avec l'objet du projet ou de la proposition déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il est vrai cependant que cette jurisprudence a pu varier au cours des dernières années et que la proposition de l'Assemblée nationale aura pour mérite de fixer dans la Constitution les conditions de recevabilité des amendements en première lecture.

* Les modalités de répartition de l'ordre du jour (article 22 du projet de loi - article 18 de la Constitution)

La nouvelle organisation de l'ordre du jour dans le système issu des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture, s'articulait autour de six points :

- l'ordre du jour est fixé dans chaque assemblée par la conférence des présidents,

- deux semaines sur quatre sont réservées par priorité à l'examen des textes demandés par le Gouvernement 4 ( * ) ,

- une des deux semaines réservée au Parlement sera par priorité consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques,

- sur les deux semaines réservées en principe au Parlement, le Gouvernement pourrait demander l'inscription par priorité des projets de lois de finances et financement de la sécurité sociale ; il pourrait en outre, sur la semaine qui n'est pas consacrée au contrôle, demander l'inscription des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins ainsi que des projets de lois relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées par l'article 35 de la Constitution (autorisation de guerre et autorisation de prolongation d'une intervention des forces armées à l'étranger),

- un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour déterminé à l'initiative des groupes parlementaires qui ne disposent pas de la majorité au sein de la conférence des présidents,

- une séance par semaine au moins est réservée par priorité aux questions au Gouvernement.

Le Sénat, à l'initiative de votre commission, avait estimé que la possibilité donnée au Gouvernement d'obtenir l'inscription de plusieurs catégories de textes sur l'ordre du jour réservé en principe aux assemblées limitait beaucoup, en pratique, la portée des nouvelles prérogatives conférées au Parlement.

Aussi avait-il opté pour un système apparemment moins favorable -puisque une semaine sur trois seulement aurait été réservée au Parlement- mais en fait plus protecteur dans la mesure où cette semaine aurait été « sanctuarisée » : chaque assemblée y aurait inscrit les textes ou les débats de son choix, y compris d'ailleurs à l'initiative du Gouvernement, à la condition cependant qu'elle l'accepte.

Le Sénat avait également, par souci de souplesse, donné aux assemblées -et non aux conférences des présidents- la faculté de déterminer l'ordre du jour des assemblées. En outre, il avait introduit la notion de programme législatif établi par le Gouvernement afin de donner une plus grande lisibilité au travail parlementaire. Par ailleurs, il avait précisé que la séance mensuelle prévue par le projet de loi était réservée par chaque assemblée « aux initiatives des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celles des groupes minoritaires ». Enfin, le Sénat avait adopté un amendement présenté par M. Christian Cointat établissant l'obligation de délibérer dans les six mois d'une proposition de loi transmise par l'autre assemblée.

Tout en reconnaissant que le système proposé par le Sénat n'était pas « dénué de réalisme » 5 ( * ) l'Assemblée nationale a souhaité revenir pour l'essentiel au dispositif qu'elle avait voté en première lecture sous réserve de deux points pour lesquels la rédaction du Sénat a été conservée :

- la fixation de l'ordre du jour par chaque assemblée et non par la Conférence des présidents (de la sorte, une modification imprévue de l'ordre du jour n'impliquera pas nécessairement la convocation de la Conférence des présidents) ;

- la définition des groupes de l'opposition et des groupes minoritaires auxquels sera réservée la séance mensuelle.

Même s'il ne répond pas à toutes les attentes exprimées par notre assemblée lors de la première lecture, ce dispositif marque cependant une avancée par rapport au droit en vigueur.

D'abord, l'ordre du jour serait fixé par les assemblées, et non comme aujourd'hui par le Gouvernement.

Ensuite, une journée de séance mensuelle serait réservée aux groupes minoritaires ou de l'opposition. Jusqu'alors celle-ci était partagée entre tous les groupes. Il s'agit donc d'une avancée notable au bénéfice de l'opposition qui aura seule désormais la garantie de pouvoir inscrire des initiatives législatives à l'ordre du jour.

En effet, le principe selon lequel une des deux semaines réservées au Parlement est consacrée au contrôle peut apparaître rigide. Toutefois, la priorité reconnue au contrôle n'implique pas l'exclusivité et la Conférence des présidents pourrait également décider de compléter l'ordre du jour par des initiatives législatives 6 ( * ) .

La nouvelle formulation de l'article 48 ne prendra toute sa portée que si le Gouvernement s'autodiscipline pour faire un usage mesuré des prérogatives qui lui permettent d'inscrire certains textes à l'ordre du jour réservé par principe au Parlement. A défaut -c'est-à-dire s'il débordait systématiquement de sa moitié de l'ordre du jour- l'exposé des motifs selon lequel « l'autre moitié (est) à la libre disposition des assemblées » n'aurait été qu'un trompe-l'oeil.

* L' engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte (article 23 du projet de loi constitutionnelle - article 49 de la Constitution)

Le Sénat avait estimé nécessaire en première lecture de préserver l'efficacité de l'action gouvernementale en permettant que la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution puisse être appliquée, après délibération du Conseil des ministres, non seulement aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, mais aussi après consultation par le Premier ministre de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale à tout autre texte.

Les députés ont préféré revenir au texte initial du projet de loi constitutionnelle limitant l'utilisation de cette procédure :

- d'une part, aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ;

- d'autre part, à un autre projet ou une autre proposition de loi par session.

Selon votre commission, cet encadrement ne devrait pas mettre en cause l'efficacité de l'exécutif garantie par d'autres dispositions : la définition du domaine législatif, la possibilité de recours au vote bloqué, les procédures des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale ou l'encadrement de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement.

* La déclaration à caractère thématique du Gouvernement devant les assemblées (article 23 bis du projet de loi constitutionnelle - article 50-1 de la Constitution)

Les députés avaient institué en première lecture une déclaration à caractère thématique du Gouvernement devant les assemblées comme une alternative aux résolutions qu'ils n'avaient pas, par ailleurs, souhaité inscrire dans la Constitution. Rétablissant le droit de voter des résolutions, le Sénat avait par conséquent supprimé l'article 23 bis . Tout en acceptant la disposition permettant de voter des résolutions, l'Assemblée nationale a maintenu la faculté pour le Gouvernement, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire, de faire une déclaration sur un sujet déterminé.

Cette disposition peut, en effet, être utile dans la mesure où les questions orales avec débat, pratiquées régulièrement au Sénat, sont en revanche tombées en désuétude à l'Assemblée nationale. Les députés ont précisé le texte qu'ils avaient adopté en première lecture en indiquant que le débat pouvait être suivi d'un vote à la condition que le Gouvernement l'ait décidé.

* Les commissions d'enquête (art. 24 du projet de loi constitutionnelle - art. 51-2 nouveau de la Constitution)

L'Assemblée nationale a adopté un amendement afin de consacrer dans la Constitution les commissions d'enquête instituées par l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Le nouvel article 51-2 inséré dans la Constitution renvoie à la loi la détermination des règles d'organisation et de fonctionnement de ces commissions et au règlement de chaque assemblée les conditions dans lesquelles elles sont créées.

Comme le relèvent les auteurs de l'amendement, la création des commissions d'enquête pourra « le cas échéant, être une des prérogatives accordées [par le projet de révision] aux différents groupes parlementaires ».

Cette disposition répond aux engagements pris par le Gouvernement lors des débats au le Sénat en première lecture.

5. Le rôle de la Cour des comptes

Les députés sont revenus sur les dispositions introduites au Sénat, à l'initiative de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, avec un avis de sagesse de votre commission et du Gouvernement, étendant les missions constitutionnelles de la Cour des comptes à l'expression de son opinion sur la sincérité des comptes de l'État et de la sécurité sociale.

Ils se sont cependant efforcés de répondre aux préoccupations exprimées par le Sénat en prévoyant que « les comptes des administrations publiques sont équilibrés et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Cette disposition inspirée de l'article 27 de la loi organique relative aux lois de finances vise à affirmer dans la Constitution un principe de fond applicable à toutes les administrations publiques et cohérent avec l'article XV de Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen selon lequel « la société a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration ».

La position prise par l'Assemblée nationale ne remet nullement en cause la mission de certification des comptes confiée à la Cour des comptes.

6. Les dispositions relatives au Conseil constitutionnel

Le Sénat avait ouvert, à l'initiative du groupe CRC, la faculté pour un groupe parlementaire de saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la compatibilité d'un engagement international avec la Constitution (article 24 bis du projet de loi constitutionnelle - article 54 de la Constitution) ou d'une loi avec la Constitution (article 25 ter du projet de loi constitutionnelle - article 61 de la Constitution).

Les députés ont supprimé ces dispositions, considérant que la saisine du Conseil constitutionnel devait être réservée à 60 députés ou 60 sénateurs sans considération de leur appartenance à un groupe dont les effectifs varient d'une assemblée à l'autre. Pour M. Jacques Myard, auteur de l'un des amendements de suppression, « ce sont chacun des parlementaires qui sont dépositaires de la souveraineté nationale et habilités en cette qualité à agir. Il ne saurait s'agir d'un droit collectif attaché au groupe parlementaire mais d'un droit personnel », accordé à chaque parlementaire, représentant de la Nation.

De même, l'Assemblée nationale a rejeté la nouvelle dénomination « Cour constitutionnelle » adoptée par le Sénat à l'initiative de M. Robert Badinter (article 24 ter du projet de loi constitutionnelle).

Les députés ont estimé que la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnelle -encore développée par les articles 26 et 27 du projet de loi constitutionnelle- n'était « ignorée par personne » et qu' « un changement de désignation n'apporterait rien » 7 ( * ) .

Enfin, les députés ont également rejeté la disposition votée par le Sénat à la suite de plusieurs amendements supprimant le droit pour les anciens présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel (article 25 du projet de loi constitutionnelle - article 56 de la Constitution). Ils ont souscrit à l'argumentation développée par la garde des sceaux lors des débats au Sénat : « les anciens présidents de la République ont toute leur place au Conseil constitutionnel, puisque pendant cinq ans au moins, ils auront été chargés de veiller au respect de la Constitution, en vertu de son article 5. Ils disposent d'une expérience incomparable à l'issue de leur mandat pour faire respecter la Constitution ». La ministre de la justice avait précisé en outre que « lorsque, dans une affaire particulière, un ancien Président pourrait ne pas paraître totalement impartial du fait de ses anciennes fonctions, il ne siégerait pas à la séance du Conseil constitutionnel. Si, par exemple, dans le cas de l'exception d'inconstitutionnalité, une loi qu'il a promulguée devait être examinée, il ne serait pas présent ».

Ces éléments d'interprétation permettent de tempérer, pour partie, les inconvénients liés à la présence des anciens chefs de l'Etat au Conseil constitutionnel.

7. Les questions européennes

* Les organes parlementaires chargés des affaires européennes

En première lecture, le Sénat a souhaité distinguer les résolutions visées à l'article 88-4 de la Constitution des autres résolutions que pourrait adopter le Parlement en application de l'article 12 du projet, en les qualifiant d'européennes (article 32 du projet de loi constitutionnelle - article 88-4 de la Constitution). Il a d'autre part rétabli la dénomination de « comité », que le projet de loi initial donnait à l'organisme chargé, au sein de chaque assemblée, du suivi des affaires européennes, alors que les députés avaient retenu en première lecture le nom de « commission ».

L'Assemblée nationale a rétabli la dénomination de « commission » en deuxième lecture.

Votre rapporteur souligne qu'au-delà des considérations lexicales, cette dénomination ne retire rien aux compétences des commissions permanentes visées à l'article 43 de la Constitution. Ces commissions continueront en effet à exercer la compétence législative, y compris pour la mise en oeuvre des textes européens. Elles conserveront un rôle fondamental en matière de contrôle des affaires européennes, en s'appuyant sur les fonctions de veille et d'alerte de la commission chargée des affaires européennes.

Ce sont en effet les commissions permanentes, dotées de compétences législatives, qui procèdent à l'examen des projets de loi de transposition des directives et des propositions de résolution européennes. Plusieurs d'entre elles, telle votre commission des lois, ont en outre développé leur contrôle des affaires européennes en désignant des co-rapporteurs européens, issus de la majorité et de l'opposition et bénéficiant pour la plupart d'entre eux de la double appartenance à la délégation pour l'Union européenne.

La commission chargée des affaires européennes se substituera à la délégation pour l'Union européenne de chaque assemblée, sans que son organisation et son fonctionnement soient modifiés. Aussi les commissions chargées des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat resteront-elles composées de députés et de sénateurs issus des commissions permanentes.

* Les modalités de ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne

Le Sénat a rétabli en première lecture le texte initial de l'article 33 du projet de loi constitutionnelle, tendant à réécrire le dispositif relatif à la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne (article 88-5 de la Constitution). Ce dispositif soumettrait l'autorisation de la ratification de ces traités à une procédure analogue à celle définie par l'article 89 de la Constitution pour les révisions constitutionnelles, laissant au Président de la République la possibilité de choisir entre les voies parlementaire (Congrès) et référendaire.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement reprenant le texte de l'article 88-5 actuellement en vigueur, qui prévoit que l'autorisation de la ratification de tout traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne fait l'objet d'un référendum, et le complétant par un alinéa permettant aux assemblées de donner au Président de la République la possibilité d'opter pour une ratification par le Parlement réuni en Congrès.

Ainsi, par exception à la règle du référendum automatique posée au premier alinéa, le Parlement pourrait autoriser l'adoption du projet de loi de ratification selon la procédure définie au troisième alinéa de l'article 89 de la Constitution, applicable aux projets de révision.

A cette fin, il appartiendrait à chaque assemblée d'adopter une motion en termes identiques et à la majorité des trois cinquièmes. Le Président de la République pourrait alors décider de soumettre le projet de loi au Parlement réuni en Congrès, où le texte devrait réunir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour être approuvé. L'adoption de la motion ne contraindrait aucunement le Président de la République à soumettre le projet de loi au Congrès, mais constituerait une incitation forte, puisque la représentation nationale aurait exprimé à une très nette majorité le souhait de ne pas appliquer la procédure référendaire systématique.

Les délais de négociation, de signature, puis de ratification des traités d'adhésion permettraient aux assemblées de se prononcer, le cas échéant, en temps utile sur de telles motions.

Ce dispositif évitera qu'un pays ami soit stigmatisé dans notre Constitution et permettra que les nouvelles adhésions à l'Union européenne ne soient pas systématiquement soumises à referendum, notamment lorsqu'elles ne remettent pas en cause les équilibres institutionnels de l'Union.

* L'exercice par le Parlement des nouveaux droits prévus par le traité de Lisbonne

En première lecture, le Sénat avait supprimé le dispositif adopté par l'Assemblée nationale afin d'accorder à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de demander que leur assemblée forme devant la Cour de justice de l'Union européenne un recours contre un acte législatif européen, pour violation du principe de subsidiarité.

En effet, ce dispositif limitait le droit d'initiative des propositions de résolution tendant à former un tel recours, sur lesquelles chaque assemblée aurait dû se prononcer. Le Sénat avait préféré laisser au règlement de chaque assemblée la définition des modalités d'initiative, selon la formule actuellement prévue à l'article 88-6, dernier alinéa, de la Constitution, dont l'entrée en vigueur est liée à celle du traité de Lisbonne.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif plus abouti que le précédent, rappelant tout d'abord la possibilité pour chaque assemblée de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Conformément au protocole annexé au traité de Lisbonne, ce recours devrait être transmis à la Cour par le Gouvernement.

Le dispositif adopté par les députés précise ensuite que les recours pourront être formés par l'adoption de résolutions, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion qui seront fixées par le règlement de chaque assemblée (article 88-6, dernier alinéa). Ce droit d'initiative pourra donc être largement ouvert.

Par ailleurs, le recours devant la Cour de justice sera formé de droit s'il est demandé par soixante députés ou soixante sénateurs. Reprenant les modalités de saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires, issues de la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, ce dispositif renforce les droits de l'opposition.

Votre commission approuve l'équilibre ainsi défini.

*

* *

L'examen du projet de révision, à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, a permis d'aboutir à un texte équilibré, qui reprend une part importante des dispositions votées par le Sénat ou ne les modifie que de manière formelle. Par ailleurs, lorsque des désaccords sont apparus à l'issue de la première lecture dans chaque assemblée, les députés se sont efforcés de trouver des formules de compromis qui répondent aux préoccupations des sénateurs. Aussi les points de convergence l'emportent-ils aujourd'hui de beaucoup sur les divergences.

Si la réforme ne va peut-être pas aussi loin que certains l'auraient souhaité, elle comporte cependant des avancées très substantielles, en particulier pour le Parlement : affirmation des fonctions de contrôle et d'évaluation, avis sur les nominations effectuées par le chef de l'État, examen en séance publique sur la base du texte de la commission, reconnaissance de droits spécifiques pour les groupes d'opposition ou minoritaires (avec, notamment, la garantie d'une séance mensuelle réservée à leurs seules initiatives). Il appartiendra au législateur organique ainsi qu'à chaque assemblée de mettre en oeuvre de manière cohérente et équilibrée les nouveaux principes ou procédures introduits dans la Constitution.

L'exception d'inconstitutionnalité, l'ouverture de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature aux justiciables et l'institution du Défenseur des droits confortent par ailleurs notre démocratie.

Au bénéfice de ces observations, la commission propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification.

ANNEXE - CONDITIONS D'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Articles du projet
de loi constitutionnelle

Correspondances pour les articles de la Constitution

Objet

Date d'entrée en vigueur

Article premier B

Article premier

Égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales

Pas de délai - Principe général dont l'application relève de la loi

Article premier

Article 4

Participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique

Pas de délai - Principe général dont l'application relève de la loi

Article 2

Article 6

Limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 3 bis

Article 11

Proposition de loi soutenue par une pétition d'un dixième des électeurs

Dans les conditions fixées par la loi organique d'application

Article 4

Article 13

Avis des commissions parlementaires sur certaines nominations effectuées par le Président de la République

La loi détermine les commissions compétentes

Article 5

Article 16

Contrôle de la durée d'exercice des pleins pouvoirs dévolus au Président de la République en cas de crise majeure

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 6

Article 17

Droit de grâce du Président de la République limité aux grâces individuelles

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 7

Article 18

Prise de parole du Président de la République devant le Congrès

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 9

Article 24

Missions et mode d'élection du Parlement

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 10

Article 25

Retour des anciens ministres au Parlement et sincérité des découpages électoraux

Retour des anciens ministres au Parlement : application aux parlementaires ayant accepté des fonctions gouvernementales avant la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à l'article 25 si à cette date, ils exercent encore ces fonctions et si le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n'est pas encore expiré ;

Sincérité des découpages électoraux : entrée en vigueur dans les conditions fixées par la loi d'application

Article 11

Article 34

Domaine de la loi

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 12

Article 34-1

Résolutions

Dans les conditions prévues par la loi organique d'application

Article 13

Article 35

Information et autorisation du Parlement relative aux interventions des forces armées à l'étranger

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 13 bis

Article 38

Ratification expresse des ordonnances

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 14

Article 39

Suppression de la priorité donnée au Sénat pour examiner les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Conditions d'élaboration des projets de loi

Dans les conditions prévues par la loi organique d'application

Avis du Conseil d'Etat sur les propositions de loi

Dans les conditions prévues par la loi d'application

Article 15

Article 41

Possibilité pour les présidents des assemblées d'opposer l'irrecevabilité fondée sur une méconnaissance du domaine de la loi

1 er mars 2009

Article 16

Article 42

Discussion en séance publique sur le texte de la commission - Délais entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique

1 er mars 2009

Article 17

Article 43

Augmentation du nombre de commissions permanentes

1 er mars 2009

Article 18

Article 44

Exercice du droit d'amendement en séance ou en commission

Dans les conditions prévues par la loi organique d'application

Article 19

Article 45

Faculté pour la Conférence des présidents de s'opposer à la déclaration d'urgence- Conditions de recevabilité des amendements en première lecture- Possibilité pour le président d'une assemblée de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire

1 er mars 2009

Article 20

Article 46

Délai séparant le dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi organique de son examen

1 er mars 2009

Article 21

Articles 47, 47-1 et 47-2

Rôle de la Cour des comptes

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 22

Article 48

Nouvelles modalités de répartition de l'ordre du jour

1 er mars 2009

Article 23

Article 49

Limitation des conditions dans lesquelles le Gouvernement peut engager sa responsabilité sur le vote d'un texte

1 er mars 2009

Article 23 bis

Article 50-1

Déclaration à caractère thématique du Gouvernement devant les assemblées

1 er mars 2009

Article 24

Article 51-1

Définition des droits des groupes politiques au sein des règlements des assemblées

1 er mars 2009

Article 25

Article 56

Avis sur les nominations des membres du Conseil constitutionnel

La loi détermine les commissions compétentes

Article 25 bis

Article 61

Contrôle de constitutionnalité des propositions de loi avant l'organisation d'un référendum

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 26

Article 61-1

Exception d'inconstitutionnalité sous forme de motion préjudicielle renvoyée au Conseil constitutionnel

Dans les conditions prévues par la loi organique d'application

Article 27

Article 62

Effets des décisions du Conseil constitutionnel

Dans les conditions prévues par la loi organique d'application

Article 28

Article 65

Conseil supérieur de la magistrature

Dans les conditions fixées par la loi organique d'application

Article 28 bis

Intitulé du titre XI

Conseil économique, social et environnemental

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 29

Article 69

Saisine du Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition et extension de ses compétences au domaine environnemental

Dans les conditions fixées par la loi organique d'application

Article 30

Article 70

Ouverture de la saisine du Conseil économique, social et environnemental au Parlement et extension des compétences du Conseil

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 30 bis

Article 71

Dénomination du Conseil économique, social et environnemental

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 30 ter

Article 71

Limitation du nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 30 quater

Article 72-3

Collectivités d'outre-mer

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 30 quinquies

Article 73

Habilitation réglementaire des départements et régions d'outre-mer à adapter le droit qui leur est applicable

Dans les conditions fixées par la loi organique d'application

Article 30 sexies

Article 74-1

Habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnances les dispositions législatives en vigueur dans les collectivités d'outre-mer

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 30 septies

Article 75

Place des langues régionales dans le patrimoine de la France

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 31

Article 71-1

Création d'un Défenseur des droits des citoyens

Dans les conditions fixées par la loi organique d'application

Article 31 bis

Article 87

Participation de la République au développement de la solidarité et de la coopération entre Etats francophones

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 32

Article 88-4

Examen par le Parlement des projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 33

Article 88-5

Modalités de ratification des traités relatifs à l'adhésion de nouveaux Etats à l'Union européenne

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 33 bis

Article 89

Délai séparant le dépôt ou la transmission d'un projet de loi ou d'une proposition de loi constitutionnelle de son examen en séance publique

A compter de la publication de la loi constitutionnelle

Article 34

Articles 13, 17, 24, 25, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50-1, 56, 61-1, 65, 69 et 71-1

Entrée en vigueur de certaines dispositions du projet de loi

Article 35

Articles 88-4 et 88-5 de la Constitution, Article 4 de la loi constitutionnelle du 1 er mars 2005

Article 2 de la loi constitutionnelle du 4 février 2008

Modifications liées à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne

- I de l'article : à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne

- II et III de l'article : à compter de la publication de la loi constitutionnelle

* 1 48 h 50 de séance publique sur sept jours à l'Assemblée nationale et 56 h 20 de séance publique sur six jours au Sénat.

* 2 Parmi les neuf articles additionnels, un modifie la place de la disposition introduite par l'Assemblée nationale sur l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, deux concernent le Conseil constitutionnel -changement de dénomination et possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par un groupe parlementaire-, un apporte une reconnaissance constitutionnelle à la francophonie, deux portent sur l'outre-mer.

* 3 L'assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture, onze articles sans modification sur 46 encore en discussion.

* 4 Subsiste néanmoins la faculté existant actuellement de compléter cet ordre du jour en fin de séance lorsque les points demandés par le Gouvernement sont épuisés.

* 5 Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par M. Jean-Luc Warsmann, deuxième lecture, n° 1009, 2 juillet 2008, p. 152. Comme l'observait le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'opposition du Gouvernement à l'amendement sénatorial « ne faisait apparaître qu'avec plus de force la crainte de la commission des lois que le partage optiquement égalitaire proposé par l'article dans sa rédaction initiale soit, dans les faits, très défavorable au Parlement ».

* 6 Telle est d'ailleurs l'interprétation retenue par M. Jean-Luc Warsmann qui est à l'origine de cette disposition : il serait possible à l'assemblée concernée de « consacrer tout ou partie de cet ordre du jour réservé à l'examen des projets ou des propositions de loi » (rapport de 1 ère lecture, Assemblée nationale, p. 376).

* 7 Rapport de M. Jean-Luc Warsmann, p. 144.

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