EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - LA DÉMOCRATIE SOCIALE
CHAPITRE IER- La représentativité syndicale

Article 1er (art. L. 2121-1 du code du travail) - Critères de représentativité syndicale

Objet : Cet article définit la liste des nouveaux critères de la représentativité syndicale.

I - Le dispositif proposé

Le texte proposé pour cet article reprend les points 1-1 et 1-2 de la position commune. Sept critères sont définis qui comprennent, d'une part, quatre des cinq critères légaux issus de la loi du 11 février 1950 (codifiés à l'actuel article L. 2121-1) précisés ou combinés avec le critère jurisprudentiel d'influence 15 ( * ) , d'autre part trois nouveaux critères actualisant ou complétant les anciens critères.

* L'indépendance

Le critère d'indépendance est inchangé. Il n'est donc pas exigé « d'indépendance absolue à l'égard de tout groupement privé ou public, ou par rapport à une idéologie, mais plus restrictivement de l'indépendance vis-à-vis de l'employeur, ou d'un groupement d'employeurs, qui sont les interlocuteurs naturels du syndicat » 16 ( * ) . La réalité de l'indépendance est consubstantielle à l'existence même d'un mouvement syndical qui doit représenter effectivement les intérêts des salariés. La jurisprudence l'examine donc avec une particulière attention 17 ( * ) .

Contrairement aux conditions de preuve des autres critères de l'actuel article L. 2121-1, c'est à celui qui conteste l'indépendance d'un syndicat qu'il appartient de prouver ses liens de dépendance avec les employeurs 18 ( * ) . La raison d'être de cette règle tient au double fait que la preuve négative (celle de l'indépendance) est difficile à apporter et que l'indépendance est un élément de la bonne foi qui se présume.

L'indépendance se mesure au regard des agissements de l'employeur, de la qualité des adhérents et du comportement du syndicat. Les conditions financières dans lesquelles s'exerce l'activité syndicale sont également prises en compte.

* Les effectifs d'adhérents et les cotisations

Le projet de loi regroupe les anciens critères d'effectif et de cotisation prévus par l'article L. 2121-1 actuel. Ce rapprochement logique entraîne une appréciation globale des deux éléments mais pas leur combinaison : un faible nombre d'adhérents ne peut être compensé par un montant de cotisation particulièrement élevé.

Tant la Cour de Cassation que le Conseil d'État estiment que les effectifs doivent être suffisamment nombreux pour permettre de penser que le syndicat représente réellement les intérêts de l'ensemble des salariés. La jurisprudence se montre toutefois assez libérale dans son appréciation du nombre de membres nécessaire pour établir la représentativité et prend notamment en compte l'activité syndicale et l'éventuelle difficulté du contexte pour son implantation. La précision selon laquelle il s'agit des effectifs « d'adhérents » est à mettre en relation avec le fait que l'audience, qui servait de complément jurisprudentiel à la notion d'effectifs, est posée par le projet de loi comme un critère en soi.

Sans cotisations, un syndicat n'a qu'une « existence formelle » 19 ( * ) ou risque de devenir dépendant des autorités qui le financent, c'est-à-dire, vraisemblablement, des employeurs. La perception effective d'un niveau suffisant de cotisations est donc un indice de l'adhésion des salariés à l'organisation syndicale et un moyen d'établir son indépendance. Selon la jurisprudence, le montant des cotisations doit être suffisant pour permettre au syndicat « d'avoir une activité, d'assurer son indépendance à l'égard de l'employeur et de faire état d'un nombre réel d'adhérents » 20 ( * ) .

* Une ancienneté minimale de deux ans

Le critère de l'ancienneté et celui de l'expérience, actuellement liés au sein de l'article L. 2121-1, sont séparés dans le projet de loi. Jusqu'à présent, l'ancienneté de l'organisation constituait, pour la jurisprudence, le moyen d'apprécier l'expérience individuelle des dirigeants, critère déterminant pour le juge : il permet de compenser une durée d'existence faible et de tenir compte de la réalité socioéconomique et de l'implantation syndicale sur le terrain qui peuvent évoluer rapidement et entraîner l'apparition de syndicats nouveaux.

La jurisprudence considère toutefois que l'ancienneté ne peut être dérisoire et qu'elle doit être compensée, si elle est faible, par l'activité de l'organisation. En précisant que l'ancienneté, qui s'apprécie à partir du dépôt des statuts en mairie en application de l'article L. 2131-3, doit être d'au moins deux ans, la position commune transcrite dans le projet de loi entend apporter une précision et conférer une plus grande stabilité à la représentativité syndicale.

* L'influence caractérisée par l'activité, l'expérience et l'implantation géographique et professionnelle du syndicat

L'influence est un critère de représentativité introduit par la jurisprudence qui lui attribue une valeur au moins égale à l'indépendance. En effet, depuis un arrêt du 3 décembre 2002, la Cour de cassation a érigé l'influence en « condition sine qua non d'accès à la représentativité » 21 ( * ) , ce qui a inspiré les suggestions 22 ( * ) du rapport Hadas-Lebel pour modifier la liste des critères visés à l'article L. 2121-1. Même si un syndicat est indépendant, il peut être jugé non représentatif si le juge estime qu'il n'a aucune influence réelle 23 ( * ) .

Les trois éléments constitutifs de l'influence figurent au projet de loi qui reprend le texte de la position commune : l'activité, l'expérience et l'implantation.

Le point 1-3 de la position commune précise la nature de l'activité qui « s'apprécie au regard de la réalité des actions menées par le syndicat considéré et témoigne de l'effectivité de la présence syndicale ». Sur le contenu de ces actions, le rapport Hadas-Lebel indique, en se fondant sur la jurisprudence, qu'il s'agit de « l'information des salariés sur leurs droits, l'élaboration de revendications professionnelles, la conduite des mouvements sociaux, la capacité de négociation » 24 ( * ) .

L'expérience est un critère de représentativité déjà prévu par l'article L. 2121-1. C'est l'activité qui permet de former l'expérience et les deux notions sont donc logiquement rapprochées. Ainsi, un syndicat anciennement constitué mais inactif est jugé ne pas avoir d'expérience et donc ne pas être représentatif 25 ( * ) . L'expérience se prouve directement, au travers de l'activité passée du syndicat ou de celle personnelle de ses dirigeants, ou indirectement, au travers par exemple de l'accroissement rapide du nombre d'adhérents pour les nouveaux syndicats.

L'implantation géographique et professionnelle apparaît comme un moyen de déterminer la capacité du syndicat à dépasser le strict périmètre de l'entreprise pour ouvrir aux salariés des perspectives plus larges, tant pour porter leur revendications que pour leur permettre de prendre conscience, par comparaison, du caractère plus ou moins commun des difficultés qu'ils rencontrent ou des privilèges dont ils jouissent.

* Le respect des valeurs républicaines

Ce critère nouveau correspond en fait à l'actualisation de l'ancienne condition d'attitude patriotique pendant l'Occupation, certes désuète pour les nouvelles organisations non constituées à cette époque, mais dont la finalité demeure. En effet, avoir une attitude patriotique pendant l'Occupation, c'était alors manifester son attachement à la République face au nazisme et au régime corporatiste mis en place par le gouvernement de Vichy. Suivant le souhait de la CFTC, le rapport Hadas-Lebel avait fait de l'évolution du critère de patriotisme une de ses préconisations 26 ( * ) . Les tentatives faites par des partis extrémistes pour pénétrer le monde syndical montrent que la nécessité d'un tel critère n'a pas disparu.

Le point 1-6 de la position commune précise que « Le respect des valeurs républicaines implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ». Il est à noter que ce texte ne reprend pas la définition proposée par le rapport Hadas-Lebel qui incluait dans le respect des valeurs républicaines « le refus de toute discrimination » mais aussi « le rejet de toute action violente ». Sans doute certaines des origines idéologiques du syndicalisme rendent-elles ce refus trop difficile.

* L'audience établie selon les niveaux de négociation

Bien que la place attribuée à ce critère devenu central soit nouvelle, le critère lui-même n'est pas entièrement nouveau. On a même pu considérer que l'audience constitue par elle-même un critère jurisprudentiel de représentativité 27 ( * ) . La Cour de cassation et le Conseil d'État ont pu le laisser penser par leurs arrêts respectifs de 1952 et 1973. Tout en ayant des rapports historiquement complexes avec l'idée de légitimité par l'élection, les syndicats devant faire la preuve de leur représentativité ne se sont jamais privés d'invoquer leurs résultats aux élections professionnelles. Ce critère a donc très tôt été pris en compte par le juge (dès 1947 pour le Conseil d'État).

La position commune a posé comme critère « l'audience établie à partir des élections professionnelles », dont le point 1-4 précisait les modalités de détermination. Le texte du projet de loi dispose plus simplement que l'audience est « établie selon les niveaux de négociation » et renvoie aux articles du code du travail modifiés par l'article 2 du projet de loi.

* La transparence financière

Le critère de transparence financière est le seul critère entièrement nouveau posé par le projet de loi. Il est à mettre en lien avec les exigences croissantes de notre société en termes de transparence des institutions, y compris syndicales, et avec le souhait de garantir l'expression sincère des revendications syndicales dans le cadre de la démocratie sociale. On a déjà noté le lien entre les modalités financières de l'activité syndicale et l'indépendance. Les conditions de la transparence sont fixées par l'article 8 du projet de loi.

***

Contrairement à ceux de l'actuel article L. 2121-1, les critères proposés par le texte seront cumulatifs . Cela restreindra la part d'appréciation du juge tout en lui laissant la charge d'établir leur pondération, sans doute dans la lignée de la jurisprudence actuelle, déjà bien établie pour tous les critères à l'exception de celui de la transparence financière.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement ainsi qu'un sous-amendement tendant à préciser les critères applicables sur trois points :

- les critères sont réorganisés pour distinguer plus clairement ceux qui relèvent des conditions de principe - respect des valeurs républicaines, indépendance et transparence financière - ou des modalités pratiques de la représentativité - ancienneté, audience, influence et effectifs ;

- il est précisé que l'ancienneté d'un syndicat s'apprécie dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation concernée à compter de la date de dépôt des statuts en mairie, qui conditionne son existence légale ;

- il est souligné que l'activité et l'expérience ne sont pas les seuls indices permettant de caractériser l'influence d'un syndicat.

III - La position de votre commission

Votre commission est résolument favorable à l'actualisation des critères de la représentativité, qui confirme les exigences dégagées progressivement par la jurisprudence et, pour ce qui concerne la transparence financière, répond aux attentes des citoyens en matière de démocratie sociale.

Imposer une condition d'ancienneté de deux ans pour la représentativité d'un syndicat ne lui paraît pas être une condition trop restrictive au regard de la nécessaire stabilité du dialogue social.

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale viennent utilement clarifier l'agencement des critères de la représentativité et assouplir le critère d'influence. Cette nouvelle organisation est de nature à guider le juge dans l'important travail de pondération qu'il aura à faire entre les nouveaux critères de la représentativité. De ce point de vue, le rang auquel se trouve placée l'audience indique nettement que les résultats électoraux ne font pas à eux seuls la représentativité.

Votre commission vous demande donc d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 1er - Critères de la représentativité patronale

Objet : Cet article additionnel propose de confier à une négociation nationale interprofessionnelle la détermination des critères de la représentativité des organisations patronales.

Une interrogation demeure, qui n'a pu être levée par les débats à l'Assemblée nationale, et qui porte sur le fait que la position commune n'a établi les critères de la représentativité que des seuls syndicats de salariés. Il n'est donc pas anormal que le projet de loi se limite à ces dispositions.

Votre commission s'inquiète toutefois du déséquilibre, au sein de la démocratie sociale, qui résulterait de l'absence d'engagement des syndicats patronaux dans une démarche similaire de clarification des conditions de leur légitimité. Le degré de volonté variable dont font preuve les organisations patronales pour engager une négociation sur les critères nouveaux susceptibles de fonder leur qualité de négociateur est d'autant plus dommageable que la jurisprudence utilise comme référence, pour établir leur représentativité, les critères applicables aux syndicats de salariés. Or, si la transposition de la plupart des critères contenus dans le texte de l'article L. 2121-1 issu des travaux de l'Assemblée nationale est envisageable, elle semble beaucoup plus difficile en ce qui concerne le critère de l'audience fondée sur les résultats électoraux.

Contrairement à ce qui a été le cas pour la définition des règles de la représentativité des syndicats de salariés, le Gouvernement n'a pas formellement invité les partenaires sociaux à se saisir de cette question. Mais il est souhaitable qu'elle soit traitée dans les meilleurs délais afin d'éviter le déséquilibre dans la légitimité des parties et la multiplication de contentieux engagés par des organisations patronales non reconnues. De surcroît, puisque les syndicats patronaux ont participé à la définition des critères de représentativité des syndicats de salariés, il serait singulier que la réciproque ne s'applique pas.

Votre commission propose donc, par voie d' amendement, d'engager les partenaires sociaux à définir les critères de représentativité des organisations patronales avant le mois de juin 2010.

Elle vous demande d'adopter cet article dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 2 (art. L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 à L. 2122-11 du code du travail) - Règles de détermination de la représentativité des organisations syndicales aux différents niveaux de dialogue social

Objet : Cet article prévoit les règles de détermination des organisations syndicales représentatives au niveau de l'entreprise et de l'établissement, du groupe, de la branche et au niveau interprofessionnel.

I - Le dispositif proposé

La nouvelle rédaction proposée pour le chapitre II du titre II du livre I er de la deuxième partie du code du travail réécrit les articles L. 2122-1 et L. 2122-2 du code du travail qui le composaient et y introduit neuf articles nouveaux.

A un système de légitimation par affiliation des organisations syndicales aux cinq centrales représentatives, se substitue le principe d'une légitimité électorale acquise dans l'entreprise, c'est-à-dire au niveau de négociation le plus proche du salarié. Les organisations signataires de la position commune ont par ailleurs écarté l'idée de retenir comme mesure de l'audience syndicale le résultat aux élections prud'homales pour de ne pas changer la nature d'une élection destinée à choisir des juges.

Les dispositions de cet article tendent donc à déterminer comment sera mesurée l'audience aux différents niveaux de négociation prévus par l'article L. 2121-1 nouveau.

* Au niveau de l'entreprise et de l'établissement

Pour apprécier la réalité du critère d'audience, l'article L. 2122-1 nouveau propose de fixer un seuil de 10 % des suffrages exprimés aux élections des instances représentatives du personnel dans les établissements ou les entreprises. Sera prise en compte par priorité l'élection des représentants au comité d'entreprise, à défaut celle du délégué unique du personnel et, si ce dernier n'a pas été mis en place, celle des délégués du personnel. Il n'y a donc pas de combinaison de l'ensemble des résultats des élections conduites dans l'entreprise.

Le premier tour, pour lequel les syndicats conservent leur monopole de présentation des candidats, est celui retenu pour déterminer le calcul de leur audience. Il en découle que sera pris en compte l'ensemble des suffrages exprimés, indépendamment des conditions de quorum nécessaire pour la validité de l'élection. Le calcul de l'audience syndicale sera donc effectué même si moins de la moitié des inscrits a pris part au vote, l'abstention étant dès lors considérée comme confirmant les choix qui se sont exprimés.

Le choix du seuil de 10 % a pu paraître arbitraire. Il correspond, pour une entreprise, de onze salariés où tous les suffrages se seraient exprimés, à deux voix, ce qui semble un minimum pour prétendre avoir une audience. C'est également le seuil préconisé par le rapport Hadas-Lebel 28 ( * ) « si l'on souhaite encourager un mouvement de regroupement des organisations syndicales », les syndicats de taille moyenne recueillant généralement entre 5 % et 10 % des voix. Il s'agit donc d'un choix délibéré de la part des organisations signataires de la position commune, dans laquelle le seuil de 10 % figure au point 2-2, pour limiter l'émiettement syndical en France.

Les établissements distincts sont la plus petite entité où peut avoir lieu l'élection d'un délégué du personnel. Ils se caractérisent par le regroupement d'au moins onze salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptible de produire des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d'un représentant de l'employeur, que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations ou non. Un syndicat peut être considéré comme représentatif au niveau de l'établissement s'il a recueilli 10 % des voix aux élections du délégué du personnel ou des représentants au comité d'établissement mis en place conformément aux dispositions de l'article L. 2327-1. Dès lors, c'est à partir de ce niveau que seront agrégés les résultats permettant de déterminer la représentativité dans l'entreprise. Néanmoins, dans l'immense majorité des entreprises ayant un site unique, les résultats seront établis directement à ce niveau.

L'article L. 2122-2 nouveau propose de fixer les critères de représentativité des organisations catégorielles affiliées à une confédération syndicale normale. Celles-ci se verront appliquer les mêmes règles de calcul de l'audience que les autres syndicats et seront considérées comme représentatives si elles satisfont aux autres critères de l'article L. 2121-1. Ce nouvel article trouve naturellement à s'appliquer aux organisations qui représentent une catégorie de personnels comme la CGC pour les cadres.

L'article L. 2122-3 nouveau tend à fixer les modalités de calcul de la représentativité de chaque organisation syndicale en cas de liste commune. Le principe est la répartition par accord préalable entre les organisations, à défaut de quoi la répartition se fait à part égale.

* Au niveau du groupe

L'article L. 2122-4 nouveau propose d'étendre au groupe les modalités de détermination de la représentativité prévue pour les entreprises. On entend par groupe au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail une entité formée « par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle » ou sur lesquelles elle exerce une influence dominante dans les conditions prévues respectivement par le code de commerce et le code du travail.

* Au niveau de la branche

Il n'existe pas de définition légale de la branche et on peut en dénombrer, selon les modalités de calcul, jusqu'à deux cent cinquante en France. Historiquement, la structuration des syndicats par branche s'oppose à celle par métier qui reposait sur les ouvriers spécialisés constituant une « aristocratie du travail » 29 ( * ) . Pour être reconnues représentatives à ce niveau, l'article L. 2122-5 nouveau prévoit que les organisations syndicales devront :

- satisfaire aux obligations de l'article L. 2121-1 ;

- disposer d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche, ce qui, comme l'indique l'Assemblée nationale, est un critère qualitatif plus que quantitatif étant donné la difficulté d'établir le point d'équilibre ;

- avoir recueilli au moins 8 % des suffrages aux élections des entreprises de la branche, ce taux plus faible venant compenser le nombre d'entreprises dans lesquelles un syndicat doit être présent pour pouvoir négocier au niveau de la branche.

La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans à la suite des élections dans les entreprises.

L'article L. 2122-6 nouveau prend en compte le cas des branches où plus de la moitié des salariés sont employés par des entreprises de dix salariés au plus. Très présentes dans le secteur de l'artisanat, ces entreprises ne se prêtent pas à l'organisation d'une négociation formelle en leur sein. Le niveau pertinent pour la protection des quatre millions de salariés concernés et pour la définition des règles du temps de travail est celui de la branche : c'est pourquoi les dispositions concernant la représentativité de leurs organisations syndicales figurent à cet article. Les conditions de détermination de l'audience syndicale seront définies par une négociation nationale interprofessionnelle.

A titre transitoire, seront présumées représentatives les organisations syndicales de salariés affiliées à des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel ainsi que celles qui satisfont aux critères prévus par l'article L. 2121-1 dans sa nouvelle rédaction à l'exception du critère de l'audience.

L'article L. 2122-7 nouveau prévoit la représentativité au niveau de la branche des organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération interprofessionnelle qui remplissent les conditions fixées aux articles L. 2122-5 et L. 2122-6.

* Au niveau national et interprofessionnel

L'article L. 2122-8 nouveau fixe les critères qui se substitueront à la présomption de représentativité ou à l'enquête administrative. Les conditions sont :

- la conformation aux critères de l'article L. 2121-1 ;

- la représentativité dans les branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services, qui reprend le point 2-2 de la position commune ;

- l'obtention d'au moins 8 % des suffrages cumulés dans les entreprises avec prise en compte de l'audience dans les entreprises de moins de onze salariés telle qu'elle pourra être déterminée par la négociation prévue à l'article L. 2122-6.

Comme pour la branche, la mesure de l'audience s'effectuera tous les quatre ans à l'issue des élections dans les entreprises.

L'article L. 2122-9 nouveau est consacré à la question de la représentativité nationale et interprofessionnelle des organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération interprofessionnelle qui, pour être représentatives, doivent répondre aux mêmes conditions que celles prévues à l'article L. 2122-8.

* Dispositions d'application

L'article L. 2122-10 nouveau précise qu'après avis du nouveau Haut Conseil du dialogue social créé par ce texte, il appartiendra au ministre chargé du travail d'arrêter la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-9. Le Haut Conseil comprendra des représentants d'organisations nationales interprofessionnelles d'employeurs et de salariés, des représentants du ministre chargé du travail et des personnalités qualifiées.  Un décret en Conseil d'État déterminera ses modalités d'organisation et de fonctionnement.

Le nouveau système de détermination dans l'entreprise puis d'agrégation aux différents niveaux de négociation des résultats électoraux permettant de déterminer l'audience syndicale suppose une centralisation, une vérification et un calcul des résultats. L'article L. 2122-11 nouveau précise les modalités de recueil et de consolidation des résultats aux élections professionnelles pour l'application du présent chapitre.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté vingt-quatre amendements à cet article. Si la plupart est de nature rédactionnelle ou de coordination, quatre modifications importantes ont été apportées sur le fond du texte :

- à l'article L. 2122-6 nouveau, deux modifications ont été apportées. L'une prévoit l'intervention d'une loi concernant la mesure de la représentativité dans les petites entreprises au plus tard le 30 juin 2009, à la suite des résultats de la négociation nationale interprofessionnelle. L'autre précise que la présomption de représentativité des organisations syndicales de salariés affiliées à des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel est simple, et non irréfragable ;

- après l'article L. 2122-7 nouveau, un article L. 2122-7-1 nouveau a été inséré disposant que les organisations syndicales représentatives fixent, en liaison avec les organisations d'employeurs, la liste des sujets qui feront l'objet de la négociation collective de branche, ainsi que les modalités de son organisation afin de relancer la dynamique de la négociation collective à ce niveau ;

- à l'article L. 2122-10 nouveau, la composition du Haut Conseil du dialogue social a été complétée pour prévoir la présence d'un député et d'un sénateur désignés par leurs assemblées respectives parmi les membres de la commission compétente.

III - La position de votre commission

Votre commission est favorable au dispositif ambitieux mis en place par cet article qui marque un tournant historique pour le syndicalisme français et ouvre la perspective d'une démocratie sociale rénovée et plus active. Elle souhaite néanmoins approfondir certains points.

Sur l'article L. 2122-4 relatif à la représentativité syndicale au niveau du groupe, elle souhaite préciser que les organisations syndicales peuvent être considérées comme représentatives au niveau d'une partie du groupe où sont organisées des négociations.

En ce qui concerne la rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour l'article L. 2122-6 nouveau, le choix du 30 juin 2009 comme date butoir assignée au législateur pour définir les critères d'audience et de représentation effective dans les entreprises de moins de onze salariés paraît trop contraignant. Les incertitudes du calendrier législatif sont de nature à rendre cette échéance particulièrement difficile à tenir. De plus, il est préférable de laisser plus de temps à la négociation sur ce sujet délicat et important. Votre rapporteur a noté avec intérêt le désir sincère d'aboutir à un accord qu'ont exprimé, lors de leur audition, les organisations patronales et syndicales. La première réunion de négociation a eu lieu dès le mois de juin dernier, dans le prolongement de la position commune. Votre commission vous propose en conséquence un amendement retenant le 30 juin 2009 comme date de clôture de la négociation nationale interprofessionnelle après laquelle il appartiendra au législateur d'intervenir.

Sur ce même article, votre commission souhaite rétablir la mention relative au caractère transitoire de la représentativité des organisations syndicales répondant aux critères fixés par l'article L. 2121-1 autres que celui de l'audience. Cette disposition, supprimée par l'Assemblée nationale, participe de la clarté du dispositif, qui ne doit prendre pleinement effet qu'après l'aboutissement de la négociation nationale interprofessionnelle.

En ce qui concerne la composition du Haut Conseil du dialogue social, votre commission souhaite modifier sa composition pour deux raisons :

- d'une part, la vocation du Haut Conseil étant de déterminer la représentativité des syndicats, il n'a pas vocation à être composé de délégués des seules organisations déjà reconnues comme représentatives. Il apparaît ainsi nécessaire qu'y soient présentes les principales organisations d'employeurs comme la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

- d'autre part, afin de préserver l'indépendance des parlementaires qui auront à se prononcer sur l'éventuelle adaptation du système de calcul de l'audience tel que mis en place par le projet de loi, il est préférable qu'ils ne soient pas amenés à siéger au sein du Haut Conseil. Votre commission vous propose donc un amendement supprimant la présence d'un député et d'un sénateur parmi ses membres.

Un problème important demeure, qui n'a pas été abordé par la position commune : celui des journalistes. L'organisation largement majoritaire dans cette profession n'est affiliée à aucun syndicat interprofessionnel national afin de préserver la neutralité idéologique qui doit caractériser la presse. Or, l'application des mécanismes prévus par l'article 2 exclut la négociation au niveau professionnel et menace donc l'existence de ce syndicat. Dans le cadre du livre VII du code du travail, il est nécessaire de prévoir les modalités selon lesquelles les spécificités de ce secteur seront prises en compte pour la négociation sociale. Votre commission vous propose donc un amendement précisant que pourront être reconnues comme représentatives à l'égard des journalistes les organisations qui, dans les entreprises de presse qui comportent un collège regroupant les journalistes professionnels et assimilés, recueillent plus de 10 % des voix et satisfont aux critères de l'article L. 2121-1.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié .

* 15 Dont le contenu a été précisé par l'arrêt de la Cour de Cassation, Cass. soc., 3 décembre 2002, n° 01-60.729

* 16 Joseph Frossard, « Syndicats professionnels », in Traité de droit du travail, éditions du Jurisclasseur, 1997.

* 17 La Cour de cassation a ainsi jugé que, malgré l'existence d'effectifs importants et de succès aux élections, un syndicat ne pouvait être déclaré comme représentatif dès lors que son indépendance paraissait douteuse. Cass. Soc., 29 octobre 1973 ; Bull. civ. V, n° 530.

* 18 Cass. Soc., 22 juillet 1981 : Bull. civ. V, n° 748.

* 19 Joseph Frossard, op. cit.

* 20 Cass. soc., 4 novembre 1971 : Bull. civ. V, n°614

* 21 Jean-Maurice Verdier, Droit social 2003 page 298, observations sous Cass. soc., 3 décembre 2002 précité.

* 22 Cf. p. 84

* 23 Cass. soc., 2 mars 2004 TPS 2004

* 24 Cf. p. 84

* 25 Cass. soc., 3 mars 1983.

* 26 Op. cit.p.84-85

* 27 Verdier, Traité de droit du travail, Syndicats et droit du travail, 1987, p. 171.

* 28 Cf. p. 91.

* 29 Jean Pélissier, Alain Supiot et Antoine Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 2006, p.15.

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