CHAPITRE VI - Ressources et moyens

Article 8 - Ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles

Objet : Cet article a trois objets : il institue une procédure de certification et de publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles, il encadre la possibilité d'une mise à disposition de salariés auprès d'une organisation syndicale, il établit les modalités de financement du dialogue social.

I - Le dispositif proposé

Cet article crée un nouveau chapitre dans le code du travail consacré aux ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles.

A cet effet, les deux premiers alinéas de l'article complètent l'intitulé du titre III du livre I er de la deuxième partie du code du travail, en ajoutant les mots « ressources et moyens » aux mots « statut juridique ».

Les trois alinéas suivants créent un chapitre V « Ressources et moyens » , se substituant au chapitre V actuel « Dispositions pénales » qui devient le chapitre VI de cette partie du code du travail.

Ce nouveau chapitre est divisé en trois sections , consacrées respectivement à la certification et à la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles, à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales et au financement du dialogue social.

Les dispositions de la position commune relatives au
financement des organisations syndicales

Dans le titre III de la position commune consacré au financement des organisations syndicales, les partenaires sociaux affirment « leur attachement à la définition de règles de certification et de publicité des comptes qui respectent les spécificités des organisations concernées. Ceci contribuera à la transparence de leur activité ».

Le mot « transparence » figure d'ailleurs quatre fois dans cette partie de la position commune ; il est sans doute le plus important pour qualifier les nouvelles règles que souhaitent s'imposer les organisations syndicales en ce qui concerne leur financement.

L'article 16 de la position commune fait état de la difficulté à appréhender les différents modes de financement des organisations syndicales puisqu'il précise que « compte tenu de la complexité de la matière, il est demandé aux Pouvoirs Publics de faire procéder à un recensement exhaustif de l'ensemble des financements existants tant au niveau des entreprises, des branches et de l'interprofession, que des différents échelons locaux, départementaux, régionaux, nationaux et internationaux ».

L'article 15 de la position commune définit les principes du financement des missions syndicales . Ceux-ci sont :

- un financement prioritaire par les cotisations : « les cotisations provenant de leurs adhérents doivent représenter la partie principale de leurs ressources car elles constituent la seule véritable garantie d'indépendance » ;

- la possibilité néanmoins de faire appel à des sources de financement différenciées du fait de la diversité et du nombre des missions qui incombent aux organisations syndicales de salariés ;

- la sécurisation juridique et la transparence financière de la mise à disposition de salariés par les entreprises aux organisations syndicales ;

- la définition au niveau national interprofessionnel de règles pour l'attribution de subventions relevant du paritarisme, afin de préciser les fondements juridiques de ces dotations et garantir la transparence de ce mode de financement.

- la certification et la publicité des comptes

Six nouveaux articles - les articles L. 2135-1 à L. 2135-6 - sont insérés à ce titre dans le code du travail.

L'article L. 2135-1 institue une obligation d'établir des comptes annuels pour les syndicats professionnels et leurs unions, ainsi que pour les associations de salariés ou d'employeurs régies par la loi du 1 er juillet 1901 ou régies par le droit local en Alsace-Moselle. Un décret devra fixer les conditions de cette obligation.

Jusqu'à présent, aucune disposition n'imposait la tenue de comptes annuels par les syndicats, sauf pour les organisations constituées sous forme d'association de la loi 1901, conformément aux règles de l'article L. 612-4 du code de commerce.

L'article L. 2135-2 précise les modalités de la tenue des comptes pour les organisations qui contrôlent une ou plusieurs personnes morales sans entretenir avec elles de lien d'adhésion ou d'affiliation.

Ces organisations peuvent soit opter pour l'établissement de comptes consolidés , soit choisir de fournir, en annexe à leurs propres comptes, les comptes des personnes morales qu'elles contrôlent, ainsi qu'une information sur la nature du lien de contrôle. Dans ce dernier cas, le texte précise que les comptes de ces personnes morales doivent avoir fait l'objet d'un contrôle légal.

Les règles d'établissement de ces comptes sont déterminées par décret pris après avis du Conseil national de la comptabilité.

L'article L. 2135-3 concerne les organisations qui entretiennent des liens d'adhésion ou d'affiliation avec d'autres entités. Elles pourront établir des comptes combinés intégrant la comptabilité des personnes morales et entités avec lesquelles elles ont ces liens. Cette possibilité est toutefois subordonnée à sa mention dans le statut des organisations concernées.

Cet article renvoie également à un décret pris après avis du Conseil national de la comptabilité pour la définition des conditions d'établissement des comptes combinés.

L'article L. 2135-4 définit les règles de la certification des comptes de ces organismes : ils sont arrêtés par l'organe chargé de la direction et approuvés par l'assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts.

L'article L. 2135-5 prévoit la publicité des comptes établis conformément à l'article L. 2135-1. Un décret pris après avis du Conseil national de la comptabilité déterminera les conditions de cette publicité.

Dans le cas où un syndicat ou une association combine les comptes d'entités avec lesquels existe un lien d'adhésion ou d'affiliation, la publicité ne concerne que ce niveau.

L'article L. 2135-6 prévoit que lorsque les ressources des syndicats professionnels, des syndicats d'employeurs ou de leurs unions et des associations de salariés ou d'employeurs dépassent un seuil fixé par décret, ceux-ci sont tenus de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant.

Cette règle est déjà imposée aux associations lorsque leurs comptes font apparaître un montant de subventions publiques annuel supérieur à 153 000 euros.

- la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales

Deux nouveaux articles - les articles L. 2135-7 et L. 2135-8 - sont insérés à ce titre dans le code du travail.

Ils visent à instituer un statut du salarié mis à disposition par une entreprise auprès d'une organisation syndicale. Une telle pratique existe déjà mais elle repose en grande partie, en l'absence de dispositions légales applicables, sur des conventions conclues au cas par cas. L'objectif poursuivi est de sécuriser ces pratiques, conformément à l'article 15 de la position commune

A l'article L. 2135-7 est expressément prévue la possibilité de mise à disposition d'un salarié auprès d'une organisation syndicale ou d'une association d'employeurs.

Deux conditions sont posées : d'une part, l'accord exprès du salarié, d'autre part, l'existence d'une convention collective ou d'un accord collectif de branche ou d'un accord d'entreprise.

Pendant la mise à disposition du salarié, les obligations de l'employeur à son égard sont maintenues.

En outre, le salarié bénéficie de la garantie selon laquelle, à l'expiration de sa mise à disposition, il retrouvera son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

L'article L. 2135-8 prévoit qu'une convention collective, un accord collectif de branche ou un accord d'entreprise détermine les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la mise à disposition de salariés auprès d'organisations syndicales ou d'associations d'employeurs.

Un tel accord constitue donc un préalable indispensable à toute mise à disposition.

- le financement du dialogue social

Deux nouveaux articles - les articles L. 2135-9 et L. 2135-10 - sont insérés à ce titre dans le code du travail.

L'article L. 2135-9 ouvre la possibilité à une convention ou un accord collectif de prévoir que les entreprises entrant dans son champ d'application contribuent au financement de l'exercice de la négociation collective par le moyen d'une contribution assise sur un pourcentage des salaires entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Cette contribution doit avoir pour objet exclusif le financement du dialogue social.

La convention ou l'accord collectif répartit le produit de cette contribution entre les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives (au sens des nouveaux articles L. 2122-1 à L. 2122-5).

L'article L. 2135-10 prévoit la déductibilité de cette nouvelle contribution d'un certain nombre de dépenses des entreprises, visées aux articles du code du travail suivants :

- l'article L. 2325-43, relatif à la subvention de fonctionnement versée par l'employeur au comité d'entreprise, d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute ;

- les articles L. 2325-6 à L. 2325-10, relatifs aux heures de délégation des membres du comité d'entreprise ainsi que des représentants syndicaux au comité d'entreprise et au comité central d'entreprise dans les entreprises de plus de cinq cents salariés et donc des dépenses en salaire effectuées par l'employeur pendant le temps consacré à l'exercice de leurs fonctions par les intéressés (maximum de vingt heures par mois) ;

- l'article L. 2315-1, relatif aux heures de délégation des délégués du personnel (dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés et quinze heures par mois dans les entreprises de cinquante salariés et plus) ;

- les articles L. 2143-13 à L. 2143-16, relatifs aux heures de délégation des délégués syndicaux (dix heures par mois dans les entreprises de cinquante à cent cinquante salariés, quinze heures par mois dans les entreprises de cent cinquante et un à cinq cents salariés, vingt heures par mois dans les entreprises de plus de cinq cents salariés) ;

- l'article L. 4614-3, relatif aux heures de délégation des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (deux heures par mois dans les établissements employant jusqu'à 99 salariés ; cinq heures par mois dans les établissements employant de 100 à 299 salariés ; dix heures par mois dans les établissements employant de 300 à 499 salariés ; quinze heures par mois dans les établissements employant de 500 à 1 499 salariés ; vingt heures par mois dans les établissements employant 1 500 salariés et plus).

Enfin, dans ses deux derniers alinéas, l'article 8 prévoit d'exclure de l'interdiction du prêt de main d'oeuvre fixée à l'article L. 8241-1 du code du travail, la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d'employeurs.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté sans modification les nouvelles règles prévues pour la certification et la publicité des comptes, ainsi que pour la mise à disposition de salariés auprès des organisations syndicales.

Elle a en revanche sensiblement modifié les dispositions relatives au financement du dialogue social . Elle a ainsi :

- supprimé la précision selon laquelle la contribution au financement du dialogue social est assise sur la masse salariale ;

- supprimé le nouvel article L. 2135-10 afin d'intégrer les règles de déductibilité de la contribution à l'article L. 2135-9 qui institue le principe de cette contribution ;

- inséré un nouvel article L. 2242-9 dans le code du travail afin d'organiser une information par l'employeur des mises à disposition de salariés auprès des organisations syndicales ;

- fixé l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles de financement du dialogue social au 30 juin 2009.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve sans réserve les dispositions de cet article qui visent à assurer une meilleure transparence des ressources et des comptes des organisations syndicales, dans le parfait respect d'ailleurs des termes de la position commune.

Sur la question du financement du dialogue social, elle a entendu les opinions - parfois très divergentes - émises par l'ensemble des parties concernées. Elle a estimé que le texte voté à l'Assemblée nationale offre plus de souplesse que le texte initial du projet de loi et assure un équilibre satisfaisant entre les nécessités de l'organisation et du financement d'un dialogue social dans le secteur de l'artisanat et la crainte de devoir acquitter un prélèvement supplémentaire.

Deux ajustements paraissent encore nécessaires :

- la précision selon laquelle la convention ou l'accord qui pourra prévoir la contribution ne pourra être que national ou bien d'entreprise ou d'établissement ;

- la réinscription du principe qui figurait dans le texte initial selon lequel la contribution assurera exclusivement le financement du dialogue social.

Enfin, votre commission a décidé de ne pas revenir sur la date d'entrée en vigueur du 30 juin 2009, estimant nécessaire que les discussions sur la représentation des salariés et l'amélioration du dialogue social dans les petites entreprises aillent à leur terme.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

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