II. UNE PRISE DE CONSCIENCE : LA NÉCESSITÉ À LA FOIS D'ACCOMPAGNER LA TRANSITION ET DE RÉGULER LES USAGES SUR INTERNET

A. UNE PRÉOCCUPATION PARTAGÉE PAR NOS PARTENAIRES ÉTRANGERS

Votre rapporteur a interrogé plusieurs ambassades de France à l'étranger afin de disposer d'éléments de comparaison internationale sur les réactions des pouvoirs publics et des professionnels face au phénomène du piratage des oeuvres culturelles sur Internet.

En effet, la France n'est pas le seul pays concerné par ce fléau pour la création artistique : selon un récent rapport de l'IFPI 11 ( * ) sur la musique numérique dans le monde, 10 milliards de fichiers musicaux ont été illégalement échangés en 2007, soit 20 fois plus que le nombre de titres légaux échangés ; enfin, la croissance des ventes numériques ne permet pas de compenser la vente des supports physiques.

Cette contrefaçon « de masse » apparaît donc, en France comme ailleurs, comme un enjeu prioritaire tant pour les autorités publiques que pour les professionnels des secteurs concernés. Aussi, dans les pays ayant déjà mis en oeuvre - dans un cadre contractuel ou réglementaire - des mesures destinées à lutter contre ce problème, ou envisageant de le faire, le présent projet de loi est regardé avec le plus grand intérêt.

1. L'approche contractuelle dans les pays anglo-saxons

a) États-Unis


L'ampleur du phénomène du piratage illégal

Plusieurs études ont tenté d'évaluer l'ampleur du téléchargement illégal de même que son impact sur les industries concernées, qui restent néanmoins très difficiles à mesurer. Ainsi, selon plusieurs récents rapports 12 ( * ) :

- environ 19 % des utilisateurs d'Internet aux États-Unis (et 39 % des adolescents) utilisent régulièrement les réseaux peer to peer ;

- les productions américaines représenteraient 66 % des 20 milliards de téléchargements illégaux estimés dans le monde en 2005 ;

- les pertes dues à la piraterie de musique sont estimées à 12,5 milliards de dollars pour l'économie américaine, 71 060 emplois (dont 26 860 emplois dans l'industrie musicale) et 422 millions de dollars en taxes non recouvrées ;

- selon un sondage réalisé en 2007, 57,8 % des contrefaçons de musique, CD et cassettes audio sont achetées sur Internet, dont la plupart en téléchargement (28,3 % pour les films et DVD, 60,7% pour les logiciels).

On constate néanmoins, en parallèle, un développement rapide de l'offre légale. En musique, les ventes ont progressé de + 45 % en 2007 ; le téléchargement légal représenterait environ 30 % des ventes de musique. Dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel, trente plateformes de vidéo à la demande (VOD) sont actuellement répertoriées.


La réaction des professionnels

Les professionnels des industries culturelles ont joué un rôle moteur dans la lutte contre le piratage.

Cette mobilisation, par les actions entreprises auprès des pouvoirs publics, a abouti, en 1998 , à l'adoption du Digital Millenium Copyright Act (DMCA) sur les mesures de protection technique, qui est la dernière révision majeure du droit américain du « copyright » .

Elle a également conduit les industries de la musique, du cinéma et des logiciels, à mener de nombreuses campagnes de sensibilisation, destinées à faire prendre conscience au public de l'impact du piratage sur l'économie de ces secteurs. De telles campagnes ont été diffusées, notamment, dans les salles de cinéma, dès 2003, ou encore au sein des universités.

Enfin, dès 2002, l'industrie de la musique - ensuite suivie par celle du cinéma - a intenté des actions en justice contre les utilisateurs et contre les sites de peer to peer permettant l'échange de fichiers pirates ; l'industrie du divertissement a obtenu gain de cause en juin 2005 dans le procès Grokster , remonté jusqu'à la Cour Suprême 13 ( * ) ; les procès contre les utilisateurs ont, pour la plupart, fait l'objet d'accords amiables.

En parallèle, la mobilisation de l'industrie technologique et des associations de consommateurs est également importante, sur le thème : « trop de restrictions à l'utilisation de nouvelles technologies pourraient freiner l'innovation aux États-Unis ».


La réaction des pouvoirs publics

L'administration Bush a lancé, en octobre 2004, une initiative globale sur la lutte contre la contrefaçon ( STOP, Strategy Targetting Organized Piracy ) comportant un volet sur le téléchargement illégal.

Par ailleurs, le Family Entertainment and Copyright Act du 27 avril 2005 permet notamment d'assimiler la diffusion par logiciels de peer to peer de contenus audiovisuels n'ayant pas encore été commercialisés à une action criminelle et interdit de filmer dans les salles de cinéma (camcording) , cette méthode étant la plus fréquemment utilisée pour pirater les films.

En parallèle, dès 2004, des actions de sensibilisation du public ont été engagées par la Federal Trade Commission (FTC). De même, quelques États, à l'image de la Virginie, ont mené des actions de sensibilisation sur l'usage de ces réseaux, tels que le programme Safety Net , visant à informer les écoliers des dangers potentiels de l'Internet, notamment ceux liés au P2P.

Enfin, comme le note l'IFPI dans le rapport précité, des initiatives menées en direction des universités ont permis d'obtenir le blocage de l'accès aux sites illégaux et la mise en place de règles plus strictes.


La voie contractuelle de la « réponse graduée »

- Une forme de « réponse graduée » est mise en oeuvre aux États-Unis par certains fournisseurs d'accès à Internet (FAI) dans le cadre d'accords contractuels et individuels avec des studios .

Ces derniers traquent les contenus téléchargés illégalement sur Internet, puis fournissent des informations sur les titres ainsi piratés, identifient les adresses IP des internautes et les transmettent au FAI qui à son tour identifie la ou les personne(s) correspondant à l'adresse IP.

Les données personnelles ne sont à aucun moment communiquées aux studios : en effet, une telle pratique serait en violation d'une jurisprudence bien établie qui exige une autorisation d'un juge pour obtenir la communication de données personnelles par un FAI.

La formule de réponse graduée varie d'un FAI à l'autre, mais prend en général la forme de l'envoi d'un premier message attirant l'attention de l'utilisateur sur l'illégalité de son action (avec une lettre du studio détenteur des droits jointe au message) puis, en cas de récidive, d'un second message indiquant que l'accès Internet va être suspendu pour quelques heures, et enfin, en cas de récidives multiples, d'une suspension de l'abonnement. Aucun FAI n'a eu, jusqu'à présent, à utiliser cette sanction.

- Par ailleurs, la Motion Picture Association (MPA) et la Recording Industry Association of America (RIAA) négocient , depuis près de deux ans, avec les plus principaux FAI la mise en place d'une réponse graduée automatique qui consisterait à transférer aux FAI la responsabilité de la « traque » des téléchargements illégaux .

Pour ce faire, ces derniers devraient s'équiper d'un système de filtre qui puisse comparer, en temps réel, les éléments téléchargés avec une liste des contenus disponibles légalement, puis se doter d'un système permettant l'envoi automatique d'un message chaque fois qu'un utilisateur télécharge un contenu piraté, indiquant la nature illégale de l'activité et procédant à la suspension automatique de la connexion Internet pour des périodes à chaque fois plus longues. L'objectif final serait la résiliation de l'abonnement de l'utilisateur récidiviste. Toutefois, selon les informations transmises à votre rapporteur, les FAI ne seraient pas encore prêts à s'engager dans cette voie, tant que tous ne la suivent pas.

Pour les ayants droit, la « réponse graduée » est un complément indispensable aux actions en justice contre les utilisateurs, car beaucoup d'entre eux ne sont pas des criminels.

Quant aux FAI, leur motivation à entrer dans ces négociations vient notamment des risques d'actions en justice qui pourraient être engagés à leur encontre, par extension de la jurisprudence établie par la Cour suprême à l'égard des distributeurs de logiciels dans la décision Grokster précitée.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, des avancées importantes auraient été réalisées ces derniers mois dans ces négociations, même s'il n'est pas encore question de modifier le DMCA (qui précise que les FAI n'ont aucune obligation de contrôler ce qui se passe sur leur réseau) : l'approche contractuelle est ainsi privilégiée à la voie législative et réglementaire, dans un système de common law , où le précédent a force de loi.

b) Grande-Bretagne


L'ampleur du phénomène

Le téléchargement illégal de films ou de musique constitue un phénomène massif, notamment chez les jeunes :

- 16 % de la population de plus de 16 ans télécharge illégalement ; ainsi, le nombre d'internautes « pirates » est estimé entre 6 et 7 millions, la plupart ayant moins de 24 ans ;

- 19 téléchargements musicaux sur 20 sont illégaux ;

- en moyenne, on évalue à 842 copies par personne le nombre de chansons téléchargées illégalement par les jeunes ;

- la perte pour l'industrie musicale est évaluée à un milliard de livres sterling pour les cinq prochaines années ; s'agissant de l'industrie du cinéma, 450 millions de livres de perte par an seraient dus au piratage ;

- en 2007, 127 millions de films et séries télévisées ont été piratés ; en juillet 2008, le magazine Times citait l'exemple du film « Pirates des Caraïbes », téléchargé illégalement par 380 000 personnes la même année.


Les accords de l'été 2008

Afin de sensibiliser la population, notamment les plus jeunes, aux méfaits du piratage, le gouvernement britannique y a consacré un site Internet. Il a également provoqué un rapprochement entre les fournisseurs d'accès à Internet et les ayants droits et représentants des industries culturelles, afin de trouver, par la voie contractuelle, des solutions consensuelles, qui ne soient pas des solutions judiciaires d'une part, et qui ne heurtent pas le principe de liberté d'entreprise d'autre part.

Notons que le gouvernement a fait peser une certaine pression sur les fournisseurs d'accès, en leur indiquant qu'une loi serait présentée en avril 2009 si aucun accord n'est trouvé.

Le 24 août 2008 , le gouvernement britannique a annoncé un accord entre les six principaux fournisseurs d'accès à Internet (British Telecom (BT), Virgin Media, Orange, Tiscali, BskyB et Carphone Wharehouse) et l'industrie musicale et cinématographique (BPI - Industrie phonographique britannique - et MPA - Association cinématographique -).

Le ministère de l'Industrie a salué un accord « significatif », qui « donne l'espoir d'un avenir durable pour la musique et pour nos autres industries créatives, tout en assurant aux consommateurs qu'ils continueront à profiter pleinement de ce que les nouvelles technologies peuvent offrir » .

Le principe est le suivant : les fournisseurs d'accès se sont engagés à adresser une lettre aux utilisateurs dont le compte en ligne (adresse IP) aura été identifié comme étant actif dans le téléchargement illicite de musique ou de films. Les accords prévoient, dans un premier temps, l'envoi de 1 000 messages par semaine, visant à prévenir les internautes, d'une part, qu'ils ont été repérés et que leur compte est surveillé, et leur indiquant, d'autre part, dans un souci de pédagogie, qu'il existe des sites permettant de télécharger légalement des films ou de la musique. Les fournisseurs d'accès se sont également engagés à développer un dispositif légal de partage de données.

Le gouvernement espère ainsi réduire le téléchargement illégal de 80 % dans les trois prochaines années.

Dans une seconde étape, une consultation publique réunissant, auprès du Department for Business, Enterprise and Regulatory Reform (BERR - ancien ministère de l'industrie), des fournisseurs d'accès, les industriels et sociétés d'ayant droits et des associations de consommateurs, s'est poursuivie afin de décider, dans la cadre d'un « code de bonne conduite » qui serait rendu juridiquement contraignant, des sanctions que pourront encourir les « récidivistes » . Plusieurs pistes ont été évoquées, comme notamment la possibilité de limiter le débit des abonnements.

L'Office de régulation des télécommunications (OFCOM) sera ensuite responsable de la campagne de lutte anti-piraterie et du suivi de l'application des mesures et sanctions qui auront été décidées.

2. Des situations inégales dans d'autres pays

a) Italie


L'ampleur du phénomène

En 2007, la piraterie en ligne a supplanté, parallèlement au développement du haut débit, la piraterie physique, c'est-à-dire la vente sauvage de CD ou DVD copiés.

Par ailleurs, selon un article paru dans le quotidien La Repubblica le 29 août 2008, 20 % des utilisateurs d'Internet en Italie téléchargeraient illégalement de la musique ou des films.


Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

Les professionnels du monde du cinéma et de la télévision se sont mobilisés les premiers face à ce phénomène, en se regroupant dès 1988 au sein de la Fédération anti-piraterie audiovisuelle (FAPAV). Plusieurs actions sont en cours devant la justice 14 ( * ) .

En parallèle, les pouvoirs publics italiens ont pris un certain nombre d'initiatives visant à renforcer l'arsenal juridique en matière de lutte contre la piraterie :

Dans un premier temps, la loi n° 248 du 18 août 2000, dite « loi anti-piraterie » , a durci les sanctions pénales dans le cadre d'un délit portant atteinte au droit d'auteur (qui bénéficie d'une protection depuis une loi de 1941) et a introduit des sanctions administratives à l'encontre des consommateurs de biens contrefaits.

Dans un second temps, une étape essentielle a été engagée avec la loi n° 128 du 21 mai 2004, dite « loi Urbani » , relative à la lutte contre le piratage en ligne d'oeuvres audiovisuelles.

Entrée en vigueur en 2005, cette loi met en cause la responsabilité des auteurs de téléchargement et des usagers du peer to peer illégal. Elle a prévu les sanctions suivantes :

- jusqu'à 4 ans d'emprisonnement et 15 493 euros d'amende pour les utilisateurs qui échangent des films ou de la musique via des réseaux en ligne ;

- une sanction administrative (une amende de 154 euros ou de 1 032 euros en cas de récidive) pour ceux qui mettent en ligne ou téléchargent, pour leur usage personnel, des copies pirates d'oeuvres cinématographiques ;

- une peine d'emprisonnement de 3 mois à 6 ans pour les personnes faisant commerce ou tirant profit de cette activité illicite.

La mise en oeuvre de ces moyens de lutte contre la fraude repose sur la surveillance des sites qu'assure le « service spécial des fraudes télématiques », organisme spécialisé dépendant de la « Guardia di Finanza ». Ce service ne peut pas procéder au blocage de sites de téléchargement illégaux, mais, avec l'appui des brigades de police fiscale, enquête sur ces sites et opère la saisie des matériels délictueux.

b) Espagne


L'ampleur du phénomène

Même si le taux de pénétration d'Internet est assez bas par rapport à d'autres pays européens, l'Espagne est, selon l'IFPI 15 ( * ) , l'un des dix marchés mondiaux les plus affectés par la piraterie. C'est également le pays européen le plus concerné par la vente illégale sur les voies publiques.

D'après une étude de l'Association européenne de publicité interactive, 58 % des usagers d'Internet acquièrent illégalement de la musique, et 52 % des films, tandis que les moyennes européennes sont respectivement de 37 % et 20 %.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, les internautes espagnols seraient par ailleurs difficiles à sensibiliser : une enquête réalisée en mars 2007, juste après le lancement de campagnes publiques de sensibilisation, montre que seules 29 % des personnes interrogées considéraient le téléchargement de musique ou vidéos sur Internet comme un acte relevant de la piraterie, et donc comme un délit.


• Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

- Le code pénal prévoit que seuls la copie et le téléchargement réalisés dans un but commercial sont reconnus comme un délit, passible de 4 ans de prison.

- Dans ce contexte, les professionnels des principaux secteurs concernés se sont mobilisés dès 2004 afin de sensibiliser le gouvernement et l'opinion publique sur la nécessité de protéger la propriété intellectuelle.

- Cette mobilisation a conduit à l'adoption, en avril 2005 , d'un « Plan d'action globale contre la piraterie » , plan interministériel dans lequel le ministère de la culture se situe en première ligne. Il comprend des mesures préventives, de sensibilisation (campagne publique insistant sur le fait que la piraterie est un délit), normatives, de coopération et de formation (formation des juges, création d'une unité de police spécialisée, etc.).

Une des mesures vise notamment à favoriser des accords entre prestataires de services en ligne et ayants droit , en vue d'établir des mécanismes d'autorégulation et de collaboration face aux contenus non autorisés circulant sur les réseaux numériques.

- En outre, une disposition législative adoptée en 2007 a créé une obligation, pour les fournisseurs d'accès à Internet, d'informer leurs abonnés afin de les responsabiliser à l'égard des atteintes aux droits de la propriété intellectuelle résultant des actes de téléchargement illicite.

- De leur côté, les professionnels des secteurs de la musique et de l'audiovisuel, souhaitent désormais impliquer les fournisseurs d'accès à Internet et définir des mesures d'autorégulation, en vue de combler le vide juridique actuel. Cette volonté ne s'est pas encore traduite par des actions concrètes, en raison de certaines réticences des FAI.

c) Japon


L'ampleur du phénomène

La spécificité du Japon est le rôle très important des téléphones mobiles dans les pratiques de téléchargement : en effet, 85 % des mobiles permettent d'accéder à Internet ; dans le secteur de la musique, les services de téléchargement vers les téléphones mobiles représentent un marché 10 fois supérieur à celui destiné aux ordinateurs ; les mobiles représentent, en outre, 80 % du marché du livre électronique en 2007.

Il ressort d'une enquête réalisée en 2007 16 ( * ) que 9,6 % des internautes utilisent un logiciel de pair à pair, alors qu'ils étaient 3,5 % un an plus tôt. Le nombre de fichiers ainsi téléchargés est estimé en moyenne à 481 fichiers par utilisateur et par an (dont 44 % de titres musicaux, 38 % de films, 7 % de fichiers photographiques, 6,9 % de livres électroniques et 3 % de logiciels), soit un total d'environ 3,6 milliards de fichiers (2,5 fois plus qu'en 2006).

Une majorité des fichiers musicaux téléchargés vers les téléphones mobiles (54 %) ou les ordinateurs (64 % depuis les seuls réseaux P2P), le seraient illicitement. Dans le domaine du cinéma, environ 1,4 milliard de films auraient été téléchargés illégalement en 2007.

En parallèle, la vente de musique numérique par les sites légaux représente aujourd'hui 20 % de l'ensemble du marché de la musique ; le marché numérique couvre environ 10 % du marché du cinéma.


Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

Dès avril 2006, une commission paritaire s'est mise en place sous la direction du ministère de la culture en vue de lutter contre le phénomène du piratage sur Internet. Deux axes d'action ont été débattus :

- d'une part, un élargissement des champs d'application de la compensation pour la copie privée, qui ne prend pas en compte les dernières évolutions technologiques (mémoires ou disques durs intégrés dans des appareils tels qu' Ipod et autres baladeurs MP3 ou les supports Blue-ray...) : cette piste a été abandonnée, car elle a suscité une vive opposition des fabricants d'équipements électroniques ;

- d'autre part, une modification du code de la propriété intellectuelle ; celle-ci a suscité un accord de principe mais, concrètement, le projet a soulevé une polémique ayant conduit à différer son dépôt, qui aurait dû intervenir cet été.

Selon la loi en vigueur, l'acte de téléchargement , quelle que soit la source d'acquisition, entre dans la catégorie « reproduction à des fins privées » et ne constitue donc pas un acte illicite . Seul l'acte de mise à disposition de ces fichiers peut faire l'objet d'une violation des « Rights of making transmittable » des ayants droit. Le projet de modification consiste à retirer le téléchargement de fichiers sous copyright illégalement mis en ligne de cette catégorie, afin qu'il soit également considéré comme une violation du droit d'auteur.

Des opposants à ce projet ont mis en avant le fait que les internautes, surtout les occasionnels, peuvent se trouver, à leur insu, sur des sites illégaux.

Afin de prendre en compte cette critique, la Recording Industry Association of Japan (RIAJ) a annoncé en 2008 la création du « L-mark », un logo de certificat de licence attribué aux sites proposant une offre légale de téléchargement .

En parallèle, différentes actions de prévention ont été adoptées par les professionnels de l'industrie de la musique, telles que :

- l'intervention auprès des sites afin qu'ils éliminent des fichiers illégalement mis en ligne ;

- une collaboration avec les FAI pour étudier des mesures techniques à mettre en place contre les sites de téléchargement illégaux vers les mobiles ;

- un filtrage d'accès aux sites illégaux, qui est déjà mis en place partiellement ;

- une intervention auprès des auteurs des mises à disposition illégales de fichiers sur certains sites de P2P : selon les informations transmises à votre rapporteur par l'Ambassade de France au Japon, 12 millions de messages électroniques d'avertissement ont déjà été envoyés ; la RIAJ peut demander aux FAI de lui fournir l'identité des internautes les plus mal intentionnés, afin d'obtenir directement des dommages et intérêts et de les soumettre à la justice pénale ;

- des campagnes de sensibilisation du public sur le droit d'auteur.

Au-delà, les industries culturelles ainsi que les groupements d'ayants droit ont demandé à ce que soit étudiée la mise en place d'une responsabilité juridique des FAI dans le cadre du téléchargement illégal, ou pour le moins, le moyen d'imposer un système de collaboration plus active de leur part. Dans la pratique, les FAI peuvent s'exonérer de toute responsabilité s'ils coopèrent en fournissant les identités des « uploaders » illicites. Une commission paritaire, réunissant des représentants des opérateurs de communications électroniques et des ayants droit, s'est mise en place en mai 2008 à l'initiative de la National Police Agency afin d'étudier les difficultés juridiques et techniques qu'un tel plan pourrait éventuellement soulever.

* 11 International Federation of Phonographic Industry (Fédération internationale de l'industrie phonographique).

* 12 Global recording Industry in Numbers, IFPI, 2006, The Recording Industry in 2007, IFPI, et The True Cost of Sound Recording Piracy in the American Economy, IPI, août 2007.

* 13 Décision de la Cour Suprême des États-Unis d'Amérique, 27 juin 2005, Metro-Goldwin-Mayer Studios Inc. et al. c. Grokster et al. : Grokster et les autres sociétés incriminées distribuent un logiciel gratuit qui permet aux utilisateurs d'échanger des fichiers électroniques sur les réseaux de pair-à-pair ; la question posée à la Cour était donc de savoir dans quelles circonstances le distributeur d'un produit susceptible d'utilisation tant légale qu'illégale est responsable des actes de violation commis par des tiers qui utilisent le produit. La Cour a considéré que « celui qui distribue un appareil avec l'intention de promouvoir une utilisation qui viole le droit d'auteur, tel que démontré par une expression claire ou par toute autre action volontaire entreprise pour encourager la violation, est responsable des actes de violation commis par des tiers, qui en découlent. »

* 14 Ainsi, le groupe Mediaset a récemment intenté une action contre le site You Tube, afin d'obtenir 500 millions d'euros de dommages et intérêts pour diffusion sans autorisation, au 10 juin 2008, de plus de 4 643 films protégés et appartenant au groupe.

* 15 Fédération Internationale de l'Industrie Phonographique.

* 16 Enquête sur l'usage du « Peer to Peer » (P2P) au Japon, réalisée par la Recording Industry Association of Japan (RIAJ) et l'Association of Copyright for Computer Software (ACCS), 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page