LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. A l'initiative de notre collègue André Ferrand, alors rapporteur spécial de la présente mission, votre commission des finances, en application de l'article 58-2 de la LOLF, a demandé à la Cour des comptes une enquête sur la gestion des centres de rétention administrative .

2. Votre rapporteur spécial, outre les travaux de contrôle qu'il pourra accomplir, souhaite que les opérateurs de la mission fassent l'objet d' audits réguliers .

3. La gestion des centres de rétention administrative par une entité unique constitue une nécessité , qu'il convient de ne pas différer. De même, la constitution d'un guichet unique pour l'ensemble des prestations offertes aux étrangers s'installant en France constitue une modernisation nécessaire.

4. Les deux derniers décrets d'application de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile doivent être publiés rapidement.

5. La suppression des crédits alloués à l'ANAEM, à hauteur de 1,5 million d'euros, pour l'aide à l'expatriation des travailleurs français , action qui ne rentre plus dans ses missions, permet de résorber une fraction de la sous-dotation constatée au titre de l'hébergement d'urgence et de l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile .

6. Le tarif de la taxe pesant sur les employeurs pour l'embauche d'un travailleur permanent étranger n'est pas adapté et pourrait avantageusement être remplacé par un tarif proportionnel, en fonction de la rémunération versée.

7. Les taxes sur l'immigration affectées à l'ANAEM doivent être indexées sur l'inflation afin que leur tarif ne soit pas progressivement frappé d'obsolescence.

8. La contribution spéciale sur les employeurs indélicats qui emploient illégalement des travailleurs étrangers doit être doublée , comme le proposait d'ailleurs le rapport de notre collègue André Ferrand sur l'immigration professionnelle.

EXAMEN DE L'ARTICLE 62 RATTACHÉ - DÉTERMINATION DES RESSOURCES PROPRES DU FUTUR OPÉRATEUR EN CHARGE DE LA POLITIQUE D'IMMIGRATION ET D'INTÉGRATION

I. LE DROIT EXISTANT

L'annexe « voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2008 recensait un montant estimé à 72 millions d'euros en 2008 au titre des taxes et redevances affectées à l'ANAEM. Ces taxes et redevances, recouvrées par voie de timbre, figurent dans le tableau ci-après :

Les taxes et redevances affectées à l'ANAEM (prévision 2008)

(en millions d'euros)

Redevance due par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère permanente et saisonnière

7

Taxe applicable lors du renouvellement des autorisations de travail aux travailleurs étrangers

22

Redevance perçue à l'occasion de l'introduction des familles étrangères en France

3

Contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière

3

Taxe perçue à l'occasion de la délivrance du premier titre de séjour

22

Taxe applicable aux demandes de validation d'accueil

15

Source : annexe voies et moyens au projet de loi de finances 2008

Selon les estimations de l'ANAEM, le rendement de ces redevances et taxes devrait plutôt être proche de 90 millions d'euros en 2008. Ces taxes et redevances sont acquittées auprès de l'ANAEM par l'achat d'un timbre spécifique.

Les tarifs de ces différentes taxes et redevances sont les suivants :

Délivrance du premier titre de séjour

Etrangers bénéficiaires d'une carte de séjour temporaire et/ou d'une carte de résident

275 euros (entre 200 et 340 euros)

Exonérations : salariés, regroupement familial, retraités, titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle avec plus de 20 % d'incapacité permanente, réfugiés, étrangers malades requérant des soins en France, ressortissants algériens, membres de l'Union européenne, ressortissants suisses, anciens combattants

Etudiants

55 euros (entre 55 et 70 euros)

Regroupement familial

Introduction simultanée de l'ensemble de la famille sur le territoire français

265 euros

Regroupement familial d'un demandeur réfugié

160 euros

Attestation d'accueil

Toutes attestations d'accueil

45 euros

Taxes employeurs pour l'introduction d'un travailler étranger/changement de statut

Travailleurs permanents

Salaire brut inférieur à 1.525 euros : 893 euros ;

Salaire brut supérieur à 1.525 euros : 1.161 euros.

Autorisations provisoires de travail

Droit commun : 168 euros ;

Stages : 58 euros.

Saisonniers

Agriculture

Contrat < 2 mois : 158 euros ;

Contrat > 2 mois - < 4 mois : 194 euros ;

Contrat > 4 mois - < 6 mois : 336 euros ;

Industrie et commerce : 400 euros

Contribution spéciale de l'employeur en cas d'embauche d'un travailleur étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France

Seuil de 500 fois le salaire horaire minimum garanti

Application par l'ANAEM :

Droit commun : 1.000 fois mais ;

En pratique, abaissement à 500 euros si la seule infraction est l'absence de titre de travail.

Récidive : 5.000 fois le salaire horaire minimum garanti

Renouvellement des autorisations de travail

Renouvellement de la carte de résident et du titre de séjour temporaire portant les mentions « salarié ou « vie privée et familiale »

70 euros

Exonérations : retraités, commerçants, réfugiés, professions artistiques et culturelles, ressortissants algériens, pays de la charte sociale européenne, Union européenne

Source : ANAEM

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article simplifie le régime des taxes affectées à l'ANAEM et supprime un certain nombre d'exonérations.

La taxe pour délivrance d'un premier titre de séjour (article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, CESEDA) concerne désormais également les entrées dans le cadre du regroupement familial , qui n'est plus soumise à une redevance spécifique. Le montant de cette taxe resterait fixé par décret entre 200 et 340 euros pour les titres suivants : carte de séjour temporaire, carte de résident, carte de séjour « compétences et talents ». Elle s'établirait entre 100 et 170 euros pour les étrangers entrés en France au titre du regroupement familial en tant qu'enfants mineurs.

Le montant de la taxe serait fixé entre 55 et 70 euros pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant », « stagiaire », « salarié », « salarié en mission » ou « vie privée et familiale », et ceux souffrant d'une incapacité permanente supérieure ou égale à 20 % assortie du versement d'une rente au titre d'un accident du travail et d'une maladie professionnelle 18 ( * ) .

Les exonérations suivantes seraient maintenues : carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée aux apatrides, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers dont l'état de santé le justifie, carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle aux travailleurs temporaires et saisonniers, carte de résident délivrée, sous condition de régularité du séjour, aux étrangers ayant combattu pour la France, aux réfugiés et aux apatrides résidant depuis plus de trois ans en France.

La délivrance d'un visa de long séjour valant titre de séjour donnerait lieu à perception de la taxe correspondant au titre de séjour concerné à laquelle s'ajouteraient les frais de visas.

La taxe pour renouvellement des titres de séjour et la fourniture de duplicata, prévue par le même article du CESEDA, serait fixée par décret entre 55 et 110 euros. Cette fourchette serait fixée entre 15 et 30 euros pour les étudiants. Les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne seraient pas soumis à cette taxe.

Pour les étrangers mineurs, la délivrance, le renouvellement et la fourniture de duplicata des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs donneraient lieu à la perception d'une taxe de 30 euros.

En ce qui concerne la taxation des embauches de travailleurs étrangers, il est rappelé (article L. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, CESEDA) que tout employeur qui embauche un travailleur étranger acquitte, lors de la première entrée en France de cet étranger ou lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié, une taxe dont le régime apparaît allégé :

- en cas d'embauche pour un emploi saisonnier , le montant de la taxe serait modulé en fonction de la durée de l'embauche, à raison de 50 euros par mois d'activité salariée ;

- en cas d'embauche pour un emploi temporaire compris entre trois et douze mois , le montant de la taxe serait fixé par décret entre 50 et 300 euros ;

- en cas d'embauche d'un travailleur permanent , le montant de la taxe dépendrait du niveau du salaire versé : 900 euros pour un salaire inférieur ou égal à 1,5 SMIC et 1.600 euros au-delà.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Il convient de saluer l'effort de simplification réalisé en ce qui concerne les taxes affectées à l'ANAEM, et l'allègement sensible de la fiscalité applicable à l'immigration professionnelle, tant saisonnière que permanente. Ainsi, le seuil de taxation des embauches de travailleurs étrangers permanents au tarif de 1.600 euros est relevé à une rémunération de 1,5 SMIC contre un salaire de 1.525 euros aujourd'hui.

Plusieurs interrogations demeurent néanmoins :

- on peut tout d'abord se demander si l'autorisation donnée par le législateur de fixer par décret un tarif dans une fourchette entre 200 et 340 euros, pour les taxes applicables à la délivrance d'un premier titre de séjour, ne le conduit pas à se dessaisir de ses prérogatives en matière de fiscalité, issues de l'article 34 de la Constitution, d'autant que le gouvernement n'informe pas le Parlement dans l'exposé des motifs du niveau où il entend fixer la taxe. Le tarif envisagé serait de 300 euros ;

- en matière de fiscalité des travailleurs, votre rapporteur spécial constate que les emplois saisonniers sont désormais soumis à une taxe proportionnelle. Une même taxation proportionnelle des emplois permanents pourrait éviter les effets de seuil qui paraissent significatifs dans le régime proposé, comme le souligne le graphique ci-dessous . Selon le rapport précité de notre collègue André Ferrand relatif à l'immigration professionnelle 19 ( * ) , « pour les administrations interrogées, le montant des redevances et taxes dues par les entreprises a un impact très variable sur leur décision de recourir à de la main d'oeuvre étrangère. Il paraît marginal dans le cas de l'embauche de travailleurs qualifiés, mais assez dissuasif dans le cas de l'embauche de travailleurs peu qualifiés, pour lesquels le total des taxes et redevances représente de l'ordre d'un mois de salaire. Certaines fédérations professionnelles ont souligné que le paiement des taxes dues à l'ANAEM représentait un vrai risque économique, puisqu'elles ne sont pas, par définition, remboursées si le salarié ne convient pas au terme de sa période d'essai. Selon les consulats français présents dans les nouveaux Etats membres soumis à dispositions transitoires, de nombreux employeurs préfèrent faire appel à la prestation de service internationale 20 ( * ) afin d'éluder les taxes et redevances correspondant aux introductions de travailleurs ». Votre rapporteur spécial vous propose donc un amendement visant à fixer la taxe sur les embauches de salariés permanents à 60 % de la rémunération versée .

Taux effectif de taxation en fonction de la rémunération

Source : commission des finances

- aucune actualisation n'est prévue en ce qui concerne la contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière , dont le seuil de taxation est égal à 500 fois le taux horaire du minimum garanti (3,31 euros) soit 1.655 euros. En cas de récidive, le montant de la contribution spéciale est porté à 5.000 fois le taux horaire du minimum garanti.

Cette contribution spéciale a pendant longtemps été mal recouvrée. La commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine avait ainsi souligné dans son rapport « le difficile recouvrement de la contribution spéciale due à l'ANAEM. Si cette amende peut, en théorie, avoir un effet dissuasif, sa mise en oeuvre s'est révélée peu effective depuis plusieurs années. Le taux de recouvrement de la contribution est particulièrement faible, puisqu'il n'excède pas 20 % ».

Le législateur a toutefois, en loi de finances pour 2007, donné à l'administration de nouveaux moyens juridiques (privilège sur les biens meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent, créance d'un rang équivalent à celui dont bénéficie le Trésor) pour assurer un recouvrement effectif de cette contribution. Le présent amendement vise ainsi tout d'abord à interroger le gouvernement sur l'efficacité actuelle du recouvrement de la taxe, au titre de laquelle l'ANAEM ne percevrait, sur l'exercice 2008, que 3 millions d'euros.

1993-2006 : contribution spéciale versée par les employeurs de main d'oeuvre en situation irrégulière et infractions signalées

(en nombre)

Source : rapport d'activité de l'ANAEM 2006

Mais, dès lors que les moyens juridiques existants permettent un bon recouvrement de la taxe, on doit se demander s'il ne convient pas de relever la contribution spéciale en proposant un amendement portant le taux de la contribution spéciale de 500 fois le taux horaire du minimum garanti à 1.000 fois . En effet, le montant versé par un employeur indélicat n'apparaît pas sensiblement différent de la taxe acquittée par un employeur qui respecte ses obligations légales lorsqu'il emploie un salarié étranger (900/1.600 euros selon le salaire versé). Il convient donc de mieux différencier la fiscalité applicable aux embauches légales de salariés étrangers des sanctions administratives qui s'appliquent aux employeurs indélicats.

- enfin, votre rapporteur spécial souligne que les droits de timbre ou assimilés présentent le défaut, en fiscalité, de n'être que rarement actualisés . Il s'ensuit des tarifs souvent datés, voire archaïques, sans rapport avec les politiques poursuivies par les organismes qui en bénéficient. Lorsqu'une revalorisation intervient en loi de finances, elle est souvent brutale, afin de compenser le retard pris dans l'actualisation du tarif. En conséquence, il vous propose un amendement prévoyant une indexation automatique des droits de timbre applicables aux personnes étrangers en fonction de l'inflation. Cette revalorisation serait périodique, appliquée tous les trois ans.

Votre commission des finances vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

* 18 Suppression de l'exonération, de même que pour les ressortissants algériens.

* 19 Rapport d'information n° 414 (2007-2008). « Immigration professionnelle : difficultés et enjeux d'une réforme ».

* 20 Procédure de détachement de travailleurs par une entreprise étrangère dans le cadre d'une prestation de services.

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