F. LE CO-DÉVELOPPEMENT

La dimension du co-développement, figure dans la nouvelle politique migratoire. Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de développer les ambigüités qui s'attachent à la relation migration-développement et de plaider pour une approche plus large que le seul soutien aux initiatives des migrants et au développement des régions d'origine et faisant une large place à la promotion de la création d'emplois.

Rebaptisée « développement solidaire », cette approche a été étendue et élargie et elle constitue la valeur ajoutée potentielle des accords soumis à l'examen du Sénat.

Le développement solidaire inclut  des projets sectoriels (dans des domaines comme la santé, la formation professionnelle ou le développement d'activités économiques, etc.) qui participent à une meilleure maîtrise des flux migratoires aux côtés de projets qui s'articulent autour de cinq axes du co-développement identifiés par le ministère de l'immigration:

- le développement local des régions de fortes migrations ;

- la promotion de l'investissement productif, y compris par la réinsertion des migrants et par la promotion des outils financiers mis à disposition des migrants par la législation française (le compte épargne co-développement et le livret d'épargne pour le co-développement) ;

- la mobilisation des compétences, en particulier en soutenant des missions d'experts issus des diasporas ;

- le soutien à des initiatives de la jeunesse ;

- la facilitation des transferts de fonds des migrants.

1. Les appuis aux initiatives des migrants

a) Sénégal

Avec le Mali, le Sénégal est l'un des premiers pays où ont été mis en oeuvre des projets de développement en appui aux initiatives des migrants et des communautés villageoises organisées dans les pays d'accueil et dans les pays d'origine.

Un projet financé par le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) de 2,5 millions d'euros signé le 3 février 2005 est en cours, qui comprend trois composantes :

- accompagnement des initiatives économiques des migrants, selon la conception initiale du co-développement ;

- mobilisation de la diaspora hautement qualifiée qui permet de financer des missions de courte ou moyenne durée au Sénégal ;

- développement local des régions d'origine qui apporte des cofinancements à des projets de développement local initiés par des migrants.

Le volet « co-développement » ou développement solidaire de l'accord avec le Sénégal comporte deux parties.

L'article 5 est relatif à la participation des migrants au développement de leur pays d'origine, selon une conception « classique » du co-développement.

Il identifie trois axes de mobilisation des compétences et des ressources des migrants :

- la facilitation de la circulation et de la mobilité pour des actions de formation ou des missions ponctuelles ;

- le soutien à leurs initiatives économiques et la mobilisation de leur épargne à des fins d'investissement ;

- l'appui au développement local des régions d'origine.

Le texte met tout particulièrement l'accent sur la réinsertion au Sénégal et sur les conditions d'exercice des médecins et professionnels de santé sénégalais travaillant en France et volontaires au retour. De fait, la France soutient depuis plusieurs années une coopération spécifique avec l'hôpital principal de Dakar qui pourrait également servir cet objectif.

L'Accord comporte un engagement de la France d'organiser l'accueil dans les établissements d'enseignement technique agricole relevant du ministère de l'agriculture de migrants sénégalais souhaitant acquérir des compétences en vue du développement d'un projet dans le secteur agricole.

L'Accord comporte le principe d'une information sur le compte épargne co-développement, instauré en 2006 mais non encore véritablement opérationnel : la dépense fiscale associée à ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2009 est nulle.

Enfin, un alinéa est consacré à la réinsertion dans le pays d'origine après une expérience d'expatriation.

b) Bénin

Les investissements des migrants concernent actuellement au premier chef l'immobilier mais la santé est le secteur le plus actif en matière de co-développement du fait d'une importante diaspora en France active dans le domaine de la santé et estimée à 364 personnes. Un projet financé par les crédits du Fonds de solidarité prioritaire est en cours pour un montant de 200 000 euros avec quatre composantes :

- Projets de développement local et micro-projets (dispensaires...) ;

- appui à la diaspora béninoise ;

- mobilisation de la diaspora hautement qualifiée ;

- soutien aux initiatives des jeunes de la diaspora ;

Mais différentes actions sont examinées dans d'autres secteurs comme la création d'une banque des Béninois de l'extérieur, la sécurisation des transferts financiers.

Il est prévu que les actions de co-développement favoriseront la réinsertion au Bénin des médecins et autres professionnels de santé, le travail alterné de ces professionnels entre le Bénin et la France, le retour des étudiants béninois boursiers ayant obtenu en France le diplôme de médecin ou de professionnels de santé, ainsi que la formation des professionnels de santé.

La France s'engage à apporter son soutien à la mise en place de l'Agence d'insertion socio-professionnelle des Béninois de l'extérieur.

c) Congo

L'Accord reprend les différentes modalités du co-développement sans les décliner de façon spécifique au Congo.

Les actions conduites devront être définies dans le cadre du comité de suivi.

d) Tunisie

L'article 2 du protocole relatif au développement solidaire traduit une conception extensive de cette notion : « Le développement d'une solidarité agissante intégrant à la fois les impératifs du développement durable, de l'emploi et de la sécurité pour tous, est de nature à contribuer à assurer une maîtrise efficace de la migration ».

Sont évoqués successivement les jeunes et les catégories vulnérables, la formation et la création d'activités productives et la coopération existante en matière d'emploi et de formation professionnelle et universitaire.

Une approche plus « classique » du co-développement dans le sens où elle suppose l'implication de migrants est également présente.

L'Accord établit un lien entre les dispositifs de réinsertion sociale des migrants et le bénéfice de la carte de séjour « compétences et talents » ou de l'accord d'échanges de jeunes professionnels. Il prévoit un dispositif spécifique de soutien à la création d'entreprises employant au moins cinq salariés.

2. Les actions de développement ayant potentiellement un impact sur la migration

Il est prévu par l'ensemble des accords que les projets de co-développement sont traités en priorité dans le cadre des appels à projet pour le soutien à la coopération décentralisée .

Dans le domaine financier, les accords évoquent le développement, réalisé depuis, d'un outil de comparaison en ligne du coût des transferts . Développé par l'Agence française de développement, ce site, http://www.envoidargent.org/ concerne pour le moment six pays (les Comores, le Mali,  le Maroc,  le Sénégal et la Tunisie). Il répertorie toute une série d'opérations bancaires permettant d'assurer ces transferts de fonds (carte à carte, carte à espèces, espèces à espèces, espèces à compte, compte à espèces, compte à compte). D'après M. Xavier Musca, directeur général du Trésor et des politiques économiques, entendu par votre Commission sur le projet de loi de finances pour 2009, cette concurrence accrue aurait déjà permis de faire baisser notablement le coût des transferts.

a) Sénégal

Outre le secteur de la santé, un accent est mis sur deux secteurs de coopération : l'agriculture et la pêche, ainsi que le domaine financier.

Le soutien au plan REVA, (retour vers l'agriculture), prévu par une loi d'orientation sénégalaise a pour objectif de promouvoir la création d'emplois, l'amélioration de la productivité, la protection des ressources naturelles et l'amélioration du cadre de vie des populations en milieu rural.

Il est décliné par l'accord dans une série d'actions que la France s'engage à soutenir, telles que la relance de l'agriculture irriguée dans la vallée du fleuve Sénégal qui est effectivement une région d'origine des migrations, la définition d'une politique de sécurisation foncière, enjeu tout à fait crucial ou encore le développement des filières agro-industrielles et des filières innovantes à haute valeur ajoutée.

Le secteur de la pêche dont les acteurs, sinistrés par la surpêche et la concurrence de la pêche industrielle, ont parfois reconverti leurs embarcations pour le passage de clandestins vers les îles Canaries fait aussi l'objet d'une attention particulière : la France s'engage à soutenir des initiatives « pour une gestion durable des ressources halieutiques », afin de préserver l'emploi dans le secteur de la pêche ».

Au travers de l'AFD, la France propose sa garantie aux banques sénégalaises pour leurs activités de refinancement des institutions de micro-finance et de financement des PME. Ainsi qu'il était apparu à votre rapporteur lors d'une mission au Mali, les banques se trouvent fréquemment en situation de surliquidité, mais sont peu disposées à financer des petits projets productifs où le taux de défaillance est souvent très important et les taux d'intérêts extrêmement élevés.

La « bancarisation » des transferts et le développement de produits bancaires adaptés à des besoins très spécifiques, tel que l'acheminement de faibles montants unitaires vers des régions peu accessibles, est un enjeu très important que l'Accord prend également en considération.

Le volume de crédits programmés pour des projets de développement solidaire dans le cadre du projet du Fonds de Solidarité prioritaire « initiatives de co-développement », qui sont en cours d'exécution, s'élève à 1 389 592 euros en engagement (avec paiement de 1 170 097,55 euros en 2008, et le reste en 2009).

b) Bénin

L'accord fait expressément référence au document-cadre de partenariat qui met tout particulièrement l'accent sur le secteur de la santé.

L'Accord identifie quatre actions prioritaires :

- la création d'un hôpital sous-régional « de type européen » en consortium avec d'autres partenaires pour offrir notamment un débouché aux médecins issus de la diaspora ;

- la création d'une banque régionale de matériels et d'équipements médico-techniques ;

- la création d'une école de formation régionale en maintenance des équipes médico-techniques ;

- le développement d'un réseau de mutuelle de santé pour faciliter l'accès aux services de santé aux professionnels de santé eux-mêmes.

En complément de ces quatre actions, deux priorités, le déficit de professionnels de santé et l'insuffisance productivité des structures de soins sont identifiées. Un des objectifs est de faire bénéficier d'une aide à l'installation ou à la réinstallation dans un délai de trois ans l'ensemble des jeunes diplômés généralistes (90 à 100), ainsi que la moitié des spécialistes (15 à 30) et le plus possible de praticiens de retour. Des stipulations de l'accord sont relatives à la formation et prévoient des formations alternées entre les deux pays avec l'objectif de parvenir à la co-diplomation.

La France s'engage à apporter son soutien à ces projets dans des conditions fixées par un avenant au document-cadre de partenariat.

Un programme spécifique santé, de 2,8 millions d'euros pour la période 2008-2010, a été signé dans le cadre de l'accord de gestion concertée des flux migratoires.

c) Congo

L'Accord reprend un des trois secteurs de concentration du document cadre de partenariat signé avec le Congo en mars 2007, la santé.

Il prévoit :

- un appui au renforcement des capacités du ministère de la santé pour la définition de sa politique et le suivi de sa mise en oeuvre ;

- des appuis spécifiques, notamment des bourses, à la faculté des sciences de la santé ;

- un projet de coopération de 8 millions d'euros sur 4 ans pour le développement d'une politique nationale de financement pérenne de la santé, la réhabilitation d'infrastructures de santé de base, la lutte contre les maladies transmissibles, l'amélioration de l'organisation et de la gestion hospitalière.

L'accord fait également référence à un projet financé par l'AFD de 6,6 millions d'euros pour la modernisation du dispositif de formation professionnelle et technique.

1,6 million d'euros ont été programmés en 2008 pour le Congo pour le financement d'actions de développement solidaire.

d) La Tunisie

L'Accord met un accent particulier sur la formation professionnelle « pour répondre aux besoins du marché du travail et à la réalisation des objectifs de croissance de la Tunisie ».

Il prévoit une enveloppe de 30 millions d'euros pour ce secteur sur les crédits du ministère de l'immigration sur la période 2008-2011.

La liste des projets identifiés dans le secteur de la formation figure en annexe I de l'Accord.

L'annexe II prévoit une enveloppe de 10 millions d'euros sur les crédits du ministère de l'immigration pour cinq catégories de projets :

- l'intégration sociale et la prévention de la délinquance ;

- la pêche côtière artisanale ;

- la mobilisation des compétences tunisiennes en France pour le développement économique, scientifique et technologique de la Tunisie ;

- la garantie bancaire destinée à accompagner le projet des jeunes entrepreneurs ;

- un projet d'appui au développement de la région de Medenine.

L'annexe III comporte une liste indicative de secteurs et de projets prioritaires, sans engagement de financement. Cette liste comporte des projets de micro-crédits et d'appui institutionnel et des projets dans le domaine de la santé publique.

Page mise à jour le

Partager cette page