E. ASSURER UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE AUX PERSONNELS

Le paradoxe de l'administration pénitentiaire est le suivant : alors qu'elle a profondément évolué au cours des huit dernières années, les constats dressés en 2000 par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale demeurent pour la plupart pertinents.

1. « La question cruciale des effectifs »

• Une progression constante

L'effectif des personnels pénitentiaires a augmenté de 20,4 % en sept ans, passant de 25.256 au 1 er janvier 2000 à 31.838 au 1 er janvier 2008.

Cette progression s'est toutefois avérée inégale selon les filières : alors que l'effectif des personnels techniques est resté stable, celui des personnels d'insertion et de probation a augmenté de 57 % et celui des personnels de surveillance de 16 %.

Evolution des effectifs réels de l'administration pénitentiaire
(élèves et stagiaires inclus) de 2000 à 2008

Au 1 er janvier

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Personnel de direction

311

361

370

373

399

421

413

426

406

Personnel administratif

2.174

2.204

2.217

2.352

2.454

2.603

2.616

2.948

Personnel de surveillance

20.041

20.516

20.225

20.902

22.492

22.615

22.448

23.300

23.616

Personnel technique

631

621

637

617

602

622

636

627

593

Personnel d'insertion

1.483

1.530

1.618

1.696

1.817

1.973

2.147

2.345

2.600

Personnel social

474

500

481

460

466

458

412

431

424

Contractuels
(dont professeurs)

137

129

155

183

189

210

782

693

1085

Infirmières

5

Personnel d'administration centrale

148

122

166

TOTAL

25 256

25 861

25 703

26 583

28 419

28 902

29 602

30 913

31 838

Source : ministère de la justice.

Une rupture de série peut être observée concernant les contractuels : le différentiel 2007/2008 s'explique par de forts recrutements en 2007 mais aussi par une meilleure comptabilisation (enquête auprès des DISP) et une comptabilisation des aumôniers en temps plein.

• Un renouvellement et une féminisation

Ces recrutements massifs, qui pèsent sur l'organisation des formations, entraînent un renouvellement et une féminisation des personnels.

Les effectifs globaux en formation initiale sont ainsi passés de 3.055 personnes en 1999 à 3.499 en 2007. Les effectifs de stagiaires au titre de la formation continue ont aussi augmenté de manière conséquente : de 550 en 1999, ils sont passés à 3.187 en 2007. L'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire 38 ( * ) , que votre rapporteur a visitée au mois de septembre 2008, reçoit aujourd'hui de 1.100 à 1.200 élèves, toutes catégories confondues, alors que sa capacité d'accueil théorique est limitée à 830 élèves. Si l'école a su y faire face, cette saturation de ses capacités interdit la mise en place de modules transversaux de formation initiale, par exemple entre les élèves surveillants et les élèves conseillers d'insertion et de probation.

Motivés mais inexpérimentés, les personnels issus des concours sont souvent affectés, à l'issue de leur formation initiale à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire, dans des maisons d'arrêt situées en région parisienne. Originaires de province pour un grand nombre, ils se trouvent alors confrontés à des conditions de travail, du fait de la surpopulation carcérale, et à des conditions vie, du fait du coût du logement, particulièrement difficiles et n'attendent qu'une chose : leur mutation. A titre d'exemple, la maison d'arrêt de Nanterre disposait, lors de la visite de votre rapporteur, d'un effectif constitué à 40 % de stagiaires et connaissait un taux de rotation de 20 % en moyenne annuelle. Cette instabilité des personnels, malgré leur motivation et leur ouverture au changement, pénalise la qualité de prise en charge des personnes détenues.

La féminisation des personnels -la part des femmes dans les personnels pénitentiaires est passée de 18,9 % en 2000 à 29,7 % en 2008- constitue une évolution notable et un apport positif dont il faut se féliciter. Comme le soulignait déjà la commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 2000 : « la présence de surveillantes a pour effet d'apaiser le climat de la détention ». Il a également été souvent indiqué à votre rapporteur, lors de ses visites d'établissements, que la féminisation des personnels impliquait de nouvelles contraintes que l'administration centrale devait prendre en compte dans la gestion des effectifs : certaines tâches, essentiellement les fouilles, ne peuvent être effectuées que par des agents du même sexe que les détenus ; en outre, le taux moyen d'absence, majoré en raison des congés de maternité, doit être pris en compte dans les organigrammes des établissements.

• Une « éternelle pénurie »

La progression sensible des effectifs de l'administration pénitentiaire a été « absorbée » pour l'essentiel par l'ouverture de nouveaux établissements, alors que, dans le même temps, la population carcérale a elle aussi fortement augmenté.

Selon le projet annuel de performance de l'administration pénitentiaire annexé au projet de loi de finances pour 2009 : « Le taux d'encadrement des détenus au 1 er octobre 2006 (nombre de détenus par surveillant) est de 2,6 en France, contre 1 en Italie, 2,9 en Allemagne, 1,6 au Royaume Uni et 2,2 aux Pays-Bas ». Les mêmes comparaisons étaient établies devant les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale en 2000. Elles appellent les mêmes observations.

Seul importe en effet le décompte des surveillants à un instant donné, compte tenu des roulements d'équipes, car il permet « d'appréhender la faiblesse des effectifs et la vulnérabilité du surveillant isolé sur un étage de détention ».

Or dans de nombreux établissements, essentiellement des maisons d'arrêt, il n'est pas rare qu'un surveillant ait la responsabilité de toute une coursive. A titre d'exemple, dans la maison d'arrêt de Seysses, un agent assure seul la surveillance d'un étage en détention, alors même que le nombre de détenus par étage est passé de 50 en 2004 à 85 aujourd'hui. Le service de nuit s'avère encore plus difficile car les surveillants ne disposent pas des clefs et doivent appeler un gradé de permanence pour faire ouvrir une cellule.

Taux d'absentéisme des personnels de l'administration pénitentiaire
(titulaires et stagiaires) de 2002 à 2008

Surveillant(e)

1 er surveillant

Officier

Global P.S

2002

23,37%

24,21%

23,32%

23,45%

2003

22,87%

23,44%

24,38%

22,97%

2004

22,33%

22,90%

23,06%

22,40%

2005

21,71%

21,51%

21,36%

21,68%

2006

21,83%

22,40%

21,40%

21,87%

2007

22,04%

22,58%

20,89%

22,05%

2008

22,75% *

Source ministère de la justice

* (en cours sur les dix premiers mois 2008)

Les conséquences néfastes de cette « éternelle pénurie », pour reprendre l'expression employée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, sont connues. Les personnels de surveillance ne peuvent ni avoir une écoute suffisante et une observation attentive des détenus, ni intégrer des formations continues. L'état des bâtiments se dégrade, faute de personnels techniques en nombre suffisant pour les entretenir, et il n'est pas rare que les menues réparations soient confiées à des détenus : ainsi, lors de sa visite de la maison d'arrêt de Rouen, votre rapporteur a constaté que les cellules étaient repeintes par des détenus. Enfin, malgré l'augmentation considérable des effectifs des services d'insertion et de probation au cours des dernières années, leur nombre reste insuffisant pour assurer un suivi régulier des personnes condamnées : à la maison d'arrêt de Fresnes, ils sont ainsi 30 conseillers d'insertion et de probation pour 2.400 détenus. L'étude d'impact annexée au projet de loi rappelle qu'actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (dont 2.500 sont en charge du suivi de dossiers), soit environ 80 dossiers par travailleur social.

* 38 L'ENAP présente pour spécificité de former toutes les filières de l'administration pénitentiaire, des surveillants aux personnels de direction, en passant par les conseillers d'insertion et de probation. De même, elle assure la formation initiale et continue.

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