CHAPITRE II - FORCE PROBANTE DES CONSTATS D'HUISSIER

Article 2 (art. 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers) - Force probante des constats d'huissiers

Cet article a pour objet de renforcer la valeur probante des constats établis par les huissiers de justice, commis par justice ou à la requête de particuliers.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article premier de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, ces derniers peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, qui sont exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit pouvant en résulter et ont la valeur de simples renseignements .

Comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi, « le statut d'officier ministériel dont jouissent les huissiers de justice et le souci de renforcer la sécurité juridique justifient que les constatations matérielles faites par ces auxiliaires de justice, portant sur des éléments objectifs, puissent, sous certaines conditions, se voir conférer une force probante renforcée . »

L'huissier de justice

L'huissier de justice est un officier ministériel et public.

Il est officier ministériel car, titulaire d'un office, il dispose du droit de présenter son successeur à l'agrément du garde des sceaux, qui procède à sa nomination. A ce titre, il est soumis à un régime légal et réglementaire qui définit ses conditions d'aptitude, ses attributions et sa compétence territoriale, les modalités d'exercice de ses fonctions et son régime disciplinaire. Il a également la qualité d'officier en raison des prérogatives de puissance publique dont il est délégataire.

Il détient un monopole pour la signification des actes de procédure, l'exécution des décisions de justice et le service intérieur des cours et tribunaux. Il peut également exercer les activités suivantes : recouvrement des créances, prisée et vente aux enchères publiques, constats, consultation juridique, rédaction d'actes sous seing privé.

Deux voies sont ouvertes pour devenir huissier de justice.

Selon la voie universitaire, la formation est ouverte aux titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études en droit après le baccalauréat ou d'un diplôme reconnu équivalent. Essentiellement pratique, elle comprend un stage professionnel rémunéré de deux ans dans une étude d'huissier, doublé d'un enseignement assuré dans chaque région par la chambre des huissiers. Il est fortement recommandé par ailleurs d'obtenir le diplôme de l'Ecole Nationale de Procédure dont les cours peuvent être suivis parallèlement au stage. À l'issue du stage, le candidat passe l'examen professionnel.

Selon la voie professionnelle, le candidat doit cumuler une capacité en droit ou un DUT des carrières juridiques et judiciaires ou un diplôme de droit validant deux années après le baccalauréat, et dix ans d'activité professionnelle au sein d'un office, dont cinq ans en tant que clerc principal.

Les activités résultant du monopole sont soumises à un tarif fixé par décret. En revanche, dans le cadre concurrentiel, la rémunération devient libre et contractuelle, sauf exception tarifaire.

Au 1 er janvier 2008, 3.273 huissiers de justice exerçaient leur profession au sein de 2009 études.

Afin de traduire juridiquement la valeur des procès-verbaux de constat, il est proposé de réécrire les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en prévoyant :

- d'une part, que les constats dressés par les huissiers de justice, s'ils sont réguliers en la forme, valent jusqu'à preuve contraire , sauf en matière pénale où ils n'ont la valeur que de simples renseignements ;

- d'autre part, qu' il n'est reçu aucune preuve par témoins contre le contenu de ces actes lorsqu'ils ont été dressés contradictoirement entre les parties .

La première de ces modifications reçoit l'assentiment de votre commission .

Comme le rappelait le doyen Carbonnier à propos de l'adage « idem est non esse aut non probari » : « les droits sont comme s'ils n'existaient pas s'ils ne peuvent être prouvés 13 ( * ) ». Il semble légitime qu'en matière civile, les constats dressés par un officier ministériel, soumis à des obligations déontologiques et à un contrôle stricts, aient pour effet de renverser la charge de la preuve du fait de cette nouvelle présomption simple établie par la loi. Actuellement, lorsqu'un juge doit trancher entre des prétentions contradictoires, les unes appuyées par un constat d'huissier, les autres fondées sur le témoignage d'un particulier, il ne peut accorder davantage de crédit aux constatations matérielles réalisées par l'huissier de justice et doit motiver avec soin sa décision par une analyse comparative des éléments qui lui sont présentés.

L'exclusion de la matière pénale paraît elle aussi justifiée : l'article 430 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire ou des fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ; la valeur des constatations établies par les huissiers de justice ne saurait être supérieure.

En revanche, votre commission ne souscrit pas à la seconde de ces modifications dont un grand nombre de personnes entendues par votre rapporteur, parmi lesquelles les représentants du Syndicat de la magistrature, ont souligné les dangers.

Impressionnée, la personne qui voit survenir un huissier pour effectuer un constat n'est en effet bien souvent pas en possession de tous ses moyens pour contester les constatations ainsi faites, d'autant qu'elle n'est généralement pas non plus assistée d'un conseil. Dès lors, il paraît excessif d'interdire à celui ou à celle dont la fragilité ou l'émotivité l'a empêché, sur le moment, de formuler des réserves à l'égard des constations dressées par un huissier de justice , commis par justice ou à la requête d'un particulier, de rapporter par la suite la preuve contraire par témoin .

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission vous propose, dans ses conclusions, de prévoir exclusivement que, sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, les constatations purement matérielles effectuées par les huissiers de justice, commis par justice ou à la requête de particuliers, font foi jusqu'à preuve contraire.

Cette solution ne remet pas en cause le principe, énoncé à l'article 246 du code de procédure civile, selon lequel le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions d'un technicien dans la mesure où, en cas de contestation de l'exactitude des constatations établies par l'huissier de justice, la preuve contraire pourra être rapportée et le juge pourra le cas échéant, conformément à l'article 179 du code de procédure civile, procéder lui-même aux constatations qu'il estime nécessaires, en se transportant si besoin est sur les lieux.

Votre commission a adopté l'article 2 de la proposition de loi ainsi modifié , qui devient l'article 2 du texte de ses conclusions .

* 13 Droit civil - Introduction - Thémis - 25 e édition refondue - pages 308 et 309.

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