N° 542

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement des comptes et rapport de gestion pour l' année 2008 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

Tome I : Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1695 , 1175 , et T.A. 306

Sénat :

502 (2008-2009)

INTRODUCTION

L'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion constitue une phase charnière du cycle budgétaire . C'est à la fois un « moment de vérité » permettant de confronter les prévisions aux dépenses effectives, les promesses aux réalisations, et un « moment de cohérence », où l'on est en mesure de tirer les conséquences de l'exécution du dernier budget N-1 en vue de l'élaboration de celui de l'année N+1.

Le débat d'orientation budgétaire pour 2010 en cours devant le Parlement peut ainsi s'appuyer sur l'état des lieux auquel procède votre commission des finances sur la base des chiffres de l'exécution 2008.

Cette année 2008 apparaît significative à un double titre : elle est à la fois le produit de tendances antérieures et la première à subir, de façon déjà marquée, l'impact de la crise sans précédent que traverse l'économie mondiale depuis le second semestre de 2008.

- Un déficit budgétaire difficilement soutenable indépendamment de la crise, malgré la maîtrise des dépenses

Le déficit budgétaire s'établit à 56,3 milliards d'euros en nette augmentation tant par rapport aux 41,7 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale que par rapport aux 38,4 milliards d'euros de déficit effectivement constaté en 2007.

La dégradation tient, d'abord, au recul brutal de l'activité et à ses conséquences en matière de recettes mais elle résulte, aussi, pour une large part, de la gestion budgétaire passée. Il ne faudrait pas que la crise ait en quelque sorte « bon dos » et vienne masquer le fait que le déficit budgétaire structurel se situe aux alentours de 40 milliards d'euros, ce qui n'est pas soutenable à long terme.

Certes, il n'y a pas que des points négatifs dans le constat établi par votre commission des finances. En particulier, il convient, en tout premier lieu, de se féliciter - indépendamment des questions de méthode sur lesquelles votre rapporteur général reviendra - de la maîtrise des dépenses , dont la progression reste limitée à la hausse des prix . Sans doute, le surcroît d'inflation a-t-il pour conséquence une hausse en valeur supérieure à celle prévue en loi de finances initiale mais la performance reste appréciable eu égard au gonflement de la charge de la dette.

- Les dangers d'une fuite en avant en matière de baisses d'impôt non compensées

En revanche, du côté des recettes, le présent projet de loi de règlement des comptes vient conforter des évolutions, il est vrai inquiétantes, déjà amorcées depuis quelques années.

La diminution des recettes nettes de près de 12 milliards par rapport à la loi de finances initiale alimente de légitimes inquiétudes sur la soutenabilité de la trajectoire budgétaire à l'horizon d'une loi de programmation des finances publiques, dont il était clair, dès l'origine, qu'elle sous-estimait l'impact de la crise.

Au-delà des effets de la détérioration de la conjoncture et même de l'impact des premières mesures de relance, il faut voir dans le décalage croissant entre recettes brutes et recettes nettes, la conséquence d'une propension à multiplier les allègements fiscaux .

Quelles que soient les raisons invoquées et notamment l'importance des prélèvements obligatoires ou la nécessité de récompenser le risque et l'initiative, on ne peut que s'inquiéter de voir se multiplier des allègements fiscaux non compensés et donc en définitive financés par un endettement accru.

- Une nouvelle politique de la dette plus opportuniste

L'année 2008 est aussi l'amorce, sous la pression des événements, d'une nouvelle politique de la dette, comme l'a fait remarquer la Cour des comptes dans son rapport Résultats et gestion budgétaire de l'Etat- exercice 2008 1 ( * ) .

D'abord, afin de collecter les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre les mesures de refinancement de l'économie décidées dans le cadre des loi de finances rectificatives d'octobre 2008 et de février 2009, l'Etat a décidé de préfinancer, dès la fin de l'exercice 2009, une partie des mesures des plans de soutien, à hauteur de 10 milliards d'euros.

D'une façon générale, les conditions de marché ont conduit à une très forte augmentation de la dette à moins d'un an . C'est ainsi que l'encours des bons du trésor à taux fixe constitue désormais 13,6 % de l'encours de la dette négociable de l'Etat. Le même exercice a vu le développement des émissions d'obligations indexées qui, avec 15,5 milliards d'euros en 2008, ont représenté 12 % du total des emprunts. Corrélativement, le supplément d'inflation observé entre 2007 et 2008 a conduit à provisionner 4,6 milliards d'euros au lieu des 2,2 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Au total la charge de la dette atteint 44,4 milliards d'euros en 2008 soit 5 milliards d'euros de plus qu'en exécution 2007.

Sans doute le ralentissement de la hausse des prix va-t-il induire en 2009 et en 2010 un reflux ou du moins une stabilisation de la charge de la dette. Mais, dans l'ensemble, l'année 2008 se présente comme la préfiguration du contexte dans lequel se trouveront nos finances publiques en 2009 et sans doute en 2010 : augmentation des dépenses de transfert aux ménages, recul des recettes fiscales, pression latente de la dette qui peut à tout moment connaître une crue en cas d'augmentation des taux d'intérêt.

- Les questions de méthode

Le projet de loi de règlement est aussi l'occasion de réfléchir à des questions de méthode. Les controverses avec la Cour des comptes mettent à juste titre l'accent sur certaines ambiguïtés des indicateurs utilisés de façon insuffisamment cohérente pour guider le jugement sur les comptes publics. On peut en prendre deux exemples.

En premier lieu, il est clair que la définition de la norme de dépense sur laquelle s'appuie le Gouvernement, fait toujours débat. Les chiffres fournis à l'occasion des comptes 2008 soulignent des difficultés de périmètre comme de base de référence. Ces questions sont examinées en détail dans le corps du présent rapport mais, sur la forme, il conviendrait sans doute que le Gouvernement cherche ex ante à se mettre d'accord avec les commissions des finances des deux assemblées sur la méthode adéquate.

En second lieu, ainsi que le mentionne la Cour des comptes dans son rapport précité qui souligne « la portée réduite du plafond de variation annuel de la dette », il conviendrait de trouver un dispositif de nature à donner au Parlement une meilleure visibilité sur l'endettement de l'Etat.

Comme votre rapporteur général l'a déploré à maintes reprises, faire voter le Parlement sur la variation du seul plafond de la dette d'une maturité supérieure à un an prive son vote de toute portée, dès lors que l'essentiel du refinancement peut aujourd'hui s'effectuer hors plafond par des emprunts à court terme. Sans doute serait-il plus clair de supprimer purement et simplement cette obligation mais cela pourrait être interprété, dans le contexte actuel, comme un signal de « douce insouciance » tout à fait malvenu.

Telle est la raison pour laquelle, dans la perspective du débat d'orientation sur les finances publiques de 2010, il est proposé d'utiliser le support que constitue le présent projet de loi de finances, pour prévoir, à titre expérimental, la fixation d'un plafond spécifique pour la variation de la dette à court terme . Celle-ci serait entendue comme celle résultant des emprunts d'une durée comprise entre trois mois et un an inclus. En revanche les emprunts à très court terme, inférieurs à trois mois, ne seraient pas affectés, car il faut laisser une marge de manoeuvre totale au pouvoir exécutif pour faire face aux échéances immédiates. Il s'agit d'un dispositif temporaire, qui, une fois ajusté pour tenir compte de l'expérience, pourra être, le cas échéant, introduit dans la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001.

*

* *

Enfin comme les années précédentes le rapport de votre commission des finances ne se contente pas de retracer les grandes lignes de l'exécution budgétaire mais comporte dans un deuxième temps une analyse des rapports de performance relatifs pour chaque mission.

La loi de règlement reste en effet l'heure de vérité où on peut apprécier de façon synthétique l'adéquation des dotations budgétaires aux objectifs ainsi que d'une façon générale le niveau de performance des administrations de l'Etat dont dépend à terme notre capacité à maîtriser nos dépenses.

I. DU BUDGET INITIAL À LA LOI DE RÈGLEMENT DES COMPTES

L'exercice 2008 s'est soldé par un déficit budgétaire de 56,3 milliards d'euros, supérieur de près de la moitié à celui constaté pour 2007, qui s'établissent à 38,4 milliards d'euros.

Cette détérioration est la conséquence des effets conjugués d'une baisse sensible des ressources nettes de l'Etat de - 4,6 % par suite du freinage de l'activité économique et d'une nette poussée des dépenses qui, entendues nettes de remboursements et dégrèvements, se sont accrues de + 2,8 %.

A. DES RECETTES EN NET RECUL SOUS L'EFFET DE LA CRISE

1. Le freinage brutal de la croissance

Sur le plan macroéconomique, l'année 2008 a été caractérisée au printemps par un ralentissement progressif de l'activité puis, après la crise financière du mois d'octobre, qui a conduit au vote d'une loi de finances rectificative dite pour le financement de l'économie, à une chute brutale de l'activité. Au total, selon l'Insee, la croissance du PIB a été en 2008 de 0,4 % .

La prévision de croissance a été constamment revue à la baisse depuis son estimation initiale, comme le montre le graphique ci-après.

Cette révision à la baisse provient largement de la faillite de Lehman Brothers, par nature imprévisible, le 16 septembre 2008.

La révision à la baisse en juin 2009 vient de la prise en compte des chiffres de l'Insee de mai 2009. En particulier, la croissance au dernier trimestre 2008 a été plus négative que prévu (- 1,5 % au lieu de - 1,2 %).

La croissance du PIB en 2008 : l'évolution des prévisions

(en %)

(1) Y compris les déclarations publiques de membres du gouvernement.

Sources : Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi ; Consensus Forecasts ; Insee

2. Une diminution des recettes de 12 milliards d'euros

Les recettes nettes du budget général se sont établies à 221,25 milliards d'euros, soit 12 milliards d'euros de moins que prévu.

Cet écart provient pour les trois quarts des remboursements et dégrèvements, comme le montre le tableau ci-après.

Les recettes du budget général en 2008 : prévision et exécution

(en millions d'euros)

Prévision

Exécution

Ecart

Recettes fiscales brutes

354 839

352 135

-2 704

À déduire : Remboursements et dégrèvements d'impôts

83 217

92 174

8 957

Recettes fiscales nettes (a)

271 622

259 961

-11 661

Recettes non fiscales (b)

28 051

27 958

-93

Montant net des recettes, hors fonds de concours (c) = (a)+ (b)

299 673

287 919

-11 754

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et des Communautés européennes (d)

69 610

69 876

266

Total net des recettes, hors prélèvements sur recettes (e) = (c) - (d)

230 063

218 043

-12 020

Fonds de concours (f)

3 438

3 202

-236

Montant net des recettes, y compris fonds de concours (g) = (e) + (f)

233 501

221 245

-12 256

Sources : loi de finances initiale pour 2008, présent projet de loi de finances rectificative

L'écart par rapport à la loi de finances initiale correspond en quasi-totalité à la TVA nette et à l'impôt sur les sociétés net, dans chaque cas de l'ordre de 5 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Les recettes fiscales nettes en 2008

(en milliards d'euros)

Prévision

Exécution

Ecart /LFI (1)

Variation /2008

LFI 2008

LFR 2008

2007

2008

Périmètre courant

Périmètre constant

Recettes fiscales (a)

271,62

264,59

266,71

259,96

-11,66

-2,5%

-0,2%

Impôt sur le revenu net (b)

53,75

51,53

50,03

51,74

-2,01

3,4%

3,4%

Impôt sur les sociétés net (c)

53,82

51,42

50,84

49,18

-4,64

-3,3%

-3,3%

Taxe sur les produits pétroliers

16,51

16,09

17,29

16,1

-0,41

-6,9%

-0,8%

Taxe sur la valeur ajoutée nette

134,98

133,1

131,51

129,85

-5,13

-1,3%

0,9%

Autres recettes fiscales nettes (d)

12,55

12,45

17,04

13,09

0,54

-23,1%

-9,7%

(1) Calculé par votre commission des finances.

Source : Cour des comptes, sauf (1)

Une comparaison du profil d'entrée des recettes nettes d'impôt sur les sociétés en 2008 et les années précédentes montre que cette année s'est caractérisée par un quatrième acompte quasiment identique au troisième, comme le montre le graphique ci-après.

Le profil des recettes nettes d'impôt sur les sociétés en 2008 : comparaison avec les années précédentes

(en milliards d'euros)

NB : la décomposition a été effectuée de manière conventionnelle, en fonction des recettes perçues les 31 mars, 31 mai, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre.

Source : d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

Cela vient du fait que les grandes entreprises, dont le quatrième acompte est assis sur leurs bénéfices de l'année en cours, n'ont plus vu leurs revenus augmenter comme les années précédentes, du fait de la crise économique. Cette moins-value de recettes est donc imputable à cette dernière.

De même, dans le cas de la TVA, les recettes nettes ont été nettement inférieures au profil moyen au dernier trimestre. Ainsi, alors qu'en moyenne les recettes nettes du dernier trimestre sont de 1,9 point de PIB, elles n'ont été que de 1,7 point de PIB, ce qui représente un écart de l'ordre de 4 milliards d'euros.

Le profil des recettes nettes de TVA en 2008 : comparaison avec les années précédentes

(en points de PIB)

Source : d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

* 1 http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RRGB/RRGB.pdf La Documentation française. Mai 2009.

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