Article 42 (Articles L. 611-6, L. 640-2 et L. 641-19-1 [nouveau] du code rural) - Instauration d'une certification à haute valeur environnementale pour les exploitations agricoles

Commentaire : cet article tend à créer un système de certification des exploitations agricoles prenant en compte et valorisant leurs démarches en faveur d'une agriculture durable.

I. Le droit en vigueur

De nombreuses exploitations agricoles se sont déjà engagées , à l'initiative d'opérateurs publics ou privés, dans des démarches qualité intégrant des exigences environnementales plus ou moins contraignantes et faisant l'objet de reconnaissances officielles. Sur la base d'un référentiel ou d'un cahier des charges, les exploitants prennent des engagements sur leur organisation ou leurs pratiques culturales, et se soumettent à un dispositif de contrôle permettant d'en vérifier le respect.

Si les démarches sont extrêmement diverses, elles peuvent être néanmoins classées en deux grandes catégories :

- les « bonnes pratiques agricoles ». Elles peuvent être de deux types :

des démarches sectorielles : le référentiel s'applique à une filière bien identifiée. On peut citer à titre d'exemples la charte des bonnes pratiques d'élevage, les chartes de production Arvalis (blé tendre, blé dur, maïs ...), la norme NF V25-111 pour la pomme de terre destinée au marché du frais, la charte production fruitière intégrée (pomme et poire) ou les chartes nationales de qualité tomate et concombre de France ;

des démarches horizontales : le référentiel s'applique à l'ensemble des activités de l'exploitation, dans une démarche globale. Entre dans cette catégorie, notamment, l'agriculture raisonnée ;

- le « système de management environnemental ». Il s'agit de l'ensemble de l'organisation, des processus, des procédures et des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre le management de la qualité et de l'environnement dans une exploitation agricole. La norme ISO 14001 définit le référentiel se rapportant à ce type de management. Elle spécifie les exigences permettant à un organisme de mettre en oeuvre une telle politique et les informations relatives aux aspects environnementaux significatifs. D'autres types de démarches, fondés sur les principes de l'ISO 14001, ont été instaurées, telles que la norme NF V01-007 (Agri-confiance).

Le « Grenelle de l'environnement » a proposé d'aller plus loin, en proposant un dispositif de certification environnementale regroupant et synthétisant l'ensemble de ces dispositifs . Dans ses conclusions, la certification est présentée comme « une voie privilégiée pour développer production et consommation durables » en ce qu'elle « permet une reconnaissance des bonnes pratiques environnementales et sanitaires des agriculteurs dans la gestion quotidienne de leurs exploitations ». Ainsi, les engagements n°s 122 et 123 du Grenelle en prévoient-ils le principe, ainsi qu'un calendrier ambitieux de mise en oeuvre avec 50 % des exploitations certifiées en 2012.

Le comité opérationnel 15-2 sur la certification a identifié cinq domaines d'action : la stratégie phytosanitaire, la préservation de la biodiversité, la gestion des engrais, la gestion quantitative de l'eau et la consommation énergétique de l'exploitation. Puis les engagements du Grenelle relatifs à la certification ont été repris dans le projet de loi de programme de mise en oeuvre du Grenelle, au sixième alinéa de l'article 28.

II. Le dispositif du projet de loi

Le présent article du projet de loi propose de donner une assise législative à la reconnaissance et à la valorisation de la certification environnementale des exploitations agricoles.

Dans son I , il modifie pour ce faire l'article L. 611-6 du code rural, qui est actuellement consacré à l'agriculture raisonnée.

Dans sa nouvelle rédaction, il est prévu la possibilité de principe, pour les exploitations agricoles aux pratiques écoresponsables, d'être certifiées en tant que telles . Le texte, formulé de façon très générale et imprécise, renvoie à un décret pour l'ensemble de ses modalités d'application. Il ne préjuge ainsi ni de l'unicité de la certification -ce qui permet la coexistence avec l'agriculture raisonnée, de manière transitoire ou permanente-, ni de sa dénomination, tout en prévoyant le principe d'un degré de haute valeur environnementale (HVE).

Selon les informations fournies par le ministère en charge de l'agriculture, la certification serait de trois niveaux :

- premier niveau : il correspond au respect des exigences environnementales de la conditionnalité . Ce dispositif prévoit que le versement de certaines aides communautaires à l'exploitant est soumis au respect d'exigences en matière d'environnement, de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) de santé publique, de santé des animaux et des végétaux et de protection animale. À cette exigence initiale s'ajoute la nécessité pour l'exploitant de réaliser un auto diagnostic, pouvant également être un diagnostic accompagné par une structure extérieure ;

- deuxième niveau : il s'appuie sur des obligations de moyens correspondant à des exigences figurant dans un référentiel (cahier des charges) et s'articule avec les démarches existantes , qu'elles soient sectorielles (charte des bonnes pratiques ...), horizontales (agriculture raisonnée ...), territoriales ou liées à la certification de produits. Les démarches existantes pourront être validées à ce niveau si elles comportent des exigences permettant de respecter le référentiel et si leur dispositif de certification en respecte les principes. Une exploitation pourra également être certifiée de niveau 2 sans être engagée dans une autre démarche ;

- troisième niveau : il s'appuie sur des niveaux d'indicateurs à atteindre permettant de mesurer les performances environnementales des exploitations pour les thématiques retenues.

Par ailleurs, et toujours selon les prévisions du ministère, le dispositif devra satisfaire à certaines conditions garantissant son succès. Il sera applicable à tous les types d'exploitations (spécialisées comme en polyculture). Il concernera l'ensemble de l'exploitation. Il portera uniquement sur les aspects environnementaux, et non sur le développement durable, qui intègre les exigences sociales. Il devra être simple, lisible, gradué et facilement accessible. Enfin, il est prévu que les frais de la procédure de certification et le manque à gagner dû aux pratiques elles-mêmes, en particulier lorsqu'elles sont de HVE, fassent l'objet d'une compensation partielle.

Le nouveau dispositif créé par cet article sera donc inscrit dans le code rural, à l'instar de celui de l'agriculture raisonnée, mais ne s'y substituera pas, du moins dans un premier temps. Les démarches existantes de ce type seront progressivement positionnées par rapport au nouveau référentiel, avant éventuellement de disparaître.

Une expérimentation de certification a été lancée par le ministère de l'agriculture et de la pêche à l'automne 2008 sur 100 exploitations agricoles dans cinq départements français 53 ( * ) . Mise en oeuvre par les chambres d'agriculture et les coopératives agricoles jusqu'en avril 2009, elle devait permettre de définir précisément la HVE et d'analyser la compatibilité avec les démarches déjà existantes.

Le II de cet article complète le 2° de l'article L. 640-2 du code rural, qui établit la liste des modes de valorisation des produits agricoles officiellement, reconnus par un alinéa intégrant la mention valorisante « issu d'une exploitation de haute valeur environnementale » .

En effet, la reconnaissance et la valorisation de ce dispositif par les acheteurs de produits agricoles, et notamment par les consommateurs finaux, nécessitent l'établissement d'un lien entre cette certification d'exploitation et une mention figurant sur les produits. Parmi les trois modes de valorisation actuellement reconnus -les signes d'identification de la qualité et de l'origine, les mentions valorisantes et la démarche de certification des produits-, c'est aux seconds qu'il est proposé de rattacher la certification HVE.

Le III , qui crée dans le code rural un article L. 641-19-1, prévoit les conditions générales de délivrance de cette mention HVE . Elle concernera tous les produits agricoles, qu'ils soient bruts ou qu'ils aient fait l'objet d'une transformation. Ils devront être issus d'une exploitation certifiée HVE.

III. La position de votre commission

Votre commission souscrit pleinement au dispositif de certification environnementale prévu par cet article, qui a fait l'objet d'un certain consensus chez nombre d'acteurs du « Grenelle de l'environnement ». Une telle certification, qui reposera sur une base volontaire et graduée jusqu'à un niveau de haute valeur environnementale, paraît en effet constituer une voie privilégiée pour entraîner l'ensemble des exploitations dans une démarche de progrès vers une meilleure prise en compte de l'environnement. La possibilité ouverte aux exploitants certifiés de valoriser leurs productions en y apposant une mention distinctive constitue, à cet égard, un volet incitatif essentiel pour la mesure.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

* 53 L'Ille-et-Vilaine, l'Oise, la Meuse, le Rhône et le Tarn.

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