N° 618

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 septembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ,

Par M. Jean-Claude CARLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Procaccia, présidente ; MM. Jacques Legendre, Claude Jeannerot, Daniel Dubois, Mme Annie David, M. Jean-Pierre Plancade, vice-président s ; M. Alain Gournac, Mmes Maryvonne Blondin, Gisèle Printz, Sylvie Desmarescaux, secrétaires ; M. Jean-Claude Carle, rapporteur ; MM. Gilbert Barbier, Yannick Bodin, Mme Bernadette Bourzai, MM.  Gérard César, Serge Dassault, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean Desessard, Jean-Léonce Dupont, Jean-Luc Fichet, Mmes  Gisèle Gautier, Colette Giudicelli, M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-François Humbert, Mmes Raymonde Le Texier, Colette Mélot, Isabelle Pasquet, M. François Patriat, Mme Patricia Schillinger, MM. André Trillard, Jean-Marie Vanlerenberghe, René Vestri et Jean-Paul Virapoullé.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1628 , 1700 , 1793 , et T.A. 324

Sénat :

578 et 619 (2008-2009)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En mars dernier, le Président de la République, à l'occasion d'un déplacement thématique sur la formation professionnelle, s'exprimait en ces termes :

« La formation professionnelle, c'est la liberté pour une femme ou pour un homme, quel que soit son statut social, quel que soit son âge, quel que soit le métier qui était le sien ou celui qu'il veut épouser dans l'avenir, d'apprendre pour exercer un nouveau métier. C'est une question clé pour préparer l'avenir de notre pays ».

Le Sénat a toutes raisons de se féliciter de la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi sur la formation professionnelle, ayant appelé de ses voeux une telle réforme il y a deux ans dans le rapport de sa mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle 1 ( * ) .

Afin de marquer le caractère transversal de cette question, il a choisi de mettre en place une commission spéciale pour examiner ce projet de loi, rassemblant des sénateurs de toutes les commissions, spécialistes de l'éducation, du droit social, ou des entreprises. Cette transversalité est précisément ce qui fait défaut au système de formation français, marqué par un cloisonnement très fort entre formation initiale et formation continue.

Malgré les délais particulièrement contraints qui ont été donnés au Sénat pour examiner le projet de loi, votre rapporteur a procédé à une soixantaine d'auditions des acteurs de la formation professionnelle et la commission spéciale a pu notamment entendre en réunion plénière trois ministres, les partenaires sociaux signataire de l'Accord national interprofessionnel qui a servi de base à l'élaboration du présent projet de loi et l'Association des régions de France.

La réforme soumise au Sénat est sans doute en retrait par rapport aux propositions qu'avait pu formuler la mission commune d'information de notre assemblée en 2007. Elle n'en constitue pas moins un véritable progrès et mérite d'être saluée, dans la mesure où elle permettra à la fois de sécuriser davantage les parcours professionnels et de renforcer l'efficacité du système de formation.

Votre commission spéciale, en élaborant le texte qui sera soumis au Sénat, a eu à coeur de conforter cette réforme en la complétant pour qu'elle puisse être pleinement opérationnelle.

I. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET LONGUEMENT PRÉPARÉE

La réforme de la formation professionnelle était devenue particulièrement nécessaire face aux nombreuses critiques qui lui sont adressées. Plusieurs études et rapports ont contribué à faire émerger les propositions inscrites dans l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux le 7 janvier 2009, puis dans le présent projet de loi.

A. UN SYSTÈME INJUSTE ET INEFFICACE

La formation professionnelle a mobilisé en 2006 plus de 27 milliards d'euros.

Avec 11,2 milliards d'euros dépensés, les entreprises engagent 41 % de la dépense totale. L'Etat a pour sa part dépensé en 2006 4,4 milliards d'euros pour la formation professionnelle continue des jeunes, des demandeurs d'emploi et des salariés du privé. Enfin, les régions ont dépensé 3,9 milliards d'euros pour la formation professionnelle continue et l'apprentissage.

Dépense des financeurs finaux par public bénéficiaire, en 2006

(en milliards d'euros)

Apprentissage

Jeunes en insertion professionnelle

Actifs occupés
du privé

Demandeurs d'emploi

Agents publics

Total

En %

Entreprises

1,01

0,98

9,19

-

-

11,18

41,2

Etat

1,27

0,50

1,21

1,43

2,97

7,38

27,2

Régions

1,84

0,86

0,33

0,73

0,13

3,89

14,4

Autres collectivités territoriales

0,03

-

0,02

-

1,74

1,79

6,6

Autres administrations publiques et Unedic

0,10

-

0,03

1,06

0,65

1,84

6,8

Ménages

0,22

-

0,62

0,19

-

1,03

3,8

Total

4,47

2,34

11,40

3,41

5,49

27,11

100,00

En %

16,50

8,60

42,00

20,30

12,60

100,00

Source : Dares

Malgré les sommes considérables engagées, le système de formation professionnelle demeure caractérisé par son injustice. Le niveau de diplôme, la taille de l'entreprise, l'âge sont autant de facteurs qui entretiennent les inégalités d'accès à la formation continue.

Taux d'accès à la formation selon la catégorie sociale par taille d'entreprise

(en %)

De 10
à 19 salariés

De 20
à 49 salariés

De 50
à 249 salariés

De 250
à 499 salariés

De 500
à 999 salariés

De 1000 salariés et plus

Ensemble

Ouvriers

15

25

31

42

45

55

37

Employés

22

30

37

41

58

47

39

Techniciens et agents de maîtrise

38

45

55

59

68

73

62

Ingérieurs et cadres supérieurs

32

34

52

56

67

73

57

Ensemble

23

31

39

47

57

60

46

Champ : entreprises de 10 salariés et plus

Source : Céreq

Taux d'accès à la formation continue selon le diplôme

(en %)

Bac + 3 et plus

64

Bac + 2

61

Bac, BT

51

CAP, BEP

36

Non diplômés

24

Ensemble

44

Champ : salariés des secteurs publics et privés

Source : Céreq

Par ailleurs, la mission commune d'information du Sénat a montré en 2007 que notre système est dominé par une logique de fonctionnement qui se caractérise par trois mots : cloisonnement, complexité et corporatisme.

Le cloisonnement entre formation initiale et formation continue, le cloisonnement entre les nombreuses structures d'orientation que compte notre pays, le cloisonnement des corps de financement, le cloisonnement des différentes branches du monde professionnel à une époque où la mobilité devient beaucoup plus importante que par le passé, empêchent la mise en oeuvre de logiques transversales et de partenariats qui permettraient d'appréhender globalement la formation tout au long de la vie.

La complexité caractérise les différents dispositifs permettant de bénéficier de la formation continue, qui sont associés à des conditions d'accès et de fonctionnement différentes : plan de formation, congé individuel de formation (Cif), droit individuel à la formation (Dif), professionnalisation...

Comme le soulignait un intervenant lors des travaux de la mission commune d'information du Sénat, « la France possède presque tous les dispositifs nécessaires, mais personne ne les connaît bien » .

Enfin, les corporatismes résultent souvent de la volonté de chacun des acteurs de rester maître chez lui, protégeant trop souvent des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général.

Il était donc devenu nécessaire d'entreprendre une réforme du système de formation professionnelle ambitieuse et animée par la volonté de réduire les inégalités d'accès à la formation.

* 1 Formation professionnelle : le droit de savoir, rapport n° 365 (2006-2007) présenté par M. Bernard Seillier au nom de la mission commune d'information présidée par M. Jean-Claude Carle.

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