II. AUDITIONS

Audition de Philippe SÉGUIN, Premier président, Rolande RUELLAN, présidente de la sixième chambre, Catherine MAYENOBE, secrétaire générale, Laurent RABATÉ, conseiller maître, rapporteur général, et Simon FETET, rapporteur général adjoint, de la Cour des comptes

Réunie le mercredi 28 octobre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission a procédé à l' audition de Philippe Séguin, Premier président, Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre, Catherine Mayenobe, secrétaire générale, Laurent Rabaté, conseiller maître, rapporteur général, et Simon Fetet, rapporteur général adjoint, de la Cour des comptes, sur le rapport annuel de la Cour consacré à l' application des lois de financement de la sécurité sociale.

Présentant la partie du rapport consacrée à la situation des comptes 2008 de la sécurité sociale et aux perspectives pour 2009 et 2010, Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a rappelé, en préambule, les termes du débat opposant la Cour et l'administration sur les tableaux d'équilibre pour 2008, du fait de certains retraitements, en particulier pour les provisions et reprises de provision. Ceci étant, ces problèmes de consolidation entre régimes et entre branches n'affectent pas le solde, qui s'établit, pour l'ensemble des régimes de base et des fonds de financement, à 11,9 milliards d'euros, soit en légère dégradation par rapport au déficit de 2007 mais dans la ligne de ceux constatés depuis 2003, qui ont toujours été supérieurs à 10 milliards d'euros.

En 2008, l'effet encore limité de la crise sur les recettes a pu être occulté par le rattachement à l'exercice de recettes non récurrentes, pour un montant proche de 3 milliards d'euros. Les cotisations, part essentielle des recettes, ont continué à augmenter en 2008, même si le rythme s'est un peu ralenti du fait d'une moindre croissance de la masse salariale du secteur privé qui en constitue l'assiette : 3,6 % en 2008, au lieu de 4,25 % en 2007.

Du côté des dépenses, le rythme de progression ne s'est que peu infléchi : 5,5 % pour les prestations de retraite du régime général, au lieu de 6,1 % en 2007 ; 3,7 % pour les prestations maladie, contre 4,1 % en 2007. Les déficits de ces deux branches restent donc importants, à hauteur de 10 milliards d'euros au total, soit 4,4 milliards pour la maladie et 5,6 milliards pour les retraites.

La Cour des comptes a porté son attention cette année aux conditions de financement des découverts et souligné le coût des emprunts et les difficultés croissantes pour organiser le portage de cette dette. Dès la fin 2007, la Caisse des dépôts et consignations a en effet annoncé que sa contribution ne pourrait dépasser 25 milliards d'euros sans majoration de sa rémunération pour les capitaux avancés et, en tout état de cause, a fixé sa limite supérieure à 31 milliards d'euros. Or, dans le projet de loi de financement pour 2010, le plafond d'emprunt autorisé pour l'Acoss est de 65 milliards d'euros. En réalité, cette dette est gérée comme si elle correspondait à des découverts infra-annuels de pure trésorerie, alors qu'elle résulte de déficits accumulés. Il conviendrait qu'elle soit reprise par la Cades, sans attendre que les déficits cumulés atteignent des dizaines de milliards d'euros, et dans les conditions prévues par la loi organique, c'est-à-dire avec transfert de ressources nouvelles, de sorte que la durée d'amortissement reste inchangée.

Pour ce qui concerne l'exercice en cours et l'année à venir, le projet de loi de financement pour 2010 présente une situation des comptes de la sécurité sociale plus grave encore. Pour 2009, le déficit cumulé des régimes obligatoires et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'établirait à 27,7 milliards d'euros et à 36 milliards en 2010. Cela résulte d'un effet de ciseaux entre l'évolution des produits et des charges car les recettes devraient au mieux stagner en 2009 et 2010 alors que l'évolution des dépenses continuera de suivre des rythmes structurels d'augmentation de l'ordre de 5 % à 6 % pour les retraites et de 3 % à 4 % pour la maladie. Enfin, les prévisions pour les années suivantes, détaillées à l'annexe B du projet de loi de financement, font apparaître des prévisions de déficit maintenues à 30 milliards d'euros par an jusqu'en 2013, et ce alors même que les hypothèses macro-économiques peuvent sembler assez optimistes.

Les mesures de correction proposées par le projet de loi de financement, qui rejoignent d'ailleurs certaines des conclusions ou des recommandations faites par la Cour dans ses rapports, vont souvent dans le bon sens mais elles ne sont pas à la hauteur des problèmes. Certes, la perte de recettes due à la crise pouvait difficilement être comblée à due concurrence par des hausses immédiates de prélèvements, afin de ne pas entraver la reprise. Cependant, il aurait au moins fallu majorer la CRDS pour financer l'amortissement de la dette sociale qui devrait, selon la Cour, être transférée à la Cades. De même, pour des raisons financières mais aussi d'équité, une plus large révision des niches sociales aurait dû être proposée, avant d'envisager, le moment venu, une hausse inévitable des prélèvements sociaux. En effet, les réformes portant sur les prestations, même décidées maintenant, ne produiront leurs effets que progressivement. Sur ces deux points, Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, s'est réjoui du large accord de vues entre la Cour et la commission des affaires sociales, dont la position est exposée dans son récent rapport sur les prélèvements obligatoires.

La crise ne peut donc justifier de différer des réformes structurelles dont l'effet n'est de toute façon pas immédiat. Ces réformes doivent être fondées sur des principes clairs et sur des priorités, en tenant compte des équilibres démographiques et des capacités de financement. Cela nécessite de repenser certaines prestations, fruit d'une sédimentation historique de réformes et qui ne correspondent plus au contexte social et économique actuel. De même, il convient de rechercher une efficience accrue dans tous les organismes gestionnaires des fonds sociaux, caisses ou établissements sanitaires et médicosociaux ; les particularismes catégoriels non justifiés doivent être remis en cause ; économie et équité doivent guider les réformes, particulièrement difficiles dans le domaine social où le concept de droits acquis reçoit une définition extensive, pour ne pas dire excessive.

A défaut d'une réforme de nature à assurer la soutenabilité financière de la sécurité sociale, celle-ci risque de se transformer progressivement en filet de sécurité réservé aux seules personnes les plus vulnérables. Il vaudrait donc mieux revoir, par exemple, les niches sociales plutôt que de réduire les taux de prise en charge des soins hospitaliers.

Puis Philippe Séguin a présenté la deuxième partie du rapport de la Cour des comptes consacrée à l'analyse de certaines politiques sociales.

Les enquêtes et contrôles portant sur la gestion des organismes sociaux permettent de relever de nombreux progrès dans la gestion du régime général, dans la mise en oeuvre du contrôle interne ou dans les performances des différentes branches. Le mouvement de regroupement des organismes, qui permet de leur donner la masse critique nécessaire, est par exemple désormais bien engagé. En revanche, la situation des caisses générales de sécurité sociale dans les départements d'outre mer est moins satisfaisante mais il faut reconnaître que leur mission multibranches et multirégimes est objectivement difficile ; il conviendrait que les caisses nationales les soutiennent davantage.

L'analyse des versements de cotisations sociales par l'Etat employeur montre que celui-ci respecte désormais correctement ses obligations, le ministère de la défense faisant cependant l'objet de nombreuses observations.

Du point de vue, non plus de la gestion courante mais de la mise en oeuvre des réformes souhaitables, le constat est beaucoup plus critique : le diagnostic de la Cour est que les réformes engagées souffrent, dans nombre de cas, d'une application trop lente ou trop partielle. Ce constat peut être illustré à travers l'examen de deux réformes d'ampleur : le plan « hôpital 2007 » et la réforme des retraites de 2003. Les difficultés et lenteurs observées résultent, comme pour d'autres réformes de moindre portée, de leur insuffisante préparation, de la précipitation de leur mise en oeuvre ou des modifications de dernière minute dont la faisabilité est mal expertisée.

La réforme hospitalière, engagée en 2003, comportait trois volets : la réforme de la gouvernance avec notamment la création des pôles d'activité ; le volet immobilier du plan d'investissement « hôpital 2007 » ; enfin, la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A). Ces trois réformes auraient pu dessiner un cercle vertueux, au service d'un projet d'amélioration de l'efficacité et de restructuration de la carte hospitalière. Or, l'enquête sur l'organisation de l'hôpital, menée avec le concours de plusieurs chambres régionales des comptes, a confirmé l'étonnante disparité des performances, même pour des hôpitaux de taille comparable. Le rapport comporte de nombreux exemples, en particulier celui de la chirurgie orthopédique, secteur où les comparaisons sont les plus aisées à établir : l'encadrement en personnel médical par lit y varie de un à dix selon les établissements considérés ; pour les personnels non médicaux, la variation va de un à trois.

L'enquête a également permis de montrer que les recommandations de la mission d'évaluation et d'audit hospitalier (Meah), par exemple sur l'utilisation des blocs opératoires ou l'organisation des urgences, restent souvent ignorées ou non appliquées.

La T2A, deuxième volet de la réforme, a été introduite avec une rigueur insuffisante, ce qui a conduit à une succession de mesures correctives, le plus souvent prises en cours d'année, peu expliquées aux établissement qui ont subi, plus que compris, les tarifs qui leur étaient notifiés. Plusieurs questions de fond, posées depuis l'origine, n'ont toujours pas véritablement reçu de réponse : quels coûts les tarifs doivent-ils couvrir ? Que peut signifier l'objectif de convergence entre les deux secteurs public et privé ? Quelle part donner aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (les Migac) ?

Sur le volet immobilier du plan « hôpital 2007 », il est évident qu'il fallait aider les établissements à se moderniser, mais les moyens disponibles auraient dû être concentrés sur les projets véritablement structurants, en complément des efforts d'adaptation imposés par le nouveau dispositif tarifaire. L'enveloppe d'origine de 6 milliards d'euros a été portée, dès le démarrage du plan, à 10,6 milliards, puis à plus de 16 milliards. Sur cette somme, environ 10 milliards ont été financés par des emprunts que les établissements ont contractés dans des conditions parfois contestables, alors même que leur situation devenait souvent fragile sur le plan financier.

L'appréciation des effets qualitatifs du plan est difficile en l'absence de recueil de l'information utile et de méthode adaptée. Des cas d'investissement peu efficaces ou de suréquipement manifeste ont été notés ; il est même arrivé qu'avant même la fin des travaux, une agence régionale de l'hospitalisation (ARH) ait annoncé que certaines salles d'opérations neuves ne seraient pas ouvertes.

Au total, aucune de ces réformes n'est critiquable dans son principe. C'est le manque de rigueur dans leur application qui a, au moins en partie, conduit à des résultats jusqu'ici décevants, malgré la difficulté incontestable du chantier de la réforme hospitalière.

Le deuxième sujet d'importance traité par la Cour est celui des retraites, abordé sous l'angle de l'un des paramètres du calcul des retraites, celui de la durée de l'assurance réformée en 1993, puis en 2003. Il en ressort que de nouvelles évolutions sont indispensables. En effet, la générosité relative des régimes de retraite, découlant de réformes mises en place dans les années soixante-dix et quatre-vingt, n'est aujourd'hui plus soutenable, compte tenu de la dégradation des rapports démographiques et de l'accroissement corollaire des déficits des régimes, et cela indépendamment même de la crise économique actuelle.

La loi de 2003, en complexifiant encore un corpus de règles déjà particulièrement dense et peu lisible, a rendu très difficile la prévisibilité des évolutions affectant les retraites. Il apparaît d'ores et déjà que le coût des départs en retraite anticipée pour carrière longue, à savoir 8,3 milliards d'euros pour le seul régime général depuis 2003, a été très largement supérieur aux prévisions, en raison du recours massif à des systèmes de validations de trimestres mal calibrés et mal encadrés ayant favorisé des fraudes assez nombreuses. La Cour n'a pas compris la lenteur mise à réformer le dispositif alors que des alertes ont été lancées depuis 2006. Au total, et c'est paradoxal, l'âge moyen de départ à la retraite a diminué entre 2001 et 2007. Le choix d'une augmentation progressive de la durée d'assurance pour l'obtention du taux plein de liquidation n'a donc pas encore produit les effets attendus, précisément parce que les règles en vigueur, généreuses, en ont neutralisé partiellement l'effet.

En matière de retraites, il ne peut plus être question de multiplier des avantages catégoriels, comme en ont, par exemple, encore bénéficié les assurés du régime des travailleurs indépendants en 2009, sans parler de l'octroi de trimestres pour la retraite, partiellement financé par l'Etat, qui a permis de gratifier les quelque 6 000 volontaires ayant participé à l'organisation de la coupe du monde de rugby en France.

La Cour recommande donc que l'équilibre des règles d'acquisition de trimestres pour la durée d'assurance soit modifié, dans le sens d'une contributivité renforcée, pour toutes les catégories d'assurés et pour toutes les générations. De nombreuses pistes de réformes en ce sens sont proposées dans le rapport. Parmi elles, certaines concernent plus spécifiquement la prise en compte des enfants dans la durée d'assurance pour les retraites. L'analyse de la complexité du dispositif de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ou celle de la nécessité de réformer la majoration de durée d'assurance (MDA) pour éviter son extension aux pères montrent que ces dispositifs sont aujourd'hui inadaptés et peu compatibles avec l'objectif d'une augmentation du taux d'activité des femmes fixé par la stratégie de Lisbonne. Selon la Cour, il n'appartient pas aux régimes de retraite de compenser l'effet sur le niveau des pensions des différences de salaires entre hommes et femmes, mais uniquement les interruptions de carrière dues aux jeunes enfants. Les prestations minimales sous condition de ressources sont précisément destinées à compléter les revenus trop faibles de certains retraités. C'est pourquoi la Cour propose une réforme conjointe des deux dispositifs pour mieux cibler leurs effets et améliorer leur articulation : l'AVPF pourrait compenser les interruptions de carrières des parents motivées par l'éducation des jeunes enfants et la MDA serait attribuée aux seules femmes en raison de l'accouchement ou de l'adoption. Cette suggestion est plus restrictive que celle que propose le Gouvernement, à l'article 38 du projet de loi de financement pour 2010, qui vise la seule MDA et maintient le niveau actuel des majorations accordées.

D'autres études de la Cour confirment également le caractère trop partiel ou trop lent des évolutions. C'est le cas pour les centres d'examens de santé, qui offrent aux assurés du régime général, tous les cinq ans, un examen de prévention à l'exclusion de tout soin. Or, le contenu de cet examen est très variable, les liens avec les médecins traitants sont peu rigoureux et les efforts pour réorienter les centres vers les publics précaires n'ont pas atteint leur but. Dans ces conditions, il est difficile de justifier que près de la moitié des crédits de prévention de la Cnam, soit environ 150 millions d'euros par an, aille vers ces structures, où travaillent plus de deux mille personnes. La Cour préconise de les reconvertir, partout où c'est utile et possible, en centres de soins et de les supprimer dans les autres cas. Le diagnostic de lenteur des évolutions est ici d'autant plus évident que la Cour avait fait un constat largement identique en 1999.

En ce qui concerne le contrôle médical de la Cnam, la Cour reprend également cette année une partie de ses observations faites il y a près de dix ans, même si, depuis lors, une importante réforme structurelle a été réalisée. En particulier, le basculement vers des missions de contrôle a posteriori, à partir de « profilages », n'a toujours pas été accompli : les quelque neuf mille médecins et personnels administratifs du contrôle restent encore pour l'essentiel accaparés par des tâches d'instruction des autorisations préalables à certains soins, d'autant moins utiles que les taux de rejet sont le plus souvent très faibles. Ainsi, le contrôle des admissions en affection de longue durée (ALD) serait sans doute plus efficace s'il était exercé a posteriori, au moins pour les affections où les taux de rejet sont très faibles. En contrepartie, les moyens rendus disponibles par un allègement des contrôles a priori devraient être affectés au contrôle de la facturation des soins à l'hôpital, encore trop peu développé.

De la même manière, la Cour renouvelle ses observations sur les politiques de maîtrise, très insuffisantes, des dépenses de radiologie et de biologie, qui s'élèvent respectivement à 5,6 et 6,1 milliards d'euros. Dans ces deux secteurs, les évolutions technologiques permettraient des baisses de tarifs très supérieures à celles qui ont été jusqu'ici pratiquées. Les données disponibles, sur le coût comparé des analyses biologiques, montrent ainsi que les prix en France sont deux à trois fois supérieurs à ceux de pays voisins. Il convient donc de poursuivre les baisses tarifaires et de supprimer les entraves actuelles au regroupement des laboratoires. Le potentiel d'économies est très élevé dans ces deux domaines et il est trop peu ou trop mal mis à profit : au-delà de mesures ponctuelles limitées, il faudrait mettre en place un plan d'ajustement tarifaire à moyen terme.

Une trop grande lenteur caractérise aussi la réforme du régime des mines, qui reste inaboutie. Son système de soins ne s'ouvre qu'à grand peine aux assurés des autres régimes et sa gestion assurantielle devrait être totalement déléguée. Il est paradoxal de constater que les actifs assurés par ce régime, qui étaient 400 000 en 1950, ne sont plus que 10 000 aujourd'hui, dont environ 30 % sont des agents administratifs des caisses minières. Ce régime devrait donc être mis en extinction.

La Cour s'est aussi penchée sur les quatre mille travailleurs sociaux des caisses d'allocations familiales, dont le nombre n'est connu que de manière approximative et dont l'activité est très peu encadrée au niveau national, et encore plus inégalement sur le plan local. Seules quarante caisses d'allocations familiales (Caf) sur cent vingt-trois avaient signé une convention d'action sociale départementale avec les conseils généraux en 2008, alors que ce sont les départements qui ont la responsabilité de droit commun de l'action sociale. Pour les différentes aides financières individuelles, examinées en particulier par la Cour, seules quatre Caf avaient coordonné leur versement avec les différents partenaires. L'enjeu, en l'occurrence le traitement de la précarité et de l'insertion, devrait cependant mobiliser toutes les énergies, au-delà du principe du « chacun chez soi ».

Philippe Séguin a terminé sa présentation en indiquant que, pour la Cour, rien n'est pire, surtout dans le contexte actuel, que l'inaction ou l'attentisme. Dans certains domaines, comme la santé, il ne s'agit plus désormais de voter de nouvelles lois mais de mettre en oeuvre les textes existants, concrètement, sur le terrain, sans faiblesse ni retard.

Par ailleurs, s'il ne faut pas prendre le risque de casser la reprise par des hausses massives de prélèvements, si les prestations sociales doivent rester un puissant amortisseur de crise, cela ne doit pas interdire de financer l'amortissement de la dette et de mener activement des réformes de fond porteuses d'économies à terme. Rien ne serait plus dangereux en effet que de tirer prétexte du contexte actuel de crise pour différer les indispensables réformes de la protection sociale et de son financement.

L'apport de recettes nouvelles ne pourra être évité ; la Cour juge en effet éminemment dangereux de laisser filer des déficits sociaux qui pourraient bientôt constituer de l'ordre de 10 % des flux annuels. Ils mettent en danger le socle même de la protection sociale obligatoire, à laquelle les Français sont, à juste titre, attachés. Les pistes esquissées par la Cour montrent qu'il existe des voies pour réduire les dépenses, sans trop pénaliser la cohésion sociale.

Après avoir rappelé que le projet de loi de financement ne prévoit aucune reprise de dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), Alain Vasselle, rapporteur général, a indiqué que l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) devra porter ces déficits dans ses comptes, dans la limite d'un plafond historiquement élevé de 65 milliards d'euros. Que pense la Cour du choix ainsi fait par le Gouvernement ? N'est-il pas particulièrement risqué, compte tenu de la possible augmentation brutale des taux d'intérêt ? Faut-il plutôt envisager un allongement de la durée de vie de la Cades ? Par ailleurs, en ce qui concerne les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, la Cour a constaté la reconstitution de la dette de l'Etat à l'égard des différentes caisses : comment éviter à l'avenir cette situation ?

Il a ensuite concentré ses interrogations sur le secteur médical et hospitalier. La Cour a fait un bilan nuancé de la mise en oeuvre de la T2A, en insistant sur l'opacité et le manque de visibilité des choix effectués par le ministère de la santé. Quelles sont les conditions à réunir pour parvenir à une plus grande lisibilité dans le mode de financement des hôpitaux ? Est-il opportun, comme le demande le Gouvernement, de reporter à 2018 la convergence sectorielle, c'est-à-dire la réduction des écarts de tarifs, pratiqués pour le même acte, entre les établissements de santé ? Que penser de l'annonce faite par le Gouvernement d'une expérimentation de convergence ciblée sur quelques dizaines de groupes homogènes de séjours (GHS) ? Par ailleurs, le rapport de la Cour présente les résultats d'une enquête comparative très éclairante sur les différences rencontrées dans l'organisation des hôpitaux. Comment améliorer la diffusion des bonnes pratiques dans le secteur hospitalier ? Relève-t-elle de la responsabilité des directeurs d'hôpitaux, des directeurs régionaux de santé ou de la tutelle ?

Philippe Séguin a rappelé que l'Acoss pourrait procéder à des émissions complémentaires sur les marchés afin de couvrir un besoin de trésorerie d'un montant compris entre 30 et 60 milliards d'euros. Ces émissions bénéficieront du soutien technique de l'agence France Trésor, qui agira comme prestataire de service de l'Acoss. Ceci étant, le Gouvernement n'ayant pas donné de précisions sur les modalités techniques de ces émissions, la Cour n'est pas en mesure de porter une appréciation sur leur impact financier mais peut simplement constater que le niveau exceptionnellement bas des taux courts favorise aujourd'hui une solution de refinancement à court terme. Mais ces conditions ne peuvent être que transitoires car les taux devraient remonter lorsque la reprise se confirmera et l'accumulation des déficits pèsera alors lourdement sur les charges d'intérêt.

La critique de la Cour vise cependant moins les modalités actuelles de gestion de la dette sociale que les principes : l'accumulation de découverts, laissés à la charge de l'Acoss, prive de portée le système de cantonnement de la dette sociale alors que la création de la Cades, en 1996, visait justement à mettre fin à la facilité de déficits accumulés. C'est pourquoi la Cour recommande, comme le rapporteur général de la commission, que ces découverts soient transférés à la Cades, ce qui implique, pour respecter la loi organique de 2005 selon laquelle tout accroissement de la dette doit s'accompagner d'une augmentation des ressources à due concurrence, une hausse du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Enfin, la Cour ne préconise pas une réouverture de la Cades car cela reviendrait à repousser à l'infini une masse croissante de déficits sociaux.

Concernant les relations entre la sécurité sociale et l'Etat, malgré l'effort notable d'apurement des dettes envers le régime général et les autres régimes accompli en 2007 et au début de l'année 2008 par l'Etat, il est frappant de constater que ces dettes se sont largement reconstituées à la fin de l'année dernière : elles atteignaient 7,4 millions d'euros dans les comptes au 31 décembre 2008, et presque 6 millions d'euros encore, après les versements intervenus début janvier, en application de la loi de finances rectificative pour 2008. Dans cet ensemble, les dettes exigibles, qui proviennent d'une insuffisance de crédits budgétaires, représentent 3,6 millions d'euros. L'écart sur ce poste dépasse la marge d'erreur acceptable, même si on doit admettre que la prévision n'est pas toujours aisée, notamment pour les aides au logement. Selon le directeur du budget, auditionné par la Cour cet été, ces écarts récurrents ne traduisent pas une sous-estimation délibérée mais s'expliquent par les aléas de la procédure budgétaire : les montants de crédits inscrits auraient à plusieurs reprises intégré comme acquises des mesures d'économies, par exemple des réductions d'exonérations dans les Dom, qui n'ont finalement pas été engagées.

S'agissant du problème de la T2A, Philippe Séguin a indiqué que les tarifs GHS représentaient, en 2007, 76 % de l'enveloppe médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), alors que les missions d'intérêt général et l'aide à la contractualisation (Migac) n'en couvraient que 14 % et que le solde de 10 % correspondait aux divers forfaits ou aux médicaments de la liste en sus. L'examen des pratiques de pays comparables à la France semble cependant montrer que tous conservent une part de dotations globales. La France ne fait donc pas exception sur ce point. Ceci étant, il faut veiller à ce que les dotations correspondent à des charges objectivables et chiffrables et ne servent pas à masquer les conséquences financières des lenteurs dans les réformes d'organisation et de fonctionnement. De ce point de vue, l'inquiétude de la Cour provient, d'une part, des retards dans les travaux d'objectivation des missions d'intérêt général (Mig), d'autre part, de la croissance de la composante dite « aide à la contractualisation » et, au sein de cet ensemble, des aides dites « diverses ».

Par ailleurs, la lisibilité du mode de financement des hôpitaux suppose des règles claires qui reposent sur une bonne connaissance des coûts des hôpitaux et qui s'inscrivent dans la durée. Le rapport de la Cour démontre que si les changements importants qui ont marqué la campagne 2009 sont plutôt positifs, leur mise en oeuvre a été obscurcie par divers aménagements destinés à en réduire les effets. Il en est résulté une communication tardive des nouveaux tarifs, gênante pour les hôpitaux. La Cour recommande donc la stabilisation des règles pendant trois ans, qui devront être mis à profit pour finaliser des travaux de fond, telle la clarification des Mig ou du modèle de fixation des tarifs. Enfin, la mise en place de la convergence tarifaire suppose de disposer d'une connaissance comparative des coûts entre hôpitaux et cliniques. Même si la nouvelle échelle nationale de coûts à méthodologie commune, mise en place en 2009 sur la base des données 2006, y contribue, elle comporte encore de nombreuses limites, ce qui la rend impropre à fonder une tarification commune. D'autres difficultés perdurent et c'est pourquoi la Cour, estimant que l'objectif de convergence reste flou, est favorable à une expérimentation de convergence limitée à certains GHS et comprend la décision de report de la mise en place de la convergence intersectorielle.

Enfin, concernant l'organisation de l'hôpital, Philippe Séguin a rappelé que l'enquête de la Cour met en évidence une disparité surprenante des performances des hôpitaux qui ne s'explique que partiellement par les différences de vocations et d'échelle entre les établissements de l'échantillon étudié. Les référentiels de bonne pratique existants sont en effet souvent ignorés ou écartés, faute d'implication suffisante à tous les niveaux : agence régionale de l'hospitalisation, directeurs des établissements, chefs de service ou de pôle. L'intervention croissante des pôles devrait cependant permettre une réflexion sur les moyens et les modes d'organisation les plus efficaces. L'intégration prochaine de modules relatifs à la gestion dans les référentiels de « certification » des établissements qu'organise la Haute Autorité de santé (HAS) devrait également concourir à cet objectif. Enfin, la Cour propose, d'une part, que les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les établissements et la tutelle intègrent un volet relatif aux outils de gestion et à leur diffusion effective dans les pôles, d'autre part, que ces contrats ou leurs avenants soient l'occasion d'une revue des performances comparées des différents pôles et de la définition de plans d'actions, en cas de performances dégradées. Améliorer la situation des hôpitaux ne suppose donc aucun texte nouveau, mais uniquement de la volonté et une constance dans l'effort.

Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a rappelé que le Gouvernement a fait le choix, dans le cadre du projet de loi, de réformer la majoration de durée d'assurance (MDA) accordée aux mères de famille sans modifier l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : n'aurait-il pas été souhaitable de prévoir au contraire une réforme d'ensemble ? Par ailleurs, dans le contexte d'une dégradation rapide de la situation financière des régimes de retraite, la Cour insiste sur la nécessité d'améliorer leur lisibilité et leur contributivité. Parmi les pistes de réforme envisagées, quelles sont celles qui paraissent prioritaires à la Cour ?

Philippe Séguin a indiqué qu'il serait en effet préférable de réformer de concert la MDA et l'AVPF. La Cour propose donc une solution globale et cohérente avec la situation dégradée des régimes de retraites :

- une AVPF simplifiée destinée à compenser les interruptions de carrière de durée limitée du père ou de la mère pour s'occuper d'un jeune enfant ;

- une MDA limitée à six mois, compensant la maternité et donc réservée aux mères ;

- l'absence de cumul entre les deux dispositifs : la MDA ne serait pas attribuée dès lors que deux trimestres ou plus d'AVPF seraient validés dans l'année.

Le nouveau régime, tel qu'il est défini à l'article 38 du PLFSS pour 2010, prévoit quatre trimestres de MDA attribués à la mère pour la compensation de la maternité, et quatre trimestres de MDA compensant les effets du temps consacré à l'éducation des enfants sur la carrière, attribuables à la mère ou au père, en fonction de la décision du couple. Pour les enfants nés avant la réforme, dont les parents ne sont pas encore partis à la retraite, le principe général est la conservation des droits acquis et l'absence de rétroactivité de la réforme. Le coût de ce nouveau dispositif devrait être nul, alors que les pistes de réforme proposées par la Cour visaient clairement à s'engager sur la voie des économies tout en sauvegardant le régime de retraite par répartition. Les décisions juridictionnelles impliquaient une évolution qui aurait pourtant dû être l'occasion de repenser l'ensemble des avantages de retraite liés aux enfants. Enfin, la solution proposée par le Gouvernement n'est pas totalement sécurisée juridiquement : l'avantage de quatre trimestres accordé aux mères pourrait être considéré comme une discrimination indirecte à l'encontre des hommes par la Cour de justice des Communautés européennes et la solution consistant à offrir le choix aux parents pour la deuxième année devra être encadrée pour ne pas créer des difficultés au sein des couples, par exemple en cas de divorce.

Concernant les pistes de réforme des régimes de retraite, Philippe Séguin a souligné que certaines sont aisées, telle l'exclusion de la création de tout nouveau mécanisme de validation de périodes sans cotisations. D'autres réformes, comme l'augmentation de la base des deux cents heures de Smic permettant la validation d'un trimestre, auraient des effets importants en termes de niveau des pensions servies, mais qui pourraient éventuellement être compensés par le minimum vieillesse, dispositif de solidarité prévu à cet effet. De toute façon, quelle que soit la réforme envisagée, certains assurés seront nécessairement amenés à devoir cotiser plus, ou plus longtemps, pour maintenir leurs droits à la retraite.

Guy Fischer a souhaité savoir si la Cour juge efficaces les exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises et opportun le maintien de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la CRDS dans le champ du bouclier fiscal.

Annie David a rappelé que la MDA a été introduite en 1973 non seulement pour dédommager les femmes de l'interruption de carrière qu'implique l'accouchement, mais surtout pour tenter de compenser les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Plus de trente-cinq ans plus tard, ces inégalités ne se sont que faiblement réduites. La réforme de la MDA envisagée par le Gouvernement est donc un mauvais coup porté aux femmes, qui continueront à subir les inégalités salariales sans bénéficier de compensation automatique au moment de la retraite. Cette situation est particulièrement injuste, notamment pour les femmes dont le salaire est resté modéré et qui ont élevé plusieurs enfants.

Marc Laménie a salué l'objectif de simplification des règles des régimes de retraite préconisée par la Cour. Il s'est par ailleurs demandé comment, d'une manière générale, améliorer les contrôles des abus et des fraudes à la sécurité sociale.

François Autain a souhaité savoir quelles sont les mesures que le Premier président range sous la catégorie de « particularismes catégoriels non justifiés ». Il s'est étonné que la Cour approuve l'objectif d'une convergence tarifaire ciblée proposée par le Gouvernement alors qu'elle recommande elle-même de stabiliser les règles et les contraintes qui pèsent sur les établissements de santé. Il s'est enfin interrogé sur la structure de financement de l'assurance-maladie : quelles sont les contributions respectives de l'Etat et des cotisations sociales ?

Jacky Le Menn s'est demandé comment la T2A s'applique dans les hôpitaux militaires lorsque ceux-ci sont autorisés à soigner des patients civils. Cette pratique est-elle à l'origine des dettes du ministère de la défense envers le régime de sécurité sociale ?

Claude Jeannerot a souhaité connaître le coût des dysfonctionnements dans le recouvrement des cotisations par les Urssaf et les pistes que la Cour préconise pour améliorer les procédures.

Isabelle Debré a attiré l'attention sur la faiblesse inacceptable des revenus et des pensions de retraites perçus par certaines femmes, vivant seules, veuves et parfois mères de plusieurs enfants. Comment est-il possible de leur venir en aide ?

Philippe Séguin a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- il est extrêmement difficile d'évaluer l'efficacité des exonérations de charges sociales car, si l'on connaît leur coût et leurs bénéficiaires, leur effet sur l'emploi est beaucoup plus complexe à identifier ;

- dans son dernier rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires estime que, dans un souci d'efficacité, une augmentation éventuelle du taux de la CSG ou de la CRDS devrait concerner les revenus de tous les ménages, y compris ceux protégés par le bouclier fiscal ;

- la Cour considère que la compensation des inégalités salariales entre les hommes et les femmes ne relève pas des régimes de retraite, mais de l'intervention de l'Etat, et c'est pourquoi la MDA ne lui semble pas être une solution appropriée à ce problème ;

- les dysfonctionnements dans le recouvrement des cotisations par les Urssaf résident avant tout dans la grande disparité des pratiques sur le territoire national : le niveau de contrôle est loin d'être le même dans l'ensemble des départements et les bonnes pratiques se diffusent lentement ;

- le régime de retraite des artisans et commerçants, ou encore les régimes spéciaux, constituent bien, aux yeux de la Cour, des « particularismes catégoriels non justifiés » ;

- les critiques opposées au ministère de la défense tiennent principalement à son refus de prendre en compte, dans le calcul des cotisations, un certain nombre d'indemnités, facilités et avantages en nature accordés aux militaires et anciens militaires.

Répondant à l'interpellation de François Autain, Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a précisé que la proposition de convergence ciblée a été formulée par le Gouvernement après la parution du rapport de la Cour. Ceci étant, si elle ne concerne que des groupes homogènes de malades, cette proposition ne devrait pas peser lourdement sur les établissements de santé et apparaît donc compatible avec la recommandation de la Cour de ne pas engager de nouvelles réformes de structure à l'hôpital. Par ailleurs, si les cotisations sociales représentent 67 % des recettes du régime général, l'assurance maladie est financée à 56 % par les cotisations, presque exclusivement versées par les employeurs, et les compensations d'exonération de charges, les ressources provenant de la CSG s'élevant à 36 %.

Audition de Pierre BURBAN, président du conseil d'administration, Pierre RICORDEAU, directeur et Alain GUBIAN, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

Réunie le mercredi 14 octobre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, la commission a procédé à l'audition de Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Acoss, a fait observer que l'agence a vu sa situation financière se détériorer en 2009 et que l'année 2010 sera particulièrement difficile. Grâce aux reprises de dettes opérées par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à la fin de 2008 et au début de 2009, l'Acoss a connu une situation de trésorerie positive à hauteur de 4 milliards d'euros le 6 mars dernier. Le point bas de trésorerie devrait s'établir en fin d'année à - 26,3 milliards, soit un niveau assez proche du plafond des ressources non permanentes porté à 29 milliards par un décret du 29 juillet 2009, après avoir été fixé à 18,9 milliards par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Alors que le solde moyen de trésorerie était de - 8,8 milliards sur les huit premiers mois de l'année, il devrait atteindre - 12,5 milliards d'euros pour l'ensemble de l'année 2009.

L'année en cours a été marquée pour l'Acoss par :

- un recours accru aux billets de trésorerie ;

- la signature d'un avenant à la convention passée avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour tenir compte, dans la tarification des avances de cette dernière, des conditions de marché difficiles, ce qui s'est traduit par un surcoût pour l'Acoss à compter de la fin septembre ;

- l'ouverture par la CDC d'une facilité exceptionnelle de trésorerie de 2,5 milliards pour assurer le financement de l'ensemble des charges jusqu'à la fin de l'année ;

- un niveau très faible des taux d'intérêt qui a permis de limiter les charges financières à environ 120 millions d'euros.

En 2010, l'Acoss devrait connaître une variation de trésorerie de 35,3 milliards, supérieure au solde du régime général, compte tenu de la prise en compte du déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et de l'augmentation de la dette de l'Etat envers la sécurité sociale. Le solde au 31 décembre 2010 devrait donc atteindre - 61,6 milliards. L'article 27 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 fixe à 65 milliards le plafond des avances de trésorerie de l'Acoss, niveau suffisant pour faire face aux prévisions à condition que la crise économique et ses développements en 2010 n'aient pas un impact trop négatif sur l'évolution de la masse salariale et de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) et qu'une pandémie grippale n'affecte pas trop profondément l'économie du pays. En effet, la marge de 0,75 % des dépenses au-delà de laquelle intervient le comité d'alerte correspond à 1 milliard de dépenses pour la Cnam, tandis qu'une variation de 1 % de la masse salariale correspond à 2 milliards de recettes, en plus ou en moins, pour le régime général.

En fonction des prévisions relatives au niveau des taux d'intérêt, les charges financières de l'Acoss devraient s'établir entre 450 et 750 millions d'euros, sans qu'on puisse cependant écarter le risque d'une augmentation importante du niveau des taux, actuellement très bas.

Puis, Pierre Burban a précisé que, pour faire face à son besoin de financement de près de 62 milliards en 2010, l'Acoss recourra, en complément de ses instruments classiques que sont les avances de trésorerie de la CDC et l'émission de billets de trésorerie, à des émissions complémentaires sur les marchés assurées, d'un point de vue technique, par l'agence France trésor (AFT) agissant comme prestataire de services de l'Acoss. Ainsi, la couverture des besoins de trésorerie serait assurée par plusieurs instruments :

- des avances de la CDC à hauteur de 25 milliards dans le cadre de l'avenant à la convention signée en 2006 et dont le montant global pourrait être fixé à 31 milliards à l'occasion de la signature de la nouvelle convention prévue en 2010 ;

- des opérations de mutualisation des trésoreries positives d'organismes sociaux en application de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. A ce titre, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourrait apporter une contribution d'un milliard d'euros en 2010 ;

- des émissions accrues de billets de trésorerie auprès des investisseurs privés et publics, le montant de ces émissions pouvant passer de 3 à 10 milliards ;

- enfin, des émissions de titres nouveaux au nom de l'Acoss, assurées techniquement par l'AFT.

Pierre Burban a alors évoqué les perspectives pour les années 2011 à 2013, soulignant que, dans l'hypothèse d'une croissance du PIB de 2,5 % et d'une augmentation de la masse salariale privée de 5 %, le déficit du régime général devrait demeurer stable à environ 30 milliards d'euros par an. Si l'augmentation annuelle de la masse salariale devait se limiter à 4 % par an, le déficit continuerait à se dégrader de 2 milliards chaque année.

Par ailleurs, si les relations entre l'Etat et la sécurité sociale ont connu une nette amélioration au cours des dernières années, la dette de l'Etat à l'égard du régime général atteignait encore 2,9 milliards à la fin de l'année 2008 (3,6 milliards pour l'ensemble des régimes de sécurité sociale). A la fin décembre 2009, la dette à l'égard du régime général devrait atteindre 4,4 milliards, mais le ministre des comptes publics s'est engagé à ouvrir des crédits en loi de finances rectificative pour 2009, afin de ramener le montant de la dette à son niveau de la fin 2008. Compte tenu de la situation financière du régime général attendue en 2010, un remboursement intégral de la dette de l'Etat aurait été préférable.

Alain Vasselle, rapporteur général, a fait part de sa profonde inquiétude à propos de la situation financière de l'Acoss et a souhaité disposer de précisions sur les émissions qu'assurera l'AFT pour le compte de l'Acoss. Quel sera le coût financier de ces émissions complémentaires ? Quelle sera la crédibilité de ces émissions vis-à-vis des investisseurs, dès lors que l'Acoss, contrairement à la Cades, ne dispose pas d'une ressource financière pérenne ? L'Acoss ne pourra recourir à ce type de solutions de manière durable et l'honnêteté intellectuelle oblige à constater qu'il sera nécessaire d'augmenter les prélèvements obligatoires.

Par ailleurs, comment s'explique la limitation des avances de la CDC à 25 milliards dans le cadre de l'avenant à la convention de 2006, alors que la caisse acceptait auparavant de porter ce montant d'avances à 31 milliards ? La mutualisation des trésoreries sociales concernera-t-elle d'autres organismes que la CNSA ?

En ce qui concerne la dette de l'Etat envers la sécurité sociale enfin, il est nécessaire d'en connaître la répartition pour comprendre les principaux facteurs de son aggravation.

Marc Laménie a souligné la nécessité absolue de réduire la dette de l'Etat tout en s'interrogeant sur le niveau extrêmement élevé du besoin de financement de l'Acoss prévu pour 2010.

Isabelle Pasquet a souhaité des précisions sur les surcoûts qu'aurait supportés la CDC dans le cadre de ses relations avec l'Acoss. Elle a demandé comment le Gouvernement peut affirmer que le déficit de la sécurité sociale est dû pour 65 % à la crise économique en 2009, ce niveau devant même atteindre 75 % en 2010, tout en procédant à des exonérations de cotisations sociales pour des montants considérables. La remise en cause de ces exonérations permettrait de doter l'Acoss de ressources supplémentaires absolument indispensables.

André Lardeux a observé que l'exposé de Pierre Burban conduit à se demander à quelle date la sécurité sociale va déposer le bilan. Dès lors que la reprise de la croissance n'aura qu'un effet limité sur le niveau des déficits et que les économies de dépenses ne trouvent leur plein effet qu'à long terme, n'est-il pas indispensable d'augmenter rapidement les recettes de la sécurité sociale, en particulier la CSG, pour ne pas reporter la dette sur les générations futures ?

François Autain a souligné l'inconscience du Gouvernement dans la conduite de sa politique à l'égard de la sécurité sociale, qui sacrifie les générations futures. La politique actuelle risquant de se poursuivre jusqu'à l'élection présidentielle de 2012, l'Acoss devra-t-elle financer des déficits cumulés à hauteur de 160 milliards d'euros en 2013 ?

Jacky Le Menn a souhaité connaître l'avis du conseil d'administration de l'Acoss sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ainsi que les préconisations de ce conseil pour faire face aux besoins de trésorerie à court terme et au déséquilibre structurel des finances sociales.

Bernard Cazeau s'est demandé si l'Acoss n'a pas vocation à disparaître avec l'apparition d'un secteur optionnel de tarification des actes médicaux, qui conduira à faire financer à terme la quasi-totalité des actes médicaux par les mutuelles et les patients eux-mêmes. Il a souhaité connaître le statut de l'AFT et a voulu savoir pourquoi l'Acoss ne peut émettre des billets de trésorerie à concurrence de ses besoins de financement.

Yves Daudigny a comparé les finances sociales à un manège emballé : alors qu'on parlait jusqu'alors de déficits en milliards d'euros, il est désormais question de dizaines de milliards. La mutualisation des trésoreries sociales ne saurait conduire à prélever les excédents de la CNSA, qui doivent lui permettre de faire face à ses engagements. Seule une forte augmentation des prélèvements obligatoires est susceptible d'assainir la situation de la sécurité sociale.

En réponse aux orateurs, Pierre Burban a précisé que le conseil d'administration a émis un avis défavorable sur le PLFSS pour 2010. L'Acoss ne peut demeurer durablement dans la situation qu'elle connaît aujourd'hui, dès lors que sa mission n'est pas de financer des déficits massifs, mais de faire face à des besoins de trésorerie liés au décalage temporel pouvant exister entre recettes et dépenses. Le Gouvernement a décidé que le déficit de la sécurité sociale pour 2009 ne sera pas repris par la Cades, de sorte que l'Acoss devra assurer la gestion des déficits cumulés des années 2009 et 2010. Elle en prend acte, tout en constatant qu'une telle opération ne pourra en aucun cas être renouvelée en 2011 et que des solutions pérennes devront être trouvées avant la fin de l'année 2010. Dans cette attente, l'Acoss complètera ses sources de financement en recourant, par l'intermédiaire de l'AFT, qui est une émanation de l'Etat spécialisée dans le financement de celui-ci, à des émissions sur des marchés sur lesquels elle n'est pas présente jusqu'à présent.

Pierre Ricordeau, directeur de l'Acoss , a fait valoir que les nouvelles émissions seront faites sur le marché de l'« euro commercial paper », l'émetteur demeurant l'Acoss même si l'AFT assurera techniquement la prestation. La signature de l'Acoss est aujourd'hui suffisante pour que des fonds puissent être levés sur ce marché sans recourir à la garantie de l'Etat. Les coûts des nouvelles émissions devraient être comparables à celui des émissions de billets de trésorerie, très inférieurs à celui des crédits bancaires. Indépendamment de l'intervention de l'AFT, l'Acoss devra renforcer sa capacité opérationnelle pour intervenir davantage sur le marché des billets de trésorerie. Il n'est cependant pas possible d'émettre sans limite sur ce marché, compte tenu du nombre d'investisseurs présents.

Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss, a précisé que le marché des billets de trésorerie porte sur un montant total d'environ 45 milliards d'euros actuellement et que l'Acoss, qui dispose d'une signature reconnue et appréciée, y est déjà très présente. Les émissions sur le marché de l'euro commercial paper permettront de dégager des financements nouveaux, les signatures publiques étant particulièrement appréciées sur ce marché.

En ce qui concerne la mutualisation des trésoreries sociales, elle reposera sur une logique de conventionnement avec les organismes concernés et non d'obligation. Concrètement, la CNSA pourra soit acheter des billets de trésorerie soit procéder à un dépôt sur le compte de l'Acoss. La rémunération qu'elle obtiendra sera comparable à celle qu'elle pourrait trouver ailleurs.

Pierre Ricordeau a ensuite indiqué que la convention entre l'Acoss et la CDC prévoit bien la possibilité de concours jusqu'à 31 milliards d'euros, mais qu'elle contient aussi des clauses précisant que les montants apportés dépendent des capacités de la caisse qui font l'objet d'une vérification annuelle. L'avenant récemment signé traite de la question des financements compris entre 0 et 25 milliards d'euros, la question des financements complémentaires jusqu'à 31 milliards d'euros devant faire l'objet de négociations complémentaires. L'une des solutions consisterait à distinguer, au sein des financements de la CDC, entre les avances quotidiennes liées aux fluctuations de la trésorerie et un socle incompressible de financement qui pourrait être traité différemment.

Alain Gubian a évoqué les exonérations de cotisations sociales pour souligner que celles-ci ont atteint 29,8 milliards en 2009, parmi lesquelles 27,2 sont compensées. Les principales exonérations sont celles résultant de l'allègement Fillon et de la loi Tepa. La dette de l'Etat liée aux exonérations de cotisations atteignait 2,3 milliards le 31 janvier 2009 et s'établira à 2,7 milliards le 31 décembre. Le solde concerne notamment l'aide médicalisée d'Etat et l'allocation adulte handicapé (AAH), ainsi que le fonds national d'aide au logement (Fnal).

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