ANNEXE - RÉPONSES DE LA COUR DES COMPTES AU QUESTIONNAIRE DE M. ALAIN VASSELLE, RAPPORTEUR GÉNÉRAL DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, SUR LE RAPPORT CONSACRÉ À LA SÉCURITÉ SOCIALE
SUR LE TRAITEMENT DE LA DETTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Question 1
Le PLFSS pour 2010 ne prévoit aucune reprise de dette par la Cades ni aucune autre forme de traitement des déficits sociaux que l'Acoss devra donc porter dans ses comptes dans la limite d'un plafond historiquement élevé de 65 milliards d'euros. Que pense la Cour du choix ainsi fait par le Gouvernement ? Plus précisément :
- quelle est l'opinion de la Cour sur la manière dont il est envisagé de couvrir les besoins de trésorerie de l'Acoss : avances de la CDC, émissions de billets de trésorerie par l'Acoss, émissions de l'Agence France Trésor pour le compte de l'Acoss ?
- en laissant les déficits s'accumuler à l'Acoss, contrairement aux préconisations de la Cour, ne prend-on pas un risque majeur, considérant que rien ne permet aujourd'hui d'exclure que la situation tout à fait exceptionnelle en matière de taux puisse s'inverser brutalement ?
- le cadre organique en vigueur, c'est-à-dire celui d'une durée de vie limitée de la Cades, doit-il être préservé tel quel ou assoupli à l'occasion d'une prochaine réforme, sachant que, dans les conditions actuelles, tout report d'une reprise de dettes entraîne un renchérissement des charges d'intérêt et donc la nécessité de prévoir pour l'avenir des transferts de ressources supérieurs à ceux effectués il y a un an ou qui pourraient être décidés aujourd'hui ?
Réponse
La Caisse des dépôts a signalé dès la fin de 2007 qu'elle ne pourrait financer que 25 milliards d'euros sur les 31 demandés. Les discussions entre la Caisse et l'Acoss se sont poursuivies, sous le regard des tutelles en 2008, jusqu'à l'automne 2009, comme l'indique le rapport.
La limite fixée par la Caisse à ses interventions a incité l'Acoss à diversifier ses modes de financement. D'autres outils ont donc pris le relais, l'émission de billets de trésorerie, souscrits notamment mais pas seulement par France Trésor.
A l'occasion de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le Gouvernement a confirmé que l'Acoss pourrait procéder à des émissions complémentaires sur les marchés, afin de couvrir un besoin de trésorerie au montant compris entre 30 et 60 milliards d'euros. Ces émissions bénéficieront du soutien technique de l'agence France Trésor, qui agira « comme prestataire de service » de l'Acoss.
Le Gouvernement n'ayant pas donné de précisions sur les modalités techniques de ces émissions, nous ne sommes pas en mesure de porter une appréciation sur leur impact financier. Nous pouvons juste constater que le niveau exceptionnellement bas des taux courts favorise aujourd'hui une solution de refinancement à court terme, mais que ces conditions ne peuvent être que transitoires. Si, comme c'est le cas habituellement, les taux remontent lorsque se confirmera la reprise attendue, l'accumulation des déficits pèsera lourdement sur les charges d'intérêt.
La critique de la Cour vise cependant moins les modalités actuelles de gestion de la dette sociale que les principes. Car l'accumulation de découverts, laissés à la charge de l'Acoss, prive de portée le système de cantonnement de la dette sociale. Or, la création de la Cades, en 1996, visait justement à mettre fin à la facilité de déficits accumulés, sans que leur apurement soit organisé et financé. La règle posée en 2005, par l'article 20 de la loi organique, selon laquelle tout nouveau transfert de dette doit s'accompagner de recettes supplémentaires, afin de ne pas reporter la date finale de remboursement, avait pour finalité de renforcer encore cette exigence d'une maîtrise relative des déficits sociaux.
C'est pourquoi la Cour recommande dans le rapport que ces découverts (qui atteindront, selon les prévisions du projet de loi de financement de la sécurité sociale, 150 milliards d'euros de 2010 à 2013) soient transférés à la Cades. Ce qui signifie à l'évidence, pour respecter la loi organique que des ressources nouvelles de CRDS lui soient affectées. C'est également ce que le rapporteur général a préconisé.
S'il est difficile d'envisager dans l'immédiat de majorer les cotisations et la CSG à hauteur des déficits, au moins peut-on prévoir de financer l'amortissement d'un nouveau transfert à la Cades. Pour notre part, nous n'envisageons pas d'assouplir la règle posée par la loi organique, afin d'éviter de pousser devant nous à l'infini une masse croissante de déficits sociaux.
SUR LES RELATIONS FINANCIÈRE ENTRE L'ETAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE
Question 2
La Cour constate une nouvelle fois la reconstitution de la dette de l'Etat à l'égard des régimes de sécurité sociale. Malgré les progrès accomplis, elle considère que les procédures budgétaires sont encore insuffisantes.
Quelles sont les préconisations de la Cour pour parvenir à de meilleures prévisions en loi de finances initiale alors même que ces prévisions s'appuient sur les indications de l'Acoss et que, comme le souligne la Cour, elles comportent une réelle marge d'incertitude comme le montrent les variations des dotations affectées aux prestations logement ?
Réponse
A l'automne 2007 et plus récemment fin 2008, l'Etat avait accompli un effort notable d'apurement de ses dettes envers le régime général et les autres régimes, en remboursant 6,5 milliards d'euros. Il est frappant pourtant de constater que les dettes de l'Etat à fin 2008 se sont largement reconstituées : elles atteignaient 7,4 milliards d'euros dans les comptes au 31 décembre 2008, et presque 6 milliards d'euros encore, après les versements intervenus début janvier, en application de la loi de finances rectificative pour 2008. Dans cet ensemble, les dettes exigibles, qui proviennent d'une insuffisance de crédits budgétaires, représentent 3,6 milliards d'euros.
Un tableau dans le rapport détaille les dettes vis-à-vis du seul régime général, pour 3 milliards d'euros, liées à des insuffisances budgétaires. Le poste essentiel est dû au remboursement des exonérations ciblées, qui atteint 2,3 milliards d'euros.
L'écart sur ce poste (l'insuffisance représente plus du quart du coût de ces exonérations) dépasse la marge d'erreur acceptable, même si on doit admettre que la prévision n'est pas toujours aisée (en ce qui concerne le coût des aides au logement, les écarts plus limités constatés peuvent être expliqués par cette difficulté des prévisions).
Selon le directeur du budget, auditionné par la Cour à l'été, ces écarts récurrents ne traduisent pas une sous-estimation délibérée mais s'expliquent par les aléas de la procédure budgétaire. Plus précisément, les montants de crédits inscrits auraient à plusieurs reprises intégré comme acquises des mesures d'économies, en particulier pour les exonérations dans les Dom. De même pour les crédits de l'aide médicale d'Etat. Or les réformes envisagées n'ont pas été adoptées. La logique voudrait que dès lors les crédits devenus insuffisants soient abondés, ce qui n'a pas été le cas.
La réponse écrite des ministres au rapport, très diserte sur ce point des dettes de l'Etat souligne que la Cour a relevé des premiers progrès et que « le Gouvernement entend continuer dans cette voie, tant lors de l'élaboration du projet de loi initiale que lors de celle du projet de loi rectificative ». Nous suivrons donc cet engagement, récemment encore confirmé par le ministre Eric Woerth devant la commission des comptes de la sécurité sociale.
SUR LA MISE EN oeUVRE DE LA T2A ET LA CONVERGENCE INTERSECTORIELLE
Question 3
La Cour fait un bilan nuancé de la mise en oeuvre de la T2A insistant en particulier sur l'opacité et le manque de lisibilité des choix effectués par la tutelle.
Quelles sont les marges de progression estimées par la Cour pour assurer une répartition plus optimale entre la part de la T2A et la part des Migac dans le financement des établissements de santé ? Quelles sont les conditions nécessaires pour parvenir à une plus grande lisibilité dans le mode de financement des hôpitaux ?
La convergence intersectorielle dont le Gouvernement demande le report à 2018 constitue-t-elle un objectif pertinent pour la Cour ? A quelles conditions apparait-elle possible ? Quelles contraintes exige-t-elle pour chacun des secteurs hospitaliers ?
Quelle est l'opinion de la Cour sur l'annonce par le Gouvernement d'une expérimentation de convergence ciblée sur quelques dizaines de GHS ? Est-elle compatible avec la démarche plus générale d'analyse objective et complète des écarts de coûts entre les secteurs public et privé ?
Réponse
Les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) représentaient en 2008 14 % de l'enveloppe « médecine-chirurgie-obstétrique » (MCO), les tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) 76 % (le solde, 10 %, correspondant aux divers forfaits ou aux médicaments de la liste en sus). A partir de 2009, parallèlement à l'introduction d'une nouvelle grille tarifaire dite V11, divers postes jusque là rémunérés par les tarifs ont été inclus dans les Migac. C'est en particulier le cas pour les charges liées à la permanence des soins (évaluées à 760 millions d'euros, dans le seul secteur public, ce qui conduit pour ce seul poste à une diminution de 3,3 % des tarifs) et pour celles liées à la prise en charge de la précarité (évaluée à 100 millions d'euros, pour 95 % dans le public).
Cette évolution pose la question de l'équilibre entre tarifs et dotations. Y a-t-il une répartition optimale entre dotations et tarifs, au sein de l'enveloppe dite « MCO » ? L'examen des pratiques de pays comparables à la France, d'ailleurs pas si aisé, semble montrer cependant que dans tous subsiste une part de dotations globales. La France ne fait donc pas exception.
Bien entendu, les avantages attendus d'une tarification à l'activité supposent que la part des dotations reste limitée.
Mais surtout, et c'est là notre propos, que les dotations correspondent à des charges objectivables et chiffrables et ne servent pas à masquer les conséquences financières des lenteurs dans les réformes d'organisation et de fonctionnement.
De ce point de vue, notre inquiétude provient surtout, d'une part des retards dans les travaux d'objectivation des missions d'intérêt général (les Mig), d'autre part de la croissance de la composante dite « aide à la contractualisation », et au sein de cet ensemble, des aides dites « diverses ».
La lisibilité du mode de financement des hôpitaux suppose des règles claires qui reposent sur une bonne connaissance des coûts des hôpitaux et qui s'inscrivent dans la durée. Le rapport démontre que si les changements importants qui ont marqué la campagne 2009 (arrivée de la version V11 de la classification, nouvelle échelle des coûts commune aux secteurs public et privé, évolution de la liste des Mig, etc.) sont plutôt positifs, leur mise en oeuvre a été obscurcie par divers aménagements destinés à en réduire les effets et cela dans des conditions mal explicitées. Il en est résulté une communication tardive des nouveaux tarifs, gênante pour les hôpitaux.
La Cour a donc recommandé la stabilisation des règles pendant trois ans, mis à profit pour finaliser des travaux de fond, tels que la clarification des Mig ou du modèle de fixation des tarifs. La contrainte tarifaire, dont les effets potentiels seront de plus en plus sensibles, au fur et à mesure que la période de transition prévue jusqu'à 2012 s'achève, sera mieux acceptée si ses règles sont comprises et identiques pour tous.
Parmi les travaux de fond, signalés dans le rapport, figure le chantier de la « convergence inter-sectorielle ». Dans quelle mesure est-il possible de retenir des tarifs identiques pour les groupes homogènes de séjours, dans les deux secteurs, des établissements publics d'une part, des cliniques privées d'autre part ?
C'est une question devenue polémique, puisqu'elle s'est invitée à grands coups d'encarts publicitaires sur les ondes et dans les journaux. Il n'est pas sûr qu'elle ait gagné en clarté pour autant.
Pour progresser, il convient déjà d'avoir une connaissance comparative des coûts entre hôpitaux et cliniques. La nouvelle échelle nationale de coûts à méthodologie commune, mise en place en 2009 sur la base des données 2006, y contribue. Mais l'outil comporte encore de nombreuses limites, ce qui le rend encore impropre à fonder une tarification commune qui conditionne un chiffre d'affaires.
Supposons ces difficultés méthodologiques surmontées. Resteront de nombreuses questions : doit-on rendre identiques tous les tarifs, même lorsque certains soins sont pratiqués presque exclusivement dans un secteur, alors que ces mêmes soins ne représentent qu'une activité marginale dans l'autre ? Doit-on alors ne viser l'identité des tarifs que pour les actes les plus courants, que pour ceux qui sont réalisés de manière comparable, en fréquence, dans les deux secteurs ?
Faute d'avoir précisé ces points, l'objectif de convergence reste flou, ce qui explique que la Cour ne se soit pas prononcée sur sa légitimité. Dans ce contexte, une expérimentation de convergence limitée à certains GHS peut être utile.
La décision de report de la mise en place de la convergence intersectorielle est donc apparue justifiée à la Cour en raison de l'importance des questions qui restent à étudier.
SUR L'ORGANISATION DE L'HÔPITAL
Question 4
Le rapport de la Cour présente les résultats d'une enquête comparative très éclairante sur les différences rencontrées dans l'organisation à l'hôpital. La Cour n'hésite pas à qualifier ces résultats d'« étonnamment hétérogènes » et souligne les conséquences financières qu'ils impliquent en termes de dépense hospitalière.
Comment améliorer la diffusion des bonnes pratiques dans le secteur hospitalier et la rendre véritablement efficace ?
Comment, d'une façon plus générale, peut-on réformer en profondeur l'organisation à l'hôpital qui, selon la Cour, semble expliquer nombre de surcoûts et donc receler d'importants gisements d'économies ? Est-ce la responsabilité du directeur de l'hôpital, du directeur général de l'ARS, de la tutelle ? D'où doit partir l'impulsion et qui doit répondre des résultats ?
Réponse
Notre enquête met en effet en évidence une disparité surprenante des modes d'organisation et donc des performances qui s'en suivent, disparité qui ne s'explique que partiellement par les différences de vocations et d'échelle entre les établissements de notre échantillon.
Ce constat traduit notamment la trop faible diffusion des « bonnes pratiques » proposées en particulier par l'ancienne mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier (Meah), désormais intégrée dans la nouvelle agence nationale d'appui à la performance. L'organisation du parcours du patient, au sein d'un établissement, l'organisation de l'accueil dans les urgences, la réduction des examens inutiles aux urgences, une meilleure utilisation des blocs opératoires, voilà autant de domaines où des « bonnes pratiques » ont été définies. Mais les référentiels existants sont souvent ignorés ou écartés, faute d'implication suffisante à tous les niveaux : ARH, directeurs des établissements, chefs de service ou de pôle.
Des marges de progrès existent, heureusement, d'abord par l'intervention croissante des pôles, qui devraient progressivement devenir un échelon utile, permettant justement une réflexion sur les moyens et les modes d'organisation plus efficaces.
Deuxième piste, également en cours, l'intégration prochaine de modules relatifs à la gestion dans les référentiels de « certification » des établissements qu'organise la Haute Autorité de santé (la HAS).
Les contrats d'objectifs et de moyens entre ARH et établissements, comme les contrats que passent les directeurs avec les chefs de pôle, devraient être autant de moyens d'imposer des réformes d'organisation et de fonctionnement. Nous proposons dans le rapport que les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les établissements et la tutelle intègrent d'une part un volet relatif aux outils de gestion et à leur diffusion effective dans les pôles, d'autre part que ces contrats ou leurs avenants soient l'occasion d'une revue des performances comparées des différents pôles et de la définition de plans d'actions, en cas de performances dégradées.
Comme vous le constatez, les progrès dépendent d'une chaîne d'interventions : du chef de service au chef de pôle, puis au directeur de l'établissement, enfin aux futures ARS, sans oublier les tutelles nationales, dont nous avons constaté qu'elles avaient trop souvent désavoué les ARH, lorsque celles-ci incitaient à des mesures de maîtrise des dépenses ou de restructuration.
Restructuration du tissu hospitalier et réformes de l'organisation interne des hôpitaux sont en effet très liées, même si la Cour les a traitées successivement dans ses rapports. Mais depuis longtemps, nous sommes persuadés que, une fois éliminés les phénomènes de redondance entre établissements ou services dans un même territoire de santé, le gisement principal d'économies réside dans l'organisation et le fonctionnement interne des établissements.
Améliorer la situation ne suppose aucun texte nouveau, seulement de la volonté et une constance dans l'effort.
SUR LES MAJORATIONS DE DURÉE D'ASSURANCE
Question 5
Dans le cadre du PLFSS pour 2010, le Gouvernement a choisi de réformer la majoration de durée d'assurance (MDA) accordée aux mères de famille, sans modifier l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).
Sachant que ces deux dispositifs sont complémentaires :
a) quel aurait pu être le schéma d'une réforme d'ensemble ?
b) Comment la Cour juge-t-elle le dispositif prévu à l'article 38 du PLFSS ?
Réponse
a) La Cour estime en effet que les deux dispositifs - la MDA et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) - doivent être réformés ensemble. Fort complexe, l'AVPF est en outre d'un coût croissant. Bien que créée en 1972, elle n'est pas encore complètement montée en charge et ne trouvera son plein effet qu'à l'horizon 2040.
L'orientation retenue par la Cour consiste à réformer conjointement les deux dispositifs qui ont pour effet d'octroyer des trimestres pour la durée d'assurance en raison de la présence d'enfants. La Cour propose donc une solution globale et cohérente avec la situation dégradée des régimes de retraites :
- une AVPF simplifiée destinée à compenser les interruptions de carrière de durée limitée du père ou de la mère pour s'occuper d'un jeune enfant ;
- une MDA limitée à six mois, compensant la maternité et donc réservée aux mères ;
- l'absence de cumul entre les deux dispositifs : la MDA n'étant pas attribuée dès lors que deux trimestres ou plus d'AVPF sont validés dans l'année.
b) Le nouveau régime, tel qu'il est défini à l'article 38 du PLFSS 2010, prévoit :
- 4 trimestres de MDA attribués à la mère, pour la compensation de la maternité ;
- 4 trimestres de MDA compensant les effets de l'éducation des enfants sur la carrière, attribuables à la mère ou au père, en fonction de la décision du couple ;
- pour les enfants nés avant la réforme, dont les parents ne sont pas encore partis à la retraite, le principe général est la conservation des droits acquis et l'absence de rétroactivité de la réforme.
Ce nouveau dispositif est prévu à coût nul alors que les pistes de réforme proposées par la Cour visaient clairement à s'engager sur la voie des économies tout en sauvegardant notre régime de retraite par répartition.
La Cour regrette donc que le gouvernement se précipite pour réformer la MDA, en raison des décisions juridictionnelles qui certes impliquaient une évolution, sans en profiter pour repenser l'ensemble des avantages de retraite liés aux enfants. Par ailleurs, elle observe que la réforme ne paraît pas de nature à répondre au principe d'égalité homme /femme. En effet, 4 trimestres, c'est trop pour correspondre à un congé de maternité. Il y a donc un risque de requalification de cette solution en discrimination indirecte. D'ailleurs la Commission européenne a récemment saisi la France d'un avis motivé concernant la MDA des fonctionnaires et plus précisément la solution transitoire prévue par la loi de 2003 pour les enfants nés avant 2004.
Par ailleurs, la solution consistant à offrir le choix aux parents pour la deuxième année devra être encadrée pour ne pas créer des difficultés au sein des couples, par exemple en cas de divorce.
SUR LA DURÉE D'ASSURANCE DANS LE CALCUL DES DROITS À LA RETRAITE
Question 6
Dans le contexte d'une dégradation rapide de la situation financière des régimes de retraite, la Cour pose la question de l'aménagement des règles présidant à la constitution de la durée d'assurance. Elle insiste sur la nécessité d'en améliorer la lisibilité et la contributivité.
Parmi les pistes de réforme envisagées, quelles sont celles qui lui paraissent prioritaires pour renforcer le principe de contributivité de la durée d'assurance ?
Réponse
En proposant d'examiner les conditions d'un accroissement du lien entre l'effort contributif des cotisants et les droits à pension, la Cour s'inscrit dans le prolongement de la loi du 21 août 2003. Ce principe de contributivité est consubstantiel à notre système de retraites.
Pendant des décennies, dans un contexte de faible niveau originel des pensions acquises par cotisations et de rapports démographiques favorables, de nombreuses réformes généreuses ont permis d'accorder des trimestres avec un effort contributif nul ou très faible, au moyen d'un ensemble de règles complexes que le rapport détaille. Mais aujourd'hui, la dégradation des rapports démographiques et son corollaire, l'accroissement continu des déficits des régimes de retraite, justifient que la contributivité du système soit renforcée.
Parmi les pistes évoquées, certaines sont de mise en oeuvre aisée, ainsi de l'exclusion de la création de tout nouveau mécanisme de validation de périodes sans cotisations. Mais j'espère que ceci est désormais évident pour tous.
Pour d'autres, dont les effets ont pu être mesurés avec l'appui de la Cnav, il est vrai que les conséquences en termes de redistribution sont importantes, ce que les travaux de la Cour ne cachent pas, dès lors que l'on envisagerait d'augmenter la base des « 200 heures » de Smic permettant la validation d'un trimestre pour la durée d'assurance, ou de substituer à cette référence en termes de rémunérations une durée réelle d'activité. Mais la Cour estime que l'insuffisance éventuelle de revenus de certains retraités doit être compensée, sous condition de ressources, par le dispositif prévu à cet effet : le minimum vieillesse.
D'autres pistes ouvertes par la Cour, s'inscrivant dans une même perspective, n'ont pu être entièrement analysées dans leurs effets. Je pense ici :
- à des mesures simples, telles que l'harmonisation des seuils déclenchant l'attribution d'un trimestre « assimilé » à 90 jours, soit la durée d'un trimestre ;
- à d'autres, plus ambitieuses sans doute, comme l'introduction d'une condition de durée cotisée, pour la validation d'un trimestre, ou à l'échelle de la carrière, pour l'obtention de la liquidation au taux plein avant 65 ans.
Dans la plupart des cas - pour ne pas dire dans tous - certains assurés seraient nécessairement amenés à devoir cotiser plus, ou plus longtemps pour maintenir leurs droits à la retraite. Mais aujourd'hui, aucun doute n'est plus permis, c'est bien dans ce sens que les réformes doivent s'engager, pour répondre au choc démographique et ce au plus vite, dans un souci de justice sociale, afin de faire porter l'effort sur toutes les générations et toutes les catégories sociales.
Certes, il ne revient pas à la Cour d'établir un agenda de réformes. Mais chacun sait qu'en matière de retraites, les réformes ne peuvent monter en charge que progressivement et que tout délai dans leur adoption retarde d'autant leur rendement.
De toute façon, le rendez vous prévu en 2010 sur les retraites sera l'occasion d'une réflexion certainement plus ambitieuse sur l'avenir de notre système. Car les propositions de la Cour restent assez modestes à l'échelle du problème.