B. UNE MISSION À REPLACER DANS LE CONTEXTE DES POLITIQUES AGRICOLES ET DE LEURS RÉFORMES

1. Le budget de la mission ne représente qu'une partie modeste des dépenses publiques destinées à l'agriculture

a) Le nouveau périmètre de la mission

En 2009, la programmation pluriannuelle des finances publiques s'est accompagnée d'une reconfiguration des missions du budget général de l'Etat visant à augmenter leur taille et à mieux faire coïncider leur périmètre avec ceux des départements ministériels. Pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », cette démarche s'est traduite :

- par l'incorporation du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de l'ancienne mission « Sécurité sanitaire ». L'intitulé de la mission a été modifié en conséquence et est devenu : « Agriculture, pêche, alimentation , forêt et affaires rurales » ;

- par la fusion des anciens programmes 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », et 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », en un unique programme, intitulé « Economie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » .

Ce nouveau programme 154, doté de la moitié des crédits de paiement de la mission, devient le pivot budgétaire de la politique d'intervention du ministère et met largement en oeuvre des dispositifs trouvant une contrepartie au titre de la politique agricole commune (PAC).

b) Le poids prépondérant des dépenses d'intervention au sein de la mission

La répartition des crédits de la mission manifeste très clairement la vocation de ministère d'intervention du MAAP.

47 % des CP de la mission sont en effet dédiés à des dépenses de titre 6 (soit 1,6 milliard d'euros), largement concentrées sur le programme 154. 28 % sont consacrés aux dépenses de personnel (976 millions d'euros) et 24 % aux dépenses de fonctionnement (823 millions d'euros).

Répartition par action et par titre des crédits de paiement de la mission

(en euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Les crédits de la mission doivent être rapprochés des autres concours publics à l'agriculture , et en particulier des dotations communautaires accordées au titre de la PAC .

Votre rapporteur spécial souligne que celles-ci représentent près des trois quarts de l'ensemble des dépenses de l'Union européenne en France 7 ( * ) , faisant de notre pays le premier bénéficiaire de cette politique communautaire.

c) La diversité des concours publics à l'agriculture

Selon les réponses du MAAP au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial, la contribution du ministère au financement public du secteur agricole s'élevait, en 2008, à 5,25 milliards d'euros 8 ( * ) et celles des autres ministères à plus de 860 millions d'euros, soit une contribution nationale totale de 6,11 milliards d'euros à l'agriculture 9 ( * ) .

De plus, les dépenses de protection sociale représentaient 11,7 milliards d'euros en 2008.

Enfin, le financement communautaire était de 8,5 milliards d'euros au titre du premier pilier et de 890 millions d'euros au titre du second.

Votre rapporteur spécial souligne que le périmètre de la mission APAFAR ne s'élève donc qu'à un peu plus de 10 % de l'ensemble des concours publics annuels à l'agriculture , comme l'indique le tableau de la page suivante.

L'ajout des dépenses fiscales à la somme de ces concours publics, conduirait à réduire davantage la part de la mission APAFAR dans l'ensemble des moyens consacrés à l'agriculture.

Ces dépenses, qui résultent de dispositions dérogatoires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes fiscales, sont par leur nature même difficiles à évaluer . En matière agricole, elles seraient de l'ordre de 3 milliards d'euros : la remise au Parlement d'un rapport spécifique sur la fiscalité agricole 10 ( * ) , n'a pas permis de préciser rigoureusement l'ampleur de ces mesures, concentrées sur le programmes 154. Selon le tome II de l'annexe « Evaluation des voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2010, qui récapitule l'estimation de l'ensemble des dépenses fiscales, la mission APAFAR ne compterait pas moins de 49 dépenses fiscales différentes , pour un coût d'environ 2,88 millions d'euros, dont 2,66 millions d'euros pour le seul programme 154. L'analyse détaillée reste incomplète dans la mesure où le coût de plusieurs dépenses fiscales n'est pas renseigné .

Votre rapporteur spécial reconnaît que la présentation des dépenses fiscales par programme est améliorée dans le projet annuel de performances (PAP) de la mission pour 2010 par rapport aux documents budgétaires des années précédentes, mais il déplore l'absence de récapitulatif global à l'échelle de la mission au sein du PAP .

De manière générale, il souhaite donc que le Gouvernement continue à améliorer l'information parlementaire en la matière , d'autant plus que l'évaluation de ces dispositifs est sujette à caution selon la Cour des Comptes . Dans sa note sur l'exécution budgétaire 2008, celle-ci fait ainsi valoir que le montant des dépenses fiscales de la mission APAFAR serait plus proche de 4 milliards d'euros que de 3 milliards .

2. L'impact de la RGPP, du Grenelle de l'environnement et du bilan de santé de la PAC

a) La modernisation ambitieuse appelée par la RGPP

Les décisions du conseil de modernisation des politiques publiques trouvent une traduction significative en 2009 et en 2010 dans l'organisation du ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche et de ses opérateurs . Une évolution des dispositifs d'intervention est également constatée. Votre rapporteur spécial salue la diligence avec laquelle est conduite la modernisation de l'administration centrale et déconcentrée du ministère ainsi que de ses opérateurs.

Dans le prolongement des conclusions de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réorganisation de l' administration centrale du ministère a consisté à regrouper en 2009 la direction générale de la forêt et des affaires rurales et la direction générale des politiques économique, européenne et internationale en une direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT). Ce regroupement est le pendant administratif de la fusion des programmes 154 et 227. La création d'un service de la prospective au sein du secrétariat général, ainsi que la réorganisation de la direction générale de l'alimentation et de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture constituent les deux autres aspects de cette refonte.

La réforme des administrations déconcentrées s'articule, quant à elle, autour de la fusion en 2009 des directions départementales de l'équipement (DDE) et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) dans de nouvelles directions départementales des territoires (DDT). Au niveau régional, sont mises en place les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), qui seront créées en 2010. Au sein des directions déconcentrées du MAAP, de nouveaux services dédiés à la sécurité alimentaire et sanitaire et à la protection des consommateurs sont mis en place.

Les opérateurs placés sous la tutelle du ministère font enfin l'objet d'importants regroupements . L'Agence unique de paiement (AUP) et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ont été fusionnés au sein de l' Agence de services et de paiement (ASP), organisme unique de paiement dans le secteur agricole. Les principaux offices agricoles ont également été regroupés au sein d'un établissement unique baptisé FranceAgriMer . A terme, ces rapprochements devront permettre une réduction des effectifs. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, ils se traduisent pour le moment par de nouvelles dépenses , liées en particulier à des investissements nouveaux en informatique.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les motifs qui ont conduit à exclure d'un mouvement de réforme aussi ambitieux l'office agricole dédié à l'outre-mer , l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) ainsi que l'organisme de paiement propre à la Corse , l'Office du développement agricole et rural de la Corse (ODARC).

Le regroupement des opérateurs concerne enfin la politique forestière , puisque l'Office national des forêts (ONF) pourrait absorber en 2010 l'Inventaire forestier national (IFN) et que le Centre national professionnel de la propriété forestière et les centres régionaux sont fusionnés en un établissement unique . Votre rapporteur spécial revient plus loin sur ce point dans son analyse du programme 149 « Forêt ».

Le PAP 2010 matérialise pour la seconde année consécutive les réformes des dispositifs d'intervention portés par le ministère et résultant de la RGPP. En 2010, la réforme du service public de l'équarrissage devrait ainsi permettre de réduire de 19 millions d'euros les crédits de CP prévus à ce titre. Le transfert aux régions 11 ( * ) des biens des sociétés d'aménagement régional et du financement des travaux d' hydraulique agricole permet de dégager 6 millions d'euros d'économie en CP en 2010 par rapport à 2009 (par rapport à 2008, les CP ouverts en 2009 étaient déjà en baisse de 16 millions d'euros en AE).

b) Le Grenelle de l'environnement

L'agriculture, la forêt et la pêche représentent des secteurs où l'impact du Grenelle de l'environnement est important et, souvent, direct . A titre d'illustration de ces objectifs environnementaux peuvent être mentionnées les politiques opérationnelles suivantes :

- le plan « agriculture biologique : horizon 2012 » qui prévoit de tripler la surface cultivée en agriculture biologique pour atteindre 6% de l'ensemble des surfaces agricoles d'ici 2012 ;

- le plan pour la certification environnementale des exploitations qui vise à engager 50 % des exploitations agricoles dans une démarche de certification environnementale d'ici 2012 ;

- le plan « Ecophyto 2018 » destiné à atteindre une réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires de moitié d'ici dix ans ;

- le plan pour la performance énergétique des exploitations agricoles qui doit permettre d'atteindre un taux de 30 % d'exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d'ici 2013. Ce plan, initié en 2009, est doté de 38 millions d'euros en 2010 ;

- les « Assises de la forêt » de janvier 2008 qui ont fixé un objectif de plus grande mobilisation des ressources forestières. En outre, le Président de la République a annoncé, lors de son discours sur la filière bois prononcé le 19 mai 2009 à Urmatt que les soutiens publics, qu'il s'agisse d'aides ou de mesures fiscales, devront, à l'avenir, être conditionnés par la gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient.

c) Le « bilan de santé » de la PAC

L'accord sur le bilan de santé de la PAC a été signé le 20 novembre 2008 , sous présidence française de l'Union européenne (UE). Il a permis d'infléchir, dans un sens favorable à la position de la France, la proposition faite aux ministres de l'agriculture des 27 Etats membres par la Commission européenne lors du Conseil de juin 2008. La Commission proposait en effet la poursuite de la généralisation du découplage des aides et le renforcement de la politique de développement rural (second pilier de la PAC).

Exprimant le refus par les Etats membres d'une transformation de la PAC en une simple politique de développement rural, l'accord a finalement garanti le maintien des instruments de régulation des marchés (interventions, aides à l'écoulement et au stockage privé pour les produits laitiers notamment etc.) ainsi que l'instauration d'une plus grande flexibilité dans la mise en oeuvre des règles en fonction des choix nationaux (aides soumises au découplage ; paiements destinés à certains types d'agriculture bénéfiques pour l'environnement ; utilisation de la modulation supplémentaire, actuellement fléchée exclusivement sur des mesures répondant aux « nouveaux défis » que sont la biodiversité, le changement climatique, la gestion de l'eau et les énergies renouvelables ; réorientation des paiements découplés). Le principe a donc été retenu de réduire fortement le niveau de transfert des aides du premier vers le second pilier.

Afin de favoriser le développement de l'assurance récolte , une enveloppe spécifique provenant des fonds communautaires est allouée tous les ans à chaque Etat membre. En 2010, elle devrait ainsi s'élever à 100 millions d'euros pour ce qui concerne la France.

S'agissant des quotas laitiers, leur abandon a été décidé dès 2003. Il a été convenu d' assortir leur augmentation de 5 % d'ici leur suppression en 2015 (à raison de 1 % par an), de clauses de rendez-vous en 2010 et 2012 pour procéder à d'éventuels ajustements. En 2009, la crise de la filière laitière a finalement conduit au gel provisoire de l'augmentation des quotas .

Au total, votre rapporteur spécial déplore que l'impact budgétaire à moyen terme des réformes importantes conduites par le MAAP , qu'elles soient liées à la révision générale des politiques publiques , au Grenelle de l'environnement , ou encore, au bilan de santé de la PAC , ne soit pas évalué avec plus de précisions. La programmation pluriannuelle des crédits de la mission, qui apparaît largement caduque à ce stade, pourrait être réévaluée en explicitant les hypothèses de gains et de coûts liés à ces réformes .

* 7 Cf. le rapport spécial 2009-2010 « Affaire européennes » de notre collègue Denis Badré (fascicule 2 du tome II du rapport n ° 101 sur le projet de loi de finances pour 2010, pages 35 et suivantes).

* 8 Ce montant correspond au périmètre du ministère, et non à celui de la mission.

* 9 Il conviendrait de plus d'ajouter à cette somme les concours apportés par les collectivités territoriales. Ils sont estimés à environ un milliard d'euros par an.

* 10 Issu d'un amendement parlementaire, l'article 138 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 prévoyait en effet la remise au Parlement d'un rapport sur la fiscalité agricole avant le 10 octobre 2009. Le Sénat l'a reçu du Premier ministre le 21 octobre 2009.

* 11 Le MAAP conserve à sa charge l'entretien des ouvrages domaniaux dont il est propriétaire et les investissements dédiés à la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, dans le cadre de la concession d'Etat dont celle-ci bénéficie.

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