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Rapport n° 129 (2009-2010) de M. Jean BIZET , fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 2 décembre 2009

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N° 129

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 décembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1), comportant le texte de la commission, sur la proposition de résolution européenne de Mme Fabienne KELLER, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement , sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d' inclusion carbone aux frontières ,

Par M. Jean BIZET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, François Fortassin, Alain Fouché, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Philippe Paul, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

98 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 17 novembre dernier, une proposition de résolution européenne 1 ( * ) portant sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières a été déposée au Sénat par Mme Fabienne Keller au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du règlement.

Cette proposition de résolution a été renvoyée à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui, le 24 novembre 2009, a chargé votre rapporteur de l'examiner au fond.

Le présent rapport présente donc les observations de votre rapporteur sur les différents aspects abordés par la proposition de résolution de notre collègue , à savoir, d'une part, le fonctionnement du marché des quotas de CO 2 et ses perspectives d'évolution, et, d'autre part, l'éventualité et les conditions de la mise en oeuvre d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.

Cette proposition de résolution s'inspire largement des conclusions de l'excellent rapport d'information 2 ( * ) fait par Mme Fabienne Keller au nom de la commission des finances, adoptées à l'issue des travaux d'un groupe de travail sur la fiscalité environnementale, sur l'instauration d'une contribution « climat-énergie », le fonctionnement et la régulation des marchés de quotas de CO 2 .

La proposition de résolution aborde d'abord la réforme programmée du marché des quotas de CO 2 à compter de 2013 , suite à l'adoption par l'Union européenne, dans le cadre de la présidence française, du paquet « énergie-climat » en décembre 2008.

En effet, la directive du 23 avril 2009 3 ( * ) améliorant et étendant le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre va profondément changer les règles de fonctionnement du marché des permis d'émissions pour la période 2013-2020, l'objectif visé étant une baisse de 21 % des émissions en 2020 par rapport à 2005. Le principal changement sera le passage progressif du principe d'attribution gratuite des quotas de CO 2 à celui de mise aux enchères.

Dans cette perspective, la proposition de résolution préconise d'axer l'organisation de ces enchères autour d'une plateforme européenne permettant de déterminer un prix unique d'adjudication. Cela n'empêcherait pas que le produit des enchères soit intégralement reversé aux États membres, au prorata des quotas qui leur sont alloués.

La proposition de résolution préconise également de réglementer et encadrer le marché secondaire des quotas de CO 2 , ce qui implique le passage par une chambre de compensation ainsi que sa surveillance par une autorité européenne, ou à défaut par des autorités nationales existantes, telles que l'Autorité des marchés financiers pour la France.

La proposition aborde ensuite la perspective de la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Union européenne souvent désigné de « taxe carbone aux frontières ». Il s'agit là d'un vrai sujet d'interrogation, qui se situe au carrefour d'enjeux économiques et écologiques forts, dans un contexte de crise économique pesant sur le niveau d'activité et sur l'emploi de nos concitoyens.

En effet, dans le cas où la totalité des quotas d'émission de GES serait mise aux enchères, de nombreux secteurs d'activités se retrouveraient exposés à une concurrence déloyale de la part de pays tiers qui ne s'imposeraient pas de telles contraintes environnementales. Dès lors, les Etats membres s'exposeraient à des risques de « fuites de carbone » dommageables économiquement et socialement pour l'Union européenne, écologiquement pour la planète.

C'est pourquoi la proposition de résolution envisage l'éventualité de l'instauration d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières. Il convient de ne pas sous estimer les difficultés, tant diplomatiques que techniques, que peut soulever la création d'un tel instrument. Le succès de sa mise en place repose à la fois sur une exacte appréhension des rapports de force au niveau international, et au sein même de l'Union européenne, ainsi que sur une bonne conception des modalités pratiques de son déploiement.

En définitive, votre rapporteur forme des voeux pour que cette contribution du Sénat au débat sur le changement climatique puisse orienter et appuyer les positions défendues par les autorités françaises, et plus largement par l'Union européenne, dans le cadre des négociations qui se dérouleront lors de la 15 ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Copenhague du 7 au 18 décembre 2009.

I. AMÉLIORER LE MARCHÉ DES QUOTAS DE CO2 EST UN IMPÉRATIF ÉCOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE

A. UN MARCHÉ À CARACTÈRE ENCORE EXPÉRIMENTAL

1. Les principes du marché de quotas de CO2

Les pays parties au Protocole de Kyoto ont pris des engagements contraignants en termes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour ce qui la concerne, l'Union européenne s'est engagée à réduire de 8 % ses émissions globales de GES par rapport à 1990. Afin de remplir cette obligation, ses États membres ont mis en place un système communautaire d'échange de quotas de gaz à effet de serre (SCEQE) à l'usage de leurs sites industriels les plus émetteurs de GES. Dans sa première phase, le SCEQE n'a pas concerné tous les GES, mais seulement le dioxyde de carbone (CO 2 ).

Dans le cadre du SCEQE, chaque État membre détermine, en liaison avec la Commission européenne, un niveau global d'émissions de CO 2 compatible avec l'objectif auquel il a souscrit en ratifiant le protocole de Kyoto. Il lui revient ensuite de répartir ce montant global en « quotas » de CO 2 , c'est-à-dire en autorisations d'émissions de CO 2 , entre les installations industrielles situées sur son territoire et entrant dans le champ du dispositif. Cette répartition par les États membres fait l'objet d'autant de plans nationaux d'allocation des quotas (PNAQ).

Jusqu'à présent, les quotas sont attribués gratuitement aux exploitants, en fonction des émissions générées au cours des années précédentes, dites « émissions historiques », diminuées d'un taux d'effort. L'exploitant qui a consommé tous ses quotas de CO 2 doit racheter, sur le marché secondaire, des quantités supplémentaires auprès d'autres opérateurs disposant d'un excédent. Dans l'hypothèse où il demeurerait en déficit de quotas, il doit s'acquitter de pénalités financières non libératoires.

Par construction, le SCEQE vise à permettre d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES au meilleur coût économique possible. En effet, tout exploitant industriel entrant dans le champ du dispositif se trouve incité à investir dans les technologies moins émettrices de CO 2 , s'il souhaite éviter de recourir au marché secondaire des quotas ou d'être pénalisé. Les exploitants pour lesquels le coût de la réduction des émissions est inférieur au coût des quotas réaliseront les investissements nécessaires, et seront conduits à céder une partie de leurs droits d'émissions aux exploitants pour lesquels ce coût est supérieur. De tels échanges peuvent se faire de gré à gré ou bien sur des places de marché.

LA DIRECTIVE DE 2003 SUR LE SYSTÈME COMMUNAUTAIRE
D'ÉCHANGE DE QUOTAS D'ÉMISSIONS

La directive 2003/87/CE du Parlement et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (GES) dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil a mis en place un système d'échange de quotas d'émission de GES afin de favoriser leur réduction dans des conditions efficaces et performantes.

A partir du 1 er janvier 2005, toute installation réalisant une des activités reprises à l'annexe I de la directive (activités dans le secteur de l'énergie, la production et transformation des métaux ferreux, l'industrie minérale et la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton) et émettant les GES spécifiés en relation avec cette activité doit posséder une autorisation délivrée à cet effet. Chaque Etat membre élabore ainsi un plan national d'allocation des quotas : les plans correspondant à la première période de trois ans établie par la directive (1 er janvier 2005 - 1 er janvier 2008) devaient être publiés au plus tard le 31 mars 2004 et ceux correspondant aux périodes ultérieures de cinq ans doivent être publiés au moins 18 mois avant le début de la période.

En vertu de la directive, au moins 95 % des quotas de la première période de trois ans devaient être octroyés gratuitement aux installations. Pour la période de cinq ans débutant le 1 er janvier 2008, les États membres devaient distribuer 90 % des quotas de manière gratuite.

La première phase du SCEQE (de 2005 à 2007) a permis d'établir un libre échange des quotas d'émission dans toute l'Union européenne, de mettre en place l'infrastructure nécessaire en matière de surveillance, de déclaration et de vérification. Le SCEQE est devenu, au niveau mondial, le plus grand marché du carbone et représente aujourd'hui 67 % en volume et 81 % en valeur du marché mondial du carbone.

La directive 2004/101/CE du 27 octobre 2004 a modifié la directive de 2003 au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto. Elle approfondit le lien entre ce dernier et le SCEQE en le rendant compatible avec les mécanismes dits « de projet » : la mise en oeuvre conjointe (MOC) et le mécanisme de développement propre (MDP). De cette manière, les exploitants peuvent utiliser ces deux mécanismes dans le cadre du SCEQE pour s'acquitter de leurs obligations. Les crédits résultants de projets de MOC sont appelés « unités de réduction des émissions » (URE), tandis que les crédits résultant de projets du MDP sont appelés « réduction d'émissions certifiées » (REC). Aujourd'hui, 147 pays sont liés au SCEQE à travers ces projets.

Source : Commission européenne.

2. La répartition par pays et par secteur d'activité

La mise en place du SCEQE a été découpée en deux phases : une première période de trois ans 2005-2007, destinée à étalonner la méthode de calcul et à ajuster les quotas alloués pour la période suivante de cinq années 2008-2012. Environ 120 000 sites industriels sont concernés en Europe, dont 10 % en France.

Au niveau de l'ensemble de l'Union européenne, 2,058 milliards de tonnes de CO 2 par an ont été alloués sur la première période et 1,859 milliard sur la deuxième période, soit une diminution de près de 9 % entre les deux périodes.

Pour la France, l'enveloppe annuelle s'élève à 156,5 millions de tonnes de CO 2 pour la période 2005-2007, et à 132,4 millions de tonnes pour la période 2008-2012.

Le SCEQE a été traduit en droit interne par l'ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004, dont les dispositions sont codifiées aux articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement, et par le décret n° 2007-979 du 15 mai 2007 portant plan national d'allocation des quotas (PNAQ ) pour la période 2008-2012.

Le PNAQ 2008-2012 concerne près de 11 000 installations. La distribution des quotas est relativement concentrée, puisque 10 % des installations se voient attribués 75 % des quotas. Les installations assujetties doivent restituer chaque année, le 30 avril, aux pouvoirs publics un nombre de quotas, qui représentent chacun une tonne de CO 2 , correspondant à leurs émissions. Les quotas sont inscrits électroniquement dans un registre national qui retrace les mouvements de quotas sur les comptes des opérateurs participant au marché. La tenue de ce registre est assurée par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l'État.

Les trois secteurs les plus importants en termes de quotas de CO 2 sont ceux de l'acier (20,59 % du total), de l'électricité (20,48 %) et du ciment (12,32 %).

A l'enveloppe annuelle de 124,96 millions de tonnes de CO 2 pour les installations existantes, s'ajoutent une réserve 2,74 millions pour les nouveaux entrants et une enveloppe de 4,72 millions correspondant à une légère extension du champ du PNAQ 2008-2012 par rapport au PNAQ 2005-2007, soit au total 132,4 millions de tonnes.

RÉPARTITION DES QUOTAS PAR SECTEUR
DANS LE CADRE DU PNAQ 2008-2012

Source : PNAQ II.

3. Le développement du marché secondaire

Le marché européen d'échanges des quotas de CO 2 s'est beaucoup développé depuis sa création en 2005. Le volume d'échanges constaté en 2008 s'élevait à environ 2,8 milliards de tonnes, soit dix fois plus que le volume d'échanges de 2005. Ce montant est désormais supérieur à celui des allocations primaires de quotas par les États, ce qui est l'indice d'une liquidité suffisante. Le cours actuel de la tonne de CO 2 est de l'ordre de 13 euros, contre 25 euros il y a un an.

Bien qu'ils puissent se faire de gré à gré, les échanges passent de plus en plus souvent par des plateformes spécialisées . Deux places ont ainsi émergé :

- BlueNext , basé à Paris, et orienté vers les échanges de quotas au comptant ;

- ICE-ECX , basé à Londres, et davantage orienté vers les produits dérivés des quotas, en particulier les ventes à terme et les options.

La présente proposition de résolution estime que « néanmoins, ce marché présente des faiblesses importantes. Il souffre en particulier d'une absence de régulation et d'un cadre normatif très léger. Il en résulte notamment une forte volatilité des cours des quotas, au comptant ou à terme, et des risques de fraude » .

B. DES AMÉLIORATIONS NÉCESSAIRES POUR LA TROISIÈME PHASE

1. Ce qui va changer à compter du 1er janvier 2013

En adoptant au mois de décembre 2008 le « paquet énergie-climat », l'Union européenne se propose de perfectionner le SCEQE. La directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, fixe un objectif de réduction des émissions de GES de 21 % en 2020 par rapport au niveau de 2005, chaque pays devant parallèlement remplir des objectifs nationaux. C'est dans cette perspective que le SCEQE fait l'objet d'un remaniement, avant d'entrer dans une troisième phase 2013-2020 .

La directive précitée veut faire évoluer le système actuel vers des mécanismes harmonisés et gérés au niveau européen. A partir de 2013, un montant global de quotas sera disponible pour l'ensemble de l'Union européenne afin d'être réparti entre les différents secteurs d'activité 4 ( * ) . Dès lors, au sein d'un même secteur industriel, des opérateurs émettant la même quantité de GES se verront traités dans des conditions identiques, quel que soit l'État membre dans lequel ils se situent. Ce mécanisme doit permettre de mettre fin aux disparités constatées aujourd'hui entre les différents PNAQ.

L'homogénéisation concerne également les règles en matière de surveillance, de déclaration et de vérification. La directive vise aussi à inclure de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz dans le SCEQE afin d'améliorer son efficacité environnementale. Il s'agit principalement d'inclure les émissions de CO 2 liées aux produits pétrochimiques, à l'ammoniac et à l'aluminium, ainsi que les émissions de protoxyde d'azote (N2O).

La directive précitée met surtout un terme à l'allocation gratuite des quotas. A compter de 2013, le principe applicable sera celui de la mise aux enchères des quotas par les États membres . Dès 2013, les entreprises du secteur de la production électrique devront acquérir la totalité de leurs quotas dans le cadre d'enchères. Les autres secteurs verront progressivement la part d'allocation gratuite de quotas diminuer, passant de 80 % en 2013 à 30 % en 2020.

L'article 10, paragraphe 2, de la directive précitée prévoit que la quantité totale de quotas à mettre aux enchères est répartie comme suit :

- 88 % en fonction de la part vérifiée de chaque État membre dans le cadre du SCEQE en 2005 ;

- 10 % aux fins de la solidarité et de la croissance dans la Communauté ;

- 2 % au profit des États membres dont les émissions de GES en 2005 étaient inférieures d'au moins 20 % aux niveaux de leurs émissions de l'année de référence qui leur sont applicables en vertu du Protocole de Kyoto (il s'agit des pays d'Europe centrale et orientale).

La possibilité d'attribuer des quotas gratuits demeurera toutefois, dans certains cas très particuliers 5 ( * ) , et pour les secteurs ou sous-secteurs d'activités exposés à un risque important de « fuite de carbone », c'est-à-dire de délocalisations industrielles motivées par le coût du carbone au sein de l'Union européenne.

L'article 10, paragraphe 3, de la directive précitée laisse aux États membres la libre utilisation du produit des enchères, tout en prescrivant que la moitié au moins de ce produit soit affecté à des actions en faveur de la réduction des émissions de GES.

2. Des enchères à organiser au niveau européen

L'article 10, paragraphe 4, de la directive précitée dispose que le 30 juin 2010 au plus tard, la Commission européenne arrête un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères afin de faire en sorte que celle-ci soit réalisée de manière ouverte, transparente, harmonisée et non discriminatoire . Il est précisé qu'à cette fin, le processus doit être prévisible, notamment en ce qui concerne le calendrier, le déroulement des enchères et les volumes de quotas qui, selon les estimations, devraient être disponibles.

La directive précitée indique également que les mises aux enchères sont conçues de manière à garantir :

- le plein accès, juste et équitable, des exploitants , et en particulier des petites et moyennes entreprises couvertes par le système communautaires ;

- que tous les participants aient accès simultanément aux mêmes informations et que les participants ne compromettent pas le fonctionnement de la mise aux enchères ;

- que l'organisation et la participation aux enchères soient rentables et que les coûts administratifs inutiles soient évités ;

- que l'accès aux quotas soit accordé aux petits émetteurs.

Votre rapporteur partage pleinement l'analyse de la présente proposition de résolution, selon laquelle « les quotas mis aux enchères ayant vocation à être ensuite échangés sur le marché européen du carbone, les enchères devraient être organisées au niveau d'une plateforme européenne unique. (...) L'objectif poursuivi en posant ces conditions est d'aboutir à un prix unique d'adjudication en Europe et d'éviter les jeux non coopératifs entre États membres. Cette organisation serait sans incidence sur la règle prévoyant que le produit des enchères est entièrement reversé aux États membres, au prorata des quotas leur revenant normalement ».

3. Une régulation du marché à mettre en place

La directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ne prévoit quasiment rien pour encadrer et réguler le marché secondaire des quotas de CO 2 , hormis dans trois de ses dispositions :

- l'article 10, paragraphe 5, dispose que « la Commission surveille le fonctionnement du marché européen du carbone. Chaque année, elle présente au Parlement européen et au Conseil un rapport sur le fonctionnement du marché du carbone comprenant la mise en oeuvre des enchères, la liquidité et les volumes échangés » ;

- l'article 12, paragraphe 1 bis , précise que « la Commission examine, avant le 31 décembre 2010, si le marché des quotas d'émissions est suffisamment à l'abri des opérations d'initiés ou des manipulations de marché et présente, si besoin est, des propositions afin de garantir que tel est le cas » ;

- l'article 29 dispose que « si, sur la base des rapports réguliers relatifs au marché du carbone visé à l'article 10, paragraphe 5, la Commission dispose de preuves d'un mauvais fonctionnement du marché du carbone, elle présente un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport peut être assorti, le cas échéant, de propositions visant à rendre le marché du carbone plus transparent et contenir des mesures visant à améliorer son fonctionnement » .

Ainsi, la Commission est investie seulement de la mission de surveiller le marché européen du carbone, pour éventuellement proposer a posteriori une réglementation en cas de dysfonctionnement.

Or, votre rapporteur partage l'analyse de la présente proposition de résolution, selon laquelle le marché européen des quotas de CO 2 « ne répond pas à une simple logique d'offre et de demande émergeant des acteurs économiques. C'est un instrument créé pour atteindre un objectif arrêté au niveau politique. Il n'est donc pas concevable de l'abandonner, une fois créé, à la logique ordinaire des marchés financiers » .

C'est pourquoi la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à demander à la Commission européenne de proposer rapidement une nouvelle directive visant à encadrer davantage le marché, afin de limiter le risque de contrepartie et les manipulations de cours, suivant deux orientations :

- d'une part, le passage par une chambre de compensation 6 ( * ) serait rendu obligatoire, comme c'est le cas aujourd'hui sur les marchés financiers ;

- d'autre part, une autorité européenne serait habilitée à surveiller le marché du carbone. A défaut, cette surveillance pourrait être confiée à des autorités nationales existantes, telles que l'Autorité des marchés financiers en France.

C. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Pour l'analyse des propositions de la présente proposition de résolution relatives aux quotas, votre rapporteur a pu s'appuyer notamment sur les travaux du groupe de travail mis en place par le Gouvernement sur les modalités de vente et de mise aux enchères des quotas de CO 2 en France, présidé par M. Jean-Michel Charpin, inspecteur des finances, qui a rendu ses conclusions le 1 er juillet 2009.

1. L'harmonisation du statut des quotas de CO2

La présente proposition de résolution européenne propose de clarifier le statut juridique des quotas de CO 2 , ainsi que leur statut fiscal. En effet, en droit français, les quotas sont définis comme des immobilisations incorporelles , et ne sont donc pas des instruments financiers , même s'ils peuvent servir de support à de tels instruments. Or, au moins un État membre, la Roumanie, considère les quotas comme des instruments financiers.

Fiscalement, aucun régime spécifique n'a été prévu. Les États membres se sont accordés, lors du comité TVA du 19 octobre 2008, pour considérer que les cessions à titre onéreux de quotas par un assujetti entrent dans le champ d'application de la TVA. Or, cette approche se traduit par d'importants portages de trésorerie pour les opérateurs, et par des risques de fraude qui ont conduit le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi à publier le 10 juin 2009 une instruction fiscale exonérant de TVA les échanges de quotas.

Votre rapporteur estime que l'enjeu n'est pas seulement la clarification du statut juridique des quotas d'émissions de CO 2 , mais dans le même temps son harmonisation au niveau européen. D'autre part, ce n'est pas seulement leur traitement fiscal qui mériterait d'être clarifié et harmonisé, mais également leur traitement comptable. Votre commission a donc adopté un amendement complétant en ce sens le 18 ème alinéa de la présente proposition de résolution.

2. La nécessaire protection contre les abus de marché

La régulation et la surveillance du marché secondaire des quotas de CO 2 doit poursuivre quatre buts opérationnels :

- garantir l'efficacité du système pour les entreprises assujetties ;

- limiter les risques de contreparties ;

- assurer la bonne application des règles définissant l'organisation des adjudications ;

- prévenir tout comportement de fraude ou de manipulation du marché.

Sur proposition du rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement tendant à compléter le 19 ème alinéa de la présente proposition de résolution pour mentionner la limitation du risque d'abus de marchés tels que la manipulation des cours ou l'utilisation d'informations privilégiées.

Par ailleurs, la proposition de résolution préconise qu'une autorité européenne, ou à défaut des autorités nationales existantes comme l'Autorité des marchés financiers en France, soit habilitée à surveiller ce marché et à assurer le respect des règles précitées. Toutefois, considérant qu'il serait tactiquement plus habile d'aborder la négociation en mettant en avant seulement la solution idéale d'une autorité européenne, votre commission a adopté un amendement au 20 ème alinéa, présenté par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, tendant à supprimer la mention de la solution de repli que constituerait l'habilitation des autorités nationales existantes.

3. L'application des règles prudentielles de gestion du risque aux instruments dérivés sur quotas

Il semble nécessaire que l'ensemble du marché des quotas de CO 2 soit surveillé par une autorité de surveillance. Actuellement, seuls les marchés organisés d'instruments dérivés sont surveillés, par les autorités de surveillance des marchés financiers : la surveillance pourrait donc être étendue au marché au comptant des quotas de CO 2 . Pour que cette surveillance soit efficace, la ou les autorités de surveillance devront disposer d'un accès aux données sur les transactions réalisées et disposer de pouvoirs d'enquêtes et de sanction . Votre commission a donc adopté un amendement au 20 ème alinéa, présenté par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, tendant à préciser que l'autorité européenne de surveillance du marché des quotas sera habilitée à prononcer des sanctions.

La Commission européenne travaille actuellement à un renforcement de la régulation des marchés dérivés, et a présenté plusieurs propositions à ce sujet dans une communication du 20 octobre 2009 sur les questions de gestion du risque de crédit. Il semble pertinent que les règles d'encadrement du risque applicables aux instruments dérivés sur quotas soient identiques à celles s'appliquant aux autres produits dérivés, sans créer un régime particulier.

Sur proposition du rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement tendant à insérer un alinéa additionnel, afin de préciser que le renforcement des règles prudentielles de gestion du risque sur les produits dérivés, actuellement étudiés par la Commission européenne, s'applique également aux instruments dérivés sur quotas.

II. PRÉVENIR LE « DUMPING ENVIRONNEMENTAL » PAR L'INSTAURATION D'UN MÉCANISME D'AJUSTEMENT AUX FRONTIÈRES DE L'EUROPE

A. LA NÉCESSITÉ DE SE PRÉMUNIR CONTRE LES RISQUES « DE FUITES DE CARBONE »

1. Nos entreprises ne doivent pas subir le « dumping écologique » des pays tiers

Si votre rapporteur ne conteste nullement l'impérieuse nécessité de diminuer les émissions de GES au niveau mondial, il observe toutefois que des risques de distorsions de concurrence existent si les entreprises européennes sont les seules à être soumises à des contraintes de réduction d'émission de GES . C'est d'ailleurs ce qu'affirmait le Président de la République dans une lettre adressée au Président de la Commission européenne : « si d'importantes économies mondiales ne s'engagent pas dans un effort contraignant de réduction des émissions, les contraintes européennes pousseront alors l'industrie à se relocaliser dans ces pays, sous un régime environnemental moins contraint : les émissions mondiales ne diminueront pas et les emplois correspondants disparaitront d'Europe. Le dispositif ne serait alors ni efficace, ni équitable, ni économiquement soutenable ».

Votre rapporteur estime donc nécessaire de ne pas pénaliser les entreprises européennes , notamment les plus consommatrices d'énergie, car les effets sur l'emploi industriel seraient catastrophiques au moment où la crise financière internationale pèse déjà très lourdement sur le niveau d'emploi global.

Or, revenir sur la gratuité des quotas d'émissions de gaz à effet de serre, avant même de conclure un accord international qui soumet nos concurrents étrangers à des contraintes similaires pour leurs industries, reviendrait en réalité, selon votre rapporteur, à encourager les « fuites de carbone 7 ( * ) » sans aucun gain global pour l'environnement . Celles-ci sont dommageables à un double titre : économique et social pour l'Union, écologique pour la planète.

LA DÉFINITION DES FUITES DE CARBONE DANS LE DROIT COMMUNAUTAIRE


Aux termes de l'article 10 bis , paragraphe 15, de la directive 2003/87/CE , un secteur ou sous-secteur est considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone si « la somme des coûts supplémentaires directs et indirects induits par la mise en oeuvre de ladite directive entraîne une augmentation significative des coûts de production, calculée en proportion de la valeur ajoutée brute, d'au moins 5 %; et que l'intensité des échanges avec des pays tiers, définie comme le rapport entre la valeur totale des exportations vers les pays tiers plus la valeur des importations en provenance de pays tiers et la taille totale du marché pour la Communauté (chiffre d'affaires annuel plus total des importations en provenance de pays tiers), est supérieure à 10 % ».


Conformément à l'article 10 bis , paragraphe 16, de la directive 2003/87/CE , un secteur ou sous-secteur est également considéré comme exposé à un risque important de fuite de carbone si « la somme des coûts supplémentaires directs et indirects induits par la mise en oeuvre de ladite directive entraîne une augmentation particulièrement forte des coûts de production, calculée en proportion de la valeur ajoutée brute, d'au moins 30 % ou que l'intensité des échanges avec des pays tiers, définie comme le rapport entre la valeur totale des exportations vers les pays tiers plus la valeur des importations en provenance de pays tiers et la taille totale du marché pour la Communauté (chiffre d'affaires annuel plus total des importations en provenance de pays tiers), est supérieure à 30 % ».

Votre rapporteur partage, de ce point de vue, l'analyse développée par le Président de la République lors de son discours prononcé le 5 mai 2009 à Nîmes dans lequel celui-ci déclarait que : « La France se battra aux côtés de ses 26 partenaires européens pour obtenir un accord mondial ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Mais je le dis solennellement, il n'est pas question d'imposer à nos entreprises des règles très contraignantes en matière d'environnement et d'importer en Europe des produits de pays qui ne respectent pas ces règles. Face aux pays qui refuseraient de jouer le jeu, la France se battra pour l'instauration d'une taxe carbone qui permettra à l'Europe de faire face au dumping écologique ».

2. Le dispositif d'allocation gratuite des quotas se justifie tant qu'un accord international n'aura pas été conclu

C'est pourquoi, votre rapporteur est convaincu que, tant qu'un accord international n'aura pas été conclu, le dispositif d'allocation gratuite des quotas, actuellement en vigueur, est pleinement justifié pour les secteurs très exposés 8 ( * ) au risque de fuite de carbone, à l'image du raffinage, de la chimie et de la pétrochimie, du ciment ou encore de l'acier, qui subissent la concurrence internationale. La présente proposition de résolution reconnaît d'ailleurs explicitement que « néanmoins, la stratégie privilégiée jusqu'à présent pour lutter contre ce risque de délocalisation consiste à maintenir au delà du 1 er janvier 2013 l'allocation des quotas à titre gratuit dans les secteurs menacés ».

Á cet égard, votre rapporteur prend bonne note du projet de décision de la Commission européenne établissant, en date du 23 septembre 2009 , conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone . Cette liste, qui compte non moins de 164 secteurs, doit s'appliquer aux années 2013-2014, sous réserve des résultats des négociations internationales.

Il relève avec satisfaction que cette la liste peut être complétée à l'issue d'une évaluation qualitative 9 ( * ) . En effet, les autres secteurs et sous-secteurs qui, compte tenu des délais impartis, n'ont pu être totalement analysés à cette occasion ou pour lesquels les données disponibles étaient limitées ou de qualité insuffisante (cas de la fabrication de briques et de tuiles, par exemple 10 ( * ) ), seront réévalués dès que possible conformément à l'article 10 bis , paragraphe 13, de la directive et éventuellement ajoutés à la liste, en fonction des résultats de l'analyse. La Commission européenne peut donc, de sa propre initiative ou sur requête d'un État membre, ajouter un secteur ou un sous-secteur à la liste si des éléments le justifient.

Votre rapporteur espère enfin que, dès la fin du sommet de Copenhague, la Commission européenne annoncera les mesures qu'elle compte mettre en oeuvre pour soutenir les industries fortement consommatrices d'énergie, potentiellement concernées par les « fuites de carbone » . Dans le cadre de la directive du 29 avril 2009 améliorant et étendant le système communautaire d'échange de quotas d'émission de GES, il était en effet prévu que « au plus tard en juin 2011, à la lumière des résultats des négociations internationales et de l'ampleur des réductions des émissions de gaz à effet de serre qui en découlent, et après avoir consulté tous les partenaires sociaux concernés, la Commission présente au Parlement européen et au Conseil un rapport d'analyse dans lequel elle évalue si certains secteurs ou sous-secteurs industriels à forte intensité d'énergie sont exposés à un risque important de fuite de carbone 11 ( * ) ».

3. Sans accord international ou si la totalité des quotas est mise aux enchères, la France devra soutenir la « taxe carbone aux frontières » de l'Union européenne

Votre rapporteur considère qu'il serait difficilement compréhensible que seuls les sites industriels européens soient soumis aux exigences en matière de réduction des émissions de GES . Dans l'hypothèse, en effet, où la totalité des quotas d'émission de GES serait mise aux enchères, il convient de prévoir un mécanisme d'ajustement aux frontières de l'Union européenne. La présente proposition de résolution dispose ainsi que « la mise en oeuvre de ce mécanisme devrait aller de pair avec une réduction sensible du nombre de secteurs pouvant bénéficier, par exception au principe des enchères de quotas gratuits à compter du 1 er janvier 2013 12 ( * ) ».

En l'absence d'un tel mécanisme, la démarche entreprise par l'Union européenne dans le cadre des directives constituant le « paquet énergie-climat » n'aurait qu'un caractère exemplaire, mais ne permettrait pas d'apporter une réponse satisfaisante aux défis du changement climatique puisque le volume des émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial resterait inchangé.

C'est pourquoi, dans l'intérêt des entreprises et de l'emploi, mais aussi dans un souci de préservation écologique de la planète, votre rapporteur juge indispensable la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières à l'égard des importations provenant de pays qui refuseraient un effort contraignant . La France doit pouvoir soutenir auprès de ses partenaires européens un tel mécanisme qui pourrait se décliner sous la forme d'une « taxe extérieure carbone », ou d'obligation d'achat de quotas par les importateurs, afin d'inciter ces pays à souscrire à des efforts comparables à ceux des États membres de l'Union européenne.

En ce sens, votre rapporteur approuve pleinement les termes de la présente proposition de résolution , qui dispose que « ce mécanisme consisterait à intégrer dans le système communautaire de quotas les importateurs de produits de secteurs sous quotas afin de mettre sur un pied d'égalité écologique les productions européennes et celles de leurs concurrents mondiaux ».

Il observe que cette formulation est tout à fait conforme à l'esprit de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2009 améliorant et étendant le système communautaire d'échange de quotas d'émission de GES qui dispose que « le rapport de la Commission sur les secteurs exposés à un risque important de fuite de carbone est accompagné de propositions appropriées telles que : intégrer dans le système communautaire les importateurs de produits fabriqués par les secteurs ou sous secteurs déterminés conformément à l'article 10 bis 13 ( * ) » .

B. LES CONDITIONS DE LA MISE EN PLACE D'UN MÉCANISME D'INCLUSION CARBONE AUX FRONTIÈRES DE L'EUROPE

Votre rapporteur insiste sur la nécessité de ne pas sous-estimer les difficultés que peut soulever la création d'un tel instrument . Le succès de la mise en place du mécanisme d'inclusion carbone aux frontières repose à la fois sur une bonne appréhension des rapports de force au niveau international et au sein même de l'Union européenne, ainsi que sur une attention particulière réservée aux modalités pratiques de son déploiement.

1. L'impératif de lutte contre la concurrence écologique déloyale des pays tiers

Dans l'hypothèse où, d'une part, l'Union européenne ferait le choix de revenir sur la gratuité de l'attribution des quotas d'émission pour les secteurs exposés à la concurrence internationale et, d'autre part, un mécanisme de compensation aux frontière de l'Union ne serait pas mis en place, alors les produits fabriqués dans les pays tiers qui ne s'imposeraient pas de contraintes environnementales constitueraient une concurrence déloyale à l'égard des produits fabriqués en Europe.

C'est pourquoi votre rapporteur souscrit pleinement aux termes de la présente proposition de résolution, qui dispose que « la France demande que le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, tel que prévu par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009, soit mis en oeuvre si, à l'issue de la conférence de Copenhague, le partage de l'effort collectif en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre apparaît inéquitable et incompatible avec une concurrence économique loyale » .

La stratégie préconisée consiste donc, en pratique, à neutraliser le caractère bon marché de produits qui proviendraient de pays tiers, afin d'éviter que les industriels et les consommateurs finals se tournent vers ces produits et ne soient donc pas incités à modifier leurs comportements dans un sens écologiquement favorable .

L'écart de « contrainte carbone » nécessite également d'être compensé afin d'empêcher les opérateurs européens d'exporter leurs unités de production fortement émettrices de GES dans des pays tiers. Votre rapporteur est d'avis que de telles pratiques entraîneraient des conséquences économiques et sociales néfastes pour un gain écologique nul, voire négatif : d'une part, une désindustrialisation de l'Europe conduirait le continent à importer des produits fabriqués dans des conditions discutables ; d'autre part, de telles « fuites de carbone » empêcheraient, à plus long terme, l'émergence de processus industriels « vertueux » en Europe.

2. La nécessité d'agir à l'échelle de l'Union européenne en ralliant nos partenaires

Un mécanisme d'inclusion carbone ne peut être conçu qu'à l'échelle de l'Union européenne, pour d'évidentes raisons d'efficacité économique et de règles de fonctionnement du marché intérieur. Votre rapporteur est convaincu que l'Europe est le niveau pertinent d'intervention en matière de lutte contre le réchauffement climatique .

Or, il observe que la Commission européenne a montré des réticences face à une telle éventualité , craignant un regain de protectionnisme dans les relations de l'Union européenne avec ses partenaires commerciaux. Elle considère également que des difficultés pratiques s'opposent à la mise en place de cet instrument, en particulier s'agissant des produits industriels dont le processus de fabrication est dispersé entre plusieurs États.

Votre rapporteur prend bonne note de ces inquiétudes mais ne peut s'empêcher de pointer une contradiction dans la position européenne . D'un coté, sur le plan diplomatique, la Commission européenne fait preuve de réserves. Mais de l'autre coté, au niveau réglementaire, elle ne s'interdit pas de réfléchir à la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone.

Ainsi, le 25 ème considérant de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil évoque une autre solution, par rapport au maintien de quotas gratuits dans les secteurs industriels les plus menacés, qui consisterait à « introduire un système efficace de péréquation pour le carbone afin de mettre sur un pied d'égalité les installations situées dans la Communauté présentant un risque important de fuite de carbone et les installations des pays tiers . Un système de ce type pourrait imposer aux importateurs des exigences qui ne seraient pas moins favorables que celles applicables aux installations de l'Union, par exemple en imposant la restitution de quotas. Il convient que toute action adoptée soit conforme aux principes de la CCNUCC, et notamment au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, compte tenu de la situation des pays les moins avancés (PMA), et qu'elle soit conforme aux obligations internationales de la Communauté, dont les obligations au titre de l'accord OMC ».

Votre rapporteur observe également, qu'à l'heure actuelle, les États soutenant le principe de l'instauration d'un tel mécanisme ne sont pas majoritaires. C'est pourquoi il appelle le Gouvernement français à mettre tout en oeuvre afin de convaincre nos partenaires européens d'avancer sur cette voie, si cela s'avérait nécessaire. Á cet égard, il salue l'action menée actuellement par le ministre de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, qui ne ménage pas ses efforts de conviction et de pédagogie en la matière.

Ce sont surtout les grands pays émergents, au premier rang desquels la Chine, qui expriment la plus grande défiance à l'égard de la mise en place d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe . Les raisons avancées en sont connues. D'une part, ils estiment qu'une grande partie du volume de leurs propres émissions est, en réalité, directement dû à la demande des pays industrialisés en produits manufacturés et devrait donc être comptabilisée comme émissions de ces pays 14 ( * ) . D'autre part, ils considèrent que l'instauration d'une telle taxe serait contraire aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en ce qu'elle constituerait une mesure protectionniste déguisée.

Votre rapporteur ne mésestime pas les risques de « représailles commerciales » qu'engendrerait la mise en place d'une taxe carbone aux frontières de la part de pays comme la Chine, l'Inde ou encore le Brésil. Cela explique sans doute en grande partie l'attitude prudente de nombreux partenaires européens de la France, qui craignent à la fois de faire échouer les négociations en cours de la 15 ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique, et d'engager une « guerre commerciale » avec des pays aujourd'hui incontournables dans l'économie mondiale.

C'est pourquoi votre rapporteur considère, qu'au delà des précautions diplomatiques visant à rassurer nos principaux partenaires commerciaux, il convient de s'assurer de la faisabilité du mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Union européenne , sur le plan technique et réglementaire, notamment en répondant à la question de sa compatibilité avec les règles de l'OMC.

3. La nécessaire compatibilité du mécanisme d'inclusion carbone aux frontières avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce

Dans son discours de Genève, prononcé le 15 juin 2009 à l'occasion de la 98 ème session de la Conférence internationale du travail, le Président de la République déclarait que : « la France mettra toute son énergie à lutter contre la tentation du protectionnisme et à défendre l'idée que l'OMC ne peut pas être seule à décider de tout et que chaque institution spécialisée doit avoir sa part dans la définition des normes internationales et dans leur mise en oeuvre. Et lorsque nous serons parvenus, à Copenhague, à un accord ambitieux sur le climat, il faudra que soit créée alors une véritable Organisation mondiale de l'environnement en mesure de faire appliquer les engagements qui auront été pris, je l'espère, par tous » .

Ainsi, en l'absence d'une organisation mondiale de l'environnement que la France appelle de ses voeux, qui disposerait d'un organe de règlement des différends à l'image de celui de l'OMC, la légalité des mesures prises en matière de commerce international et d'environnement dépend encore très largement de l'interprétation de l'OMC.

La présente proposition de résolution estime « qu'un tel mécanisme paraît compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce ». Or, à l'heure actuelle, la doctrine de l'OMC sur cette question repose essentiellement sur le rapport 15 ( * ) que le secrétariat de l'organisation a publié conjointement avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Sont ainsi exposées, sur le fondement de la jurisprudence de l'OMC dans d'autres affaires, les conditions dans lesquelles des limitations commerciales reposant sur des ajustements fiscaux pourraient être envisagées.

a) Une possibilité théorique

Les ajustements fiscaux à la frontière sont aujourd'hui couramment utilisés pour les taxes intérieures sur la vente ou la consommation de produits afin d'appliquer le « principe du pays de destination » selon lequel les produits sont taxés dans le pays où ils sont consommés. Le rapport de l'OMC note toutefois que la question de l'inclusion dans ce champ des taxes sur le carbone « donne lieu à un vaste débat juridique », centré sur les articles II 2 a 16 ( * ) et III 2 17 ( * ) de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947 modifié.

Sans formellement trancher ce débat, le rapport conjoint PNUE-OMC souligne que, dans l'affaire États-Unis/Fonds spécial, l'institution a constaté qu'une taxe appliquée par les Etats-Unis sur certaines substances (utilisées comme intrants dans le processus de production de certains produits chimiques) et qui frappait directement les produits considérés pouvait faire l'objet d'un ajustement fiscal à la frontière.

L'OMC autorise donc les ajustements fiscaux à la frontière pour les produits importés lorsqu'une taxe intérieure est appliquée sur certains intrants utilisés dans le processus de production. Dès lors, en toute logique, les produits énergétiques fossiles sources d'émissions de GES pourraient, théoriquement, faire l'objet d'un ajustement fiscal à la frontière bien que n'étant pas directement incorporés dans les produits importés.

b) Des difficultés de faisabilité technique

Du point de vue pratique, la mise en place du mécanisme apparaît cependant complexe . En effet, l'ajustement fiscal à la frontière nécessiterait :

- de concevoir un mécanisme permettant d'ajuster le coût des quotas d'émission de CO 2 et de calculer le montant approprié de l'ajustement à la frontière. Or il est techniquement difficile d'évaluer les émissions par produit en tenant compte des fluctuations du prix du carbone liées au système d'échange de droits d'émission ;

- de prendre en compte les situations dans lesquelles les produits importés font l'objet, dans le pays d'origine, de règlements techniques relatifs au changement climatique plutôt qu'à des mécanismes agissant sur les prix, comme les taxes ;

- d'être capable de mesurer précisément la quantité de gaz à effet de serre émise pendant le processus de production qui peut varier en fonction du produit, de l'entreprise et du pays considéré. Il serait toutefois possible d'envisager une approche fondée sur le principe selon lequel les produits importés ont été fabriqués selon « la meilleure technologie disponible », c'est-à-dire, en réalité, la plus courante, dont la définition pourrait être confiée à un organisme indépendant et validée en dernier ressort par l'OMC ;

Face à ces obstacles techniques, il est également possible d'envisager l'inclusion des importateurs des secteurs sous quotas d'émissions dans le système . Cette solution permettrait de répondre au problème de la différence entre le tarif de la taxe et le prix du carbone constaté sur le marché.

c) L'exception environnementale prise sur le fondement de l'article XX du GATT

Votre rapporteur observe que l'article XX du GATT relatif aux « exceptions générales » pourrait être utilisé pour s'assurer de la licéité de certaines restrictions aux échanges dans le cadre de la protection de l'environnement .

L'article XX dispose en effet que « sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures (...) b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; (...) g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ; (...) »

L'OMC reconnaît donc la possibilité pour les États parties de déroger à certaines de leurs obligations s'il s'agit de prendre des mesures destinées à protéger la santé et la vie des personnes, des animaux et des végétaux.

Dès lors, votre rapporteur souligne que des législations visant à réduire les émissions de GES pourraient être jugées recevables par l'OMC sous certaines conditions :

- de proportionnalité : il doit exister une bonne adéquation entre les moyens et l'objectif environnemental affiché ;

- d'impartialité : les mesures prises doivent s'accompagner de restrictions ou de contraintes équivalentes pour la production domestique ;

- de bonne foi : les mesures envisagées ne doivent pas constituer une restriction déguisée au commerce international.

C. LA STRATÉGIE PRÉCONISÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur invite l'Union européenne à privilégier en premier lieu la possibilité de conclure des arrangements de coopération avec les pays tiers . Dans l'hypothèse où ceux-ci refuseraient de se plier à des contraintes équivalentes à celles en vigueur pour nos opérateurs économiques, alors l'Union européenne devra tout mettre en oeuvre pour imposer un mécanisme d'ajustement fiscal à ses frontières.

En ce sens, et sur proposition du rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'alinéa 29 pour demander à la Commission européenne d'engager, en cas d'échec des négociations internationales, les discussions avec les États membres sur les modalités techniques de mise en oeuvre d'inclusion carbone aux frontières de l'Union, tel que prévu par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009.

En effet, les termes actuels de la proposition de résolution sont trop ambigus. Aucune autorité supérieure n'a, à ce jour, été identifiée pour juger du caractère « équitable » ou « inéquitable » du partage de l'effort entre Etats. L'alternative est donc simple : soit les États jugent ce partage inéquitable, ne signent pas d'accord, et demandent donc à l'Union européenne de mettre en place le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières ; soit les État se sont entendus sur un accord politique, signifiant que le partage de l'effort est équitable. Dans ce cas là, le mécanisme d'inclusion carbone n'a plus de raison d'être.

1. Agir en vue d'un accord international contraignant à Copenhague

Votre rapporteur juge qu'il faut tout mettre en oeuvre pour que l'Europe parvienne à un accord décisif sur le climat lors de la 15 ème conférence des Nations-Unies sur le changement climatique. Il reste optimiste et appelle la France à réitérer l'action positive qu'elle a pu mener lors de sa présidence de l'Union européenne pour faire adopter le paquet « énergie-climat ».

Le niveau international s'impose de fait comme l'échelon le plus pertinent pour mener des actions en matière de lutte contre le réchauffement climatique . Les accords éventuellement passés à l'occasion de ce sommet historique ne manqueraient d'ailleurs pas d'être examinés par les instances de règlement des différents de l'OMC, s'ils comportaient un mécanisme d'inclusion carbone européen aux frontières.

2. En cas d'échec, envisager la mise en place d'un mécanisme d'inclusion carbone

Votre rapporteur est d'avis que l'instauration d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Europe est non seulement possible, mais également souhaitable si nos partenaires commerciaux refusaient de s'associer aux politiques de lutte contre le changement climatique .

Il rappelle que ce mécanisme doit être subordonné à plusieurs conditions pour être compatible avec les engagements internationaux de l'Union ainsi que pour être perçu comme légitime par la communauté internationale, à commencer par les pays visés, et ne pas entraîner de représailles commerciales.

La solution la plus simple reste évidemment celle de l'inclusion des importateurs dans le marché européen de quotas d'émission de GES , la question du « tarif de la taxe » se réglant aisément puisqu'il ne s'agit que de vendre des quotas au prix du marché, dans les mêmes conditions que celles appliquées aux industriels européens. Il n'y aurait donc pas de discrimination.

La solution plus complexe consiste en la mise en place d'une taxe aux frontières . Dans ce cas, il faudra résoudre les difficultés techniques et pratiques évoquées précédemment par votre rapporteur, notamment en se fondant sur la présomption de la meilleure technologie disponible.

*

* *

Réunie le mercredi 2 décembre, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a adopté la proposition de résolution européenne, n° 98 (2009-2010) de Mme Fabienne Keller sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, ainsi modifiée, les groupes socialiste et communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur le marché des quotas de CO 2 et le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières

TEXTE DE LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 ;

Vu les conclusions du Conseil « Environnement » du 21 octobre 2009 ;

Vu la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté ;

Vu la résolution européenne du Sénat n° 18 (2008-2009) du 28 novembre 2008 ;

1. A propos de la mise aux enchères des quotas de CO2 à compter de 2013

Considérant que le marché du carbone a été créé pour répondre à un intérêt public, à savoir réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre de la manière la plus efficiente économiquement et que les premières années de fonctionnement de ce marché ont montré ses faiblesses, notamment un risque de variation erratique des cours ;

Considérant que, si depuis la création du marché du carbone en 2005 les quotas de CO2 sont alloués gratuitement aux principaux émetteurs industriels de gaz à effet de serre, puis échangés sur le marché secondaire, il n'en sera plus ainsi à compter du 1 er janvier 2013, la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 posant le principe de la mise aux enchères des quotas ;

Considérant que la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 ne définit pas les modalités de la mise aux enchères des quotas ;

Considérant que cette directive dispose que la Commission européenne arrête, le 30 juin 2010 au plus tard, un règlement concernant le calendrier, la gestion et les autres aspects de la mise aux enchères des quotas ;

- Juge que, pour éviter les distorsions de concurrence et tout risque de perturbation du marché secondaire des quotas, ce règlement devra prévoir l'organisation de la mise aux enchères au niveau d'une plateforme européenne, un prix unique d'adjudication étant ensuite arrêté ;

- Précise que ces modalités d'enchère seraient sans incidence sur la règle prévoyant que le produit des enchères est entièrement reversé aux États membres, au prorata des quotas qui leur sont alloués ;

- Invite le Gouvernement à agir pour que le règlement annoncé aille en ce sens ;

2.  A propos du marché des quotas de CO2

Considérant que la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 ne prévoit aucun mécanisme pour réglementer et encadrer le marché des quotas ;

Considérant que le rôle précurseur de l'Union européenne sur le marché du carbone est une opportunité à saisir pour fixer des standards exigeants dans la perspective d'un marché mondial ;

- Juge nécessaire de clarifier et d'harmoniser au niveau européen le statut juridique des quotas ainsi que leur traitement comptable et fiscal ;

- Demande que le marché soit encadré et régulé, afin de limiter le pouvoir de marché, le risque de contrepartie et d'abus de marché tels que la manipulation des cours ou l'utilisation d'informations privilégiées ;

- Estime que cela implique que, a minima , le passage par une chambre de compensation soit rendu obligatoire et que, de manière plus ambitieuse, une autorité européenne soit habilitée à surveiller ce marché et à assurer le respect des règles précitées et, le cas échéant, à prononcer des sanctions ;

- Estime que cela implique que le renforcement des règles prudentielles de gestion du risque sur les produits dérivés, actuellement étudié par la Commission européenne, s'applique également aux instruments dérivés sur quotas ;

- Juge que l'intérêt public attaché à ce marché justifie des interventions pour corriger les variations de cours excessives ou non cohérentes avec les objectifs assignés à ce marché ;

- Invite en conséquence le Gouvernement à demander à la Commission européenne de proposer rapidement une nouvelle directive ;

3.  A propos de la mise en oeuvre d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières

Considérant que cette directive prévoit la possibilité d'instaurer un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières pour lutter contre « les fuites de carbone », c'est-à-dire les délocalisations hors de l'Union européenne motivées par le coût du carbone ;

Considérant que ces « fuites de carbone » seraient dommageables à un double titre : économiquement et socialement pour l'Union, écologiquement pour la planète ;

Considérant que ce mécanisme consisterait à intégrer dans le système communautaire de quotas les importateurs de produits de secteurs sous quotas afin de mettre sur un pied d'égalité écologique les productions européennes et celles de leurs concurrents mondiaux ;

Considérant néanmoins que la stratégie privilégiée jusqu'à présent pour lutter contre ce risque de délocalisation consiste à maintenir au-delà du 1 er janvier 2013 l'allocation des quotas à titre gratuit dans les secteurs menacés ;

- Souligne qu'un tel mécanisme paraît compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce ;

- Demande que le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, tel que prévu par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009, soit mis en oeuvre si, à l'issue de la conférence de Copenhague, un accord ne peut être conclu ou si cet accord n'est pas appliqué par les États signataires ;

- Estime que la mise en oeuvre de ce mécanisme devrait aller de pair avec une réduction sensible du nombre de secteurs pouvant continuer à bénéficier, par exception au principe des enchères, de quotas gratuits à compter du 1 er janvier 2013.

* 1 Proposition de résolution européenne n° 98 (2009-2010).

* 2 Rapport d'information n° 543 (2008-2009), intitulé « En attendant la taxe carbone... Enjeux et outils de la réduction des émissions de CO 2 ».

* 3 Directive 2009/29/CE modifiant la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté.

* 4 L'objectif de réduction de ce montant global de 21 % d'ici 2020 correspond à un taux de diminution annuel de - 1,74 %.

* 5 Nouveaux entrants, cogénération à haut rendement, chauffage urbain, producteurs d'électricité de certains pays de l'Est, etc.

* 6 Une chambre de compensation est un organisme chargé d'assurer la compensation des soldes créditeurs entre banques. Pour les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, les organismes de compensation sont chargés d'assurer la correspondance entre les positions débitrices et créditrices des différents intervenants, de compenser les soldes et de s'assurer du versement des appels de garantie et de marges.

* 7 Par « fuites de carbone », il faut comprendre le risque de délocalisations d'activités à fort taux d'émission de GES de l'Union européenne vers des pays tiers.

* 8 Conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, c'est la Commission européenne qui arrête la liste des secteurs et sous secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone. Elle dispose jusqu'au 31 décembre 2009 pour le faire, selon une procédure de comitologie après échange de vue au sein du Conseil européen.

* 9 Selon les termes de la directive « en tenant compte de la mesure dans laquelle les installations du secteur ou sous-secteur concerné ont la possibilité de réduire leurs niveaux d'émission ou leur consommation d'électricité, y compris, le cas échéant, l'augmentation des coûts de production que l'investissement peut entraîner, par exemple en recourant aux technologies les plus performantes ; des caractéristiques actuelles et projetées du marché, y compris lorsque les risques des échanges ou les taux d'augmentation des coûts directs et indirects sont proches d'un des seuils ; et des marges bénéficiaires en tant qu'indicateurs potentiels concernant les investissements à long terme ou les décisions de délocalisation ».

* 10 Le Sénat a adopté le 19 novembre 2009 une résolution en ce sens demandant au Gouvernement « d'obtenir, à défaut d'une inscription immédiate sur la liste, un délai précis pour que la Commission analyse le secteur des tuiles et briques et l'ajoute, en fonction des résultats, sur la liste des bénéficiaires de quotas gratuits ».

* 11 Article 10 ter.

* 12 Il s'agit du 30 ème alinéa.

* 13 Article 10 ter.

* 14 Ainsi, un rapport du Centre Tyndall pour la recherche sur le changement climatique a conclu que les exportations nettes chinoises représentaient 1,1 milliard de tonnes de dioxyde de carbone en 2004, soit 23 % des émissions totales de la Chine.

* 15 Commerce et changement climatique, PNUE-OMC, 26 juin 2009.

* 16 Qui dispose « qu'aucune disposition du présent article n'empêchera une partie contractante de percevoir à tout moment, à l'importation d'un produit une imposition équivalant à une taxe intérieure frappant, en conformité du paragraphe 2 de l'article III, un produit national similaire ou une marchandise qui a été incorporée dans l'article importé (...) ».

* 17 Qui dispose que « les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas frappés, directement ou indirectement, de taxes ou autres impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent, directement ou indirectement, les produits nationaux similaires. En outre, aucune partie contractante n'appliquera, d'autre façon, de taxes ou autres impositions intérieures aux produits importés ou nationaux d'une manière contraire aux principes énoncés au paragraphe premier (...) ».

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