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Rapport n° 388 (2009-2010) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 avril 2010

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N° 388

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 avril 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l' action du Gouvernement et d' évaluation des politiques publiques ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2081 , 2216 , 2220 et T.A. 400

Sénat :

235 , 385 386 et 389 (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le mercredi 7 avril 2010 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné le rapport de M. Patrice Gélard et établi son texte sur la proposition de loi n° 235 (2009-2010), présentée par Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué que la proposition de loi tendait à donner aux instances de contrôle et d'évaluation des deux assemblées des moyens adaptés pour mener à bien leur mission. Il a précisé que la proposition de loi visait en outre à surmonter les difficultés posées par la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 sur la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil ayant estimé que plusieurs dispositions relatives à l'évaluation des politiques publiques et aux comptes rendus des commissions d'enquête relevaient du domaine de la loi.

La commission a adopté 8 amendements , dont 4 de son rapporteur, 2 présentés par la commission des finances, saisie pour avis, et 2 identiques présentés par la commission des affaires sociales, également saisie pour avis.

- La commission a adopté un amendement de son rapporteur alignant les instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur le régime applicable aux commissions permanentes (article 1 er ). Les instances de contrôle et d'évaluation pourraient ainsi demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent de leur conférer, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.

La commission a ainsi voulu éviter tout déséquilibre entre les pouvoirs des commissions permanentes, qui exercent également des missions de contrôle et d'évaluation, et les pouvoirs des instances de contrôle et d'évaluation.

- La commission a adopté un amendement de clarification de son rapporteur, qui réécrit l'alinéa 2 du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières (article 3).

Elle a par ailleurs adopté deux amendements identiques présentés par MM. Jean Arthuis, président et rapporteur pour avis de la commission des finances, et Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, visant à rappeler le principe établi par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lequel les demandes d'évaluation d'une politique publique adressées par le président de l'une des assemblées à la Cour des comptes, en application du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières, ne peuvent porter sur le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, ces domaines relevant de la seule compétence des commissions des finances et des commissions des affaires sociales des deux assemblées.

Elle a en outre adopté deux amendements identiques présentés par les mêmes auteurs, afin de préciser que la Cour des comptes assure en priorité le traitement des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales, en application de l'article 58 de la LOLF ou de l'article L.O. 132 3 1 du code des juridictions financières.

- La commission a enfin adopté un amendement de son rapporteur complétant la proposition de loi par un article 3 bis , qui inscrit dans le code des juridictions financières le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques, conformément à l'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008.

La commission des lois a adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigé.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Souhaitant compléter les textes adoptés pour assurer la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, a déposé le 18 novembre 2009 une proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 janvier 2010, ce texte porte en particulier sur les compétences attribuées au Parlement par l'article 24 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

La proposition de loi soumise au Sénat s'inscrit par conséquent dans le prolongement de la loi n° 2009-689 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative, également issue d'une initiative de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale 1 ( * ) .

Cette loi a en effet supprimé les offices parlementaires d'évaluation de la législation et d'évaluation des politiques de santé, les délégations parlementaires à la planification et la délégation parlementaire aux problèmes démographiques. Elle a par ailleurs tiré les conséquences de la révision constitutionnelle sur l'organisation des commissions chargées des affaires européennes au sein de chaque assemblée.

La proposition de loi présentée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, tend à compléter ces dispositions en donnant aux structures internes des deux assemblées des moyens adaptés pour mener à bien le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Elle vise en outre à offrir des instruments de contrôle appropriés au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques créé par l'Assemblée nationale lors de la réforme de son Règlement, par la résolution du 27 mai 2009.

Le Sénat a pour sa part rénové et diversifié ses procédures de contrôle en séance publique, la résolution du 2 juin 2009 créant des débats d'initiative sénatoriale (art. 75 ter du Règlement).

La présente proposition de loi modifie l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières. Elle comporte trois articles, dont la commission des finances et la commission des affaires sociales se sont saisies pour avis 2 ( * ) .

Les pouvoirs des instances parlementaires de contrôle

L'article premier de la proposition de loi donne aux instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement, ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente, la possibilité de convoquer toute personne dont l'audition leur paraît nécessaire.

En outre, les rapporteurs de ces instances de contrôle et d'évaluation disposeraient des mêmes pouvoirs de contrôle que les rapporteurs des commissions d'enquête, tels qu'ils sont définis à l'article 6, II, deuxième alinéa, de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Par conséquent, ils pourraient exercer leur mission sur pièces et sur place, tous les renseignements de nature à faciliter leur mission devant leur être fournis. Ils seraient habilités à se faire communiquer des documents de service, sous les réserves prévues à l'article 6 de l'ordonnance.

Par ailleurs, sur le modèle des dispositions de l'article 5 bis de l'ordonnance du 17 novembre 1958, une peine de 7.500 euros d'amende viendrait sanctionner le fait de faire obstacle à l'exercice des prérogatives ainsi attribuées aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation.

L'article premier de la proposition de loi vise ainsi à surmonter une difficulté apparue lors de l'examen par le Conseil constitutionnel de la résolution modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale.

En effet, dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 sur la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition prévoyant que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale pourrait organiser des débats lors de la présentation de ses rapports, « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée ».

La modification apportée par l'article premier de la proposition de loi, étendant aux instances parlementaires de contrôle et d'évaluation la faculté de convoquer toute personne dont l'audition est nécessaire, devrait permettre au Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale de procéder aux auditions qui lui paraissent utiles.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des finances, saisie pour avis, limitant toutefois cette prérogative aux seules instances permanentes créées pour contrôler l'action du gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine d'une seule commission permanente. Aussi les commissions permanentes et les missions d'information sont-elles exclues de ce dispositif.

Les règles relatives au compte rendu des auditions des commissions d'enquête

L'article 2 de la proposition de loi complète le IV de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relatif aux auditions auxquelles procèdent les commissions d'enquête. Il s'agit de permettre aux personnes entendues par une telle commission de prendre connaissance du compte rendu de leur audition, dans le cadre d'une communication sur place, effectuée sous le régime du secret.

Les dispositions ainsi insérées dans l'ordonnance reprennent celles qui figuraient autrefois à l'article 142 du Règlement de l'Assemblée nationale, dont le Conseil constitutionnel a estimé qu'elles relevaient désormais du domaine de la loi, en application de l'article 51-2 de la Constitution 3 ( * ) . Le second alinéa de cet article, issu de la révision du 23 juillet 2008, dispose en effet que la loi détermine les règles d'organisation et de fonctionnement des commissions d'enquête.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne permettrait pas à la personne entendue d'apporter des corrections au compte rendu, mais l'autoriserait à faire part de ses observations par écrit. La commission d'enquête serait ensuite libre de faire état, ou non, de ces observations dans son rapport.

L'assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques

L'article 3 de la proposition de loi insère dans le code des juridictions financières un nouvel article définissant les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques.

L'article 47-2, premier alinéa, de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, dispose en effet que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».

L'Assemblée nationale avait d'abord souhaité inscrire dans son Règlement la possibilité pour son Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, de demander l'assistance de la Cour des comptes. Cependant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juin 2009, a considéré qu'il n'appartenait pas « au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ».

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, la disposition proposée s'inspire de celle qui figure au II de l'article 8 du projet de loi portant réforme des juridictions financières qui a été déposé le 28 octobre 2009 sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

Ainsi, dans sa rédaction initiale, l'article 3 de la proposition de loi visait à permettre aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et aux présidents des instances parlementaires d'évaluation, de demander à la Cour des comptes l'évaluation d'une politique publique.

La commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des finances, saisie pour avis, a souhaité organiser un filtrage des demandes d'assistance adressées à la Cour. Ce filtrage, destiné à éviter un développement excessif de ces demandes, serait confié au président de chaque assemblée.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a par ailleurs précisé que les commissions permanentes et les instances permanentes chargées de l'évaluation de politiques publiques pourraient proposer au président de l'assemblée dont elles relèvent de demander l'assistance de la cour. Le président de chaque assemblée pourrait en outre prendre lui-même l'initiative d'une telle demande.

Enfin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a confié à l'autorité à l'origine de la demande d'assistance de la Cour des comptes la compétence pour fixer, après consultation du Premier président de la Cour, le délai dans lequel celle-ci doit remettre son rapport. La commission des lois de l'Assemblée nationale a fixé un délai maximal de douze mois.

Les modifications adoptées par votre commission

Votre commission a estimé que le dispositif proposé par l' article 1er de la proposition de loi créait un déséquilibre injustifié entre, d'une part, les pouvoirs des commissions permanentes, qui ne peuvent obtenir que pour une durée maximale de six mois, et sur autorisation de l'assemblée à laquelle elles appartiennent, les prérogatives des commissions d'enquête 4 ( * ) , et, d'autre part, les pouvoirs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation, dont les rapporteurs disposeraient des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs des commissions d'enquête.

Elle a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur alignant les instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur le régime applicable aux commissions permanentes. Les instances de contrôle et d'évaluation pourraient ainsi demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent de leur conférer, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.

Votre commission a adopté l' article 2 de la proposition de loi sans modification.

A l' article 3 , elle a adopté un amendement de clarification de son rapporteur, qui réécrit l'alinéa 2 du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières.

Elle a par ailleurs adopté quatre amendements présentés par MM. Jean Arthuis, président et rapporteur pour avis de la commission des finances, et Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, visant à :

- rappeler, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe selon lequel les demandes d'évaluation d'une politique publique adressées par le président de l'une des assemblées à la Cour des comptes, en application du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières, ne peuvent porter sur le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, ces domaines relevant de la seule compétence des commissions des finances et des commissions des affaires sociales des deux assemblées ;

- préciser que la Cour des comptes assure en priorité le traitement des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales, en application de l'article 58 de la LOLF ou de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

Ces modifications assureront une meilleure régulation des demandes d'assistance qui sont adressées à la Cour des comptes.

Votre commission a par ailleurs adopté un amendement de votre rapporteur complétant la proposition de loi par un article 3 bis , qui inscrit dans le code des juridictions financières le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques, conformément à l'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. 5 ter A nouveau de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958)
Auditions et pouvoirs des rapporteurs des instances parlementaires
de contrôle ou d'évaluation des politiques publiques

Cet article insère dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article relatif aux pouvoirs de contrôle des instances parlementaires chargées de contrôler l'action du Gouvernement ou d'évaluer les politiques publiques.

L'article 5 bis de l'ordonnance permet aux commissions spéciales ou permanentes des deux assemblées de convoquer toute personne dont elles estiment l'audition nécessaire, sous réserve des sujets ayant un caractère secret ou concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du principe de séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs.

Le fait de ne pas répondre à la convocation d'une telle commission est puni de 7.500 euros d'amende.

L'article 5 ter de l'ordonnance donne aux commissions permanentes ou spéciales la possibilité de demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent de leur conférer, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête par l'article 6 de l'ordonnance, à savoir :

- la faculté, pour leurs rapporteurs, d'exercer leur mission sur pièce et sur place ;

- l'obligation pour toute personne de communiquer aux rapporteurs les renseignements de nature à faciliter leur mission ;

- la possibilité, pour les rapporteurs, de se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et sous réserve du respect de la séparation entre l'autorité judiciaire et les autres pouvoirs.

En outre, comme lorsqu'elle est convoquée par une commission d'enquête, toute personne convoquée par une commission permanente ou spéciale à laquelle ont été conférés les prérogatives visées à l'article 6 de l'ordonnance est tenue de déférer à la convocation.

Le nouvel article 5 ter A comporte trois aspects : les compétences des instances de contrôle en matière d'auditions, les pouvoirs de leurs rapporteurs et la sanction encourue par les personnes qui feraient obstacle à l'exercice de ces prérogatives.

1. Les auditions réalisées par les instances permanentes de contrôle et d'évaluation

Le premier alinéa du nouvel article 5 ter A prévoit que les instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente peuvent convoquer toute personne dont elles estiment l'audition nécessaire. Ces convocations seraient soumises aux réserves définies à l'article 5 bis de l'ordonnance, relatives aux sujets à caractère secret et au respect de la séparation entre l'autorité judiciaire et les autres pouvoirs.

Cette disposition prend en compte la décision rendue le 25 juin 2009 par le Conseil constitutionnel sur la résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale.

En effet, cette résolution a créé un Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, chargé de réaliser des rapports sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente. Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution la disposition de l'article 146-3 du Règlement de l'Assemblée nationale prévoyant que ces rapports d'évaluation soient présentés au Comité « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée ».

Le Conseil constitutionnel a estimé qu'il résulte à la fois des termes des articles 20 et 21 de la Constitution et de l'article 5 bis de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée, qui [...] « réserve aux commissions permanentes la possibilité de convoquer toute personne dont elle estime l'audition nécessaire, que le comité ne saurait imposer la présence des responsables administratifs des politiques publiques lors de la présentation des rapports relatifs à ces politiques » 5 ( * ) .

Aussi le premier alinéa du nouvel article 5 ter A inséré dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 devrait-il permettre au Comité de contrôle et d'évaluation de réaliser les auditions nécessaires à l'exercice de ses missions. Sa rédaction reprend en effet celle de l'article 5 bis , relatif aux convocations adressées par les commissions permanentes ou spéciales. Les limites posées sont les mêmes que pour ces dernières, si bien que les instances permanentes de contrôle et d'évaluation ne pourront procéder à des auditions sur des sujets à caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, et devront respecter le principe de séparation entre l'autorité judiciaire et les autres pouvoirs.

La sanction applicable en cas de refus de répondre à une convocation serait également la même que pour les convocations émises par les commissions permanentes ou spéciales, soit une amende de 7.500 euros.

Le texte initial de la proposition de loi offrait ces nouvelles prérogatives à l'ensemble des instances parlementaires de contrôle et d'évaluation, qu'elles aient un caractère permanent ou non, et qu'elles soient communes aux deux assemblées ou n'existant que dans l'une d'entre elles.

La commission des lois de l'Assemblée nationale, suivant l'avis de la commission des finances de la même assemblée, a retenu une rédaction visant « les instances permanentes créées au sein de l'une des deux assemblées parlementaires pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une commission permanente ».

Cette formulation exclut par conséquent les missions d'information, les missions d'évaluation et de contrôle, les offices et délégations communs aux deux assemblées (office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), délégation au renseignement).

A cet égard, il convient de rappeler que l'OPECST peut, en cas de difficulté dans l'exercice de sa mission, « demander pour une durée n'excédant pas six mois, à l'assemblée d'où émane la saisine de lui conférer les prérogatives attribuées par l'article 6 [de l'ordonnance] aux commissions parlementaires d'enquête, à leurs présidents et à leurs rapporteurs » (article 6 ter, VI, de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

Quant à la délégation parlementaire au renseignement, ses pouvoirs d'audition sont définis par l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 6 ( * ) .

En outre, les commissions d'enquête, instances temporaires de contrôle, sont exclues du dispositif proposé, mais détiennent des prérogatives renforcées, fixées par l'article 6 de l'ordonnance 7 ( * ) .

Les pouvoirs d'audition définis au premier alinéa du nouvel article 5 ter A pourraient donc être mis en oeuvre par les instances suivantes :

- à l'Assemblée nationale, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, créé par l'article 146-2 du Règlement de l'Assemblée nationale ;

- au Sénat, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale à la prospective (article XVII bis de l'Instruction générale du Bureau) ;

- dans chacune des deux assemblées, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (article 6 septies de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

2. Les pouvoirs des rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation

Le deuxième alinéa du II de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que « les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».

Les rapporteurs des commissions permanentes ou spéciales peuvent bénéficier des mêmes prérogatives, pendant une durée n'excédant pas six mois, lorsque ces commissions en font la demande à l'assemblée à laquelle elles appartiennent (article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

Par ailleurs, le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées d'une part, et le président et les rapporteurs des commissions des affaires sociales et des missions d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale d'autre part, bénéficient également de prérogatives similaires pour mener à bien leurs missions de contrôle de l'exécution des lois de finances et d'évaluation de toute question relative aux finances publiques (article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances) et leurs missions de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale et d'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale (article L. 111-9 du code de la sécurité sociale).

Le deuxième alinéa du nouvel article 5 ter ajoute aux bénéficiaires des pouvoirs de contrôle des rapporteurs des commissions d'enquête les rapporteurs désignés par les instances permanentes de contrôle et d'évaluation créées par l'une des deux assemblées. Le fait de faire obstacle à l'exercice de ces prérogatives serait puni de 7.500 euros d'amende.

Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, cette disposition vise à permettre à ces instances de contrôle et d'évaluation, « notamment lorsqu'elles seront sollicitées pour examiner une étude d'impact, sans préjudice de la compétence des commissions permanentes et de la Conférence des présidents, d'obtenir communication des informations qui leur sont nécessaires ». L'exposé des motifs vise en l'occurrence le dispositif auquel ont réfléchi les autorités de l'Assemblée nationale pour assurer le contrôle du contenu des études d'impact.

Il reprend ainsi une proposition du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, estimant qu' « il serait souhaitable de doter les rapporteurs chargés de vérifier les études d'impact des moyens juridiques leur permettant d'obtenir tous les renseignements dont ils ont besoin pour exercer leur mission » 8 ( * ) .

L'article 9 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution donne à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie un délai de dix jours suivant le dépôt d'un projet de loi pour constater que les règles de présentation définies par la loi organique sont méconnues.

Si, comme l'indique dans son rapport M. Claude Goasguen, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a d'abord estimé que le contrôle du contenu des études d'impact supposait la mise en oeuvre d'instruments contraignants dans un délai très court, M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, a finalement retenu une organisation confiant « à titre principal à la commission permanente concernée, le soin de désigner deux membres pour examiner la conformité d'une étude d'impact aux prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009 » 9 ( * ) .

L'analyse des études d'impact ne devrait donc pas être le principal motif de mise en oeuvre des pouvoirs définis au deuxième alinéa du nouvel article 5 ter de l'ordonnance.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par la commission des finances, saisie pour avis, afin de préciser que les pouvoirs attribués aux rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation créées au sein de l'une des deux assemblées devraient être exercés « conjointement ».

M. Georges Tron, alors rapporteur pour avis de la commission des finances, indique que cette modification s'inspire des méthodes de travail de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dont les co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition travaillent conjointement.

L'article 146-3 du Règlement de l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs que le Comité d'évaluation et de contrôle de cette assemblée désigne, pour chaque évaluation, deux rapporteurs, dont l'un appartient à un groupe de l'opposition.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, explique dans son rapport que l'exigence, pour les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation, d'exercer leur pouvoir de contrôle conjointement « ne signifie pas que les deux co-rapporteurs doivent être physiquement présents pour tout contrôle, mais qu'un contrôle ne pourra être exercé par l'un d'eux que si l'autre ne s'y oppose pas ».

Votre commission partage cette appréciation.

Elle considère qu'il paraît en effet indispensable que, pour les travaux d'évaluation ou de contrôle confiés à des co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition, les contrôles sur pièces et sur place, de même que les auditions, soient conduits en étroite concertation.

Votre commission souligne par ailleurs que l'impact et l'efficacité des pouvoirs de convocation et des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place supposent qu'ils soient utilisés de façon proportionnée à l'objectif poursuivi. Aussi paraît-il préférable de limiter l'extension de ces prérogatives aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation, sans les confier aux missions d'information.

Votre commission relève cependant que la proposition de loi donne aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation des pouvoirs de contrôle plus étendus que ceux des rapporteurs des commissions permanentes. Les commissions permanentes ne peuvent en effet disposer des pouvoirs des commissions d'enquête que sur l'autorisation de l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois (article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

Ce déséquilibre ne paraît ni justifié, ni souhaitable, puisque les commissions permanentes ont également vocation à réaliser des travaux de contrôle de l'action du Gouvernement et des travaux d'évaluation des politiques publiques.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur visant à permettre aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation de demander, dans les mêmes conditions que les commissions permanentes, à l'assemblée à laquelle elles appartiennent de leur attribuer les prérogatives des commissions d'enquête.

Ces instances disposeraient donc de ces prérogatives pour une durée maximale de six mois. Le dispositif ainsi proposé leur permettrait en outre de disposer des pouvoirs d'audition des commissions d'enquête, plus développés que ceux des commissions permanentes. L'amendement adopté modifie par conséquent l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article 2
(art. 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 27 novembre 1958)
Compte rendu des auditions des commissions d'enquête

Cet article complète les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, afin de permettre aux personnes entendues par une commission d'enquête de prendre connaissance du compte rendu de leur audition.

L'article 57-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008, donne une valeur constitutionnelle aux commissions d'enquête, qui « peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d'information ». Aux termes de cet article, la loi détermine les règles d'organisation et de fonctionnement des commissions d'enquête, leurs conditions de création étant fixées par le règlement de chaque assemblée.

Aussi, le Conseil constitutionnel a-t-il jugé contraire à la Constitution l'inscription dans le Règlement de l'Assemblée nationale d'une disposition relative aux comptes rendus des auditions des commissions d'enquête, une telle disposition relevant du domaine de la loi 10 ( * ) .

Le présent article insère par conséquent cette disposition au IV de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Ce paragraphe dispose que les auditions des commissions d'enquête sont publiques. Les commissions d'enquête peuvent toutefois décider de l'application du secret, la divulgation ou la publication d'une information relative à des travaux non publics dans un délai de 25 ans étant punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal 11 ( * ) .

L'article 2 de la proposition de loi permet aux personnes entendues par une commission d'enquête de prendre connaissance du compte rendu de leur audition. Si l'audition a été effectuée sous le régime du secret, la communication du compte rendu ne peut avoir lieu que sur place. La personne entendue ne pourra apporter aucune correction au compte rendu, mais pourra faire part de ses observations par écrit. Ces observations seront alors soumises à la commission d'enquête, qui pourra décider d'en faire état dans son rapport.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3
(art. L. 132-5 nouveau du code des juridictions financières)
Assistance de la Cour des comptes au Parlement
pour l'évaluation des politiques publiques

Cet article définit les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, en application de l'article 47-2 de la Constitution.

En effet, aux termes de l'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008, « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».

Les enquêtes réalisées par la Cour des comptes à la demande des commissions des finances et des affaires sociales

Un ensemble de dispositions organiques prévoient déjà l'assistance de la Cour des comptes au Parlement pour le contrôle de l'exécution des lois de finances.

Ainsi, l'article 58 (2°) de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) permet aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat de demander à la Cour de réaliser des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent, les conclusions de ces enquêtes devant obligatoirement être communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande. Il appartient alors à la commission de statuer sur la publication des conclusions de l'enquête réalisée par la Cour.

Selon les indications de la Cour des comptes, la commission des finances du Sénat demande chaque année cinq rapports à la Cour au titre de l'article 58, 2°, de la LOLF. La commission des finances de l'Assemblée nationale en a demandé trois en 2005, sept en 2006, cinq en 2007, deux en 2008, cinq en 2009 12 ( * ) et neuf en 2010 (dont deux demandes conjointes avec la commission des finances du Sénat). Ces demandes sont présentées à l'automne, afin de permettre à la Cour des comptes de les intégrer à son programme de travail de l'année suivante.

Par ailleurs, l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières donne aux commissions des deux assemblées compétentes pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale la possibilité de saisir la Cour des comptes de toute question relative à l'application des lois de financement. Les deux commissions peuvent également demander à la Cour de procéder à des enquêtes sur les organismes soumis à son contrôle, chaque commission statuant sur la publication des conclusions des enquêtes transmises par la Cour.

La commission des affaires sociales du Sénat a demandé à la Cour des comptes un rapport en 2009 et deux en 2010, au titre de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en a demandé une en 2009 (demande conjointe à celle de la commission des affaires sociales du Sénat), et cinq en 2010 (dont deux demandes conjointes).

Synthèse des demandes adressées à la Cour des comptes par
les commissions des finances et des affaires sociales depuis 2002

Nombre total
de rapports commandés
au titre de l'article 58-2
de la LOLF

Nombre total
de rapports commandés au titre de l'article 132-3-1
du code des juridictions financières

TOTAL

2010

14

7

19

2 rapports conjoints

2009

10

2

11

1 rapport conjoint

2008

7

3

10

2007

10

5

15

2006

12

1

13

2005

8

8

2004

10

10

2003

6

6

2002

4

4

TOTAL

81

18

96

Source : secrétariat général de la Cour des comptes.

En outre, l'article L. 132-4 du code des juridictions financières permet aux commissions d'enquête de demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes.

L'inscription dans la loi de la faculté pour les organes des assemblées de demander l'assistance de la Cour des comptes

Dans sa décision n° 2009-581 du 25 juin 2009, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la résolution du 29 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale qui visait à permettre au nouveau Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de demander l'assistance de la Cour des comptes. Le juge constitutionnel a en effet estimé qu'une telle disposition relevait de la loi.

Aussi, le présent article définit-il les conditions dans lesquelles des organes du Parlement peuvent demander l'appui de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques.

Le texte initial de la proposition de loi reprend le II de l'article 8 du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé à l'Assemblée nationale le 28 octobre 2009.

Il insère dans le code des juridictions financières un nouvel article L. 132-5 prévoyant que la Cour des comptes peut être saisie, au titre de l'assistance au Parlement dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques, par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, ou par le président de toute instance créée au sein du Parlement ou de l'une des deux assemblées pour procéder à l'évaluation des politiques publiques.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des finances, saisie pour avis, soumettant les demandes d'assistance de la Cour au filtrage du président de l'assemblée intéressée . Elle a cependant souhaité laisser au président de chaque assemblée la possibilité de saisir la Cour des comptes de sa propre initiative et donner à toutes les commissions permanentes la faculté de formuler une demande d'évaluation d'une politique publique.

Ces modifications étendent par conséquent la possibilité de proposer une saisine de la Cour au titre de sa mission d'assistance au Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques, mais établissent une régulation par les présidents des assemblées, afin d'éviter un afflux excessif de demandes qui nuirait au bon fonctionnement de la Cour.

Les instances susceptibles de proposer au président de l'une des assemblées de saisir la Cour des comptes d'une demande d'évaluation d'une politique publique sont donc les suivantes :

- les commissions permanentes des deux assemblées ;

- le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale ;

- les délégations parlementaires aux droits des femmes des deux assemblées ;

- la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;

- la délégation sénatoriale à la prospective.

La transmission par la Cour des comptes d'un rapport à l'autorité qui a demandé son assistance pour l'évaluation d'une politique publique

Dans sa rédaction initiale, le deuxième alinéa du nouvel article L. 132-5 prévoyait que l'assistance de la Cour des comptes prendrait la forme d'un rapport, communiqué à l'autorité qui en a fait la demande « dans un délai convenu après consultation du premier président de la Cour des comptes ».

La commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité, à l'initiative de son rapporteur, préciser :

- qu'il appartiendrait à l'autorité qui a proposé la saisine de la Cour de déterminer le délai de remise du rapport, après consultation du Premier président de la Cour des comptes ;

- que ce délai ne pourrait excéder douze mois.

Le délai paraît raisonnable. Le 2° de l'article 58 de la LOLF donne à la Cour des comptes un délai de huit mois pour communiquer aux commissions des finances les conclusions des enquêtes dont elles lui demandent la réalisation 13 ( * ) .

Il semble en outre souhaitable que ce délai soit fixé par l'autorité qui sollicite la saisine de la Cour et qui peut avoir un programme de travail ou des considérations d'urgence à faire valoir. Il n'est pas moins pertinent que cette autorité consulte le premier président de la Cour des comptes, qui doit organiser et coordonner les travaux de la Cour et qui dispose des informations relatives aux différentes saisines qui lui sont adressées par les organes des deux assemblées.

La publication du rapport transmis par la Cour des comptes

Le troisième alinéa du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières prévoyait, dans sa rédaction initiale, que l'autorité qui a demandé l'assistance de la Cour des comptes statue sur la publication du rapport, selon une disposition similaire à celles relatives aux conclusions remises par la Cour aux commissions des finances (article 58, 2°, de la LOLF) et aux commissions des affaires sociales (article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières).

L'Assemblée nationale a souhaité, par cohérence et sur la proposition de sa commission des lois, préciser qu'il reviendrait, selon le cas, au président de l'Assemblée nationale ou du Sénat lorsqu'il est à l'origine de la saisine de la Cour des comptes, à la commission permanente ou à l'instance permanente à l'origine de la demande, de statuer sur la publication du rapport transmis par la Cour.

Les modifications adoptées par votre commission

Votre commission a adopté un amendement de clarification de son rapporteur, qui réécrit l'alinéa 2 du nouvel article L. 132-5 du code des juridictions financières.

Cet amendement précise que l'autorité chargée de déterminer, après consultation du premier président de la Cour des comptes, le délai dans lequel est remis le rapport de la Cour, est l'autorité qui a pris l'initiative de la demande d'évaluation, c'est-à-dire une commission permanente, une instance permanente de contrôle ou le président de l'une des deux assemblées. La rédaction retenue précise en outre que le délai limite de douze mois s'écoule à compter de la saisine de la Cour des comptes.

Votre commission a par ailleurs adopté deux amendements présentés par M. Jean Arthuis, président et rapporteur pour avis de la commission des finances, et deux amendements identiques présentés par M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Ces amendements visent à rappeler, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la distinction entre les travaux d'évaluation des politiques publiques confiés à la Cour des comptes et l'évaluation de toute question relative aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, dans sa décision relative à la résolution du 29 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel, examinant les compétences du nouveau Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, a souligné qu'aux termes de l'article 57, premier alinéa, de la LOLF, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques » et qu'aux termes de l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale suivent et contrôlent l'application de ces lois et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale » 14 ( * ) .

Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il jugé que le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale étaient exclues du champ de compétence du Comité d'évaluation et de contrôle.

Les amendements adoptés par votre commission inscrivent par conséquent au nouvel article L.132-5 du code des juridictions financières le principe selon lequel les demandes d'évaluation d'une politique publique adressées par le président de l'une des assemblées à la Cour des comptes ne peuvent porter sur le contrôle de l'exécution des lois de finance et des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, ces domaines relevant de la seule compétence des commissions des finances et des commissions des affaires sociales des deux assemblées.

Les amendements des commissions des finances et des affaires sociales retenus par votre commission, après l'adoption d'un sous-amendement rédactionnel de votre rapporteur, prévoient par ailleurs le traitement en priorité par la Cour des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales, en application de l'article 58 de la LOLF ou de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

Cette priorité paraît justifiée par la place essentielle des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, et par le caractère organique des dispositions définissant des relations spécifiques entre les commissions des finances et des affaires sociales et la Cour des comptes.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)
Contribution de la Cour des comptes
à l'évaluation des politiques publiques

Cet article additionnel est issu d'un amendement de votre rapporteur.

En effet, l'article 47-2 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, dispose que la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement « dans l'évaluation des politiques publiques ». L'article 24 de la Constitution, modifié par la révision du 23 juillet 2008, dispose en outre que le Parlement « évalue les politiques publiques ».

Ainsi, dans un objectif de cohérence, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur inscrivant au sein du code des juridictions financières le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques (nouvel article L. 111-3-1 du code des juridictions financières).

Votre commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

EXAMEN EN COMMISSION

______

MERCREDI 7 AVRIL 2010

La commission a examiné le rapport de M. Patrice Gélard et établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 235 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué que la proposition de loi, déposée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, s'inscrivait dans le prolongement de la loi n° 2009-689 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative. Cette loi a en effet supprimé les offices parlementaires d'évaluation de la législation et d'évaluation des politiques de santé, les délégations parlementaires à la planification et la délégation parlementaire aux problèmes démographiques.

Il a indiqué que la proposition de loi tendait à compléter ces dispositions en donnant aux structures internes des deux assemblées des moyens adaptés pour mener à bien le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques. Elle vise en outre à offrir des instruments de contrôle appropriés au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques créé par l'Assemblée nationale lors de la réforme de son Règlement, par la résolution du 27 mai 2009.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a observé que l'article premier de la proposition de loi donnait aux instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement, ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente, la possibilité de convoquer toute personne dont l'audition leur paraitrait nécessaire. Les rapporteurs de ces instances de contrôle et d'évaluation disposeraient en outre des mêmes pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place que les rapporteurs des commissions d'enquête.

Il a précisé que l'article premier de la proposition de loi visait ainsi à répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 sur la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, déclarant contraire à la Constitution une disposition prévoyant que le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale pourrait organiser des débats lors de la présentation de ses rapports, « en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée ».

Il a souligné que le dispositif proposé créait un déséquilibre entre les pouvoirs des commissions permanentes, qui ne peuvent obtenir que pour une durée maximale de six mois, et après autorisation de l'assemblée à laquelle elles appartiennent, les prérogatives des commissions d'enquête, et les instances permanentes de contrôle et d'évaluation, dont les rapporteurs disposeraient de droit des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs des commissions d'enquête.

Evoquant ensuite l'article 2 de la proposition de loi, M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué qu'il visait à permettre aux personnes entendues par une commission d'enquête de prendre connaissance du compte rendu de leur audition. La personne entendue ne pourrait y apporter des corrections, mais seulement faire part de ses observations par écrit, la commission d'enquête appréciant ensuite l'opportunité de faire état, ou non, de ces observations dans son rapport.

Ces dispositions insérées dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires relèvent désormais du domaine de la loi, en application de l'article 51-2 de la Constitution, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009.

M. Patrice Gélard, rapporteur, relevant que l'article 3 de la proposition de loi insérait dans le code des juridictions financières un nouvel article définissant les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques, a rappelé que l'article 47 2, premier alinéa, de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, disposait en effet que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques ».

Il a souligné que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juin 2009, avait considéré qu'il n'appartenait pas « au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ».

Précisant que la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des finances, saisie pour avis, avait souhaité organiser un filtrage des demandes d'assistance adressées à la Cour, confié au président de chaque assemblée, il a relevé qu'elle avait en outre précisé que les commissions permanentes et les instances permanentes chargées de l'évaluation de politiques publiques pourraient proposer au président de l'assemblée dont elles relèvent de demander l'assistance de la Cour, le président de chaque assemblée gardant la possibilité de prendre lui-même l'initiative d'une telle demande.

A l'article premier (auditions et pouvoirs des rapporteurs des instances parlementaires de contrôle ou d'évaluation des politiques publiques), M. Patrice Gélard, rapporteur, a présenté l'amendement n° 2 visant à éviter un déséquilibre entre les pouvoirs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation et les prérogatives des commissions permanentes. Il a expliqué que cet amendement organisait la possibilité pour les instances permanentes de contrôle et d'évaluation de se voir attribuer dans les mêmes conditions que les commissions permanentes, soit après autorisation de l'assemblée à laquelle ils appartiennent et pour une durée maximale de six mois, des pouvoirs de convocation renforcés et des prérogatives de contrôle sur pièces se sur place.

M. Jean-Pierre Sueur a estimé que cet amendement pouvait apparaître comme plus restrictif que le texte de la proposition de loi, puisqu'il n'attribuait des pouvoirs renforcés aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation que de façon temporaire, alors que le texte adopté à l'Assemblée nationale leur donnait en permanence les pouvoirs d'audition des commissions permanentes et accordait à leur rapporteur les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place des commissions d'enquête. Il a considéré que l'amendement pouvait néanmoins apparaître comme plus souple, puisqu'il donnait à ces instances lorsqu'elles en feraient la demande les mêmes pouvoirs de convocation qu'aux commissions d'enquête.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que l'amendement présentait l'intérêt de limiter l'usage des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête. Considérant qu'un recours trop fréquent aux pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place risquerait d'en réduire l'efficacité, il a observé que l'alignement des instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur les commissions permanentes apportait de ce point de vue davantage de garanties. M. Jean-Pierre Sueur a souhaité savoir si les commissions permanentes recouraient parfois à la possibilité de demander l'attribution des pouvoirs des commissions d'enquête, dans les conditions prévues par l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Il s'est également demandé pourquoi le texte issu de l'Assemblée nationale prévoyait que les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation devraient exercer leur mission conjointement.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que les commissions permanentes demandaient rarement l'attribution des pouvoirs des commissions d'enquête, car elles n'avaient en général aucune difficulté à convoquer les personnes qu'elles souhaitaient entendre. Ainsi, il existait un précédent à la commission des lois, à laquelle ces pouvoirs avaient été accordés sans qu'elle les mette en oeuvre. M. Patrice Gélard, rapporteur, a expliqué que la mention selon laquelle les rapporteurs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation devraient exercer leur mission conjointement visait la situation de plus en plus fréquente dans laquelle les organes d'une assemblée désignent des co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition, à l'image de la commission des lois du Sénat.

A l'article 3 (assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques), M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que les amendements n° s 4 et 7, présentés respectivement par M. Alain Vasselle et M. Jean Arthuis, rapporteurs pour avis, visaient à prévoir le traitement en priorité par la Cour des comptes des demandes qui lui sont adressées par les commissions des finances et par les commissions des affaires sociales au titre de l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la nécessité de définir dans le traitement des demandes d'assistance adressées à la Cour des comptes une priorité pour les demandes émises par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales, cette question lui paraissant relever de l'organisation interne de la Cour des comptes.

M. Jean-Jacques Hyest, président, rappelant que les prérogatives spécifiques des commissions des finances et des affaires sociales étaient définies par des lois organiques, a souligné que toutes les commissions dans leurs échanges avec les commissions des finances pouvaient contribuer à la définition des demandes d'enquête adressées par ces dernières à la Cour des comptes. M. Bernard Frimat a estimé que si les amendements n° s 3 et 6, présentés respectivement par M. Alain Vasselle et M. Jean Arthuis, rapporteurs pour avis, visaient à éviter une multiplication inconsidérée des demandes d'assistance du Parlement à la Cour des comptes sur les questions relatives aux finances publiques et aux finances sociales, les amendements n°s 4 et 7 portaient sur les règles d'organisation de la Cour et relevaient plutôt du domaine réglementaire. Soulignant que le juge des comptes n'était pas un juge de la politique conduite, il a estimé que la Cour des comptes n'avait pas à se prononcer sur l'opportunité des décisions mais sur leur régularité. Il a considéré qu'il n'était pas opportun d'adopter une règle de priorité risquant de conduire au rejet par la Cour de demandes qui n'émaneraient pas des commissions des finances et des affaires sociales.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, a expliqué que la Cour des comptes était de moins en moins une juridiction mais de plus en plus une institution de certification des comptes. Il a indiqué que l'amendement organisait une règle de priorité du traitement des demandes formulées par les commissions des finances et des affaires sociales car ces demandes trouvent leur fondement dans des dispositions de nature organique et doivent être satisfaites, pour les demandes émises par les commissions des finances, dans un délai impératif de huit mois suivant la saisine de la Cour. Il a précisé que les rapporteurs pour avis étaient associés à la définition des demandes d'enquête adressées chaque année par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes, ainsi qu'aux réunions de la commission au cours desquelles les magistrats de la Cour venaient présenter leurs conclusions.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a relevé que les moyens de la Cour des comptes n'étaient pas illimités et qu'il semblait opportun que le Parlement définisse une règle de priorité dans le traitement des demandes qui lui sont assignées en prenant en considération les dispositions organiques attribuant des prérogatives spécifiques aux commissions des finances et des affaires sociales.

M. Pierre-Yves Collombat, indiquant qu'il ne mettait pas en cause le fonctionnement de la commission des finances, a observé que la Cour des comptes sortait régulièrement de son domaine de compétences. Il a déclaré que les deux amendements identiques proposés par les commissions des finances et des affaires sociales ne signifiaient pas que le Parlement imposait des priorités à la Cour des comptes, mais que celle-ci pourrait traiter seulement les demandes des commissions des finances et des affaires sociales. M. Bernard Frimat, relevant que la LOLF prévoyait déjà un délai de huit mois pour la remise par la Cour de ses conclusions sur les demandes d'enquête formulées par les commissions des finances, a estimé qu'en état actuel du droit une telle demande serait déjà prioritaire par rapport à celle transmise par le président de l'Assemblée nationale ou par le président du Sénat, puisque la Cour disposerait de douze mois pour répondre à ces saisines.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que l'amendement n° 8 tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, présenté par M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, tendait à compléter la proposition de loi par des éléments relatifs à la réforme des juridictions financières issus d'un projet de loi déposé en novembre 2009 à l'Assemblée nationale et renvoyé au fond à la commission des lois de cette assemblée. Il a expliqué que la commission des finances proposait de reprendre sept articles de ce projet de loi pour les intégrer à la proposition de loi présentée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, ces articles visant notamment à prévoir :

- l'affirmation de la compétence de la Cour des comptes en matière de contrôle de la gestion des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

- la contribution de la Cour à l'évaluation des politiques publiques, point qu'il proposait lui même de reprendre dans un autre amendement ;

- la consécration du rôle de la Cour dans la certification des comptes des administrations publiques et sa participation au contrôle des actes budgétaires des collectivités territoriales ;

- la réforme de l'organisation des juridictions financières. Ainsi, la Cour et les chambres régionales des comptes seraient unifiées et constitueraient une seule entité. Les chambres en région, devenant chambre des comptes, auraient un ressort interrégional ;

- la modification du statut des magistrats financiers, notamment pour affirmer la qualité de magistrats des membres de la Cour des comptes et pour redéfinir les grades ;

- l'expérimentation par la Cour des comptes de la certification des comptes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dont les produits de fonctionnement ont dépassé 200 millions d'euros en 2008 ;

- les dispositions transitoires relatives aux nouvelles règles statutaires applicables aux magistrats financiers ;

- le sort des procédures engagées devant les chambres régionales avant la réforme.

Soulignant que cet amendement dépassait largement l'objet initial de la proposition de loi, il a estimé que la réforme des juridictions financières supposait un examen approfondi. Il a observé que cette réforme suscitait par ailleurs des contestations y compris au sein des juridictions financières. Il a finalement proposé que la commission rejette l'amendement et réétudie, le cas échéant, la question lors de l'examen des amendements qui seront discutés en séance publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que la réforme voulue par M. Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, faisait l'objet de contestations au sein des chambres régionales des comptes. Il a expliqué que lors de son audition par le rapporteur M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, avait indiqué que la réorganisation des juridictions financières entraînerait la suppression et le regroupement des chambres régionales des comptes de petite taille, afin de donner à de nouvelles structures interrégionales une plus grande réactivité. Il a relevé que, selon M. Didier Migaud, le développement de l'évaluation des politiques publiques requiert la réalisation d'une réforme des juridictions financières.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, rappelant que l'initiative de M. Bernard Accoyer visait à renforcer les moyens de contrôle du Parlement, a estimé que cet objectif supposait que la Cour des comptes dispose des moyens nécessaires, ce qui avait conduit M. Philippe Séguin à envisager l'unification des juridictions financières, afin de leur apporter une plus grande réactivité et de permettre la prise en compte des questions de finances locales dans les enquêtes demandées par le Parlement. Indiquant que le projet de loi portant réforme des juridictions financières était en instance d'examen à l'Assemblée nationale depuis novembre 2009, il a souligné que l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées ne laissait pas prévoir un examen prochain de ce texte, ce qui l'avait conduit à proposer l'intégration des éléments relatifs à la réforme dans la proposition de loi de M. Bernard Accoyer.

Précisant que son amendement ne reprenait pas le volet juridictionnel de la réforme, il a observé que les modifications proposées visaient à répondre à des craintes sur le fonctionnement de la Cour des comptes et que la commission des lois disposerait de trois semaines avant la discussion de la proposition de loi en séance publique pour approfondir l'examen de cette réforme.

M. Jean-Pierre Sueur a estimé que si l'avenir des juridictions financières constituait une question importante, elle ne devait pas être traitée dans le cadre d'une proposition de loi concernant en premier lieu le fonctionnement des assemblées. Expliquant qu'il avait rencontré longuement les magistrats de la Chambre régionale des comptes du Centre, il a relevé que la réforme conduirait au regroupement de cette chambre avec celle du Limousin, si bien que le ressort soumis au contrôle des magistrats financiers s'étendrait de Brive-la-Gaillarde à Dreux. Jugeant qu'une telle situation conduirait lesdits magistrats à passer davantage de temps à se déplacer qu'à certifier les comptes, il a considéré qu'une carte prévoyant une chambre par région demeurait adaptée. Il a en outre observé que l'amendement proposé par la commission des finances ne devait pas être adopté car il constituait un cavalier d'une ampleur considérable.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances, a expliqué que le regroupement des chambres régionales en chambres interrégionales avait pour objectif de concentrer les moyens, de nombreuses chambres régionales ne disposant que de quatre ou cinq conseillers.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé que l'amendement ne pouvait être retenu car il n'avait aucun rapport avec la proposition de loi et portait sur une question trop controversée pour être traitée au détour d'un amendement.

M. Bernard Frimat, expliquant qu'il soutenait la position défavorable du rapporteur, a estimé que l'intégration par amendement d'une réforme aussi importante ne constituerait pas une méthode satisfaisante d'élaboration de la loi. Relevant que la proposition de loi devrait être examinée en séance publique le 27 avril, il a souligné que le délai d'examen ne permettait pas d'approfondir sereinement une réforme par ailleurs contestée.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que l'organisation des juridictions, y compris les juridictions financières, relevait de la compétence de la commission des lois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a relevé qu'il y aurait quelque contradiction à procéder à l'adoption d'un amendement réalisant une réforme complète des juridictions financières, au moment où les deux assemblées créaient un groupe de travail sur la qualité de la loi. Elle a souhaité que la réforme des juridictions financières soit examinée lors de l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi correspondant.

M. Jean-Pierre Michel indiquant que de nombreux sénateurs avaient eu l'occasion de rencontrer des magistrats des chambres régionales des comptes pour évoquer le projet de réforme, a relevé que la contestation suscitée par ce projet justifiait que le Parlement s'en saisisse pleinement.

M. Hugues Portelli a souligné que le projet de loi portant réforme des juridictions financières appelait non seulement des remarques de fond, mais aussi des observations de forme, puisqu'il prévoyait plusieurs habilitations à prendre des mesures par ordonnances, ce qui supposait un examen particulièrement attentif du Parlement. Il a considéré qu'il n'était pas souhaitable, pour répondre aux problèmes de gestion de l'ordre du jour, de développer le recours à une législation morcelée, insérant dans des textes qui ont initialement une cohérence propre des pans de réforme par voie d'amendement.

M. Bernard Saugey a estimé que la réforme des juridictions financières méritait un examen approfondi et ne pouvait être décidée au bénéfice d'un amendement intégré dans une proposition de loi ayant un objet initial différent.

Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article premier
Auditions et pouvoirs des rapporteurs des instances parlementaires
de contrôle ou d'évaluation des politiques publiques

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Gélard, rapporteur

2

Possibilité pour les instances permanentes de contrôle et d'évaluation de chaque assemblée de demander, comme les commissions permanentes, l'attribution par l'assemblée, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois, des prérogatives des commissions d'enquête

Adopté

Article 3
Assistance de la Cour des comptes au Parlement
pour l'évaluation des politiques publiques

M. Vasselle,
rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales

3

Inscription dans la loi de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les pouvoirs spécifiques des commissions des finances et des affaires sociales, afin d'exclure le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, du champ des demandes d'assistance qui pourraient être adressées à la Cour des comptes par le Président de chaque assemblée, de sa propre initiative ou sur la proposition d'une commission permanente ou d'une instance permanente de contrôle

Adopté

M. Arthuis, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances

6

Identique à celui de l'amendement n° 3

Adopté

M. Vasselle,
rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires sociales

4

Traitement en priorité par la Cour des comptes des demandes qui lui sont adressées par les commissions des finances et par les commissions des affaires sociales, au titre de l'article 58 de la LOLF et de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières

Adopté

M. Arthuis, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances

7

Identique à celui de l'amendement n° 4

Adopté

M. Gélard, rapporteur

10

Amélioration rédactionnelle

Adopté

M. Gélard, rapporteur

1

Clarification

Adopté

Article additionnel après l'article 3

M. Arthuis, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances

8

Reprise de dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale, afin de donner à la juridiction financière les moyens effectifs de répondre aux exigences de sa mission d'assistance au Parlement et d'évaluation des politiques publiques

Rejeté

M. Gélard, rapporteur

5

Inscription dans le code des juridictions financières du principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques, conformément à l'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. Arthuis, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances

9

Modification de l'intitulé de la proposition de loi en rapport avec les amendements présentés par la commission des finances sur l'adaptation des moyens et de l'organisation de la Cour des comptes à l'élargissement de ses missions au profit du Parlement

Rejeté

La commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

ANNEXE LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

_______

- M. Jean Arthuis , président de la commission des finances du Sénat

Cour des comptes

- M. Didier Migaud , premier président

- M. Thierry Vught , secrétaire général adjoint

* 1 Voir le rapport n° 425 (2008-2009) fait au nom de la commission des lois par M. Patrice Gélard.

* 2 Voir le rapport pour avis de M. Jean Arthuis, n° 385 (2009-2010) et le rapport pour avis de M. Alain Vasselle, n° 386 (2009-2010).

* 3 Décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009.

* 4 Article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

* 5 Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, considérant 61.

* 6 « La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres, et le secrétaire général de la défense nationale. S'agissant des agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services [spécialisés placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget], seuls les directeurs en fonction de ces services peuvent être entendus » (article 6 nonies, dernier alinéa, de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

* 7 Ainsi, « toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l'exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les dispositions du troisième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lui sont applicables » (article 6, II, troisième alinéa, de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

* 8 Voir le rapport fait au nom du Comité d'évaluation et de contrôle par MM. Claude Goasguen et Jean Mallot, sur les critères de contrôle des études d'impact accompagnant les projets de loi, Assemblée nationale, 19 novembre 2009, n° 2094, p. 38.

* 9 Voir le rapport fait au nom de la commission des lois par M. Claude Goasguen, Assemblée nationale, 13 janvier 2010, n° 2220, p. 15-16.

* 10 Voir la décision du Conseil constitutionnel, n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, considérants 51 à 53.

* 11 Soit un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

* 12 Dont une demande conjointe avec la commission des finances du Sénat et une demande suspendue.

* 13 En revanche, l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières ne fixe aucun délai pour la remise des conclusions de la Cour des comptes sur les demandes que peuvent lui adresser les commissions des affaires sociales.

* 14 Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, considérant n° 59.

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