II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION.

A. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES.

1. Le sens de la proposition : soutenir et faire partager les positions françaises en faveur de la régulation.

Intervenant dans la foulée de la présentation du rapport du GHN, la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes a pour but de soutenir l'approche française en matière laitière.

Les propositions législatives de la Commission européenne pour modifier l'OCM unique ne sont en effet pas attendues avant la fin de l'année 2010.

Mais les travaux du GHN ont le mérite de poser les termes du débat entre Européens, qui ne fait que commencer.

Il ne faut au demeurant pas sous-estimer les réticences de certains États membres de l'Union sur le changement d'état d'esprit impulsé par le rapport du GHN .

Le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas ou la République tchèque paraissent réservés en particulier devant la perspective de modifier les règles de la concurrence afin de permettre aux producteurs de lait de s'organiser sur une base plus large.

Il appartiendra à la France de mener la bataille et de convaincre ses partenaires de la justesse d'une approche donnant une place accrue à la régulation.

2. Le contenu de la proposition.
a) Une invitation à approfondir les recommandations du GHN.

Si les conclusions du GHN vont dans le bon sens, la proposition de résolution propose cependant d'aller plus loin :

1° Sur la contractualisation entre producteurs et transformateurs, la commission des affaires européennes réclame d'envisager sa systématisation, précisant :

- l'élaboration de contrats-types dans le cadre d'organisations interprofessionnelles ;

- l'adoption du modèle du contrat écrit dans un maximum d'Etats membres de l'Union, afin que les producteurs bénéficient de la même protection partout dans l'Union européenne, et qu'il n'y ait aucune distorsion de concurrence en la matière.

Il faut noter que cette proposition du GHN sur la contractualisation va dans le même sens que l'article 3 du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, examiné en mai 2010 au Sénat, dont l'article 3 prévoit la possibilité d'obliger les producteurs et leurs acheteurs à conclure des contrats écrits conformes à des clauses types imposées soit par accord interprofessionnel, soit, à défaut, par décret.

2° Sur le regroupement des producteurs , la commission des affaires européennes indique que si le secteur du lait ne peut légitimement réclamer une exception générale aux règles de concurrence, la massification de l'offre pour peser face à un aval de la filière très concentré est légitime : dès lors, dans un marché largement ouvert au niveau européen, il est juste de définir un seuil de concentration plutôt élevé et en référence à la production laitière européenne.

3° Sur les organisations interprofessionnelles , les conclusions du GHN sont jugées trop prudentes, et il conviendrait de donner un rôle accru à ces organisations afin d'améliorer la connaissance et la transparence de la production et du marché.

4° Sur les mécanismes d'intervention , la proposition de résolution souligne la trop grande frilosité du GHN et réclame que la mise en oeuvre des aides au stockage public et privé soit plus réactive et que l'intervention puisse avoir lieu toute l'année.

La proposition de résolution n'insiste pas sur le développement des marchés à terme, qui peuvent être un outil utile d'indication des prix futurs du lait, un instrument de prévision, mais ne paraissent pas à même de lutter efficacement contre la volatilité des prix : au contraire, leur caractère spéculatif pourrait être un accélérateur de fluctuations.

5° Enfin, sur l'étiquetage de l'origine du lait , la proposition de résolution regrette la retenue du GHN, alors même que l'enjeu de l'information du consommateur justifiait des avancées sur ce chapitre.

b) Une réflexion plus large sur l'avenir des mécanismes de la PAC.

Le point 6 de la proposition de résolution suggère de tirer les enseignements de la crise du lait pour ouvrir une réflexion plus large sur les mécanismes de régulation devant être mis en place dans la PAC après 2013.

La question du niveau de soutien des paysans européens par le budget communautaire sera centrale dans les négociations qui font s'ouvrir à Bruxelles. Mais au-delà des questions de niveau de l'enveloppe, celles relatives à la gestion de celle-ci et aux outils d'intervention de l'Union européenne en matière agricole devront faire l'objet d'une attention toute particulière.

Aujourd'hui, les droits à paiement uniques (DPU) constituent l'essentiel des aides distribuées dans le cadre du premier pilier de la PAC. Ils sont versés de la même manière, que les marchés apportent un soutien suffisant au revenu de l'agriculteur lorsque les prix sont élevés ou pas.

Cette déconnexion des aides des situations concrètes s'explique par la nécessité de maintenir la PAC dans le cadre fixé par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui prohibe les aides contra-cycliques.

Pour autant, elle est difficile à comprendre, d'où la proposition, contenue au point n° 46 du projet de rapport présenté par le député britannique Georges Lyon au nom de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen, sur l'avenir de la PAC après 2013, de disposer dans le cadre du budget de la PAC « d'un mécanisme de flexibilité de fin d'exercice permettant de réaffecter et de reporter à l'exercice suivant les montants non dépensés ». La PAC serait ainsi mieux à même de procéder à des lissages conjoncturels.

La proposition de résolution de la commission des affaires européennes va encore plus loin, demandant au Gouvernement de réfléchir à des modulations des aides en fonction du degré d'organisation économique des producteurs : en clair, des producteurs refusant de s'organiser pourraient être moins soutenus.

Si l'idée est séduisante, il n'est pas certain cependant qu'elle puisse prospérer : il faudrait en effet pouvoir justifier une telle discrimination dans les aides aux producteurs, selon leurs choix économiques.

La PAC en chiffres

Le budget 2010 consacré à la PAC dans l'Union européenne représente 40 % du budget total de l'Union (contre 70 % en 1984). Il s'élève à plus de 56 milliards d'euros soit 0,4 % du PIB européen, dont :


• 43 milliards d'aides du 1 er pilier (39 milliards d'aides directes et 4 milliards d'interventions sur les marchés, prise en charge par le Fonds européen agricole de garantie, le FEAGA) ;


• 13 milliards d'aides du 2 ème pilier (mesures de développement rural, prises en charge par le Fonds européen agricole de développement rural, le FEADER).

La France est le premier bénéficiaire de la PAC, touchant 19 % des dépenses totales de cette politique. Les crédits de la PAC alloués à la France s'élèvent à un peu plus de 10 milliards d'euros dont :


• près de 9 milliards au titre du premier pilier ;


• environ 1,2 milliard au titre du deuxième pilier.

Une large partie des aides du premier pilier est versée sous forme de droits à paiement uniques (DPU), qui ont progressivement remplacé depuis 2003 les aides directes couplées aux cultures, désormais résiduelles.

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