Rapport n° 637 (2009-2010) de M. Marcel-Pierre CLÉACH , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 7 juillet 2010


N° 637

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d' Allemagne concernant l' échange de renseignements sur les titulaires du certificat d' immatriculation de véhicules contenus dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation ,

Par M. Marcel-Pierre CLÉACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

488 et 638 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre les infractions routières s'est intensifiée en France durant la dernière décennie, et s'appuie, de façon croissante, sur leur constatation par des dispositifs automatisés.

Ces moyens nouveaux ont permis de décompter les infractions commises sur le territoire français par des véhicules immatriculés dans d'autres pays européens, et de déceler leur accroissement, année après année.

Or, dans l'état actuel de la réglementation, tant nationale qu'européenne, il est difficile pour les autorités françaises compétentes d'identifier les titulaires du certificat d'immatriculation des véhicules étrangers ayant commis des infractions, ce qui assure à ceux-ci une immunité de fait.

Dans l'attente de l'élaboration d'un accord européen en ce domaine, seul à même de régler l'ensemble de ce contentieux , la France a pris l'initiative de négocier un accord bilatéral avec l'Allemagne , signé le 14 mars 2006 à Berlin.

C'est de ce pays que provient, en effet, le plus grand nombre de véhicules faisant l'objet de « messages d'infraction » émis par des dispositifs automatisés.

D'autres pays européens ont été également sollicités dans le même sens.

I. LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE LA FRANCE EN FAIT UN PAYS DE TRANSIT POUR DE NOMBREUX VÉHICULES EN PROVENANCE DE PAYS EUROPÉENS

A. UNE RÉPRESSION ACCRUE DES DÉLITS ROUTIERS DEPUIS 2003

Traditionnel pays de transit, la France a pris conscience, avec la mise en place progressive des dispositions de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière, du nombre non négligeable d'infractions commises par des véhicules étrangers.

Or, les messages d'infractions émis par les radars, dénommés « contrôle-sanction automatisé » (C.S.A.) se sont révélés inopérants à l'égard des véhicules immatriculés à l'étranger, alors que ceux-ci étaient destinataires de près d'un cinquième de ces messages.

En effet, le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CASIR), situé à Rennes, se base sur l'identité et les coordonnées personnelles du contrevenant pour lancer une procédure à son encontre. Faute d'informations de cet ordre sur les conducteurs des véhicules immatriculés à l'étranger, cette procédure reste sans suite, assurant à ces conducteurs une immunité de fait. Cette situation est d'autant plus choquante que leur nombre ne cesse de croître.

B. UN NOMBRE CROISSANT D'INFRACTIONS COMMISES PAR DES VÉHICULES IMMATRICULÉS À L'ÉTRANGER

En 2008 (derniers chiffres disponibles), le total des messages d'infraction touchant des véhicules immatriculés hors de France décomptés de 2005 à 2008, s'élevait à 8 925 346. Les chiffres par année démontraient une constante progression de ces messages :

2005 : 1 048 705

2006 : 1 996 718

2007 : 2 635 812

2008 : 3 244 111

Durant ces mêmes années, leur répartition par pays d'immatriculation était la suivante :

2005

2006

2007

2008

Allemagne

138316

237583

309843

364943

Danemark

14791

30738

43853

58407

Espagne

97483

198396

261508

305456

Grande Bretagne

42403

76874

83158

85290

Italie

30218

77660

82405

76839

Luxembourg

116

3958

6670

7592

Pays Bas

11965

57920

90268

110954

Portugal

33045

46931

55053

62194

Suisse

31597

62561

79999

100257

Autres

321

457

597

612

Doute sur pays

310 491

599224

841230

1074019

Pays non identifié

335954

602410

779221

995540

Pour remédier à une situation choquante, du point de vue tant de l'équité que de l'efficacité, la France a lancé des négociations avec les principaux pays d'origine des contrevenants. Le texte le plus abouti est l'accord conclu avec la Belgique, ratifié par ce pays en février 2010, et qui doit l'être prochainement par la France.

Des négociations sont en cours avec l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, et des discussions ont été ouvertes, au niveau ministériel, avec le Royaume-Uni, Monaco et le Portugal.

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ACCORD INSTAURENT AVEC L'ALLEMAGNE LES MODALITÉS D'UN ÉCHANGE DES INFORMATIONS NÉCESSAIRES À L'ABOUTISSEMENT DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE-SANCTION AUTOMATISÉ

A. UN DISPOSITIF CLAIR DANS SON PRINCIPE...

Les cinq articles composant le texte définissent (art. 1 er ) les infractions auxquelles ils s'appliquent, ainsi que les autorités compétentes pour leur traitement, et pour la gestion du fichier national d'immatriculation. L'article 2 précise les modalités des demandes de renseignement touchant notamment les coordonnées du titulaire du certificat d'immatriculation . Leur communication ne peut être refusée qu'en cas d'atteinte à la souveraineté de l'Etat requis. Ces données sont soumises, par l'article 3, à la protection des données nominatives en vigueur dans chacun des droits internes . Les modalités de cette protection font l'objet d'une annexe. L'article 4 porte sur les modalités de règlement des différends.

Enfin, les dispositions de l'article 5, prévoyant la dénonciation du présent accord lors de l'entrée en vigueur du Traité de Prüm, a fait l'objet d'un échange de lettres qui en supprime la teneur.

B. MAIS DONT LE CONTENU SE HEURTE À LA LÉGISLATION INTERNE ALLEMANDE

La discussion parlementaire visant à la ratification du présent texte par le Bundestag a fait apparaître la difficulté, et peut-être l'inconstitutionnalité, de poursuivre le propriétaire d'un véhicule en l'absence de photographie permettant de l'identifier clairement comme le conducteur lors de la commission de l'infraction. Cet élément a conduit à différer cette ratification par notre partenaire sine die.

C. LES ALÉAS D'ACCORDS BILATÉRAUX DE CE TYPE RENDENT OPPORTUNE L'ÉLABORATION D'UNE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ADAPTÉE

La lenteur et les difficultés inhérentes à la conclusion d'accords bilatéraux dans ce domaine militent pour l'édiction d'une réglementation au niveau de l'Union européenne. Tel est bien l'objet d'une proposition de résolution européenne déposée, le 12 février 2009, par notre collègue sénateur Hugues Portelli , au nom de la commission des affaires européennes, et adoptée par le Sénat le 20 juillet 2009, et adoptée par le Sénat le 20 juillet 2009.

Ce texte décrit le contenu de la proposition de directive, adoptée le 19 mars 2008 par la Commission Européenne, pour améliorer la sécurité routière au sein de l'Union européenne, et qui prévoit, à cette fin, de faciliter l'exécution transfrontalière des sanctions réprimant quatre types d'infractions routières : excès de vitesse, conduite en état d'ivresse, non-port de la ceinture de sécurité et franchissement d'un feu rouge.

Sont également étudiés les motifs juridiques qui n'ont pas permis que le projet de directive soit adopté par les 27 Etats membres.

Notre collègue député Gérard Voisin s'est également saisi de cette question dans un rapport d'information du 18 février 2009 , rédigé au nom de la commission de l'Assemblée nationale chargée des affaires européennes, et intitulé : « Sécurité sur les routes d'Europe : la fin des contraventions impunies ? » .

Il est également le premier signataire d'une proposition de loi du 1er avril 2009 « destinée à faciliter la perception transfrontalière des amendes et à améliorer les droits des conducteurs », et visant à modifier différents éléments de la législation française qui font obstacle à la conclusion d'accords de coopération pour la perception des amendes routières.

Des initiatives ont donc été prises par des membres de chacune des deux assemblées, pour inciter le Gouvernement français à se montrer plus offensif dans les enceintes européennes.

Sans sous-estimer les difficultés techniques et politiques inhérentes à ce type de négociation, votre rapporteur exprime sa solidarité envers ces travaux, et espère ainsi appuyer la position de la France dans ce domaine.

CONCLUSION

L'état actuel des dispositifs techniques utilisés pour constater les infractions routières ne semble pas permettre de répondre, à bref délai, aux exigences juridiques allemandes en matière d'identification des contrevenants routiers sur le sol français par voie automatique.

Il semble cependant judicieux que le Parlement français ratifie le présent accord, pour exprimer la ferme volonté de notre pays que les délits routiers incombant à des véhicules immatriculés en Allemagne, qui sont en constante augmentation, ne restent pas impunis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi le mercredi 7 juillet 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président. Un débat a suivi l'exposé de M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.

M. Daniel Reiner - Quel sera l'impact d'un accord ratifié par un seul des deux partenaires ?

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur - Si la position allemande n'évolue pas, la présente convention n'entrera pas en vigueur, mais le Gouvernement français pourra s'appuyer sur l'approbation émise par le Parlement.

M. Josselin de Rohan, président - L'assurance de leur impunité conduit, en effet, certains conducteurs étrangers à adopter des comportements aussi dangereux qu'inadmissibles.

Puis la commission a adopté le projet de loi et a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

ANNEXE -
FICHE D'EVALUATION JURIDIQUE

1) Etat du droit existant

L'article L 330-1 du code de la route dispose que l'enregistrement de toutes informations concernant les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci est réalisé sous l'autorité du ministère de l'intérieur et que ces informations peuvent faire l'objet de traitements automatisés, soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

L'article L 330-2 9° autorise la transmission de ces informations, sur leur demande, aux autorités étrangères extérieures à l'Union européenne et à l'Espace économique européen avec lesquelles existe un accord d'échange d'informations relatives à l'identification du titulaire du certificat d'immatriculation, à l'exception de celles relatives aux gages constitués sur les véhicules à moteur et aux oppositions au transfert du certificat d'immatriculation.

2) Modifications à apporter au droit existant et délais de réalisation

L'article L 330-2 9° du code de la route devra être modifiée de sorte à ne pas exclure les autorités des Etats membres de l'Union Européenne ou de l'Espace économique européen.

Les mots « extérieures à l'Union européenne et à l'Espace économique européen » devront donc être supprimés à l'article L 330-2 9° du code de la route.

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Cette modification a été effectuée par l'article 21 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

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