EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (art. L. 225-35 et L. 225-64 du code de commerce) - Rôle du conseil d'administration et du directoire en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique, l'article 1 er A de la proposition de loi confie au conseil d'administration, dans les sociétés anonymes classiques, et au directoire, dans les sociétés anonymes de forme nouvelle, sans mention des autres formes de sociétés, un rôle de promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. Cette disposition ne constitue qu'une déclaration générale de principe.

En outre, et surtout, l'article 6 de la proposition de loi prévoit de façon plus précise et opérationnelle une délibération annuelle du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle, le cas échéant sur la base du rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes, prévu par l'article L. 2323-57 du code de travail dans les sociétés de plus de trois cents salariés. Cette délibération annuelle pourra être d'autant plus utile pour la promotion de l'égalité professionnelle, y compris dans les postes de dirigeants salariés, que des femmes seront présentes dans ces conseils et veilleront à cette question.

Sur un amendement de son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 1 er A.

Article 1er (art. L. 225-17, L. 225-18-1, L. 225-20, L. 225-24, L. 225-27, L. 225-28, L. 225-37 et L. 225-45 du code de commerce) - Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil d'administration d'une société anonyme et sanctions en cas de composition irrégulière du conseil d'administration

L'article 1 er de la proposition de loi instaure dans les sociétés anonymes classiques à conseil d'administration une obligation nouvelle de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil d'administration.

Dans son I , l'article 1 er mentionne à l'article L. 225-17, relatif aux règles de composition du conseil d'administration, le principe général selon lequel il est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Ce principe vaut pour toutes les sociétés anonymes à conseil d'administration, quelle que soit leur taille, que leurs actions soient admises ou non aux négociations sur un marché réglementé.

Dans son II , l'article 1 er instaure une obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes, à hauteur d'un minimum de 40 % de membres du conseil pour chaque sexe, au sein d'un nouvel article L. 225-18-1. Cette obligation concerne toutes les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. En d'autres termes sont concernées par la proposition de loi les 701 sociétés cotées au 15 septembre 2010 sur Euronext à Paris, qui constitue un marché réglementé au sens du code de commerce. Ne sont donc pas concernées les 148 sociétés cotées sur Alternext, qui n'est qu'un marché organisé, et les 258 sociétés cotées au marché libre.

Cette proportion de 40 % ne s'applique que dans les conseils de plus de huit membres, étant entendu que le plafond légal est de dix-huit membres (article L. 225-17), hors situations particulières, par exemple après la fusion de deux sociétés. Lorsque le conseil est composé de huit membres au plus, l'écart entre les administrateurs de chaque sexe ne doit pas être supérieur à deux. Le minimum légal est fixé à trois administrateurs (article L. 225-17).

Votre commission a considéré que l'obligation de représentation équilibrée devait répondre à une logique économique de taille de l'entreprise, la cotation de la société n'étant pas le critère le plus pertinent. Certaines grandes sociétés ne sont pas cotées, tandis que de petites sociétés le sont. Pour autant, en raison de l'appel public à l'épargne auquel elles procèdent, les sociétés cotées sont d'ores et déjà soumises à des obligations supplémentaires, destinées notamment à l'information des épargnants et des actionnaires. A ce titre, l'obligation de représentation équilibrée mérite de leur être applicable indépendamment de leur taille. Les auteurs de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale ont d'ailleurs souhaité que cette obligation concerne en premier lieu les sociétés cotées.

Concernant le critère de taille, la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste suggère un seuil de 250 salariés et de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ce seuil correspond à celui des entreprises de taille intermédiaire (ETI), catégorie qui résulte de la loi de modernisation de l'économie. Votre commission a estimé que ce seuil était trop faible. Il n'est pas raisonnable en effet d'imposer les mêmes règles et les mêmes contraintes aux petites et aux grandes entreprises en matière de composition des conseils.

Aussi, sur proposition de son rapporteur, votre commission a-t-elle adopté un amendement pour élargir le périmètre, qui englobe déjà les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, aux sociétés qui dépassent un seuil composé de plusieurs critères économiques. Seraient ainsi concernées les sociétés qui emploient plus de 500 salariés et présentent un chiffre d'affaires ou un total de bilan de plus de 50 millions d'euros . Pour éviter que cette obligation ne s'impose trop brutalement dès le franchissement de ce seuil, il est proposé qu'il doive être franchi au cours de trois exercices consécutifs , en appréciant la situation à l'issue de l'assemblée générale ordinaire qui statue sur le troisième exercice, à condition qu'elle soit appelée à statuer sur des nominations, ou sinon à l'issue de la plus prochaine assemblée générale appelée à statuer sur des nominations, car il ne s'agirait pas de devoir interrompre des mandats avant leur terme normal si aucun ne venait à échéance lors de l'assemblée générale suivant le troisième exercice (l'article L. 225-100 prévoit que l'assemblée générale ordinaire se réunit au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice).

La proposition de loi énonce ensuite une sanction de nullité de toute nomination d'administrateur ne respectant pas le principe de représentation équilibrée, sauf lorsque cette nomination a pour effet d'accroître la proportion des administrateurs appartenant au sexe sous-représenté dans le conseil. Dès lors que le législateur prévoit un principe de représentation équilibrée, de façon quantifiée, il est logique qu'il l'assortisse de la nullité des nominations contraires à ce principe, sauf à priver la prescription qu'il pose de tout caractère contraignant.

Votre rapporteur tient à préciser que par toute nomination il faut bien entendre toute nomination d'un nouvel administrateur mais également tout renouvellement d'un administrateur parvenu à expiration de son mandat. Cette nullité s'appliquerait au fil des nominations et renouvellements décidés par les assemblées générales ordinaires successives. Il est rare en effet que tous les mandats soient attribués ou renouvelés simultanément, sauf éventuellement dans les premières années de la constitution d'une société. La durée maximale légale du mandat d'administrateur est de six ans. En pratique elle se limite généralement à trois ou quatre ans dans les plus grandes sociétés.

Ainsi, en théorie, une société dont le conseil d'administration ne serait pas composé régulièrement pourrait voir progressivement le mandat de tous ses administrateurs être nul au fil des nominations et renouvellements. De la sorte, la société au bout de quelques années n'aurait légalement plus de conseil. Votre rapporteur estime que cette sanction de nullité des nominations constitue déjà une sanction importante.

En outre, à l'inverse du texte proposé par nos collègues du groupe socialiste, la proposition de loi précise que la nullité de la nomination n'entraîne pas la nullité des délibérations du conseil auxquelles a pris part l'administrateur nommé irrégulièrement et dont la nomination est nulle. Cette précision n'est pas juridiquement utile, en vertu du principe selon lequel toute irrégularité dans la composition du conseil ne saurait affecter la validité des délibérations du conseil. En effet, selon le premier alinéa de l'article L. 210-9, « ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée ». Autre exemple de ce principe, le dernier alinéa de l'article L. 225-21 indique que les délibérations auxquelles a pris part un administrateur ne respectant les règles de cumul des mandats sociaux ne sont pas affectées du fait de cette irrégularité dans la composition du conseil. De même, l'affirmation de la nullité de la nomination d'un administrateur au-delà de la limite d'âge, au troisième alinéa de l'article L. 225-19, n'a pas besoin de préciser que cette nullité n'entraîne pas celle des délibérations. A fortiori , l'affirmation de la nullité de la nomination d'un administrateur lorsqu'elle n'est pas effectuée conformément aux prescriptions légales, au dernier alinéa de l'article L. 225-18, ne le précise pas non plus. Cependant, pour éviter tout risque d'interprétation biaisée, une mention expresse est préférable, à l'instar de celle figurant à l'article L. 225-29, écartant tout risque de nullité portant sur les délibérations du conseil irrégulièrement composé.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle de cette règle de nullité.

La proposition de loi ajoute que, lorsque le conseil d'administration néglige de procéder aux nominations requises ou de convoquer l'assemblée générale pour remédier à l'irrégularité de sa composition, tout intéressé peut demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée à cet effet. Deux lectures de cette disposition semblent possibles, en raison de sa rédaction allusive et de son application peu claire.

D'une part, seraient ici visées les nominations provisoires auxquelles le conseil d'administration peut procéder lui-même entre deux assemblées générales, ainsi que les nominations auxquelles il doit être procédé sans délai par l'assemblée générale, dans des cas prévus à l'article L. 225-24 : possibilité de nomination provisoire par le conseil en cas de vacance à la suite du décès ou de la démission d'un administrateur, convocation de l'assemblée générale lorsque le nombre d'administrateurs devient inférieur au minimum légal de trois, nomination provisoire obligatoire par le conseil lorsque le nombre devient inférieur au minimum statutaire sans être inférieur au minimum légal. Le dernier alinéa de l'article L. 225-24 autorise qu'un mandataire désigné en justice à la demande de tout intéressé procède à la convocation de l'assemblée générale en cas de carence du conseil.

D'autre part, il appartiendrait au conseil d'administration, en cas de nominations nulles, par analogie à ce qui est prévu à l'article L. 225-24, de procéder à des nominations provisoires, à défaut de quoi tout intéressé pourrait demander la désignation d'un mandataire pour convoquer l'assemblée générale en vue de remédier à l'irrégularité de la composition du conseil. Outre le caractère peu réaliste de cette disposition - pourquoi le conseil, après avoir délibérément proposé à l'assemblée générale une nomination ou bien procédé lui-même à titre provisoire à une nomination encourant la nullité, nommerait-il spontanément un administrateur de l'autre sexe -, il apparaît que les situations de nullité de nomination ne se résolvent pas par une nomination provisoire par le conseil ou, au besoin, par une convocation de l'assemblée générale (simple nullité de la nomination aux articles L. 225-18 et L. 225-19), sauf à se trouver dans un des cas prévus à l'article L. 225-24. De plus, dès lors qu'il n'existe pas de formalité de constatation et de publicité de la sanction de nullité elle-même, il serait peu opérant en pratique de prévoir une telle procédure à la disposition de tout intéressé. Au surplus, il paraît quelque peu disproportionné de faire convoquer spécialement une assemblée générale, alors que celle-ci est supposée se réunir chaque année et que, peut-être, elle vient déjà de se réunir pour procéder à la nomination nulle à laquelle il est prévu de remédier. Il paraît donc plus judicieux de renvoyer la question de la mise en conformité de la composition du conseil à l'assemblée générale suivante, dans les conditions de droit commun. En tout état de cause, une société qui ne réunirait jamais son assemblée générale pour nommer des administrateurs appartenant au sexe sous-représenté aurait sans doute d'autres difficultés qu'une simple irrégularité dans la composition de son conseil...

Votre commission n'a donc pas conservé cette disposition discutable, considérant qu'elle était satisfaite par la modification de l'article L. 225-24 à laquelle procède le IV de l'article 1 er de la proposition de loi, qui ajoute que le conseil doit également procéder à des nominations provisoires lorsque le principe de représentation équilibrée au sein du conseil n'est plus respecté : cette disposition trouverait en effet à s'appliquer dans le cas où ce principe ne serait plus respecté du fait de nominations nulles.

De plus, plutôt que de prévoir la désignation en justice à la demande de tout intéressé d'un mandataire en cas de nomination nulle et d'inaction du conseil, votre commission a préféré qu'une procédure analogue de désignation d'un mandataire soit mise en place lorsque l'assemblée générale ordinaire n'est pas saisie de nominations permettant de respecter le principe de représentation équilibrée, de façon à mieux respecter le rythme de la vie de la société. Cette disposition est introduite dans la proposition de loi sous forme d'un article additionnel 2 bis B.

Dans son III , l'article 1 er traite de la question des personnes morales ayant la qualité d'administrateur. En vertu de l'article L. 225-20, lorsqu'une société est administrateur d'une autre société, elle désigne une personne physique en qualité de représentant permanent au conseil d'administration. La proposition de loi prévoit logiquement que ce représentant soit pris en compte pour apprécier la conformité de la composition du conseil d'administration au principe de représentation équilibrée.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle, par lequel elle a également précisé - ce qui ne figure pas dans la proposition de loi - que la désignation du représentant permanent est nulle si elle a pour effet de rendre irrégulière la composition du conseil d'administration ou si elle ne contribue pas à rendre plus équilibrée une composition initialement irrégulière.

Dans son IV , ainsi qu'il a été indiqué plus haut, l'article 1 er complète les cas de nominations provisoires par le conseil d'administration, entre deux assemblées générales ordinaires, en cas de vacance de mandat du fait d'un décès ou d'une démission, par le cas où la composition du conseil n'est plus conforme au principe de représentation équilibrée. Le conseil doit procéder aux nominations dans un délai de trois mois, comme dans le cas d'un nombre d'administrateurs devenu inférieur au minimum statutaire. Ces nominations doivent être ratifiées par l'assemblée générale ordinaire qui suit. Si le conseil néglige de procéder aux nominations ou de convoquer l'assemblée générale, il est possible pour tout intéressé de faire désigner en justice un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale.

Votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a adopté un amendement de clarification rédactionnelle.

Dans son V , l'article 1 er traite des administrateurs élus soit par les salariés de la société, soit par les salariés de la société et ceux de ses filiales, lorsqu'il en existe (article L. 225-27). Ces administrateurs représentant les salariés ne sont pas pris en compte dans le calcul du nombre d'administrateurs. Le texte de la proposition de loi présente certaines incohérences de rédaction.

En premier lieu, votre commission a adopté un amendement tendant à supprimer une référence inutile à l'article L. 225-18-1 instituant l'obligation de représentation équilibrée. En effet, il est fait mention dans cet article du nombre et du mode de désignation des administrateurs prévus aux articles L. 225-17 et L. 225-18. Or, le contenu de l'article L. 225-18-1 ne concerne ni le nombre ni le mode de désignation.

En second lieu, la proposition de loi insère une obligation de listes paritaires en cas d'élection des administrateurs représentant les salariés par scrutin de liste. En effet, la parité sur les listes des candidats aux fonctions d'administrateurs élus par les salariés contribue à la mixité dans les conseils d'administration. Toutefois, cette obligation est insérée à l'article L. 225-27, alors que c'est l'article L. 225-28 qui détermine les modalités d'élection de ces représentants. Votre commission a adopté un amendement visant à insérer correctement, à l'article L. 225-28, la mention de l'obligation de parité en cas de scrutin de liste, dans une rédaction allégée et simplifiée. Votre rapporteur observe que cette disposition n'évoque pas le cas, sans doute hypothétique, d'une société dans laquelle il n'y aurait pas suffisamment de salariés éligibles d'un des deux sexes pour composer une liste paritaire.

Dans son VI , l'article 1 er précise que le rapport par lequel le président du conseil d'administration rend compte à l'assemblée générale, dans les seules sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, notamment « de la composition, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil » et des principes et règles « arrêtés par le conseil d'administration pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux » (article L. 225-37) doit aussi faire état de l'application au sein du conseil du principe de représentation équilibrée. Cette disposition constitue une utile coordination avec la mise en place de l'obligation de représentation équilibrée, permettant l'information des actionnaires sur le conseil dont ils assurent la nomination des membres.

Votre commission a approuvé l'insertion de cette précision propre aux sociétés cotées.

Sur un amendement de son rapporteur, votre commission a complété l'article 1 er par un VII relatif aux conséquences d'une composition irrégulière du conseil d'administration sur le versement des jetons de présence , lorsqu'il en existe dans la société concernée.

En effet, à l'inverse de la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste, votre commission a exclu par principe toute sanction de nullité des délibérations elles-mêmes, en raison des risques juridiques qu'elle fait courir, notamment vis-à-vis des tiers, mais également parce qu'elle est disproportionnée et ne correspond pas aux principes du code de commerce. Elle s'en est tenue à la seule nullité des nominations irrégulières. Pour autant, elle considère que, pour éviter que trouve à s'appliquer cette sanction, dont elle estime qu'elle n'est pas anodine, il convient de prévoir un mécanisme d'incitation à ne pas nommer des administrateurs en violation du principe de représentation équilibrée. Sur la proposition de son rapporteur, il lui a semblé que le mécanisme le plus efficace consistait à suspendre le versement des jetons de présence (article L. 225-45). Une telle suspension constitue certes une sanction financière pour les administrateurs eux-mêmes, mais sa publicité contribuerait tout autant à ce que les conseils veillent à être composés de façon plus équilibrée.

Il peut certes être objecté que les administrateurs sont désignés par l'assemblée générale ordinaire. Toutefois, celle-ci est convoquée en principe par le conseil d'administration, qui arrête son ordre du jour (articles L. 225-103 et L. 225-105). Il revient ainsi au conseil d'administration de proposer les nominations ou les renouvellements d'administrateurs. Dans les grandes sociétés, ces propositions sont souvent préparées par plusieurs administrateurs au sein d'un comité des nominations constitué à et effet. Par conséquent, une composition irrégulière du conseil résulte d'une carence des administrateurs en fonction. Le conseil d'administration peut aussi procéder lui-même à la nomination provisoire d'administrateurs (article L. 225-24).

Ainsi, la suspension temporaire des jetons de présence affecte bien les personnes responsables dans les faits du choix des administrateurs à faire nommer ou renouveler par l'assemblée générale. Cette sanction temporaire, qui ne remet pas en cause la sécurité juridique des délibérations des conseils ni la vie de la société elle-même, inciterait les conseils d'administration à proposer des nominations conformes à l'objectif de mixité.

Votre commission préfère cette sanction sur les jetons de présence qu'une pénalité financière imposée à la société elle-même, qui serait indolore et moins efficace. Toutes les sociétés n'attribuent pas de jetons de présence, mais les principes du gouvernement d'entreprise prônent le versement de jetons même dans les petites sociétés, afin de signifier que les fonctions d'administrateur doivent être exercées avec sérieux et compétence.

Cette suspension temporaire des jetons de présence ne ferait bien sûr pas obstacle à leur inscription comptable dans les charges d'exploitation (article L. 225-45). Il est proposé que la suspension cesse, avec versement de l'arriéré, dès que la composition du conseil devient régulière. Il n'y aurait de la sorte aucune suppression pure et simple de jetons de présence et aucune perte financière pour les administrateurs, dès lors que deviendrait régulière la composition du conseil auquel ils appartiennent.

De plus, il appartient à l'assemblée générale de se prononcer sur la possibilité d'allouer des jetons de présence aux administrateurs (article L. 225-100). Il serait alors nécessaire que soit communiquée aux actionnaires l'information selon laquelle les jetons ne peuvent pas être versés. Dans les sociétés cotées, le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale doit faire état des rémunérations de toute nature versées à chaque mandataire (article L. 225-102-1). La suspension des jetons de présence devrait donc être mentionnée et justifiée dans ce rapport. Votre commission a inséré en ce sens un article additionnel 2 bis A au sein de la proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. L. 225-68, L. 225-69, L. 225-69-1, L. 225-76, L. 225-78, L. 225-79 et L. 225-83 du code de commerce) - Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil de surveillance d'une société anonyme et sanctions en cas de composition irrégulière du conseil de surveillance

L'article 2 de la proposition de loi instaure dans les sociétés anonymes de forme nouvelle à directoire et conseil de surveillance une même obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil de surveillance. Il comprend à cet effet des dispositions identiques à celles introduites dans le code de commerce par l'article 1 er pour les sociétés anonymes classiques à conseil d'administration.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté des amendements analogues à ceux ayant modifié l'article 1 er , concernant cette fois la composition du conseil de surveillance et ses compétences.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis A (nouveau) (art. L. 225-102-1 du code de commerce) - Mention dans le rapport du conseil d'administration ou du directoire à l'assemblée générale de la suspension des jetons de présence en cas de composition irrégulière du conseil d'administration ou de surveillance

Introduit par l'adoption par votre commission d'un amendement de son rapporteur, l'article 2 bis A de la proposition de loi prévoit dans le rapport du conseil d'administration ou du directoire à l'assemblée générale ordinaire, qui doit déjà faire état des rémunérations détaillées versées à chacun des mandataires sociaux, la mention s'il y a lieu de la suspension du versement des jetons de présence pour cause de composition irrégulière du conseil d'administration ou de surveillance au regard du principe de représentation équilibrée.

Cette information ne concernerait que les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou celles qui sont contrôlées par une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les seules pour lesquelles le rapport du conseil d'administration ou du directoire doit faire état des rémunérations des mandataires sociaux.

Votre commission a inséré un article additionnel 2 bis A ainsi rédigé.

Article 2 bis B (nouveau) (art. L. 225-105-1 du code de commerce) - Procédure de désignation en justice d'un mandataire chargé de mettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire des projets de nomination visant à rendre régulière la composition du conseil d'administration ou du conseil de surveillance

Introduit par l'adoption par votre commission d'un amendement de son rapporteur, l'article 2 bis B de la proposition de loi est à mettre en regard des dispositions des articles 1 er et 2 (articles L. 225-18-1 et L. 225-69-1), qui prévoient la nullité des nominations en contradiction de l'obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils.

En dehors des cas de nomination provisoire (articles L. 225-24 et L. 225-78), la nomination des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance appartient à l'assemblée générale ordinaire (articles L. 225-18 et L. 225-75). L'assemblée générale ordinaire peut ne pas être mise en mesure de procéder à des nominations régulières, conduisant à des nominations nulles, dès lors que, selon le cas, le conseil d'administration ou le directoire ne met pas à l'ordre du jour des projets de nomination de personnes appartenant au sexe sous-représenté.

Certes, des actionnaires détenant au moins 5 % du capital ou groupés dans une association d'actionnaires répondant au même critère (article L. 225-120) peuvent faire inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire des projets de résolution (article L. 225-105), par exemple des projets de nomination. Les conditions requises ne sont toutefois pas aisées à réunir.

Aussi votre commission a-t-elle conçu dans ce cadre, au sein d'un nouvel article L. 225-105-1, une procédure particulière, lorsqu'il n'est pas présenté à l'assemblée générale ordinaire de nominations de nature à assurer la conformité de la composition du conseil, s'inspirant des procédures déjà prévues aux articles L. 225-103 et L. 225-105 en matière de convocation de l'assemblée générale et de mise à l'ordre du jour de projets de résolution : tout actionnaire peut demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de la mise à l'ordre du jour d'un projet de nomination ayant pour objet de contribuer la régularité de la composition du conseil.

Cette procédure est plus simple et cohérente que celle prévue par la proposition, en ses articles 1 er et 2, permettant à tout intéressé de faire désigner en justice un mandataire chargé de convoquer l'assemblée générale en cas de nomination nulle, a fortiori si cette nomination nulle vient d'être décidée par l'assemblée générale elle-même. Cette procédure s'effectue en outre sous le contrôle du juge, ce qui permet de dissuader les procédures abusives.

Votre commission a inséré un article additionnel 2 bis B ainsi rédigé.

Article 2 bis (art. L. 226-4 et L. 226-4-1 du code de commerce) - Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil de surveillance d'une société en commandite par actions

L'article 2 bis de la proposition de loi instaure dans les sociétés en commandite par actions la même obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil de surveillance. Tout en tenant compte des particularités de cette forme de société, il reprend des dispositions analogues à celles introduites par l'article 1 er pour les sociétés anonymes classiques à conseil d'administration.

Le texte issu des travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de même que la proposition de loi initialement déposée par nos collègues députés, ne prenait pas en compte les sociétés en commandite par actions, se limitant aux sociétés anonymes. L'article 2 bis a été introduit par l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative de notre collègue Marie-Jo Zimmermann, rapporteur de la commission des lois.

Sur un amendement de son rapporteur, votre commission a procédé à une clarification rédactionnelle de ces dispositions, tout en veillant à leur bonne insertion dans le code de commerce et en reprenant les modifications déjà opérées aux articles 1 er et 2 pour les deux formes de sociétés anonymes.

Votre commission a adopté l'article 2 bis ainsi modifié .

Article 3 - Délais d'application de l'obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils et règles applicables au cours de la période transitoire

L'article 3 de la proposition de loi prévoit la date d'entrée en vigueur de l'obligation de représentation équilibrée et des dispositions applicables au cours de la période transitoire avant cette date d'entrée en vigueur. Du fait de leur caractère transitoire, ces dispositions ne sont pas codifiées dans le code de commerce.

Dans son I , l'article 3 prévoit l'application à la date de publication de la loi des dispositions selon lesquelles, d'une part, le conseil d'administration ou de surveillance est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes et, d'autre part, le rapport du président du conseil d'administration ou de surveillance à l'assemblée générale rend compte de l'application du principe de représentation équilibrée dans la composition du conseil, cette seconde disposition ne concernant que les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.

L'article 3 prévoit que les autres dispositions entrent en vigueur six ans après la promulgation de la loi. Sont concernés la proportion minimale de 40 % pour chaque sexe, la nullité des nominations contraires, les dispositions concernant les personnes morales membres des conseils et les membres des conseils représentant les salariés.

Soucieuse de l'intelligibilité et de la claire application de la loi, qui prévoit une nouvelle obligation pour les sociétés, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur consistant à fixer l'entrée en vigueur de ces dispositions, ainsi que de la règle de suspension des jetons de présence, à compter du 1 er janvier de la sixième année suivant l'année de publication de la loi - le critère de publication au Journal officiel étant plus simple que celui de promulgation. L'entrée en vigueur coïncidera ainsi avec une date ayant une signification pour les sociétés concernées et un rapport avec le calendrier de la vie des sociétés, celui des exercices comptables et des assemblées générales ordinaires annuelles statuant sur ces exercices. Les sociétés cotées devront être en conformité avec le principe de représentation équilibrée dès le 1 er janvier, tandis que les sociétés remplissant les trois exercices précédents les conditions de seuil de 500 salariés et 50 millions de chiffres d'affaires ou de total de bilan auront jusqu'à l'assemblée générale ordinaire pour être en conformité.

Ainsi, si la loi est définitivement adoptée par le Parlement avant la fin de l'année 2010 et publiée au Journal officiel en 2010, l'entrée en vigueur de l'obligation de respecter une proportion minimale de 40 % de représentants de chaque sexe sera au 1 er janvier 2016. Si la loi est publiée en 2011, l'entrée en vigueur sera au 1 er janvier 2017.

Ces modalités d'entrée en vigueur doivent permettre aux sociétés concernées d'anticiper l'obligation de représentation équilibrée. Le délai de six ans correspond à la durée maximale légale du mandat d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance, étant entendu qu'en pratique la durée des mandats est d'environ trois à quatre ans. Toutes les nominations devant intervenir dans cette période de six ans, qu'il s'agisse de renouvellements ou de nominations de nouveaux mandataires, pourront être préparées et soumises à la décision des assemblées générales d'actionnaires en toute connaissance de cause.

Dans ses II et III , l'article 3 prévoit des dispositions transitoires de nature à inciter les sociétés concernées à se rapprocher progressivement de la proportion de 40 % en procédant à des nominations de personnes appartenant au sexe sous-représenté.

En premier lieu, les sociétés entrant dans le champ d'application de la loi et dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé doivent atteindre une proportion minimale de 20 % dans les trois ans suivant la promulgation de la loi. Par coordination, votre commission a adopté un amendement visant à fixer cette échéance intermédiaire au 1 er janvier de la troisième année suivant l'année de la publication de la loi, soit au 1 er janvier 2013 ou 2014.

Votre commission a estimé que cette échéance intermédiaire ne devait concerner que les sociétés cotées, qui font appel public à l'épargne, et non celles entrant dans le périmètre de la loi du fait du franchissement des seuils de 500 salariés et 50 millions d'euros de chiffres d'affaires ou de bilan.

En deuxième lieu, lorsque l'un des deux sexes n'est pas représenté au sein du conseil d'administration ou de surveillance dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, l'article 3 dispose qu'au moins un représentant de ce sexe doit être nommé dès le premier renouvellement de mandat suivant la promulgation. Sauf à ignorer le rythme de la vie des sociétés et le caractère annuel des assemblées générales, le délai de six mois ne paraît pas pertinent. Par souci de clarté, il convient plutôt de prévoir une nomination à la première assemblée générale ordinaire qui suit la publication de la loi, même si cela doit être plus contraignant pour les sociétés dont les assemblées générales auront lieu peu de temps après cette publication. Votre rapporteur tient à préciser que cette obligation ne vaut que lorsque l'assemblée générale doit statuer sur des nominations : il n'est pas question de mettre fin à des mandats d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance avant leur terme normal. Ceci permet également de prendre en compte les cas où le conseil serait au plafond légal du nombre de ses membres au moment de la publication de la loi. Dès lors, si la première assemblée générale ordinaire qui suit la publication de la loi n'a pas à statuer sur des renouvellements ou sur des nominations de nouveaux administrateurs, il n'y a pas lieu de procéder à des nominations concernant le sexe sous-représenté.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle de cette disposition.

En troisième lieu, l'article 3 précise que les représentants permanents des personnes morales ayant la qualité d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance sont pris en compte pendant cette période transitoire. Par coordination, votre commission a adopté un amendement rédactionnel concernant ces représentants des personnes morales membres des conseils.

En dernier lieu, l'article 3 traite des sanctions au cours de la période transitoire. Il pose la sanction de nullité des nominations, en cas de violation des règles transitoires prévoyant une proportion de 20 % après trois ans et, s'il y a lieu, la nomination d'un représentant du sexe non représenté.

En revanche, en contradiction avec la règle générale prévue par la proposition de loi, l'article 3 prévoit qu'au cours de la période transitoire la nullité des nominations entraîne la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres des conseils dont les nominations sont nulles. Cette sanction transitoire, qui figurait dans le texte issu des travaux de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été maintenue par l'Assemblée nationale. Votre commission estime que cette sanction, même transitoire, n'est pas adaptée.

Autant la sanction de nullité des nominations est justifiée, car c'est elle qui figurera in fine dans le texte du code de commerce - et cette sanction est plus lourde qu'il y paraît, puisqu'un conseil peut être composé de plusieurs membres dont la nomination est nulle, au point de ne plus respecter le minimum statutaire voire légal -, autant la sanction de nullité des délibérations paraît disproportionnée et de nature à remettre en cause la sécurité juridique des délibérations des conseils et par conséquent des rapports de la société avec des tiers et la protection de ces derniers. C'est un principe du droit des sociétés que toute irrégularité dans les délibérations des conseils et dans la prise de décision ne peut être opposable aux tiers de bonne foi : actes qui ne relèvent pas de l'objet social, méconnaissance d'une clause statutaire limitant les pouvoirs des dirigeants, actes violant l'intérêt social. Alors qu'une décision qui excède l'objet social engage la société à l'égard des tiers, il serait curieux qu'une simple irrégularité dans la composition de son conseil entraîne la nullité de ses délibérations lorsqu'elles concernent des tiers. Il peut s'agir d'un contrat stratégique pour l'avenir de la société, d'une décision d'acquisition, de la mise en oeuvre d'un plan social ou d'une procédure de redressement judiciaire, autant de décisions fondamentales sur lesquelles le conseil statue. Une telle nullité serait une source d'extrême insécurité dans la vie des affaires, déjà intrinsèquement marquée par l'incertitude.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, le premier alinéa de l'article L. 210-9 dispose que « ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée ». Certes, cette disposition ne vaut que dans les relations avec les tiers et pas pour les délibérations qui ne concernent que les affaires internes de la société, mais elle illustre bien le principe selon lequel la composition irrégulière du conseil ne saurait affecter la régularité de ses décisions.

Dans le code de commerce, la nullité des actes est réservée aux cas les plus graves (articles L. 235-1 à L. 235-14) : nullité des délibérations prises sans respecter les droits de vote, nullité de la société en cas d'incapacité ou de vice du consentement d'un des premiers associés... L'article L. 235-8 dispose que « la nullité d'une opération de fusion ou de scission ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l'une des assemblées qui ont décidé l'opération », alors pourquoi une irrégularité dans la composition du conseil pourrait-elle conduire à la nullité dans des décisions d'équivalente importance économique ?

Votre rapporteur s'interroge même sur la constitutionnalité d'une telle sanction, qui pourrait devenir très vite une cible privilégiée pour la nouvelle question prioritaire de constitutionnalité.

En outre, votre rapporteur estime paradoxal de prévoir des sanctions plus lourdes au cours de la période transitoire qu'après l'entrée en vigueur des dispositions définitives de la proposition de loi. Il convient certes d'inciter les sociétés concernées à procéder rapidement aux nominations requises, afin qu'elles puissent atteindre la proportion de 40 % dans les six ans, mais cette période transitoire doit consister en une montée en puissance progressive, qui permette aux sociétés et à leurs conseils de s'adapter et d'anticiper sur leurs obligations futures, de rechercher et de former les futurs administrateurs. C'est pour cette raison même que votre commission ne propose pas la suspension des jetons de présence au cours de la période transitoire. Cette sanction ne s'appliquera qu'à compter de l'entrée en vigueur des dispositions définitives de la loi, constituant ainsi une incitation à rendre conforme la composition des conseils avant cette date.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement consistant à supprimer toute nullité des délibérations.

Par ce même amendement, votre commission corrige une incohérence rédactionnelle selon laquelle les sanctions de la période transitoire demeurent valables lorsque les sociétés ne remplissent pas l'obligation de représentation équilibrée avec la proportion de 40 % à l'entrée en vigueur des dispositions définitives. Ceci aurait signifié la nullité des délibérations également à l'issue de la période transitoire. Des sanctions sont prévues dans le code de commerce à titre définitif, à l'expiration de la période transitoire, nullité des nominations et suspension des jetons de présence, il n'y a donc pas lieu d'étendre les effets des sanctions transitoires à l'entrée en vigueur des dispositions définitives.

Enfin, par souci de lisibilité des dispositions transitoires de l'article 3, il est fait mention des sanctions en complément du II et non au sein d'un III.

Dans son IV , l'article 3 prévoit un délai permanent de six ans pour toute société qui procède à l'avenir, après la promulgation de la proposition de loi, à une admission de ses titres aux négociations sur un marché réglementé, pour mettre en conformité la composition de son conseil d'administration ou de surveillance.

Cette « période transitoire permanente » n'a pas paru pertinente à votre commission. Dès lors que l'obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils, à hauteur d'une proportion d'au moins 40 %, sera connue des sociétés susceptibles d'être concernées - et les six années de la période transitoire suivant la publication de la loi permettront bien de faire toute la publicité nécessaire -, aucune période d'adaptation ne sera plus nécessaire. Dans six ans, une société qui prépare la cotation de ses titres sur un marché réglementé devra faire en sorte avant la cotation que son conseil soit composé régulièrement, tandis qu'une société qui franchit pendant trois exercices consécutifs les seuils de 500 salariés et de 50 millions de chiffre d'affaires ou de total de bilan devra faire de même lors de l'assemblée générale ordinaire suivante.

Aussi, sur un amendement de son rapporteur, votre commission a-t-elle supprimé cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 5, 6, 6-1 et 17 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public) - Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques et sanctions en cas de composition irrégulière du conseil

L'article 4 de la proposition de loi instaure une même obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques relevant de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Dans son I , l'article 4 adapte les dispositions déjà prévues pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions, en particulier la proportion minimale de 40 % au moins pour les représentants de chaque sexe, la nullité des nominations contraires et la composition paritaire des listes pour les élections des représentants des salariés.

Concernant la composition des conseils, la loi du 26 juillet 1983 distingue, d'une part, dans son article 5, les établissements publics, entreprises nationales, sociétés nationales, sociétés d'économie mixte et sociétés anonymes dans lesquelles l'État détient directement plus de la moitié du capital et, d'autre part, dans son article 6, les autres sociétés anonymes. Les règles de composition des conseils pour la première catégorie sont davantage marquées par l'emprise de l'État que celles prévues pour la seconde. Dans les deux cas toutefois, des représentants de l'Etat sont nommés par décret, à côté de ceux désignés, le cas échéant, par les assemblées générales d'actionnaires, et sont élus des représentants des salariés, qui doivent représenter le tiers des membres du conseil. Dans les entreprises publiques de la première catégorie (article 5), des personnalités qualifiées sont également nommées par décret.

La proposition de loi insère l'obligation de représentation équilibrée à l'article 5 puis à l'article 6, pour chacune des deux catégories d'entreprises publiques, tout en mentionnant aux mêmes articles les règles de composition paritaire des listes de candidats aux fonctions de représentants des salariés au conseil. Elle crée, en outre, des articles 5-1 et 6-1 dans lesquels elle prévoit la nullité des nominations contraires, tout en indiquant que cette nullité des nominations n'entraîne pas la nullité des délibérations des conseils auxquelles ont pris part les membres irrégulièrement nommés. Or, les modalités d'élection des représentants des salariés figurent aux articles 14 à 20 de la loi du 26 juillet 1983, en particulier l'article 17 précise les règles de composition des listes de candidats : c'est donc l'article 17 qu'il convient de modifier.

Votre commission estime que l'application indistincte du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes à l'ensemble des conseils des entreprises publiques pose une difficulté alors que tous les membres ne sont pas nommés par les mêmes autorités. Si les représentants élus des salariés sont issus de listes paritaires, il faut également distinguer les administrateurs ou membres de conseil de surveillance nommés par l'État de ceux désignés, s'il y a lieu, par l'assemblée générale des actionnaires. Pour éviter tout effet de report d'une autorité de nomination sur l'autre de l'obligation de nommer des représentants appartenant au sexe sous-représenté, il est nécessaire de laisser le droit commun du code de commerce s'appliquer pour les membres désignés par l'assemblée générale, tandis qu'une règle particulière doit concerner les membres nommés par décret.

Votre commission a estimé que la rédaction retenue était lourde et ne s'insérait pas suffisamment bien dans le texte de la loi du 26 juillet 1983. Aussi a-t-elle adopté un amendement de clarification rédactionnelle, sur la proposition de son rapporteur, ayant pour effet de réduire des deux tiers le volume des dispositions insérées et de limiter l'obligation de représentation équilibrée aux seuls représentants de l'Etat nommés par décret. La proportion des membres de chaque sexe nommés par décret ne peut inférieure à 40 % et, lorsque le nombre des membres nommés est au plus de huit, l'écart entre le nombre des membres de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.

Ainsi, votre commission a inséré ces dispositions dans un seul article nouveau 6-1 dans la loi du 26 juillet 1983, faisant référence aux personnes nommées par décret dans les conditions prévues aux articles 5 et 6.

Dans ses II à IV , l'article 4 prévoit des dispositions transitoires, à l'instar de ce qui est prévu par l'article 3 de la proposition de loi pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. L'application de l'obligation de représentation équilibrée est fixée au deuxième renouvellement des conseils suivant la promulgation de la loi, étant entendu que les conseils d'administration et de surveillance des entreprises publiques sont renouvelés intégralement tous les cinq ans. Une échéance intermédiaire est prévue à 20 % trois ans après la promulgation de la loi, au besoin en mettant fin avant terme au mandat des représentants concernés. En outre, en cas de vacance avant le premier renouvellement, si l'un des deux sexes n'est pas représenté, il devra faire l'objet d'une nomination aux fins de pourvoir au poste vacant jusqu'au renouvellement intégral du conseil.

Votre rapporteur considère que ce seuil intermédiaire, par cohérence, devrait suivre également la logique des renouvellements, étant entendu que l'article 12 de la loi du 26 juillet 1983 permet de mettre fin à tout moment par décret au mandat des administrateurs et membres de conseil de surveillance nommés par décret. Il est ainsi loisible à l'État d'anticiper s'il le souhaite, l'application de l'obligation de représentation équilibrée. Suivre le rythme normal des renouvellements peut certes ralentir l'exemplarité de l'État, mais cela permet aussi de préparer, comme les sociétés anonymes hors du secteur public, la nomination de nouveaux représentants dans de bonnes conditions.

Par coordination, votre commission a adopté un amendement visant à clarifier les dispositions d'application et les dispositions transitoires. Le seuil intermédiaire de 20 % est fixé au premier renouvellement suivant la publication de la loi, tandis que l'objectif définitif de 40 % doit être atteint au deuxième renouvellement suivant cette publication.

Votre commission a également tenu à écarter au cours de la période transitoire la sanction de nullité des délibérations. Elle n'a pas institué de sanction de suspension des jetons de présence, car le mandat de représentant de l'État est gratuit, en vertu de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1983.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 - Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration des établissements publics industriels et commerciaux et des établissements publics administratifs de l'État

L'article 5 de la proposition de loi instaure une même obligation de représentation équilibrée dans les conseils d'administration des établissements publics à caractère industriel et commercial de l'État autres que ceux régis par la loi du 26 juillet 1983 ainsi que des établissements publics administratifs de l'État, selon une formulation générale.

Selon votre rapporteur, l'extension du principe de mixité des conseils d'administration aux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de l'État non régis par la loi du 26 juillet 1983, c'est-à-dire un nombre restreint, ainsi qu'aux établissements publics administratifs (EPA) de l'État répond sans doute à un objectif louable d'exemplarité de l'État. Toutefois, elle ne paraît pas opérante pour deux séries de raisons. Les établissements publics industriels et commerciaux ici visés sont ceux dont le personnel est soumis à un statut de droit public, ce qui est l'exception.

D'une part, la proposition de loi concerne à titre principal les organes dirigeants des entreprises, lieux de pouvoir économique, que ces entreprises soient privées mais également publiques. A ce titre sont logiquement visées les sociétés privées et les entreprises du secteur public, régies par la loi du 26 juillet 1983, quel que leur statut. Viser tous les établissements publics de l'État pose des questions de principes qu'il n'est pas aisé de résoudre. Pourquoi écarter les établissements publics locaux ? Si l'on évoque le secteur public, pourquoi ne pas s'intéresser à la parité dans l'administration ? Il est préférable de s'en tenir aux structures économiques.

D'autre part, compte tenu de la grande hétérogénéité des statuts des établissements publics ciblés (statut législatif ou réglementaire, organisation particulière sans conseil d'administration, pour les chambres consulaires par exemple), le périmètre d'application de l'article 5 est incertain, au point qu'il paraît difficilement applicable, du fait même de son caractère très général. En outre, la distinction entre établissements publics industriels et commerciaux et établissements publics administratifs n'est pas suffisante pour rendre compte avec précision et sans ambiguïté du champ réel des établissements publics concernés : par exemple, les universités, établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP), seraient-elles concernées, étant entendu que leurs conseils d'administration comportent des membres élus par les usagers et les enseignants, sur scrutin de liste actuellement non paritaire, et d'autres membres nommés, dans des conditions fixées par la loi ? Les incertitudes sont nombreuses.

Votre commission n'a donc pas été convaincue de la nécessité, de la pertinence et de la portée juridique réelle des dispositions de l'article 5.

Sur un amendement de son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 5.

Article 6 (art. L. 225-35, L. 225-37-1, L. 225-68, L. 225-82-1, L. 225-100 et L. 226-9-1 du code de commerce) - Délibération annuelle du conseil d'administration ou du conseil de surveillance sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle dans l'entreprise

L'article 6 de la proposition de loi concerne l'égalité professionnelle.

Dans ses I et II , l'article 6 prévoit, respectivement aux articles L. 225-35 et L. 225-68, que le conseil d'administration ou le conseil de surveillance d'une société anonyme délibère chaque année sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle et salariale. Cette disposition explique l'intitulé de la proposition de loi, qui fait aussi référence à l'égalité professionnelle. Cette délibération peut s'appuyer, s'il y a lieu, sur le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, obligatoire dans les entreprises d'au moins 300 salariés (article L. 2323-57 du code du travail), et sur le plan pour l'égalité professionnelle (article L. 1143-1 du code du travail).

Les promoteurs de la proposition de loi postulent que, dès lors que des femmes seront présentes en plus grand nombre dans les conseils, elles seront attentives aux questions d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, à tous les niveaux, depuis les préoccupations de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle jusqu'à la nomination de femmes dans les fonctions de cadres dirigeants, dans les comités exécutifs et les comités de direction des grandes sociétés. Ce « souci des femmes pour les femmes » serait alors naturellement plus efficace si le conseil d'administration ou le conseil de surveillance avait pour mission d'apprécier la politique de l'entreprise en matière d'égalité professionnelle. La présence des femmes dans les conseils aurait un effet d'entraînement pour les femmes salariées et cadres.

Soucieuse de la lisibilité et de la stabilité des dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes, votre commission a adopté un amendement pour faire figurer cette obligation annuelle de délibération dans deux nouveaux articles autonomes du code, l'un pour les sociétés à conseil d'administration (article L. 225-37-1), l'autre pour les sociétés à directoire et conseil de surveillance (article L. 225-82-1). Cette précaution doit également permettre d'éviter toute erreur dans les nombreux renvois faits dans le code de commerce vers le contenu des articles L. 225-35 et L. 225-68. Par exemple, l'article L. 226-10-1 renvoie aux septième à neuvième alinéas de l'article L. 225-68 : si le II de l'article 6 était adopté en l'état, cette référence au sein de l'article L. 226-10-1 serait erronée car aucune coordination n'a été prévue par la proposition de loi.

En outre, par coordination, votre commission a étendu l'obligation annuelle de délibération sur l'égalité professionnelle au conseil de surveillance des sociétés en commandite par actions, concernées par les autres dispositions de la proposition de loi mais ici ignorées.

Le III de l'article 6 a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais ses dispositions ont été reprises par amendement en séance publique dans le IV ci-après.

Dans son IV , l'article 6 dispose que le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, obligatoire dans les entreprises d'au moins 300 salariés (article L. 2323-57 du code du travail), est transmis à l'assemblée générale ordinaire, étant joint au rapport présenté par le conseil d'administration ou le directoire.

Réintroduite en séance publique après avoir été supprimée du texte initial de la proposition de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, cette disposition ne semble guère pertinente à votre commission. En effet, la question de l'égalité salariale et professionnelle dans l'entreprise, qui relève en premier lieu de la gestion des ressources humaines, ne concerne qu'indirectement les actionnaires. Le rapport de situation comparée concerne d'abord les institutions représentatives du personnel, en particulier le comité d'entreprise, qui en est d'ailleurs destinataire et qui dispose d'une mission de surveillance de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ce rapport de situation comparée n'a pas lieu d'être obligatoirement transmis aux actionnaires car il n'est pas nécessaire à une information sincère sur la bonne marche économique de l'entreprise, sauf à considérer que tous les documents intéressant les institutions représentatives du personnel concernent également les actionnaires. Une telle disposition méconnaîtrait la mission qui incombe à l'assemblée générale, qui doit statuer sur la gestion de l'entreprise par ses dirigeants au cours de l'exercice précédent. La politique des ressources humaines n'est pas de la responsabilité première des actionnaires.

Au surplus, pour permettre aux actionnaires d'apprécier la gestion de l'entreprise, l'article L. 225-100 prévoit déjà que le rapport du conseil d'administration ou du directoire à l'assemblée générale peut comporter, le cas échéant, « des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l'activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d'environnement et de personnel » (dispositions analogues à l'article L. 225-100-2 pour le rapport consolidé de gestion en cas de comptes consolidés), tandis que l'article L. 225-102-1 dispose que ce rapport, pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, comprend également « des informations (...) sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité », informations détaillées aux articles R. 225-104 et R. 225-105. L'information des actionnaires, abondante par ailleurs, doit s'opérer par cette voie et non par la transmission du rapport de situation comparée, qui n'évoque qu'un des aspects de la politique de ressources humaines.

C'est pourquoi, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de suppression de cette obligation jugée inopportune.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. L. 2323-58 du code du travail) - Transmission à la direction départementale à l'emploi et à la formation professionnelle

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique, l'article 7 de la proposition de loi dispose que le rapport sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise, obligatoire dans les entreprises d'au moins 300 salariés (article L. 2323-57 du code du travail), est transmis à la « direction départementale à l'emploi et à la formation professionnelle ».

En premier lieu, en vertu du droit en vigueur, le rapport doit déjà être transmis à l'inspection du travail (article L. 2323-58), qui relève elle-même de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). L'article 7 est donc à ce titre superflu.

De plus, du fait de la réorganisation territoriale de l'État, les DDTEFP ont été intégrées au sein des nouvelles directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dont dépend l'inspection du travail (articles R. 8122-1 et R. 8122-3 du code du travail), de sorte que la mention des DDTEFP n'est plus pertinente. Les débats en séance à l'Assemblée nationale montrent l'inutilité de cette disposition : le ministre du travail, à l'époque M. Xavier Darcos, indiqua ainsi curieusement : « À dire vrai, le rapport est adressé à l'inspection du travail, donc il arrivera à la direction départementale. Néanmoins, avis favorable. »

En second lieu, le projet de loi portant réforme des retraites, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, dans son article 31, traite de la question de l'information, dans les entreprises, sur la situation comparée des hommes et des femmes. La question de l'article 7, s'il est avéré qu'elle serait tout de même pertinente, trouverait donc à être posée dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites.

Sur un amendement de son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 7.

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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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