Article 39 bis (art. L. 1142-21-1 du code de la santé publique) Extension aux sages-femmes du régime d'intervention de l'Oniam en cas de dommages causés par des médecins libéraux à l'occasion d'un acte lié à la naissance
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, tend à étendre aux sages-femmes le dispositif prévoyant, sous certaines conditions, une intervention de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) en cas de dommages causés par des médecins libéraux à l'occasion d'un acte lié à la naissance.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a été l'occasion d'un débat au Sénat sur la question de la responsabilité civile des médecins libéraux notamment en cas de dommages causés à l'occasion d'un acte lié à la naissance. Depuis plusieurs années, ces professionnels font état d'une augmentation continue de leurs primes d'assurance et du risque de voir disparaître l'exercice libéral de certaines spécialités médicales.
Pour ces motifs, Dominique Leclerc, Alain Milon et plusieurs de leurs collègues avaient présenté un amendement tendant à prévoir, en cas de dommages causés par ces professionnels, une substitution de l'Oniam à l'assureur d'un professionnel de santé sans subrogation dans les droits de la victime lorsque les plafonds de garantie prévus dans les contrats d'assurance sont dépassés.
La ministre de la santé s'était opposée à cet amendement en indiquant que « (...) pour la première fois, cela ferait intervenir de plein droit les deniers publics en indemnisation d'une faute médicale, alors qu'ils ne servent aujourd'hui que pour l'aléa thérapeutique (...). Depuis sept ans, l'Oniam n'a jamais eu à exercer un recours subrogatoire sur cette base. Dans la plupart des cas, les praticiens sont couverts par leur contrat pour des montants bien plus élevés que 3 millions d'euros puisqu'ils sont de l'ordre de 6 à 8 millions d'euros. Ils se couvrent sur une base volontaire et ce contrat suffit à couvrir les plus gros sinistres. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi les finances publiques prendraient en charge les montants qui sont couvert aujourd'hui par le marché de l'assurance ni pourquoi l'Oniam deviendrait un co-assureur de la faute médicale(...) ».
Finalement, le Sénat avait adopté un amendement présenté par votre rapporteur général prévoyant une substitution de l'Oniam à un gynécologue-obstétricien ou à un obstétricien libéral dans le seul cas où le délai de validité de la couverture d'assurance est expiré.
De son côté, la ministre de la santé avait pris l'engagement de relever les planchers d'assurance concernant les gynécologues - obstétriciens et d'étudier la possibilité d'augmenter l'aide de l'assurance maladie à la souscription d'une assurance si cela s'avérait nécessaire.
La commission mixte paritaire avait accepté la rédaction proposée par le Sénat tout en l'étendant à l'ensemble des médecins libéraux.
Cependant, le Gouvernement a fait adopter par les deux assemblées, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, une nouvelle rédaction du dispositif de l'article L. 1142-21-1 ainsi libellée :
« Lorsqu'un médecin régi, au moment des faits, par la convention nationale mentionnée à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ou le règlement arbitral mentionné à l'article L. 162-14-2 du même code et exerçant, dans un établissement de santé, une spécialité chirurgicale, obstétricale ou d'anesthésie réanimation, est condamné par une juridiction à réparer les dommages subis par la victime à l'occasion d'un acte lié à la naissance, que la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée, et que la victime ne peut obtenir l'exécution intégrale de la décision de justice auprès du professionnel concerné, cette victime peut saisir l'office national d'indemnisation des accidents médicaux institué à l'article L. 1142-22 en vue d'obtenir le règlement de la part d'indemnisation non versée par le professionnel au-delà des indemnités prises en charge par l'assureur dans le cadre des contrats souscrits en application de l'article L. 1142-2. Le professionnel doit alors à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux remboursement de la créance correspondante, sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré ou que le juge compétent a constaté l'incompatibilité du règlement de la créance avec la solvabilité du professionnel. »
La ministre de la santé a présenté en ces termes au Sénat le le justification de cette mesure :
« (...) nous entendons régler la question du traitement des condamnations judiciaires des professionnels de santé et celle de son interface avec l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'Oniam.
« L'amendement voté par le Sénat en première lecture permettait de régler le cas bien identifié d'un gynécologue-obstétricien qui aurait été condamné à réparer les dommages subis par la victime une fois le délai de validité de sa couverture d'assurance expiré. Le Sénat a prévu l'indemnisation de la victime par l'Oniam dans ces situations et la commission mixte paritaire a étendu cette disposition à l'ensemble des médecins conventionnés.
« Comme vous l'imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, la concertation s'est poursuivie avec les professionnels et justifie que nous amendions ce dispositif. Tout d'abord, nous devons le réserver aux médecins effectivement concernés, à savoir les professionnels de la naissance que sont les chirurgiens, les anesthésistes-réanimateurs et les gynécologues-obstétriciens. Rien ne justifie d'aller au-delà.
« Le second objectif de l'amendement est de clarifier et de sécuriser les processus d'indemnisation de la victime lorsqu'une décision de justice prononce une indemnisation supérieure au plafond de garantie prévu par le contrat d'assurance.
« Si la victime ne peut pas obtenir l'exécution intégrale de la décision de justice, elle pourra se tourner vers l'Oniam qui assurera le complément d'indemnisation non versée par le professionnel au-delà du plafond de garantie. Le professionnel sera ensuite redevable à l'Oniam de cette créance, sauf s'il est dans l'incapacité financière de payer, sur le base d'un jugement constatant son insolvabilité.
« Le mécanisme que je vous propose permet de répondre à trois impératifs : la garantie de l'indemnisation complète pour la victime - c'est important -, l'intervention encadrée de l'Oniam et la limitation des risques financiers pour les professionnels concernés.
« En outre, par instruction au conseil d'administration de l'Oniam, seront réglés les cas d'infirmité évolutive pour laquelle le préjudice consolidé à la majorité de l'enfant, soit dix-huit ans après la naissance, fait planer une menace sur les obstétriciens. L'Etat, par la signature de trois ministres, demandera à l'Oniam, dans ces cas ciblés de consolidation, de renoncer au recours subrogatoire contre le professionnel de santé et un décret donnera au conseil d'administration, et non plus au directeur, la compétence d'exercer cette action récursoire . »
Depuis l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, aucune disposition réglementaire n'a, à la connaissance de votre rapporteur général, été prise, en particulier pour relever les planchers d'assurance des professionnels ou augmenter le niveau de l'aide de l'assurance maladie.
Le dispositif adopté par le Parlement n'a quant à lui trouvé aucune application. Il est d'ailleurs possible de s'interroger sur l'applicabilité de la mesure faisant intervenir l'Oniam lorsque « le juge compétent a constaté l'incompatibilité du règlement de la créance avec la solvabilité du professionnel ».
En revanche, le Gouvernement a confié une mission sur cette question à Gilles Johanet, conseiller référendaire à la Cour des comptes, qui a rendu ses conclusions en juillet dernier.
L'étude qu'il a établie décline trois scénarios :
- améliorer le dispositif actuel : il s'agirait d'envisager une réécriture de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, afin de supprimer la disposition prévoyant l'existence d'un contentieux préalable à la saisine de l'Oniam, de prévoir explicitement la saisine de l'Oniam en cas d'expiration de la couverture d'assurance et d'étendre la protection prévue par cet article aux sages-femmes.
Ce scénario, qui serait complété par d'autres mesures législatives, ne prévoit pas en revanche la suppression de toute action récursoire de l'Oniam, ni le relèvement du plancher d'assurance, cette question pouvant être réglée par le fonctionnement normal du marché ;
- poursuivre la socialisation : ce scénario se traduirait par la limitation de la mise en cause des praticiens aux seuls cas de fautes inexcusables ou intentionnelles, tous les autres cas donnant lieu, en tant que de besoin, à prise en charge par l'Oniam. Le rapport précise qu'une telle solution pourrait avoir pour effet d'accroître l'imprévisibilité de la responsabilité civile médicale au lieu de la réduire et d'être en conséquence suivie d'une nouvelle réforme établissant la socialisation intégrale de la responsabilité pour faute ;
- mutualiser le risque : il s'agirait de rechercher une triple mutualisation des consommateurs de soins, des professionnels de santé libéraux et des assureurs.
Selon les informations données par la ministre de la santé à la commission des affaires sociales lors de son audition sur le présent projet de loi, le Gouvernement a demandé à Gilles Johanet d'approfondir ce troisième scénario en vue de mettre en place une mutualisation entre assureurs et professionnels d'ici à la fin de l'année 2011.
Le présent article tend, pour sa part, à mettre en oeuvre immédiatement l'une des préconisations du rapport en étendant aux sages-femmes le bénéfice de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
II - La position de la commission
Le dispositif mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ayant peut-être vocation à être remplacé par un autre, compte tenu de la mission que le Gouvernement a confié à Gilles Johanet, il peut paraître paradoxal d'en proposer l'extension. Toutefois, cette disposition pourrait présenter une utilité dans l'attente des conclusions définitives de cette mission.
Votre rapporteur général estime que la question de la responsabilité civile médicale doit maintenant donner lieu à une solution pérenne, permettant aux professionnels libéraux d'exercer leur activité dans de bonnes conditions sans remettre en cause les principes de la responsabilité civile. La mutualisation du risque pourrait à cet égard présenter des avantages importants.
La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.