Article additionnel après l'article 38 (art. 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004) Elargissement du champ de la tarification à l'activité
Objet : Cet article additionnel vise à supprimer la tarification dérogatoire utilisée par les établissements de santé pour facturer à l'assurance maladie des remboursements au titre des personnes qui ne sont couvertes par aucun régime de protection sociale.
Les hôpitaux facturent les assurés qui ne sont pas couverts par un régime d'assurance maladie, notamment les bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat (AME), au tarif journalier de prestation (TJP).
Cette disposition était prévue à titre transitoire dans le cadre de la mise en place de la tarification à l'activité (T2A), qui est désormais totalement applicable depuis trois exercices.
Or, il apparaît que les établissements ont beaucoup augmenté le TJP depuis quelques années, sans lien particulier avec les modalités de prise en charge des patients : il ne semble pas justifié que l'établissement facture de manière différente les patients, selon qu'ils sont assurés sociaux ou non.
Qui plus est, l'accueil des publics précaires est couvert depuis deux ans par une dotation spécifique au sein des Migac.
Dans ces conditions, votre commission souhaite renforcer la transparence de la facturation à l'assurance maladie en supprimant cette tarification dérogatoire qui n'a plus lieu d'être. L'application décalée au 1 er mars 2011 s'explique par le fait que les changements de tarifs entrent en application le 1 er mars de chaque année.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 39 (art. L. 1142-23 et L. 1221-14 du code de la santé publique) Procédure d'indemnisation des victimes d'une infection par le virus de l'hépatite C résultant d'une transfusion sanguine
Objet : Cet article tend à transférer la charge de l'indemnisation des victimes d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C de l'établissement français du sang (EFS) à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
I - Le dispositif proposé
Jusqu'il y a quelques mois, les victimes d'infections par le virus de l'hépatite C attribuées à des transfusions ne pouvaient être indemnisées des dommages subis qu'au terme d'une procédure contentieuse. L'indemnisation était accordée sur le fondement de la responsabilité sans faute des centres de transfusion sanguine qui ont tous été transférés à l'établissement français du sang (EFS) par la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
L'article 67 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, entrée en vigueur le 1 er juin 2010 après la publication des décrets d'application, a confié à l'Oniam l'indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et a créé une procédure d'indemnisation amiable. Cet article a substitué l'Oniam à l'EFS dans les contentieux en cours pour l'indemnisation des victimes.
Depuis le 1 er juin 2010, l'Oniam gère ainsi, en matière de contamination par le virus de l'hépatite C, 830 contentieux en cours devant les différents ordres et niveaux de juridictions, ainsi que près de 600 demandes de règlement amiable.
Les dépenses exposées par l'office à ce titre sont couvertes de deux manières :
- l'article L. 1142-23 du code de la santé publique prévoit que l'EFS lui verse une dotation couvrant l'ensemble des dépenses ;
- lorsque le dommage subi par la victime résulte d'une faute, les articles L. 1221-14 et L. 3122-4 du même code permettent à l'Oniam d'exercer un recours subrogatoire contre la personne responsable du dommage, ainsi que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assumer la réparation. Il s'agit le plus souvent de l'EFS, qui a repris l'ensemble des anciens centres de transfusion. Toutefois, sauf manquement de l'établissement de transfusion concerné à des prescriptions législatives ou réglementaires, la possibilité pour l'Oniam d'exercer ce recours est soumise à la condition que la responsabilité civile dudit établissement soit couverte par un assureur.
Ainsi, l'EFS continue à assurer la charge de l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelle de l'hépatite C à travers les sommes qu'il verse à l'Oniam .
Dans son rapport public pour 2010, la Cour des comptes note que « du fait de la réduction du délai de traitement des dossiers et d'une hausse probable du nombre de demandes, une forte augmentation du montant des indemnisations est à craindre pendant plusieurs années, avec, selon les simulations réalisées, un pic à 40 millions d'euros par an entre 2011 et 2013, soit quatre fois plus qu'aujourd'hui » .
« Au regard de telles projections, le financement des indemnisations n'est pas actuellement assuré. Depuis 2007, l'Etat, qui accordait à l'EFS une subvention annuelle couvrant la plus grande part des indemnisations versées, s'en est désengagé, transférant indûment cette charge à l'assurance maladie. Sa contribution a été remplacée par une première majoration des tarifs de cession des produits sanguins labiles pour un montant de 9,5 millions d'euros en 2008 : quadrupler ce relèvement pour financer l'indemnisation des victimes saperait tout effort de rationalisation de la politique tarifaire et accroîtrait encore la charge de l'assurance maladie ».
Dans ce contexte, une mission d'audit de révision générale des politiques publiques de l'EFS, qui a rendu ses conclusions en juillet 2009, a recommandé de modifier le dispositif en vigueur et de neutraliser ses conséquences pour l'EFS qui n'a pas provisionné les sommes correspondant aux indemnisations prévisibles dans ses comptes.
Le présent article tend donc précisément à transférer de l'EFS à l'Oniam le financement de la prise en charge des dépenses d'indemnisations et de contentieux, les dépenses de l'Oniam devant à leur tour être couvertes par une dotation de l'assurance maladie. Toutefois, les dispositions de cet article vont bien au-delà de ce transfert.
Le paragraphe I tend à modifier l'énumération des charges et des produits de l'Oniam à l'article L. 1142-23 du code de la santé publique.
Le 1° vise à ajouter à la liste des expertises dont les frais sont à la charge de l'office, les expertises prévues pour l'application de la procédure d'indemnisation à l'amiable des contaminations par l'hépatite C.
Le 2° a pour objet d'ajouter à la liste des ressources de l'Oniam le produit des remboursements des frais d'expertise. L'office peut en effet obtenir le remboursement de ces frais dans le cadre d'un recours subrogatoire en cas de faute de l'établissement, comme le prévoit l'article L. 3122-4 du code de la santé publique.
Le 3° procède à une coordination.
Le 4° ajoute la procédure d'indemnisation des infections par l'hépatite C à la liste de celles dans le cadre desquelles l'office peut exercer des recours subrogatoires, dont le produit compte parmi ses ressources.
Enfin, le 5° tend à supprimer l'alinéa qui mentionne, parmi les produits de l'Oniam, la dotation de l'EFS destinée à couvrir les dépenses exposées par l'office pour indemniser les personnes contaminées par le virus de l'hépatite C. La dotation de l'EFS à l'Oniam sera remplacée par une augmentation de la dotation de l'assurance maladie à l'office.
Le paragraphe II a pour objet d'apporter d'importantes modifications à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, créé par l'article 67 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui a institué la procédure amiable d'indemnisation des victimes d'infections transfusionnelles par le virus de l'hépatite C.
Le 1° tend à compléter le deuxième alinéa de cet article. Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa dispose que, dans l'instruction des demandes d'indemnisation, l'office « recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des maladies et à la qualité du système de santé » , qui fait reposer la charge de la preuve sur la partie défenderesse.
Contrairement à ce qui est prévu pour l'instruction des demandes d'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), l'Oniam n'a pas de pouvoir d'enquête et n'a pas accès aux informations couvertes par le secret professionnel. Il lui est donc particulièrement difficile de prouver qu'une contamination ne résulte pas d'une transfusion ou d'une injection de produits sanguins.
Dans ces conditions, le deuxième alinéa de l'article L. 1221-14 est complété pour prévoir la possibilité pour l'Oniam de procéder à « toute investigation », sans que le secret professionnel puisse lui être opposé.
Le 2° tend à insérer à l'article L. 1221-14 des nouveaux alinéas destinés à prévoir la substitution de l'Oniam à l'EFS dans ses droits et obligations résultant des contrats d'assurance souscrits par les centres de transfusion sanguine repris par l'EFS .
Aujourd'hui, lorsque l'Oniam a indemnisé une victime sur la base d'une transaction à l'issue d'un contentieux, il ne peut appeler directement en garantie l'assureur qui couvre la responsabilité civile de l'établissement de transfusion sanguine responsable de la contamination. Les dépenses de l'office sont couvertes par l'EFS, auquel il revient d'appeler en garantie l'assureur de l'établissement concerné.
Cette situation est parfaitement logique dès lors que la loi du 1 er juillet 1998 a transféré à l'EFS toutes les activités exercées par les établissements de transfusion sanguine.
L'Oniam ne peut cependant exercer l'action subrogatoire contre l'EFS que si celui-ci peut se retourner contre l'assureur de l'établissement de transfusion sanguine qu'il a repris, ce qui suppose que cet établissement soit assuré, que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré. Cette condition n'est cependant pas nécessaire quand la contamination résulte de la violation par l'établissement concerné d'une obligation légale ou réglementaire.
Le présent article « dans un souci de simplification » selon l'exposé des motifs, tend à substituer l'Oniam à l'EFS dans ses droits et obligations résultant des contrats d'assurance souscrits par les structures reprises par l'EFS en vertu de la loi du 1 er juillet 1998 et des autres textes qui ont prévu des reprises complémentaires. L'Oniam devra ainsi agir directement auprès de l'assureur pour obtenir le remboursement des indemnités qu'il versera. La modification proposée va toutefois bien au-delà d'un simple transfert de gestion de contentieux puisqu'elle revient à faire de l'Oniam, à travers la substitution à l'EFS dans les droits et obligations des contrats d'assurance souscrits par les auteurs des dommages, le nouveau coresponsable de ces dommages.
Le texte précise que la « clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables » ne pourra pas être opposée à l'office. Cette clause permet à l'assureur de se réserver le droit de diriger, pour le compte de l'assuré, le procès en responsabilité qui l'oppose à la victime. Selon l'article L. 113-17 du code des assurances, l'assuré encourt une déchéance de garantie ou une sanction s'il s'immisce dans la direction de son procès en violation d'une telle clause sans que son intervention soit justifiée par son intérêt propre. L'exclusion de cette clause doit permettre à l'Oniam de rester libre de diriger son procès.
Par ailleurs, actuellement, lorsque l'Oniam transige avec une victime, il ne peut opposer cette transaction aux tiers et donc à l'assureur responsable contre lequel il est alors obligé d'exercer un recours subrogatoire. Le texte proposé tend à rendre toute transaction intervenue entre l'office et la victime ou ses ayants droit en application de la procédure amiable d'indemnisation opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages. Corrélativement, l'assureur appelé en garantie ou le responsable du dommage pourront contester le principe ou le montant des indemnités devant le juge. Quelle que soit la décision du juge, les indemnités fixées à l'amiable resteront acquises à la victime ou à ses ayants droit.
Le 3° tend à aménager les conditions d'exercice par l'Oniam d'un recours subrogatoire contre l'établissement responsable du dommage ou son assureur. Actuellement, l'article L. 1221-14 du code de la santé publique renvoie à l'article L. 3122-4 du même code, qui dispose que l'office ne peut engager d'action à ce titre que lorsque le dommage est imputable à une faute. En outre, sauf en cas de violation de règles législatives ou réglementaires, l'office n'exerce pas d'action subrogatoire si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou si le délai de validité de sa couverture d'assurance est expiré.
Le texte proposé remplace les références aux établissements de transfusion par une référence à l'EFS, ce qui est logique dès lors que celui-ci a été substitué à l'ensemble des établissements de transfusion sanguine dans leurs droits et obligations envers les assureurs. Il tend surtout à restreindre la possibilité pour l'Oniam d'exercer une action subrogatoire contre l'EFS aux seuls cas dans lesquels la contamination est causée par une violation ou un manquement mentionnés à l'article L. 1223-5 du code de la santé publique (violation des prescriptions législatives ou réglementaires, absence d'agrément ou violation des termes de toute décision d'agrément ou d'autorisation).
Le 4° tend à imposer aux tiers payeurs autres que l'office d'exercer leurs recours contre les assureurs des structures reprises par l'EFS, lorsque ces recours sont fondés sur la responsabilité du fournisseur de produits sanguins. Cette disposition a pour vocation d'empêcher tout recours des tiers payeurs contre l'EFS lui-même, qui devrait alors appeler l'assureur compétent en garantie.
Le paragraphe III prévoit des dispositions transitoires en ce qui concerne les recours des tiers payeurs engagés contre l'EFS à la date d'entrée en vigueur de la loi. Les instances en cours ont vocation à se poursuivre, mais l'assureur de la structure reprise par l'EFS, à l'origine du dommage, se substituera à l'établissement français du sang tant que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une condamnation irrévocable. Si la structure responsable du dommage ne peut être identifiée ou ne dispose pas de couverture d'assurance, la condamnation demeurera à la charge de l'EFS.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Alors que sa commission des affaires sociales n'avait proposé aucune modification à cet article, l'Assemblée nationale l'a profondément modifié à l'initiative du Gouvernement lui-même qui a fait adopter quatre amendements importants :
- le premier amendement tend à préciser, au sein de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, que l'indemnisation assurée par l'Oniam est faite « au titre de la solidarité nationale ». Il s'agit d'une précision fondamentale, dès lors que l'EFS indemnisait pour sa part en tant que responsable du dommage, ayant repris l'ensemble des droits et obligations des centres de transfusion sanguine. Il est indispensable de préciser que l'Oniam n'intervient pas en tant que coresponsable du dommage. Il s'agirait d'une transformation profonde de sa nature même, qui pourrait créer un précédent dans le cadre de ses autres activités indemnitaires ;
- le deuxième amendement a supprimé purement et simplement les dispositions de l'article 39 visant à substituer l'office à l'EFS dans ses droits et obligations résultant des contrats d'assurance souscrits par les structures reprises par l'EFS.
Ces dispositions auraient eu pour effet de faire de l'Oniam le nouveau responsable des dommages causés par les infections transfusionnelles par le virus de l'hépatite C alors que sa vocation est précisément d'intervenir au titre de la solidarité nationale ;
- le troisième amendement a modifié les dispositions relatives à l'action subrogatoire de l'office à l'encontre de l'EFS, en précisant que celle-ci peut être exercée même sans faute. En limitant le recours contre l'EFS aux seuls cas de violation de certaines obligations légales et réglementaires, le texte du projet de loi initial aurait probablement eu pour conséquence de limiter également les recours contre les assureurs des anciens centres de transfusion sanguine, alors même que leur responsabilité peut être aujourd'hui engagée sans faute du fait du défaut de qualité intrinsèque des produits sanguins délivrés ;
- enfin, le quatrième amendement procède à une réécriture de la fin de l'article, relative au recours des tiers payeurs. Il résulte de la modification proposée que lorsque l'Oniam ou les tiers payeurs fondent leurs recours sur la responsabilité des structures reprises par l'EFS, leur action subrogatoire ne peut être engagée directement que contre les assureurs de ces structures et non contre l'EFS.
Cette solution permet de décharger l'EFS des contentieux sans pour autant lui substituer l'Oniam dans ses droits et obligations résultant des contrats d'assurance souscrits par les structures reprises par l'EFS.
III - La position de la commission
Votre rapporteur général s'interroge sur les conditions dans lesquelles cet article particulièrement important a été élaboré. Alors que le sujet en cause est d'une grande technicité, que ses enjeux humains et financiers sont particulièrement lourds, le Gouvernement a dû proposer lui-même des modifications substantielles à son propre dispositif, dont l'adoption dans sa version initiale aurait conduit à une limitation de la responsabilité en matière de contamination transfusionnelle de l'hépatite C et à un changement de la nature même de l'Oniam .
Il estime que les dispositions relatives à la responsabilité doivent à l'avenir être élaborées en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, en veillant à mesurer l'impact exact des mesures prises, ce qui n'a manifestement pas été le cas lors de la préparation de cet article 39.
Sous ces réserves, la commission vous demande d'adopter cet article sans modification.