Section 4 - Dispositions relatives aux dépenses de la branche famille

Article 54 (art. L. 542-2 et L. 831-4-1 du code de la sécurité sociale et art. L. 351-3-1 du code de la construction et de l'habitation) Suppression de la rétroactivité des aides au logement

Objet : Cet article supprime la rétroactivité des aides individuelles au logement.

I - Le dispositif proposé

Il existe trois aides individuelles au logement 69 ( * ) :

- l'allocation de logement à caractère familial (ALF) est une prestation familiale créée en 1948 attribuée aux personnes isolées et aux couples ayant des personnes à charge, ainsi qu'aux jeunes ménages sans personne à charge mariés depuis moins de cinq ans. Elle est intégralement financée par la branche famille via le fonds national des prestations familiales (FNPF) ;

- l'aide personnalisée au logement (APL) est issue de la loi du 3 janvier 1977 et bénéficie, sous conditions de ressources, aux personnes habitant dans un parc de logements déterminés (logements financés par des prêts aidés ou réglementés par l'Etat, logements HLM et conventionnés). Le financement de l'APL est assuré, via le le fonds national d'aide au logement (Fnal), par une contribution de la branche famille et de l'Etat ;

- l'allocation de logement à caractère social (ALS) a été créée en 1971 et est attribuée, depuis 1993, à toute personne, sous seule condition de ressources, qui n'entre pas dans les conditions fixées pour bénéficier de l'ALF ou de l'APL. Elle est financée par une cotisation des employeurs et une subvention de l'Etat.

Les aides sont versées aux personnes qui s'acquittent d'un loyer ou d'une mensualité, sous réserve que le logement constitue leur résidence principale, c'est-à-dire qu'elles, leur conjoint ou les personnes à sa charge, l'occupent pendant au moins huit mois dans l'année.

Les aides sont liquidées par les Caf et les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) . Leur versement s'effectue mensuellement à terme échu. L'APL est versée en tiers payant, mais l'ALF et l'ALS sont, dans la grande majorité des cas, versées directement aux bénéficiaires (le tiers-payant peut cependant être mis en oeuvre sur simple demande du bailleur ou du prêteur).

En 2009, 15,6 milliards d'euros de prestations d'aides individuelles au logement ont été versées à environ 6 338 000 ménages . Les locataires représentent 91 % des bénéficiaires.

Prestations versées en 2009

en milliards d'euros

APL

ALS

ALF

TOTAL

Locatif

6,4

4,7

3,5

14,6

Accession

0,3

0,1

0,6

1

TOTAL

6,7

4,8

4,1

15,6

Source : balances comptables 2009 Cnaf et CCMSA (montants arrondis à la centaine de millions)

Bénéficiaires au 31 décembre 2009

(arrondis en milliers)

APL

ALS

ALF

ENSEMBLE

Total locatif

2 447

2 290

1 018

5 755

Accession

172

74

338

584

TOTAL

2 619

2 364

1 356

6 338

Source : statistiques de bénéficiaires Cnaf et CCMSA (répartition entre location hors foyers et foyers estimée pour la CCMSA)

Les plafonds de ressources étant particulièrement stricts (pour ce qui est de l'aide à la location, ils sont légèrement supérieurs au Smic), les aides individuelles au logement bénéficient dans leur grande majorité aux ménages à revenus modestes. En 2009, hors étudiants, 76 % des locataires bénéficiaires d'une aide individuelle au logement avaient un revenu inférieur au Smic . 59 % des bénéficiaires sont des « petits ménages », c'est-à-dire des personnes seules ou des couples sans enfant, 18,5 % sont des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et 6,5 % sont étudiants .

En l'état actuel du droit, lorsqu'il présente sa demande avec retard, l'allocataire d'une aide individuelle au logement bénéficie d'une rétroactivité de trois mois que le présent article propose de supprimer .

L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.

II - La position de la commission

Afin d'établir sa position sur cette question, votre commission a demandé à la Cnaf les données relatives au paiement rétroactif des aides individuelles au logement : durée moyenne de rétroactivité, montant moyen correspondant, types d'allocataires bénéficiant de la mesure, etc.

Or, la configuration du système informatique de la Cnaf ne permet pas d'obtenir ces informations...

Cependant, la Caf de Rennes, à qui votre rapporteur a posé la même question lui a transmis les données concernant ses propres allocataires :

Nombre d'allocataires bénéficiant d'une aide au logement

5 080

Nombre d'allocataires ayant bénéficié d'un versement rétroactif

954

Dont :

Etudiants

482

Salariés

248

Chômeurs

65

Sans activité

59

Retraites

33

Apprentis

31

Stagiaires

9

Autres

27

Il en ressort deux observations : sans modification de comportement de la part des allocataires, la suppression de la rétroactivité pénaliserait 20 % des bénéficiaires, dont plus de la moitié sont des étudiants et un quart des salariés.

Si ce résultat doit être nuancé du fait du caractère universitaire de la ville de Rennes, il semble néanmoins infirmer l'idée selon laquelle la majorité des demandes tardives émanent des familles qui accèdent difficilement à l'information ou maîtrisent le moins l'établissement des dossiers. Au contraire, l'expérience des caisses montre que ces familles sont souvent aidées par différentes associations qui connaissent parfaitement les règles et les procédures. En outre, pour ce qui est des étudiants, il faut rappeler qu'ils bénéficient d'une information exhaustive sur leurs droits à chaque rentrée universitaire. Il fait peu de doute que les services des universités et les syndicats étudiants communiqueront activement sur l'évolution de la réglementation.

C'est précisément la raison pour laquelle votre rapporteur émet de sérieux doutes sur l'ampleur de l'économie attendue de cette mesure . La fiche d'évaluation préalable de cet article, jointe en annexe au projet de loi, fait état d'un gain de 240 millions d'euros, réparti à parité entre l'Etat et la branche famille. Il est cependant précisé que cette évaluation « présente des limites », car « il est possible  qu'une fois la législation connue, les acteurs s'adaptent et déposent immédiatement leur demande d'aide au logement afin de ne pas perdre de droits ».

Consciente que la mesure aura un impact financier très limité, mais considérant qu'elle ne conduit pas à réduire le montant des aides au logement, votre commission vous demande d'adopter cet article, sous réserve d'une modification d'ordre strictement rédactionnel.


* 69 L'allocation de logement temporaire n'est pas une aide individuelle au logement, mais une aide versée aux associations ou aux centres communaux d'action sociale qui peuvent, après signature d'une convention avec la préfecture, en bénéficier pour héberger, à titre temporaire, des personnes très défavorisées qui, provisoirement, n'ont pas accès à un logement autonome et ne peuvent avoir droit aux aides individuelles au logement.

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