F. UNE PRESSION MOINS FORTE SUR LES CAPACITÉS D'ACCUEIL DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

1. Un taux de surpopulation carcérale à la baisse mais encore de 110,1 %

Depuis plusieurs années, votre rapporteur spécial dénonce sans discontinuer les conditions de détention parfois inhumaines dans les prisons françaises, du fait de leur vétusté et d'un taux de surpopulation carcérale élevé. Or, les conditions mêmes de détention, notamment la promiscuité, peuvent être un facteur de « contagion » de la délinquance, contraire à l'objectif premier de la peine, à savoir l'amendement du condamné 49 ( * ) .

Au regard de cette situation, l'année 2010 confirme l'amorce d'amélioration constatée en 2009 . Ainsi, alors que l'exercice 2008 s'était caractérisé par un niveau de surpopulation historique (126,5 % au 1 er juillet 2008), le taux d'occupation a été ramené à 110,1 % au 1 er juillet 2010 . Au total, à cette date, 62 113 personnes étaient écrouées et détenues pour 56 419 places opérationnelles.

La préoccupation majeure demeure, dans cette perspective, les six établissements (Gagny, Majicavo, Tours, Orléans, La Roche-sur-Yon et Fontenay le Comte) dont la densité reste supérieure à 200 % et qui concernent encore 1 009 détenus.

2. Le programme de rénovation et de construction d'établissements commence à porter ses fruits

Parmi les éléments d'explication de la baisse du taux d'occupation moyen des établissements, le programme ambitieux visant à la modernisation du parc immobilier de l'administration pénitentiaire au travers de la création de 13 200 places supplémentaires de détention joue un rôle déterminant .

Initié par la LOPJ, ce programme comporte 10 800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et 2 400 places dédiées à l'application de nouveaux concepts pénitentiaires adaptés à la diversité de la population pénale, en particulier pour éviter le risque de « contamination par la promiscuité » (2 000 pour les détenus majeurs et 400 dans les structures exclusivement réservées aux mineurs).

Comme l'indique le tableau ci-dessous, les efforts consentis au titre de l'investissement pénitentiaire ont essentiellement commencé à produire leurs effets à partir de 2008 . Au cours de cette année, en effet, ont commencé à être ouvertes les premières grandes tranches du programme immobilier de l'administration pénitentiaire (établissements pénitentiaires pour mineurs, centre pénitentiaire de Mont de Marsan et centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion, notamment). Dans la continuité, l'année 2009 a connu de nouvelles livraisons (Roanne, Lyon Corbas, Nancy, Béziers, Poitiers, Le Havre et Le Mans) et a perçu les dividendes de ce programme en termes de baisse du taux d'occupation et d'amélioration des conditions de détention.

Les créations de places en établissements pénitentiaires sur la période 2004 - 2013

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Programme 13 200

0

0

0

210

1 437

3 562

2 471

1 776

1 157

450

Autres opérations

584

531

427

87

402

405

448

219

497

50

Orléans Saran

752

Création brute de places

584

531

427

297

1 839

3 967

2 919

1 995

1 654

1 252

Fermetures de places

0

0

0

0

207

795

687

856

433

217

Création nette de places

584

531

427

297

1 632

3 172

2 232

1 139

1 221

1 035

Source : Chancellerie

Parmi les principales opérations , la mise en service des nouveaux établissements de Poitiers (centre pénitentiaire de 562 places) est intervenue en octobre 2009, celle de la maison d'arrêt du Mans (401 places) en janvier 2010 et celle du Havre (centre pénitentiaire de 690 places) en avril 2010.

Un nouveau lot, en PPP, comprend la construction des centres pénitentiaires de Lille-Annoeullin (688 places) et de Réau (798 places) ainsi que les maisons d'arrêt de Nantes (570 places) et Rodez (100 places). Les ouvertures sont respectivement prévues en juin 2011, mai 2012, octobre 2011 et courant 2012.

Par ailleurs, le programme dit « 13 200 » prévoit la réalisation de deux maisons centrales . La première, d'une capacité de 238 places, sera réalisée à Vendin-le-Vieil 50 ( * ) . La deuxième, d'une capacité de 249 places, sera située à Condé-sur-Sarthe 51 ( * ) . Les travaux ont débuté au troisième trimestre de l'année 2010 et la livraison des deux sites est prévue en 2012. Concernant le futur centre pénitentiaire d'Orléans Saran (752 places), la mise en service est prévue à la fin de l'année 2013.

Alors que le programme dit « 13 200 » s'est déroulé sans retards majeurs, un nouveau plan de création de 11 000 places est d'ores et déjà projeté. Ce plan s'inscrit dans le prolongement de la réflexion conduite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et consiste à se fixer pour objectif la fermeture des établissements les plus anciens, dont la date de construction est antérieure à 1900.

Enfin, le Président de la République a annoncé, devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin 2009, la création de 5 000 places nouvelles , venant s'ajouter aux 11 000 déjà prévues. Parmi ces créations, environ 1 000 à 1 200 places résulteront de la rénovation de la prison de la Santé sur son site actuel, cette livraison étant prévue pour 2015.

Même si les résultats en termes de condition de détention restent à affermir, votre rapporteur spécial tient à souligner l'effort prospectif et d'anticipation mené dans le domaine de la création de places au sein des établissements pénitentiaires .

3. Les autres facteurs explicatifs de l'amélioration de la situation

Si l'ambitieux programme pénitentiaire explique une bonne part de la pression à la baisse sur les capacités d'accueil des établissements, d'autres facteurs jouent également un rôle important dans ce début de renversement de tendance .

Parmi ces facteurs explicatifs, la politique pénale occupe une place essentielle. Une analyse détaillée de la catégorie pénale est à cet égard instructive. La population des détenus condamnés a ainsi connu une hausse de 16 % entre janvier 2007 et janvier 2009, mais a reculé de 1,6 % entre janvier 2009 et janvier 2010. Dans le même temps, les effectifs de prévenus ont régulièrement baissé au cours des dernières années : - 22 % entre janvier 2006 et janvier 2010. La part des prévenus dans la population carcérale est ainsi passée de 35 % à 25 % entre le 1 er janvier 2006 et 2010.

Ces évolutions contrastées ne sont pas sans conséquence sur le taux de population des différentes catégories d'établissements pénitentiaires (maison d'arrêt, centre pénitentiaire...).

Par ailleurs, la relative stabilisation du nombre de personnes détenues est également liée à l'évolution des aménagements de peines au cours des dernières années. Le nombre moyen annuel de condamnés bénéficiaires d'une mesure d'aménagement de peine a doublé entre 2006 et 2009. Cette évolution est majoritairement due aux personnes placées sous surveillance électronique, qui ont plus que triplé sur la période. Au 1 er août 2010, on comptait ainsi 5 718 placements en cours. Les personnes placées à l'extérieur et en régime de semi-liberté connaissent, en revanche, une augmentation plus modérée.

La loi pénitentiaire précitée prévoit d'ailleurs le placement sous surveillance électronique (PSE), de manière systématique, pour toute personne incarcérée initialement condamnée à une peine inférieure ou égale à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur à quatre mois (sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité entre la personnalité du condamné et la nature de la mesure ou risque de récidive). L'objectif de cette disposition est de permettre le PSE de personnes détenues et n'ayant pas construit en détention de projet préalable d'insertion. Elle vise à faire bénéficier d'un aménagement en fin de peine un nouveau type de public qui aurait été définitivement libéré sans accompagnement.

Votre rapporteur spécial souligne en outre que le coût journalier du PSE est de 11,89 euros (hors dépenses de personnel), contre 87 euros pour une journée de détention .


* 49 Voir le rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires : « Prisons : une humiliation pour la République ». Document Sénat n° 449 (1999-2000).

* 50 Pas-de-Calais.

* 51 Orne.

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